[Carrefour des mines]
Au sortir de la mine, Guéric à sa suite, les mains encombrées de paniers remplis de pierres, Bettym put sentir une tension grandissante chez les personnes se trouvant à ses côtés à la fin de la journée. En tant normal, elle n'en aurait pas tenu compte mais ce jour-là, un homme, habillé de belles factures, peu courant dans cette zone, se tenait debout observant tout le monde, regardant de temps à autre le régisseur de la carrière qui lui répondait par des mouvements de tête négatifs. Quand elle arriva à leur hauteur, l'administrateur dit à son voisin...
- Voici la Dame que vous cherchez, Sieur !
- Dame Béatrice Madelaine ?
- Oui ? fit-elle, légèrement inquiète. Un instant, elle repensa à la menace de la Princesse Armoria, qui lui avait promis un procès en bonne et due forme. Que puis-je faire pour vous ? retenant le trémolo de sa voix, son fils caché dans ses jupes.
- Le bureau de la citoyenneté m'envoie, Ma Dame, fit-il en lui tendant un parchemin qu'elle décacheta et lut.
Un large sourire s'afficha et si ce n'était pas sa tenue, elle aurait sauté au cou du messager. Inspirant profondément, elle regarda le coursier et...
Je vous remercie, Sieur, d'avoir eu l'obligeance de m'informer aussi vite. Pourriez-vous remettre un message à Dame de Proisy Fortunat de ma part ? Devant l'assentiment de l'homme, elle poursuivit. Veuillez la remercier profondément pour cette marque de confiance et par sa personne tout le bureau et le conseil poitevin. Je vous en serai grée.
L'homme s'inclina en guise d'entendement et elle répondit de la même manière puis se tournant vers son fils...
Mon petit amour, nous sommes Poitevins ! Nous allons pouvoir commencer notre nouvelle vie en toute quiétude ! lui envoyant une pitchenette du doigt sur le bout de son nez le faisant bouder un peu. Et si nous allions fêter ça ! Que dirais-tu... elle marqua une pause... d'une grimollée ? Les yeux pétillants de gourmandises, Guéric sauta sur place ce qui la fit rire de bon coeur. Alors en route, jeune homme !
Elle salua l'intendant de la mine et d'un pas allègre, elle se dirigea vers la cité de La Rochelle où elle avait élu domicile depuis plusieurs semaines maintenant.
[Auberge Municipale]
La chaleur qui régnait dans l'établissement fut presque étouffante après la froideur de l'extérieur. Elle s'attela de dévêtir son héritier avant d'enlever sa cape et de s'avancer jusqu'au comptoir...
Bonsoir ! Serait-il possible d'avoir un repas d'exception avec de la grimollée, mon fils et moi avons quelque chose à fêter ! puis son regard tomba sur un parchemin laissé là... Puis-je ? Devant l'acquiescement, elle commença à lire le document et fronça les sourcils.
Citation:
Bourgogne et Bourbonnais-Auvergne s'allient
Clermont (AAP) - En discussion depuis plusieurs semaines, les Duchés de Bourgogne et du Bourbonnais-Auvergne viennent d'apposer leurs sceaux au bas d'un traité d'alliance.
Déjà unis de longue date par un traité d'amitié, Bourgogne et Bourbonnais-Auvergne ont ratifié le 25 février 1458 un traité d'alliance rapprochant leurs deux peuples encore plus étroitement. Ce traité, articulé autour des paroles du prophète Aristote telles que rapportées dans La Vita d'Aristote (Premier Livre, Chapitre Douzième LErmite), débute pas ces mots :
"Cest à limage de cet enseignement dAristote que nous prenons la plume en ce jour. Car sil est inhumain pour un homme de vivre en marge de la Cité, il est immoral pour une province de vivre en marge du Monde. Lamitié sincère relie les hommes, comme elle relie nos provinces liés autant par lamour réciproque de nos peuples que par la reconnaissance de nos valeurs justes et morales.
