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[RP Fermé] - Je n'attendais que vous

Fauconnier
Ambivalente petite damoiselle qui tourne et vire, n'arrivant pas à te coller un masque sur la figure, Faucon. Elle vire, tourne, et volte, dérangée dans son antre même par ta personne qui se veut non inquisitrice, mais simplement voyeuriste, telle une caméra de surveillance dans un coin d'une pièce.

Ambiance de Loft story.

Elle attise le feu, elle rit, elle ne sait que faire, et elle ne veut pas briser le silence entre vous deux ; ce silence avec lequel tu vis si bien, Faux con, depuis que tu es enfant, et qui est l'une de tes armes de prédilection. Une armée à double tranchant ; car peu de gens aiment écouter le silence. Elle te regarde de façon haineuse, et tu conserves ton masque d'affabilité et de courtoisie ; elle rit, et tu ris avec elle. Tu fais le parfait miroir, celui qui ne laisse rien percevoir de toi. Tu en joues, et cela t'amuse. Un fauteuil est amené, et tu t'installes confortablement dans celui-ci. La collation suit, et tu manges comme un moineau, du bout des doigts, ne paraissant avoir d'appétance que pour ce silence ténu qui est entre vous. Elle te plait un peu, la petite damoiselle. Par son tempérament bouillonnant ; par sa moue mignonette qui passe en un clin d'oeil du sérieux au comique, du lyrique au tragique. Un visage d'actrice ; un parfait visage de petite noble que tu es. Mais cela restera toujours au second plan de tes projets, jeune faucon : car il n'y a pas de place pour le sentimentalisme, chez toi. Vous mangez ainsi en silence un long moment, sans vous préoccuper outre mesure de faire la conversation ; c'est mieux comme ça. La pitance est bonne ; l'eau de vie fameuse ; au moins cette visite qui n'en était que peu agréable aura-t-elle été servie par un beau visage, une belle croupe à son service, un bon feu et une bonne pitance. Ainsi parfois, simplement, était situé le temple du bonheur. Et aussi improbable que cela puisse paraitre, parfois la nourriture partagée crée l'entente, et c'est d'un ton presque affectueux qu'elle demande :


-« Il y a des discussions qui méritent la nuit, mais ces discussions-là sont importantes. Quel est donc le sujet dont vous voulez m’entretenir Vicomte ? Puisqu’il faut que ce soit important n’est ce pas ? » Et un sourire de percer chez le Vicomte. Parce qu'enfin, enfin, enfin, la voilà l'ouverture dans ta garde. Celle dans laquelle tu vas t'engouffrer pour fourbir tes armes et lancer tes opérations. Non, Faucon, tu n'es pas un habile de la langue. Parce que tu mues ; parce que ta voix passe du barytonausaure bassif à la crécelle suraigue ; parce que tu n'as jamais beaucoup parlé ; parce qu'on ne t'a jamais non plus beaucoup adressé la parole. Tu as toujours vécu dans ton petit monde individuel, tourné vers tes seules préoccupations. Tu n'étais qu'une gentille marionnette que l'on exposait lors des cérémonies au profit des Margny ou des Jeneffe. En bref, un simple instrument qui n'a pris sa destinée en main que lorsqu'il a reçu son héritage. Alors tu parles peu. Alors tu tentes de ne pas bégayer. Alors tu apprends des textes par coeur, pour improviser le moins possible. Ambivalence extrême de ce jeune homme qui parlait peu mais qui, pour peu que la passion l'animât, pouvait se changer en un orateur très acceptable. Alors tu as réfléchi à cette conversation avec l'Altérac. Et tu exposes tes armes, petit d'homme. Tu les exposes à la vue de cette jeune fille, pour savoir si elle voudra bien jouer avec toi ou non. Andante.

Il se lève, et se rapproche du feu. Peut-être a-t-il besoin de dominer son auditoire du regard ; peut être simplement se sent-il plus stable dans son discours une fois debout. Une chose est sûre, tu ne la regardes pas dans les yeux lorsque tu commences à parler, Vicomte.


- " Vous n'ignorez pas que je suis à l'heure actuelle pupille de l'Ordre Royal de Chevalerie de la Licorne, confié à la responsabilité du Capitaine Cerridween de Vergy. Vous vous êtes adressée à elle afin de recevoir des leçons d'équitation, qui puissent vous permettre de monter de façon correcte une haquenée. Elle a donc étudié votre proposition, et m'en a fais part, car dans son état actuel, elle ne pourrait pas superviser efficacement votre apprentissage. Elle a livré combat il y a peu à La Rochelle et s'en est sortie diminuée : il lui faudra donc beaucoup de repos et de calme. J'ai donc accepté, le temps de son rétablissement, de prendre sa place auprès de vous. Je vous apprendrais donc la monte.

Ceci est la première des raisons qui me mènent auprès de vous. Nous commençons demain. "


Et là tu savoures, jeune Faucon, en te retournant. Tu savoures l'expression étonnée qui traverse ce visage, cette expression de surprise et d'inconfort mêlée. Oui, je serais ton maistre. Désolé si cela ne te plait pas. Mais tu as encore d'autres choses à déballer de ton sac. Et celles-ci sont délicates. Aussi te retournes-tu et la regardes-tu attentivement, désormais, pour mieux scruter ses réactions.

- " En deuxième lieu... Vous n'ignorez pas que votre famille et la mienne sont unies depuis un long temps par plus que de simples liens de voisinages. Nous avons été liés au sein de la noblesse du Comté du Limousin et de la Marche, au sein de son conseil, et au sein de l'Ordre Royal de Chevalerie de la Licorne.

Rentrant sous peu en le Comté Franc de Bourgogne, je dois donc laisser le Limousin et Isle là où je les laisserais. Mais auparavant, je veux faire offrandes à des familles qui tiennent beaucoup pour ma famille, et pour moi. La vôtre en fait partie. Aussi pensais-je donner une seigneurie à votre famille, mais las, donner une seigneurie à votre mère, qui est lors déjà Vicomtesse et Paire de France, ce serait d'un mauvais goût impossible. Alors... Réfléchissant, je me suis souvenu que vous n'auriez point héritage en propre à la mort de votre mère. Aussi voudrais-je soutenir votre éventuel mariage et votre situation, en vous octroyant le titre de Dame de Thias. Cela pour renforcer les liens qui unissent nos familles.

Vous seriez, bien entendu, libre de refuser... Ceci était la deuxième chose qui me fit venir chez vous à pareille heure. "


