Kernos
[Une auberge, Lyon la rugissante]
Assis au bureau qui occupait un coin de la chambre d'auberge, Kernos lisait pensivement la dernière lettre que son intendant de Glandage lui avait envoyé, afin de le tenir au courant de la gestion de ses terres, ainsi que les dernières doléances des paysans y étant rattachés. A la lueur d'une chandelle, il épluchait les taxes qui lui faudraient percevoir à son retour, ainsi que les plaintes de ses gens sur le gel qui allait détruire une bonne part des récoltes, rendues bien maigre depuis qu'une harde de cerfs avaient établis son territoire dans les forêts bordant le vallon de la Vière. Le conseiller militaire se massa les tempes... cela faisait plusieurs récoltes que les paysans se plaignaient de cerfs venant se repaître du blé, réduisant ainsi les bénéfices qu'ils pouvaient en tirer. Les doléances à ce sujet s'étaient multipliées, il était temps que Kernos prennent des mesures pour écarter ce soucis, il se promit de le règler à son retour à Glandage. Pour l'heure, il séjournait quelques jours dans la capitale afin de traiter à Pierre-Scize de plusieurs affaires concernant la sécurité du Duché, dans cette auberge qu'il occupait à chacune de ses visites à Lyon et où il avait ses habitudes.
La journée n'avait été faite que de discussions et d'allés-retours à travers les couloirs du palais ducal, aussi Kernos n'avait pas été mécontent de retrouver le calme de sa chambre, loin du tumultes des rues bondées et animées de la capitale, afin d'y prendre quelques repos et éclaircir son esprit. Un bain bien chaud, un repas consistant l'avaient aidé à se détendre et à se remettre en bonne disposition pour s'occuper de sa correspondance. Kernos remplit à nouveau son gobelet avec le cruchon d'eau qui trônait à côté de ses parchemins, puis s'employa à dispenser quelques consignes à son intendant, afin que tout soit prêt pour son retour sur ses terres.
Citation:
Kernos Rouvray, Sire de Glandage & de Roynac,
A Guillaume, Intendant des terres de Glandage, salut!
Guillaume, j'ai bien pris connaissance des comptes et plaintes que tu m'as fait parvenir à l'auberge. Je prendrai en main le problème des cerfs de la Vière en organisant une chasse à mon retour au castel, je pense qu'en abattant quelques mâles nous devriont parvenir à réduire leur croissance jusqu'au printemps prochain, cela devrait satisfaire les paysans de la région.
Mes affaires à Lyon se déroulent comme je m'y attendais, je devrais donc, si je ne rencontre pas d'imprévu jusque là, être de retour à Glandage dans dix jours. Jecompte faire d'abord une halte à Die, pour prendre un peu de repos avant de prendre la route des cols. Agis donc en conséquence, je te fais confiance pour que tout soit prêt à mon retour.
Faict à Lyon,
Sa lettre achevée, Kernos s'en alla trouver l'aubergiste, un gaillard jovial qu'il connaissait bien depuis le temps, afin qu'il lui trouve un coursier pour faire porter son courrier jusqu'à Glandage. Ceci accomplis, il regagna sa chambre, une nouvelle journée à Pierre-Scize l'attendait demain, il fallait qu'il soit en forme... mais le sommeil ne l'avait pas encore rattrapé aussi, il prit l'un des ouvrages qu'il avait emporté avec lui, et se mit à lire en attendant que l'épuisement le gagne.
On frappa à la porte. Tiré du sommeil qui était parvenu à l'envahir, le sire de Glandage ouvra lentement les yeux, encore embrumé, se demandant s'il n'avait pas rêvé. De nouveau coup le détrompèrent. Il s'extirpa de sa couche, repoussant la couverture et le drap de lin qui cachaient sa nudité, il s'étira avant d'enfiler prestement bas et chemise afin de se rendre plus présentable et alla ouvrir la porte, curieux de savoir quel était son visiteur... ce n'était pas dans l'habitude du tenancier de venir ainsi déranger ses clients, sauf en cas d'urgence. Devant lui, un messager portant la livrée ducal se tenait, l'air quelque peu surpris par la tenue du seigneur qui s'empressa de refermé les pans de sa chemise.
Messire, j'ai un message pour vous de la main de Sa Grâce.
Kernos leva un sourcil intrigué, puis se saisit du message qu'il parcouru d'un regard de plus en plus intéressé à mesure qu'il avançait dans sa lecture. Il demanda au messager de patienter quelques instants et pénétra dans la pièce, en direction du bureau. Il griffona une note rapide qu'il ferma de son sceau avant de la confier au coursier pour qu'il la porte au palais.
Citation:
Kernos Rouvray, Sire de Glandage & de Roynac,
A Sa Grâce Pénélope de Barsac, Gouveneur du Lyonnais-Dauphiné, salut et paix!
Ma suzeraine, j'ai pris connaissance de ta missive et de sa teneure qui m'intrigue fortement. Je me rendrai au palais au plus vite, le temps pour moi de me rendre présentable.
Fidèlement,
Le messager parti, Kernos descendit les escaliers afin de demander à l'aubergiste de lui préparer une petite collation pendant qu'il se préparerait pour son entrevue avec le Gouverneur. Il remonta au pas de course dans sa chambrée et une fois la porte close, il s'empressa de se déshabiller pour quelques ablutions rapides. Quelques dizaines de minutes plus tard, il s'arrêta dans la salle commune où son petit déjeuner l'attendait. Vêtu d'un pourpoint brodées aux armes des Rouvray, baudrier et épée courte à la taille, il se pressa d'avaler le morceau de pain à peine sorti du four, la tranche de lard et le cruchon d'eau fraîche à son intention puis, revêtant son épaisse cape fourrée et ses gants, il sortit affronter ce froid matin de février. Les rues de Lyon étaient encore calmes, tierce n'avait pas encore sonnée, malgré ça, Kernos pressa le pas... Cette convacation avait éveillé sa curiosité et il ne voulait pas faire attendre sa suzeraine plus que de raison, il s'engouffra donc dans les ruelles de la capitale en direction de Pierre-Scize, le claquement de ses bottes et le cliquetis léger de son épée comme seules compagnes. _________________