Ainsi, ce jour dhui, éclairé par le Très-Haut et son enseignement propagé sur terre par ses justes prophètes, Nous, Sorane de Voiturienvenir, Duchesse de Bourgogne, et Nous, Fabien de La Fléchère Marigny, Duc du Bourbonnais-Auvergne engageons en fière alliance nos provinces respectives engageant par le fait même nos successeurs jusquà ce quil en soit décidé autrement."
Le Bourbonnais-Auvergne, écarté de l'Alliance du Centre quelques mois auparavant, semble avoir rapidement retrouvé en la Bourgogne un allié de taille. Notons également que cette alliance se veut avant tout une coopération en matière de défense des territoires, et de coopération marchande.
Céhenne, pour l'AAP.
J'avais vu juste ! La venue du Grand Maître de France à l'auberge de Clermont n'avait rien d'une coïncidence ! fit-elle comme pour elle-même.
Elle soupira, déçue mais peu surprise. Que pouvait faire l'épouse d'un pair, élue duchesse, si ce n'était de s'allier à un duché supervisé par des Pairs, telle que l'était la Bourgogne. Galswinthe et son successeur avaient vendu le Bourbonnais-Auvergne et le peuple n'avait rien vu.
L'allégresse qui l'avait habitée à la sortie de la carrière venait d'en prendre un coup mais très vite son fils la rappela à l'ordre et posant son regard sur le bambin...
Oui, nous y allons... Mais avant de partir vers leur chambre... Sieur, je souhaiterai prendre un bain également, serait-il possible d'avoir de l'eau chaude ? Merci.
Une fois à l'étage, elle tira le baquet vers le centre de la pièce, quand, au bout d'un petit moment, on frappa à la porte. Deux jeunes femmes entrèrent avec de gros pichets emplis d'eau chaude qu'elles versèrent dans la barbotière. Leur service fait, une des jeunes filles sortit de sa ceinture divers plis qu'elle lui tendit.
Merci, mes damoiselles. inclinant la tête avant de les voir sortir de leur chambre.
L'eau fumante incita à la prudence. Et elle opta de lire les différentes missives en attendant. Décachetant les lettres, elle en profita pour y répondre en suivant.
La première venait de son Poitevin inconnu. Elle y répondit immédiatement.
Citation:Cher Sieur,
Je suis heureuse de recevoir de vos nouvelles malgré le fait que je sois déçue que vous décliniez mon invitation même si je la comprends.
Néanmoins, je serai ravie de continuer à correspondre avec vous. D'ailleurs, je voulais vous faire part d'une nouvelle toute fraîche. A compter de ce jour, ma petite famille est poitevine. J'aspire par cette nouvelle vie profiter au maximum de l'opportunité qui m'ait redonnée d'aider ce duché du mieux que je pourrais le faire.
J'espère que nous aurons l'occasion de nous croiser très prochainement. Si ce n'est au domaine de Terves, au moins dans l'une des tavernes que compte La Rochelle. Ainsi, nous aurons l'occasion de mieux nous connaître.
Promettez-moi une chose. Dès votre retour en terres poitevines, veuillez me faire l'honneur de me prévenir.
En attendant de vous lire, je vous prie d'agréer, Cher Sieur, mes plus sincères salutations.
Fait en La Rochelle, ce 9e jour du mois de mars de l'an de grâce 1458
Béatrice Madeleine.
Satisfaite de sa réponse, elle sabla puis cira le pli afin qu'il soit cacheté et s'attela à la suivante qui n'était autre que celle de Minlawa...
Citation:Monseigneur,
Je serai ravie de pouvoir parler avec toi ! Cela fait si longtemps. Il me tarde maintenant que je suis Poitevine, de remettre en état le domaine de Terves et de t'y accueillir avec les plus grands égards.
J'attendrai ta venue avec grand plaisir.
A très vite j'espère.
Bettym
Sa réponse faite, en prenant la suivante, elle l'ouvrit tremblante en ayant reconnu le sceau...