Et Adrian, cette tirade faite, de retourner à son fauteuil et de se rasseoir dedans. Puis, tendant les jambes devant lui, faisant fi de toute étiquette, il reprit son verre à demi entamé de framboise, avant que d'en consommer une bonne lampée.
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Aleanore
Et enfin les choses de grands commencent, quand il se lève, jetant une ombre fine sur la jeune fille, pipe au bec, elle se concentre sur les gestes, le comportement. Prendre la mesure de son interlocuteur, s’il est venu à cette heure, le sujet doit être important ou au moins intéressant, et les mots s’égrainent dans le silence brisé par le crépitement du feu. Un sourire moqueur erre sur les lèvres purpurines, non, elle n’ignore pas que parce que son père était Bralic, alors il est pupille de la Licorne, alors que sa sœur cadette se bat chaque jour pour y rentrer, lui obéit sous les ordres du Capitaine, moue méprisante, faillible la Licorne. La bouffée est aspirée avec agacement, il ne lui apprend rien, elle sait tout cela, un sourire néanmoins, une haquenée ? Bélial, l’image de l’imposant percheron lui vient en mémoire, avant de se reconcentrer sur les propos tenus, avec une certaine lassitude, elle sait tout cela aussi, puisqu’elle veut parler de l’évènement de la Rochelle avec la Pivoine, et alors qu’elle s’apprête à prendre son verre pour en boire une lampée, le laissant ainsi déblatérer vainement, les derniers mots la plongent dans l’incompréhension la plus totale. La main fine reste dans l’air à quelques centimètres du verre, tendue dans le geste qu’elle allait esquisser, les noisettes quant à elles, sont figées sur le visage du Faucon. Surprise, oui, de se voir reléguer au simple rang d’élève d’un jouvenceau. Surprise d’apprendre que les blessures sont plus importantes qu’elle le pense, à tel point, qu’elle ne peut venir la visiter, cette femme qu’elle a toujours vu aux côtés des siens, comme un membre de la famille, si elle savait l’Etincelle, et la jeune fille de déglutir en imaginant les mercenaires qu’elle a rencontré causer des blessures assez importantes pour clouer au lit la Pivoine. Et l’espace d’un instant, repassent devant les yeux de la jeune fille, les visages de ceux qu’elle avait su apprécier malgré leurs origines et leurs mœurs anormaux. Karine et les cours de broderie, l’or pâle de sa chevelure que la renvoie à celle flamboyante de Jules.. Grand frère.. Pas de nouvelles du roux, le Balbuzard l’a-t-il tué ? Maleus et son présent surprenant, égorgeuse qui ne la quitte plus quand elle quitte le calme idyllique de Concèze. Une buche explose sous la chaleur, provoquant une gerbe d’étincelles, la ramenant à une journée où il y avait un feu. Eikorc. Lequel d’entre eux avait causé les blessures de la Pivoine ? Renvoi à une conversation avec sa Flamme, quelques années auparavant, oui, les gens ne sont pas tous blancs ou noirs.. Et toi, Faucon, es-tu gris foncé ou gris clair ? L’air satisfait du jeune homme l’exaspère, et déjà, il reprend, ne lui laissant pas le temps de répondre, les noisettes se plantent dans les charbons, orgueilleuses, attendant la suite, savoir ce qui lui donne cette assurance qu’il ne devrait même pas se permettre.

L’angoisse soudain, quand il commence à parler des liens entre leurs familles, quelque chose va se jouer d’important et ne pas le savoir, lui cause un certain malaise, s’attendant presque au pire, et alors qu’elle avait craint qu’il ne parle d’engagement, le voilà qui continue sur sa lancée et parle de seigneurie. Soupir expiré, soulagement éprouvé avant que les mots prononcés ne lui fassent l’effet d’une gifle, un long frisson parcourt le jeune corps quand elle se retient de lui sauter à la gorge, de lacérer de ses ongles le visage trop courtois en face d’elle qui l’insulte par sa simple présence. Croit-il qu’elle a besoin de sa charité parce qu’elle est bâtarde ? Quel mariage ? Elle voudrait crier qu’il n’y aura pas de mariage, jamais, parce que personne ne voudra jamais d’elle, mais elle se tait, se contentant de foudroyer du regard le jeune homme en face d’elle. Et quand il se repose dans le fauteuil comme le ferait un propriétaire, les noisettes haineuses jusque là, deviennent meurtrières, et la pipe est reposée brusquement sur le guéridon tandis que l’Etincelle s’extrait soudainement du fauteuil pour rejoindre le feu à son tour, mains s’entremêlant nerveusement tandis que sous la chevelure brune, c’est un chaos innommable qui s’impose. La haine contre cet avorton qui se croit tout permis sous prétexte qu’il est le fils d’un homme qui a su le reconnaître et qu’il peut ainsi toucher de près aux grandes familles, se faire un nom, une place au détriment des autres. Mais il y a cette terre, vénale Aléanore qui s’imagine y implanter des pieds de framboisiers pour développer plus encore, une culture que le climat limousin favorise. Cette terre qui restera sienne à la mort de ses parents, hoquet de douleur à l’idée qu’on pourrait lui retirer Concèze un jour, à l’idée de ne redevenir que la bâtarde des Alterac. Thias.. Le salut. Oui, mais et l’orgueil ? Il ne servira à rien quand elle ne sera plus rien. Lentement, elle se tourne et fait face au Faucon, pour enfin prendre la parole.


-« J’accepte votre proposition Vicomte. Pas pour un éventuel mariage qui n’aura jamais lieu mais bel et bien pour ma situation que vous semblez bien connaître. Je vous laisse décider de la date et du lieu.»


Et la lippe boudeuse de refaire surface, exprimant très clairement que l’idée qu’un autre qu’elle se renseigne sur les gens, l’énerve au plus haut point mais de nouveau, un sourire moqueur vient se glisser sur les lèvres de la jeune fille, s’il savait le Faucon qu’il a jeté son dévolu sur la mauvaise représentante de la famille Alterac. Sais-tu Adrian que je ne suis rien ? Rien d’autre qu’une erreur, un échec et que je n’ai rien de commun si ce n’est le sang avec celle que tu sembles admirer. Petit réconfort qui met du baume sur l’amour-propre blessé de la jeune fille, n’être qu’un faire-valoir, un nom. Soudain, sa présence l’épuise, et l’envie de gagner son lit se fait plus pressante, en finir avec cette discussion et aller dormir. Mais il lui faut régler les derniers détails et c’est avec un plaisir puéril qu’elle se moque.


-« Pour nos leçons de demain, ne vous attendez pas à apprendre à une oie blanche la monte en amazone sur haquenée. Bélial n’a rien d’une haquenée.. Enfin.. Vous verrez cela demain.. Oui, demain, car Vicomte, pardonnez mon impolitesse mais je vais de ce pas, regagner ma chambre, la votre a du être préparée. »


Clair et net, elle est fatiguée, il est tard, le jeu est fini, il a gagné. Comme un goût amer dans la bouche avant de se plier dans une petite révérence, qui a au moins le mérite d’être présente. Le verre est vidé en une gorgée et reposé brusquement tandis que Clarisse déjà arrive, obéissant à cet instinct que développe les fidèles domestiques leur permettant de répondre aux attentes de leurs maitres sans même qu’elles ne soient énoncées. La pipe, son nécessaire et la bonbonnière remplies de pâtes de fruits sont récupérés par la blonde qui s’empresse d’emmener le tout dans la chambre à l’étage, préparant à l’avance la tenue pour la nuit de la jeune fille. Jeune fille, debout dans le salon, hésitant encore à quitter la scène sans une dernière pique, et alors qu’elle s’apprête à quitter la pièce, l’Etincelle fait demi-tour et s’appuie contre le dossier du fauteuil où le jeune homme est assis. Les mains se posent sur les épaules du Faucon tandis que la jeune fille approche son visage du sien pour murmurer à son oreille.


-« Vous verrez, nous allons follement nous amuser.. Cher suzerain. »


Et déjà, la jeune fille s’écarte et quitte la pièce, refermant la porte du salon derrière elle. Dans les escaliers, la rampe glisse lentement entre les doigts, les noisettes croisent le regard perplexe de la cuisinière qui attend en bas avec les aides de cuisine pour desservir, comme une chape de béton, l’impression d’avoir été joué tombe sur les épaules de la jeune fille mais qu’importe, ne plus avoir Concèze, ne plus avoir de terres, cela veut dire rentrer à la maison, les quitter ces personnes qui ont su s’immiscer dans sa vie quotidienne. Clarisse, Hugues, Lison, les palefreniers, ses gens, son quotidien qu’elle doit sauver. Le choix était le bon, et c’est avec un sourire déterminé que la jeune fille continue son ascension, et enfin entre dans sa chambre où la camériste l’attend une brosse à la main. Sans bruit, elle se laisse dévêtir, sans bruit, elle se laisse rhabiller pour la nuit, sans bruit encore, elle s’assied devant la coiffeuse, laissant la blonde gironde défaire la tresse et démêler les boucles brunes qui s’écoulent dans les reins de la jeune fille et enfin, alors qu’elle est prête pour aller dormir, Aléanore se tourne vers sa camériste, un sourire doux sur les lèvres, la main gauche ôte doucement la brosse en argent des mains plus épaisses de la servante, tandis que sa sœur vient cueillir une mèche dorée qu’elle replace derrière l’oreille.