Citation:Ma Chère Beths,
Je suis désolée d'apprendre pour ton frère et si je pouvais te soulager de cette terrible peine, je la prendrai sur moi afin que tu puisses vivre heureuse et déchargée de toute cette tristesse qui t'accable.
Mais une mauvaise nouvelle n'arrivant seule, je suis ravie d'apprendre celle que tu me portes en suivant ! Quel bonheur ne pouvais-tu me faire en me l'annonçant ! Je prierai Aristote et le Très Haut pour que cela se passe au mieux et malgré le fait que mon filleul adoré puisse être un admirable imbécile par moment, je sais qu'il ne fera pas son goujat. Pars sans crainte à sa rencontre et que le bonheur vous baigne !
Pour ma part, tout va pour le mieux. Je suis aujourd'hui Poitevine et fière de l'être surtout après avoir appris que le BA est dirigé insidieusement par la Pairie et ce, en partie, grâce à l'épouse de Sa Grâce Tixlu. J'ose espérer que vous ne le regretterez pas.
Enfin ainsi va la vie... En tout cas, quand tu seras en état de voyager, je veux te voir et m'occuper de toi si jamais Marty n'en a pas le temps. Saches que vous serez toujours en mon coeur malgré la distance et qui sait, un jour peut-être, nous aurons l'occasion d'être comme avant tous ces chamboulements.
En attendant, à défaut de ta petite personne, je vais m'occuper de vos terres et j'espère que vous serez fiers, tous deux, du travail que j'accomplirai en votre honneur.
Je t'embrasse bien fort ainsi que mon filleul.
Fait en La Rochelle, ce 9e jour du mois de mars de l'an de grâce 1458.
Bettym
Le coeur léger, un sourire aux lèvres en repensant à la bonne nouvelle qu'elle venait de lire, elle prit la dernière lettre qu'elle décacheta...
Citation:Dame Bettym
Je reçois votre lettre avec plaisir. Mon frère me manque tant........Je suis heureuse que vous veniez surveiller ses terres, je crains qu'un certain laisser aller ne s'y soit installé en l'absence du seigneur.
Je suis actuellement à Saumur mais je serais de retour sous peu. Nous pourrons nous rencontrer, je vous invite à Bressuires. Les terres de mon frère en dépendent.
J'appuirai votre demande d'installation, dame Bettym. Je redige un parchemin qu'un messager vous transmettra.
A tres bientôt
Icie de Plantagenet
Une plume de nouveau dans l'encrier et elle s'appliqua à répondre.
Citation:Votre Grandeur,
Je ne saurai vous remercier de votre confiance qui a eu un résultat des plus magiques, si je puis me permettre. Votre recommandation me permet aujourd'hui de vous dire que je suis Poitevine et fière de l'être.
J'accepte volontiers votre invitation sans compter que j'ai une nouvelle de la plus haute importance à vous faire part concernant votre frère qui je n'en doute point vous fera le plus grand bien.
J'ai hâte de vous servir ainsi que Marty et me tiens à votre disposition pour m'atteler à la charge qui m'a été octroyée.
Au plaisir de vous revoir très vite.
Cordialement
Bettym
Fait en la Rochelle
ce 9e jour de mois de mars de l'an de grâce 1458
Soupir de félicité en scellant à la cire le dernier pli qu'elle venait de rédiger avant de se tourner vers son petit monstre...
Allez mon grand ! Il va falloir te faire tout beau ! sourit-elle devant la moue de son fils.
Elle avait hâte de se mettre au travail maintenant. Tout en baignant son adorable galopin, elle imaginait tout ce qu'elle pourrait faire pour rendre la vie plus agréable aux habitants de la Seigneurie de Terves et comment elle aménagerait la bâtisse pour que le Duc de Billy et sa famille puissent profiter de leur séjour qu'elle espérait prochain...
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« Appauvrir les sujets est aussi un procédé propre à la tyrannie qui vise à ce quils ne puissent pas entretenir de milice et que pris dans leurs tâches quotidiennes, ils naient aucun loisir de conspirer. » (Aristote - Livre V)