-« Voudrais-tu .. Comment.. »


Un instant, un soupir, comment présenter la chose, car si elle a déjà vu la jeune blonde flirter à droite et à gauche, celle-ci lui a jurée être toujours vierge, comment expliquer lors à une jeune vierge, qu’elle va devoir sacrifier son pucelage pour les besoins de sa jeune maitresse. Un instant, un soupir, innocence que tu es douce, comme la peau de sa joue si dodue. Ronde Clarisse, blonde Clarisse, tout son opposé que cette tendre bourguignonne d’une vingtaine d’années qui la sert depuis maintenant deux ans, sans rechigner à la tâche, toujours fidèlement qu’importe les ordres, et Dieu seul sait que les ordres de l’Etincelle peuvent être saugrenus certaines fois, mais là, c’est autrement plus compliqué, car pour la première fois, Aléanore se rend compte qu’elle y tient à cette jeune femme et l’idée de la sacrifier pour servir ses intérêts lui donne la nausée, et c’est la jeune blonde qui rompt le silence oppressant.


-« Comment quoi ? »
-« Comment trouves-tu le Vicomte ? Pas aussi beau que le Valfrey n’est ce pas ? »


Sourire amusé jeté en coin à sa camériste dont elle connaît le goût pour l’impérial fiancé de sa Flamme, main fine qui presse celle de la blonde doucement.


-« Je vais aller me coucher, ne t’inquiète pas, toi.. Tu iras préparer le Vicomte pour la nuit, Clarisse, je ne sais pas si son valet peut le faire et .. S’il te .. demande.. Tu sais.. Tu devras accepter ma Clarisse. Pour nous. »
-« Je le ferai.. »


Sans un bruit, la jeune fille attire la camériste contre elle, enserrant le corps plus épais que le sien dans ses bras fins, calmant de mots tendres, de berceuses, les tremblements de la blonde qui sait ce qu’elle s’apprête à faire sans bien savoir pourquoi elle doit le faire si ce n’est parce que sa maitresse lui a demandé. Fidèle Clarisse qui se redresse doucement, esquisse une révérence et quitte la chambre, laissant seule, Aléanore en proie à ses doutes. Et ce choix-ci, est-il bon ? La jeune fille se laisse tomber sur le bord de son lit, assise, la tête entre ses mains avant de se laisser tomber en arrière, bras en croix. Seul réconfort, le jeune Faucon n’a pas l’air très costaud, peut être ne la blessera-t-il pas.. Mais avec les hommes, on peut s’attendre au pire, lèvre mordillée avant de se tourner sur le ventre et de rejoindre le haut de son lit à quatre pattes pour se glisser sous les couvertures, bougies soufflées, noir complet, l’oreille était aux aguets, et alors que les ongles retrouvent ce tic dévastateur et massacrent les draps, un soupir s’échappe dans la chambre de la Dame de Concèze.


-« Pardon Clarisse.. »

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La Rançon du Succès d'une Pouffy-girl
Fauconnier
Comme une pièce qui s'ouvrirait soudain, sur un monde givré.

Les rencontres et les désillusions font partie des aléas traditionnels de la vie. Ils forment une toile d'araignée magnifique qui tisse les liens émotionnels reliant l'humanité, et reliant les personnes entre elles. Une toile d'araignée faite d'amour et de haine, qui s'effiloche parfois, qui se brise de temps à autre au fil des émois et des manques, des trahisons et des méchancetés. Une toile d'araignée qui se renouvelle souvent, au gré des rencontres et des émotions que les gens se vouent. Sommes-nous autre chose que des araignées, tissant chacun notre propre toile, au gré des vents, et au gré des rencontres ?
Adrian venait de nouer un lien avec Aléanore Jagellon Altérac. Un lien inattendu, et distendu, aussi filace et sécable qu'un spaghetti qui sortirait d'une marmite d'eau bouillante. Mais ce spaghetti existait bel et bien, et il était là. Au commencement était le 1. Le point, qui représente l'existence. Puis vint le 2. La droite, qui relie deux points. Avant le trois, et le triangle. Une droite, entre deux personnes. Elle avait accepté. Elle venait de lui donner son accord. Et le jeune noble n'en était pas étonné outre mesure, mais soulagé. Il n'aurait pas été dans les intérêts de la jeune femme de refuser. Mais la vie était ce qu'elle était, et mes biaux lecteurs, parfois, même le plus grand des pâtissiers peut complètement échouer dans la réalisation du gâteau le plus simple qui soit. Aléanore Jagellon Alterac serait donc sa vassale devant Dieu et les hommes, pour la suite de cette vie.
Pourquoi l'avait-il choisie ? Parce que les raisons qu'il lui avait exposées étaient bonnes. Adrian n'avait pas menti, et avait réellement dit la vérité, en disant qu'il voulait renforcer les liens avec d'autres familles. Mais la base en était beaucoup plus simple : elle était que s'il retournait bientôt en Franche-Comté, il savait qu'il devrait quitter le Limousin avec des alliés ; avec des personnes sur qui il puisse compter là-bas. Des appuis politiques ; des personnes dont il était sûr. C'était à ce titre qu'il avait fait aussi la même proposition à Nébisa de Malemort, car Nébisa et MarieAlice étaient les deux poids lourds politiques du comté. Ainsi, il voulait clairement montrer qu'il était présent dans ce comté, et qu'il n'était pas seul, et pas isolé. Ainsi, les dons de terre renforceraient ses alliances. Mais si MarieAlice lui était inaccessible de par sa position, il n'était pas obligé d'aller vers Aléanore. Il aurait pu favoriser Maève, l'ainée, car elle serait la chef de famille après sa mère. Mais Aléanore avait un avantage que Maève ne possédait pas : elle avait beaucoup plus de liens avec la Zoko, et avec le monde du chaos qu'est celui des routiers et des mercenaires. Un monde dont Adrian aurait probablement un jour besoin. Et dans lequel il préférait poser des jalons. Aléanore était ainsi, malgré le fait qu'elle fut particulièrement désagréable pour lui, une borne posée sur un coin de route ; un repère pour avancer.

Soulagé, il la regarda debout, passer dans son dos en direction de la porte de la pièce. Il continua à regarder le feu, ressassant la soirée dans sa tête pour s'assurer un bon débriefing mental. Il exposait ainsi mentalement comment il aurait pu faire différemment, et améliorer ainsi sa façon de faire. Il se considérait ainsi toujours comme une sorte de pierre brute, que l'on devait modeler pour parvenir à l'excellence. Il sursauta légèrement lorsque les mains de l'Alterac se posèrent sur ses épaules, alors qu'il était perdu dans ses pensées, et la sentit descendre jusqu'à son oreille. Il sourit. Il sourit à cette petite phrase de jeune fille qui se donnait des airs de catin des bas fonds, de prostituée aguicheuse. "On va follement s'amuser, mon suzerain". Il ne la regarda pas alors qu'elle sortait. Il observait le feu, tentant de savoir qui, de la Flamme ou de l'Etincelle, était la plus forte. Avait-il choisi la mauvaise Alterac ? Il n'en savait rien. Mais il savait que dans tous les cas, il réagirait face aux évènements qui ne manqueraient pas de survenir. De cela, il mettrait sa main au feu.

Il resta encore quelques instants à savourer la paisible tranquilité de ce lieu qui ne connaissait pas la guerre et la discorde. La politique d'un comté pouvait-elle être mauvaise, au moins serait-il épargné par les affres de la désolation qui rendaient certains duchés à l'heure actuelle invivable. Il était paisible, ce manoir de Concèze où l'Etincelle avait ses quartiers. Une bâtisse très calme, où tout un chacun paraissait prendre patience face à ses attitudes parfois exacerbées, et où l'affection semblait la place normale que l'on devait à la maitresse des lieux. Adrian en était ému ; lui qui, à Isles, n'avait pas créé la même synergie ; peut-être par trop de timidité et de manque de communication. Qui pouvait bien savoir ? Le jeune homme qui n'avait plus de réelle famille depuis ses 10 ans apprenait à faire confiance à nouveau à des gens qui lui en paraissaient dignes ; Ilmarin et Rhuyzar ; son Chevalier ; mais il restait froid et distant, ne montrant pas l'affection qu'il avait pour les gens. Pour ne pas paraitre faible, et ne pas laisser d'emprise aux autres. Attitude solitaire d'un petit être qui ne demandait qu'à être aimé, mais qui s'était forgé une carapace d'égoïsme, de mesquinerie et d'ironie pour ne pas être touché et ne pas souffrir. Comme tu pouvais te sentir seul, Faucon...

Il suivit une domestique jusqu'à sa chambre peu après, intimant à Rufus qu'il pouvait aller dormir, qu'il se débrouillerait seul. Qu'il lui portât simplement nouvelle tenue pour le lendemain. Ceci fait, il pénétrât dans la chambre où il passerait la nuit, comme on pénétrerait dans une pièce connue cent fois comme si l'on en avait déjà parcouru des dizaines de semblables. Il y avait un lit. Il y avait deux ou trois coffres. Il y avait une chaise, et une vraie fenêtre. Il y avait une cheminée, avec du bois qui crépitait dans l'âtre. Il y avait une tapisserie aux motifs floraux et colorés. Il y avait un tapis par terre, aux tons simples et framboises. Il y avait une bassine au sol, et une autre sur une petite table, avec un broc dedans plein d'eau pour la toilette. Il y avait une bouteille de vin sortie, avec un verre, et des pâtes de fruits à la framboise. On avait tapoté les oreillers pour qu'ils soient pleins et fermes. On avait disposé de la paille fraiche à terre. On avait ouvert les draps, pour que le lit prenne lentement la chaleur du feu. Une lueur orangée se reflétait dans la chambre, une lueur d'outre-monde qui donnait au monde de cette chambre une coloration chaude, une coloration presque dansante et vivante. Il ôta ses bottes, et ses chausses. Il ôta sa tunique et restât simplement au bord du lit, en braies et chemise, à regarder encore une fois ce feu qui rendait la pièce si vivante. Il avait posé sa ceinture par-dessus, et ses cheveux épars renvoyaient à l'entour les reflets mordorés du feu de bois crépitant dans l'âtre solaire d'une chambre décorée d'après des goûts de jeune fille. Une chambre vivante sans être gaie ; une chambre fonctionnelle sans paraître outrancière. Une chambre d'hôte.
Adrian se servit un verre et s'installât sur la chaise, alors qu'il n'avait pas sommeil. Il se servit un verre et faisait aller son regard entre le feu et la nuit, où la lune presque pleine distribuait alentour une lumière blafarde et apaisante, alors que les étoiles constellaient en une myriade de petits points blancs, comme des trous d'aiguille sur une couverture tendue. Une gêne était en lui. Une gêne qu'il ne savait à quoi relier. Etait-ce l'Etincelle ? Etait-ce sa domestique ? Etait-ce le lieu ? Etait-ce le moment ? Tu étais troublé, jeune Faucon. Peut-être parce que tu avais pressenti, par quelque instinct irrationnel, ce qui allait survenir. Peut-être parce qu'elle te rappelait maladroitement quelqu'un, quelque chose, cette petite jeune fille introvertie et irascible, qui regardait avec haine ou amusement selon ce qui lui prenait. Tu repensais à celles que tu avais aimé. A ta mère, qui avait basculé dans la folie alors que ton beau-père était porté disparu. A ta soeur, qui était confié à un vieux précepteur fourbe qui lui faisait croire que tu ne l'aimais plus parce que tu n'écrivais pas, parce que tu étais dans ton devoir d'écuyer. A Antlia Kennedy... A cette baronne blonde, ecuyère de l'Ordre, qui t'avait provoqué ta première poussée de désir à Ryes, alors que tu l'avais regardé s'entrainer à l'arme émoussée. A cette impression de féminité et de force qui émanait de ton chevalier, de cette femme. De cette douceur rigide, qui caractérisait ces femmes qui donnaient leur vie pour protéger leurs semblables.

La porte s'ouvre. La domestique entre. Elle est gênée, et tu le sais, tu le sens. Tu es gêné d'entrée, et elle le sait, elle le sent. Le sang sent, celui qui se crée lorsque tu te mords légèrement la langue, alors que tes yeux ont d'ores et déjà compris pourquoi elle est ici, et qui l'a envoyée, et pourquoi. Elle est belle. Elle est jeune. A-t-elle déjà connue un homme ? Probablement. Une si belle femme doit avoir déjà eu de nombreux amants. Tu l'observes, et elle te plait d'autant plus. Ses formes pleines, de madone antique, donnent envie d'y reposer la tête lentement. Elle parait d'une douceur subjuguante, de celles qui créent l'émotion. As-tu peur, Faucon ? As-tu peur de ce baptême du feu, celui de la Vie, avant même celui de la Mort ? As-tu peur de ce que tu devrais faire ? As-tu peur de toi-même ? Peut-être bien...


- " ... Excusez-moi. Je croyais que vous auriez besoin d'aide pour ... vous préparer." Elle est touchante, d'innocence et de fraicheur. D'émotion contenue, et de son sens du devoir qui prévaut. Tu trembles, Faucon. Tes doigts tremblent légèrement sur ton verre, alors que tu réalises que tu avais envie de cela. Tu la regardes aux yeux, et tu y lis tout. Que tu ne lui plais pas ; qu'elle n'est ici que contrainte et forcée ; et que c'est sa maitresse qui, beaucoup plus, le fait en guise de "remerciement". Les mots se mêlent et se confondent dans ta gorge, et sur ta langue. Une hésitation si meurtrière que tu manques en perdre la parole.

- " Tout... *humhum*... va bien. Merci. "

Elle s'avance, Adrian. Elle s'avance vers toi, révélant tout ce qu'elle est, dans la lumière de l'âtre. Il n'y aura pas de quartiers.Toutes les promesses que son être recèle. Et tu es... blessé. A un point que tu ne diras jamais assez. Un point qui te fait mal aux tripes. Tu n'es même pas désiré pour toi-même. Tu n'es désiré que pour ce que tu représentes, et pour ce que tu peux faire. Tu en pleurerais presque, si tu étais capable de penser à autre chose qu'à elle, qu'à cet instant, qu'à ce que tu voudrais. Elle, elle n'hésite pas. Elle s'approche de toi et, tremblante, mets son châle sur la table. Adrian se lève. Il fait un pas en avant, et la peur et l'appréhension se lit dans son regard. Dans le privé, tu n'es plus le Faucon, petit. Tu n'es plus cet oiseau plein d'assurance, calculateur politique, qui observe, tâte, et sous-pèse. Tu n'es qu'un gamin qui ne connait rien de la vie, et qui découvre que certaines personnes peuvent te tenir entre leurs bras, entre leurs mains... Au propre comme au figuré. Elle prend la main dont les seuls cals sont ceux formés par le maniement de l'épée d'entrainement, et la pose sur elle. Sur son visage. Sur sa nuque. Sur sa poitrine. Le coeur d'Adrian Fauconnier s'emballe. Une chaleur étouffante lui monte aux joues. Il n'y aura pas de quartiers. Il tremble. Il tremble. Ses genoux cognent. Sa main libre se porte à la table, parce qu'il a peur, parce qu'il suffoque. Ses yeux tremblent.

- " Tu... n'es pas obligée de faire ça. Tu peux... rester ici quelques heures, et... dire à ta maitresse que... tout s'est bien passé. Tu lui diras... " Il écarte sa main d'elle, il écarte sa main d'elle et détourne son regard. Que la suite te pèse, faucon. Que la suite de cette phrase te pèse, toit qui a un amour propre aussi épais qu'un harnois, cet amour-propre que tu as dû te créer pour survivre. Qu'elle est difficile, cette phrase, à extirper de toi..." Tu lui diras... que... que je... suis un mauvais amant, et que je... je n'ai ... rien d'agréable pour ... une femme. Elle te croira. " Il se souvient des paroles de sa mère, quand ils parlaient de mariages arrangés, et de nuits de noces atroces avec des vieux maris barbons dans le lit de jeunes filles fraiches. Il se souvient de s'être dit qu'il ne ressemblerait en rien à son père qui prenait toutes les femmes sur son passage. Il se souvient...

- " La vertu d'une femme est le plus grand de ses cadeaux. Elle ne peut le donner à n'importe qui. "

Elle te regarde, Faucon. Elle te regarde, toi, et voit que tu n'as rien de la bravache que tu mets dans les paroles qu'il y a eu avec ta maitresse. Et elle répond simplement. Très simplement.

- " Je peux aussi rester quelques heures à côté de vous, juste à côté de vous. Il ne se passera rien si vous ne le voulez pas. Oublions ma maitresse. "

Est-ce un sens caché ? Est-ce un voeu du ciel ? Non, il n'y aura vraiment pas de quartiers. Elle se rapproche du Vicomte, et le touche. Elle touche du bout des doigts de corps quasiment glabre, qui n'a rien de plaisant, hormis les muscles qui commencent à se dessiner lentement sous les exercices. Elle effleure du bout des lèvres ce visage imparfait, aux traits si prononcés, si cassants, qu'ils en paraissent taillés dans le roc. Et ce fut Adrian Fauconnier qui fit le premier pas. Des lèvres qui cherchent des lèvres. Des mains qui cherchent un corps. Deux corps qui s'accrochent à se fusionner. Ce n'est pas un combat. Ce n'est pas une lutte. C'est une exploration minutieuse et mystérieuse d'un territoire inconnu, effectuée la peur au ventre. Tout son vocabulaire ne l'aidera pas. Tout ce qu'il a appris le laissera à la porte de cette pièce, de cet endroit, de ce moment. Il ne comprend plus rien au monde, au temps et aux hommes. Il est aussi vierge qu'un bébé qui vient de naitre. Lentement, extrêmement lentement, avec une lenteur ineffable et une douceur magnifique, les corps se frôlent, les bouches se prennent, les doigts se croisent, s'entre-croisent, se décroisent, se cherchent, se repoussent, s'attirent. Les vêtements sont ôtés en pleine douceur, et d'un commun accord. Les regards sont là. Y a-t-il de la haine, de la colère ? Peut être. Peut-être pas. Il y a de la vie. Il y a de l'envie. Les corps se frôlent, et cette chose incomprise, hirsute, qui est présente entre ses jambes, cette chose croit, pousse, vit sa vie propre, comme si elle avait sa destinée propre, ses envies propres. Adrian est double et multiple. Il est un et plusieurs. La suite est confuse.
On a parlé de luttes. On a parlé de combats. On a parlé de duels. Mais l'acte de vie est une danse, plus encore que tout ce qui peut exister. Une danse de vie magnifique et précise, aux accents de flamenco, aux rythmes de percussions africaines qui déchirent la nuit, aux claquements de doigts dignes du jazz manouche ; c'est un désir ; c'est une violence contenue, exprimée dans une forme d'une pureté magnifique.
Le lit est atteint. Les corps se posent, les chevelures se mêlent. Les corps sont nus, et se voient chacun dans l'implacable netteté de la lumière orangeâtre du feu palpitant. Adrian est magnifié par cette jeune femme, par cet être si beau, aux formes pleines et féminines. Il y a de la madone dans ce corps aux seins en forme de pommes, aux hanches pleines, aux cuisses fermes, aux mollets ronds. Les épaules sont charnues, la chevelure est blonde et belle, et ce visage... Ce visage pourrait être celui de la vierge. Adrian reste un long instant face à ce corps, submergé par le désir brut, par cette envie monstrueuse et impérieuse. Elle s'avance. Elle le guide. C'est un entrecroisement de racines. C'est une série de liens qui se tissent. C'est une droite, tendue d'un point A à un point B. C'est un pont entre les mondes. Adrian ferme les yeux, et goûte, pour quelques instants, au parfum de l'éternité.

C'est une danse, lente et pulsatile. Ce sont des froissements, qui s'effleurent et se complètent. Ce sont des souffles, qui se marient, qui se répondent, qui s'épousent. ce sont des contacts, qui caressent, qui effleurent, qui griffent. C'est une danse très lente, tout d'abord. Deux sexes qui se cherchent. Une appréhension lisible sur les visages : celle de la suite. Elle le chevauche. Elle halète, alors que le dénouement doit venir. Alors qu'il faut que les choses se fassent. Une vive douleur nait au premier abord, alors qu'elle s'abaisse lentement sur lui. Une vive douleur, qui lui fait serrer les machoires, et les poings. Et le mouvement se fait. Et la danse recommence. De lente, elle passe à normale. De normale, elle prend de l'ampleur, de la mesure. Un arbre croit. Des branches naissent. Dans la tête du jeune homme, c'est un véritable macrocosme qui jaillit avec cet arbre de vie ; des fleurs ; des fruits. Il y a des oiseaux qui virent et volent dans ce ciel, dans ces nuages si blancs, ces cumulus aux formes si rondes. Il y a tout un peuple sous cet arbre, de jeunes enfants qui jouent et chantent. Il y a des femmes, des hommes. Il y a toute une humanité. Des vies et des morts. Avec le lent clapotis d'un navire perdu sur les ondes frémissantes d'un fleuve en paix, un arbre croît sur une plaine fertile baignée de soleil, allant presque toucher le ciel. C'est une lumière, au fin fond d'un tunnel. Une lumière en forme de bougie qui apparait, au fond de son champ de vision. Une lumière qu'il ne peut toucher. Une lumière qu'il ne peut que deviner, qu'espérer. Une lumière vive, de plus en plus forte, comme un pygmée qui tournerait de plus en plus vite dans une dynamo. Une lumière qui fait peur, qui impressionne, qui intrigue. Ce sont des sensations nouvelles. Des contacts entièrement nouveaux. C'est une danse qui s'accélère, des souffles qui se hachent, qui se suivent, qui halètent, qui fusent, des soupirs, des crépitements d'un feu, des bruissements du bois, des froissements du tissu, le monde tourne, tourne, tourne et vire, ridondelle, ridondelle, et soudain, soudain, soudain...

Adrian atteignit la lumière. Il atteignit ce phare d'Alexandrie étincelant et pur, cette plénitude magnifique et fusionnelle, cette impression de plénitude, de plaisir, cette phase paradoxale où, peut-être, l'homme atteint-il réellement Dieu.

Il jouit.

Les deux corps se tordirent, s'épousèrent, se cambrèrent, fusionnant en une structure unique, magmatique, pulsatile, fusionnelle, une structure étincelante et magnifique, humide et aride, le Feu marié à l'Eau. L'orgasme est physiologiquement l'acte le plus horrible qui soit pour le corps. Il raidit les muscles à l'extrême. Il fait palpiter le coeur à un rythme qui peut lui être fatal. Il écarquille les pupilles. Sur de nombreux aspects, un orgasme ressemble de très près à la raideur cadavérique post-mortem. Seule l'en sépare... Ce petit instant de plénitude et de relâchement suprême, cette décharge d'endorphine foudroyante, cette vive poussée de plaisir, qui crée l'instant d'éternité.

La petite mort des Francs-maçons.

Et ainsi se replient les corps sur un lit, pétrifiés de plaisir, étourdis de folie, les respirations profondes, à vif, les corps trempés de sueur. Igne natura renovatur integra. Par le feu, la nature se renouvelle intégralement. Et les deux corps de s'endormir, baignés de lumière par un feu qui laisse ses dernières braises mourir lentement dans un âtre.

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Aleanore
Que reste-t-il dans la nuit, que les souvenirs, les rêves, les cauchemars.. Les cauchemars qui étreignent le cœur, l’âme, le corps. Et c’est un corps agité qui vit, qui se lie dans les draps au rythme des pensées qui lui viennent, images malsaines qui lui renvoient le visage baigné de larmes de Clarisse, Sa Clarisse, qu’elle a offert à un autre, et le corps de se tourner vivement sous les draps, essayant d’échapper au poids de la culpabilité, revoyant les doux azurs brumeux de sa camériste emplis de larmes, aux prises avec un homme, un rapace, et les flammes dans la cheminée impriment sur les murs, des ombres de serres, de becs crochus, rejetant la jeune fille haletante sous les couvertures en proie à un sentiment oppressant qui la pousse à chasser tout draps et couvertures, et à quitter son lit pour aller récupérer sa domestique. Oui, c’est cela, elle doit sauver Clarisse. Résolution prise, et les pieds nus se posent sur le dallage glacé, frisson réprimé avant d’ouvrir la porte et de se glisser dans le couloir, ombre éthérée dans la chainse de lin épais qui traverse le corridor pour rejoindre la porte de la chambre du Faucon d’où s’échappe des lumières douces, les mêmes flammes, les mêmes ombres. La main gauche se referme sur le stylet qu’elle a récupéré sur la table de chevet avant de quitter sa chambre, prête à repousser les assauts de ce rapace-là, puisqu’elle sait le faire maintenant, Némésis vengeresse, jeune liane chasseresse qui se glisse, ombre silencieuse jusqu’à rejoindre la porte d’où s’échappe des gémissements. Et l’Etincelle de s’arrêter net, lèvre mordue violemment, prête déjà à se morigéner d’être arrivée trop tard, prête à entrer comme une furie pour calmer les gémissements et les sanglots de sa camériste, sauf que les sanglots ne suivent pas. Et la jeune fille de tendre l’oreille pour n’entendre que les gémissements de plaisir qui s’échappent de la chambre. Les doigts se détachent doucement de l’arme qui tombe sur le tapis dans un bruit mat, tandis que derrière la porte deux être s’aiment, une étincelle vacille et se laisse glisser au sol, aux prises avec l’injustice de la vie. Car c’est cela qui douloureusement s’insinue dans l’esprit de la jeune fille, eux, ils s’aiment, comme elle aurait pu l’aimer, Lui, qui lui avait tout ravie. Et soudainement, l’incongruité de la chose lui saute au visage, ni les titres, ni l’argent, ni le sang n’offrent l’amour, alors quoi ? Le cœur susurre, et l’âme refuse d’écouter, plus fort, et l’être entier se fissure, encore, frêle silhouette qui se recroqueville dans l’ombre, écoute bon sang, et elle écoute. Les gémissements qui s’égrainent dans le silence étouffant de Concèze, les halètements qui s’essoufflent et l’étouffent, les froissements de tissus qui s’ajoutent à ceux provoqués par ses jambes qu’elle remonte contre elle, comme pour se protéger de la force de cette passion qui la bouleverse parce qu’elle n’a pu y goûter. Injuste. La vie est injuste. Idée glacée, frisson gelé qui court, et roule le long de la colonne vertébrale au même rythme que les battements du cœur affolé par tant de méchanceté, puisque c’est cela, n’est ce pas ? Le mot est puéril, l’idée futile, mais elle est présente, ce n’est qu’une méchanceté de plus, et l’enfant qu’elle redevient de taper du poing, bêtement, comme pour punir, mais qui ? Mais toi, stupide Aléanore..

Toi qui n’a rien compris de l’amour, de la passion, qui n’a écouté que ton amour-propre, tu aurais pu être heureuse, tu aurais pu couler des jours heureux. Aimer Aléanore, sais-tu ce que cela veut dire, comprends tu la portée de la chose, des mots, des gestes, de ce que cela inclue, ou n’es-tu donc que l’idiote au joli minois qu’ils prétendent tous voir. Stupide et insensible Aléanore qui se complait dans les frivolités, pourquoi souffres-tu tant ? Non, ce n’est pas injuste, ce n’est que le juste retour des choses après tout, quand on ne s’ouvre pas à l’amour, il ne vient pas, alors pourquoi attends-tu ? Et qu’attends-tu ? La porte ne s’ouvrira pas Aléanore, pas pour toi, et toi, tu attends, idiote, relève toi et retourne à tes draps. Et lentement, la main tâtonne sur le tapis, lentement, les doigts effleurent la garde froide du stylet, glissent sans s’arrêter sur le rubis en son centre. Rouge comme le sang qu’elle voudrait faire couler de ses veines en cet instant, tellement lui est insupportable l’idée qu’elle ne pourra jamais aimer, et se faire aimée, le cœur dans la maigre poitrine se fissure à cette idée, déchirement qui la fait grincer des dents, et la plie en deux de douleur. Ce n’est pas grave, rien de tout cela n’a d’importance.. Mais alors pourquoi souffres-tu orgueilleuse poupée ? Qu’est-ce qui te chagrine tant dans le fait qu’ils soient heureux tous les deux ? Rouge comme les larmes de sang qu’elle voudrait verser, pour enfin extérioriser la douleur qui l’étreint de tant de cruauté de la part de la destinée et graver dans la peau fine de son avant-bras, les quelques lettres qui composent ce mot qui lui échappe encore. Amour. L’index court sur la lame de Sandres doucement, comme on caresserait un animal, fidèle, toujours présent, lascivement, comme on caresserait un amant, brûlant, blessant, et quand les derniers gémissements sont expirés à l’intérieur de la chambre, les doigts se resserrent violemment sur la lame, morsure glacée du métal dans la peau fine des doigts, tandis que la lèvre est mordue plus fort encore pour étouffer le gémissement de douleur qui pourrait s’en échapper. Rouge comme les armes de Concèze, les doigts se resserrent plus fort encore, faisant perler le sang qui goutte lentement sur le tapis précieux. Concèze.. La tête bascule en arrière, s’appuyant contre la chambranle de la porte, et l’Etincelle revoit les terres que l’intendant lui a montrée, les framboisiers sauvages au commencement, puis les cultures de framboisiers. Concèze, sa terre, et bientôt Thias. Et la raison afflue dans l’esprit de la jeune fille, plus de passion, plus de désespoir, ne reste que l’avenir de ces terres qu’elle doit faire prospérer. Car au final, si personne ne peut t’aimer, et que tu n’aimes personne, il te reste les framboises, petite poupée, les framboises dont tu feras un empire.. Et elle rit silencieusement, l’Etincelle, amèrement peut être de se voir contrainte d’aimer une terre, plutôt qu’un homme, mais cela fait partie de la vie d’une jeune noble, et elle rit, parce qu’elle comprend enfin toute l’excessivité de son comportement.

Alors lentement, les doigts se détachent de la lame, faisant ruisseler le long des lignes de la main, le petit ruisseau écarlate qui se tarit sous le regard blasé de la jeune fille. Et sans un bruit, elle se redresse, récupérant l’arme par la garde, sans un regard pour cette chambre où dorment paisibles deux rassasiés d’amour, et les pieds glissent, l’amènent lentement jusqu’à sa chambre dans laquelle, elle s’engouffre. Fauteuil amené devant la cheminée, pipe bourrée et allumée, l’Etincelle oublie le manque d’amour, néglige la passion, le cœur s’endurcit, patiemment, comme le corps l’a fait avant lui. Il n’y aura plus d’élans, il n’y aura plus de douleurs sentimentales, et l’Etincelle de se faire glace, de devenir un mur imprenable, oh mère aimante si tu savais comme ta fille te ressemble, elle qui se mure dans le silence et la froideur, mais elle ne le fait pas pour se protéger, elle ne s’en protège pas, Aléanore ne craint pas les sentiments, elle les annihile, il n’y en aura plus puisqu’ils peuvent blesser, il n’y aura plus qu’un corps qui se pliera à ses exigences. Que reste-t-il quand les rêves d’enfants se sont éteints comme autant de foyers laissés à l’abandon, que reste-t-il quand les derniers soupçons d’enfance fondent comme la neige au soleil, et dans la faible lueur dispensée par un feu qui se meurt, l’Etincelle voit les restants de son enfance brûler, lentement, savamment, et la fumée de la pipe emporte les contes de fées, les romans épiques où la gente dame toujours s’éprend d’un beau chevalier, non, il n’y aura pas, cela n’a jamais été, l’amour ne sera pas, et il ne l’a jamais été. Sourire poli, de circonstance, pour dire adieu à cette part d’elle qui la quitte, qu’elle laisse doucement derrière elle, oui, un sourire poli à cette enfant au visage doré par les rayons du soleil limousin, aux douces boucles brunes, aux noisettes étincelants de milles rêves de petite fille, adieu mon autre, adieu petite fille. Seize ans, une vie détruite, une autre doit naître, alors éclairée par les dernières braises, des heures durant dans la pénombre de sa chambre, Aléanore renaît de ses cendres.

Et quand l’église du village sonne Laudes, dans le manoir de Concèze, dans la chambre de la maitresse de maison, le feu dans la cheminée crépite de nouveau, rallumé par Aléanore, parce qu’elle a froid, parce que comme ce feu qui se meurt et qu’elle rallume, elle reprend sa vie en main. Et pour cela, il faut faire front, faire face chaque jour qui se lève, et celui-ci justement se lève, les mots du Faucon lui reviennent en mémoire, les leçons commencent aujourd’hui, il lui faut donc se vêtir. Elle n’a pas dormi de la nuit, elle ne dormira pas plus pendant les quelques heures qui suivent, elle le sait, aussi se dirige-t-elle vivement vers les malles pour en sortir les vêtements qu’elle passera quand.. Clarisse reviendra dans la chambre ? Reviendra-t-elle ? Doit-elle aller la chercher ? Plus tard, lui laisser ce répit qu’elle s’offre en fouillant dans les malles, jetant sans y accorder le moindre regard, des soieries, des satins, avant de finalement porter son choix sur un velours à la couleur vert émeraude, sourire cruel qui étire les lèvres de la jeune fille, puisqu’il lui faut renaître autant le faire en beauté. Tout changer, oui, l’envie de tout changer la prend, ses habitudes, ses goûts.. Le bliaud est étalé sur le lit, tandis que la jeune fille retourne fouiller dans les malles à la recherche du reste de la tenue, sortant de sous les piles de vêtements une chainse de lin écrue qui atterrit sur le lit après avoir parcouru la chambre dans les airs, jeté par sa propriétaire qui s’affaire, sortant ceinture et rubans des coffres, et le plus important : les chaussures. Le choix se porte sur une paire de bottes faites en chevreau et fourrées de la laine de celui-ci. La tenue est prête, ne manque que Clarisse..Et Prime qui sonne, arrachant un sursaut à la jeune fille qui soudain, prend conscience de la situation, les domestiques ne vont pas tarder à se réveiller, et Clarisse qui n’est toujours pas là.

De nouveau, elle reprend le chemin qui mène à la chambre d’hôte, s’arrêtant un instant à l’entrée, dorment-ils ? La main se pose doucement sur la poignée et l’actionne sans un bruit, la jeune fille s’engouffre dans l’embrasure de la porte, avant d’inspirer douloureusement devant le spectacle qui s’offre à elle. Deux corps enlacés qui lui renvoie son infirmité, et malgré cela, le sourire qui erre sur les lèvres de l’Etincelle est paisible, tout cela n’a pas d’importance, elle pardonne les errances, elle accepte la différence. Au pied du lit, elle observe silencieusement, respectueusement comme on le ferait dans une chapelle, subjuguée par la beauté irréelle que confère la passion, l’acte charnel. Elle pourrait aimer, elle le sait, si elle le voulait, elle pourrait les aimer tous les deux, si beaux dans le relâchement complet, dans l’abandon total qu’ils expriment mais il faudrait pour cela qu’elle prenne le risque de vouloir souffrir de nouveau, tête froide qui s’agite en signe de négation, pour chasser de son esprit le charme jeté par les corps des deux amants avant d’approcher doucement, bruits de pas étouffés par le tapis où glissent les pieds nus, pas de froissement de tissus, ce n’est pas la simple chainse qui fera du bruit, la main gauche vient glisser sur la joue de la servante tandis que devinant la réaction, la droite vient se plaquer sur la bouche quand la camériste se réveille et tente de parler, main qui lui intime le silence, tandis que de la tête, elle désigne la porte, les mains se retirent, laissant la servante rougissante récupérer ses habits épars et se rhabiller rapidement avant de quitter la porte, un dernier regard sur le corps du jeune vicomte, que le drap soulevé par la blonde gironde a dénudé de moitié. Noisettes implacables qui se posent sur le jeune homme, puis sur la tache brune au milieu du lit, avant de se diriger vers la fenêtre et d’en tirer les rideaux pour épargner un réveil trop lumineux, sourire blasé qui glisse sur le visage de la poupée quand l’idée qu’il doit se reposer, rattraper les heures perdues pendant la nuit lui vient. Et le drap est remonté sur l’épaule frêle mais qui tend à se muscler du jeune Faucon, alors que l’Etincelle quitte la pièce en un souffle. Devant la porte qu’elle referme doucement, elle expire lentement, prise de vertiges soudain, émue malgré elle par la fragilité de celui qui veut se donner des allures d’homme alors qu’il n’est qu’un enfant, idée qui vient ébranler toutes les certitudes qui s’étaient imposées à son esprit la veille dans le salon. Et soudain, l’idée que peut être son enfance avait été gâché par une famille trop nombreuse, trop salie par le sang pur dont elle pouvait se targuer, lui vient. Arme à double tranchant que la noblesse, et sur ces réflexions, la jeune fille regagne sa chambre, où Clarisse s’affaire avec agitation, provoquant le rire d’Aléanore, qui lui ôte le bliaud des mains.


-« Mais arrête donc, tu vas froisser le velours ! »

Le bliaud est reposé sur le lit, et le vêtement de nuit ôté et plié par la servante tandis que la jeune fille se glisse dans le baquet d’eau tiède qui trône dans un coin de la pièce, vite rejointe par la blonde qui mouille la chevelure à l’aide d’un broc. Silence gêné qui s’installe entre les deux jeunes femmes, l’une revivant la nuit passée, fiévreusement, la deuxième repensant à l’image parfaite, ancrée à jamais dans son esprit, offert par les deux corps. Et alors que la jeune fille s’extrait du baquet, et que la servante la recouvre d’un drap pour la sécher, la question est lâchée.


-« Clarisse, je ne vais pas supporter ce silence longtemps.. Cela s’est bien passé, n’est ce pas ? »
Le silence en face, et les joues qui rougissent, la poussent à insister, un pas en avant vers la blonde avant de pencher la tête pour regarder dans les yeux la camériste qui triture le bord du bliaud. « Cela s’est bien passé ? Il t’a fait mal ? Non, hein ? »

Négation vive de la soubrette, et soupir soulagé de l’Etincelle qui étonnamment, voit se confirmer ses déductions, plus avant ? Oui, mais ce n’est pas aussi important, et c’est presque négligemment qu’elle lâche les mots suivants comme elle lâche le drap qui glisse à ses pieds, impudique déesse de l’amour des autres, sourire amusé, et caresse légère sur la joue de la blonde.


-« Vu ton air, cela s’est bien passé. Il a l’air doué le Faucon. Aide-moi, veux-tu ? »


Les bras levés, elle s’engouffre dans la chemise de corps avant d’enfiler la chainse, tendue par la servante qui sourit, adorable dans son embarras, auquel un éclat de rire répond tandis que l’Etincelle se tortille pour passer le bliaud, et se tourne pour que Clarisse resserre les lacets, et alors qu’elle retient sa respiration, la jeune blonde se lance après un soupir.


-« J’ai eu un petit peu mal au début, mais c’est vite passé.. Et c’était très bien, vous avez eu raison. Voilà. »


Et au sourire qui s’allume sur les lèvres de la blonde, l’Etincelle ne se sent pas de la contredire, ne se sent pas de se rappeler que ce « petit peu mal » n’est au final qu’un très petit peu mal par rapport à ce que tous les hommes peuvent leur faire, fragiles créatures. La ceinture est passée, maladroitement quand la servante se souvient, brutalement de la réalité, rougissant d’offrir aussi crument son bonheur alors qu’elle ne devrait pas s’en vanter. Et enfin, les bottes sont enfilées, gainant chaudement les mollets dans leur fourrure réconfortante, c’est si simple au final, la chaleur et le réconfort, simple comme une bonne fourrure. La chevelure sombre est rapidement tressée de rubans verts de toutes nuances et un cerceau d’argent est déposé sur le sommet de la tête. Sans un bruit, livide Clarisse qui pense avoir dit ou fait une bêtise, qui tend une mante couleur vert de gris doublée de petit-vair avant de croiser le sourire rêveur de sa jeune maitresse qui lui sourit plus franchement.


-« Tout va bien, Clarisse.. »


Oui, tout va bien, et ainsi, sans un mot de plus, la jeune fille sort de la chambre et descend les escaliers, accueillie par les bonjour des domestiques qui se réveillent petit à petit et font vivre le manoir, ravivent les feux dans les cheminée. Douce activité matinale qui la fait sourire, tandis que ses pas la conduisent à la cuisine où la voix joyeuse de la maitresse des lieux se fait entendre, nuée de domestiques autour d’elle qui donne les ordres pour ne pas être au dépourvu comme la veille, avant de voir la jeune fille arriver. Jeune fille qui s’appuie contre la chambranle de la porte, sourire en coin en regardant la grosse cuisinière faire, avant de rejoindre celle-ci, mine chafouine et noisettes étincelantes de gourmandise quand elle aperçoit le trésor du jour. Des tourtes à la framboise. Etincelle qui tourbillonne dans les pattes de la cuisinière, aidée par une Clarisse d’humeur rieuse, et sous les récriminations faussement outrées de la matrone, les deux jeunes filles de dévorer sans façon, le quart des petites tourtes avant de quitter en riant les lieux, non sans avoir pris un morceau de pain bis au préalable, direction les écuries où Clarisse abandonne sa maitresse pour rejoindre Hugues, afin qu’il prévienne le valet du vicomte que la jeune maitresse est prête à recevoir sa leçon du jour.

Et Aléanore de traverser l’allée de l’écurie pour rejoindre la stalle de l’étalon où elle s’engouffre, pain dans la main, licol récupéré sur le côté dans l’autre. Alors qu’elle berce l’animal de mots niaiseux et de chansons, le licol est passé et l’animal est sorti de la stalle sous les regards peu rassurés des palefreniers, portant l’harnachement de l’animal, distrait par le pain et les caresses de sa maitresse. Et finalement, le percheron est préparé et sorti de l’écurie par la jeune fille puis attaché devant l’écurie, et Aléanore sagement appuyée contre les antérieurs de l’animal, de discourir avec l’un des palefreniers sur les qualités de la race de l’étalon en attendant que son maistre du jour ne se décide à quitter les bras de Morphée.

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La Rançon du Succès d'une Pouffy-girl
Fauconnier
Bande sonore

Le plus difficile des actes post-coïtaux serait très probablement le réveil aux premières heures du jour. Et lorsque Clarisse s'extirpa des draps et repoussa le bras du Faucon, avant que de reprendre ses habits pour aller retrouver sa maitresse, le Faucon prit lentement mais sûrement le chemin du réveil qui ne se manifesta que quelques instants plus tard. Il resta un long moment sous les couvertures, goûtant à cette félicité qui suit les moments d'extase. Il étira longuement son corps sous les couettes, avant que de finalement se lever et de trouver les volets ouverts, et sa chambre désertée. De fort bonne humeur, le Faucon prit alors une tenue qui fut esthète mais pratique ; enfilant des chausses de couleur écarlate, il enfila des bottes de monte de couleur terre, avec une tunique écru. Puis, passant sa ceinture, il ne prit que le couteau de chasse de son père, qu'il mit dans l'une de ses bottes. il choisit des gants de cuir brun, ainsi qu'un bliaud en laine épaisse à ses armes qui lui permettrait de ne pas craindre le froid. Il se lava quelque peu avant que de s'habiller, et s'assura que ses cheveux ne seraient pas un problème pour ce qu'ils feraient ce matin-là.

Le temps était brumeux, ce matin-là. Le jeune Faucon descendit alors et, voyant que son hôtesse était déjà debout, se hâta de la rejoindre au-dehors, en priant la marmitonne de lui envoyer Rufus dès que celui-ci se montrerait visible. Il la trouva avec son propre cheval, un percheron proprement impressionnant, devant la porte de l'écurie. D'un ton enjoué ce matin-là, il passa devant-elle et alla alors quérir Babieca dans le box qui lui avait été alloué la veille au soir alors que le jeune palefrenier allait quérir Rufus sur le chemin. C'était un cheval de taille intermédiaire, un palefroi lusitanien de belle allure à la robe alezan. Un animal de bon prix, et de belle figure. Adrian le prépara à son tour, s'enquérant de la nuit que son hôtesse avait passée avec le plus grand sourire, discutant de futilités, se passionnant pour les petites affaires de Concèze.
La leçon commença alors que le soleil devenait visible derrière la brume ; l'humidité imprégnait l'air, et rendait l'herbe verte et humide, presque comme une éponge. Un champ en jachère avait été prévu pour la leçon, et c'est là que le mena son hotesse.

La leçon fut relativement succincte, se basant surtout sur comment monter en "homme". Adrian aida ainsi Aléanore à se hisser en selle, et se présenta au percheron. Il vit ainsi très vite qu'il ne fallait pas approcher l'étalon de trop près, et se contenta du strict minimum. Il envoya un valet à sa place pour faire les travaux les plus dangereux, et le fit ajuster les étriers pour les pieds de la jeune femme. Fut-ce vraiment une surprise ? Mais pour se faire, le pauvre valet finit bien plusieurs fois dans la boue du champ. Il aida ainsi de la voix la jeune femme à se placer, suivant du regard l'étalon qui tentait comme par enchantement de lui tourner le dos le plus souvent possible. Et lorsque l'exercice fut atteint, ce fut au tour de l'apprentissage des allures variées. Adrian, montant ainsi sur Babieca, tâcha de se rapprocher au plus possible de l'étalon, pour mieux se faire comprendre. La matinée fut ainsi parcourue des échecs dûs au fait que le jeune homme ne pouvait montrer que visuellement ce qu'il tâchait de faire comprendre à la jeune fille, ne parvenant pas à approcher l'étalon. Cette sale bête paraissait décidément ne pouvoir être approchée que par sa maitresse, et il tâcha d'expliquer au mieux la monte en trot, pour démarrer. Il paraissait ainsi même difficile de tenir son propre cheval, alors que les deux bourriques attendaient la moindre occasion pour se placer des agressions sournoises... Au bout de plusieurs essais infructueux, et alors que l'étalon manifestait des signes évidents de vouloir partir au galop, on décida finalement de changer l'animal pour permettre au jeune homme de montrer et de permettre un bon apprentissage.

Signe du destin... ? Le jeune homme mit son dévolu sur une vieille carne, un vieux cheval de trait tout ce qu'il y a de plus paisible pour la monte.

L'apprentissage se fit ainsi plus aisé, et les deux adolescents purent ainsi partager quelques instants de promenade au trot. Puis vint le tour du galop, et à la fin de la matinée, c'était au galop qu'ils entreprirent le tour du domaine, au petit galop, en plein coeur de la brume et des sous-bois qui entouraient Concèze.
Ce fut alors que le soleil devait atteindre le zénith que Rufus, à cheval, vint rejoindre les deux jeunes gens de revenir au manoir ; en effet, une invitée de marque venait tout juste d'arriver, et demandait à voir la maitresse des lieux. Les deux adolescents, la faim au ventre, la fatigue physique commençant à pointer, revinrent alors au manoir, accompagnés de Rufus, Adrian ricanant en voyant son vieux bras droit avoir tenté de s'approcher de Bélial ; une vilaine marque sur le côté droit de son visage marquait le coup de tête qu'il avait ainsi dû recevoir pour pris de sa hardiesse. Revenant en la demeure de l'Etincelle, le jeune Vicomte ne fut pas peu surpris de constater que la visiteuse qui venait les dénicher en ce lieu n'était autre que...

Le Capitaine Cerridween de Vergy ; son chevalier.

Comme quoi, la quiétude ne devait probablement durer qu'un temps. Autant que les souffles des percherons.

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