Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Amnésie, Atl, et cie

Zazanilli
RP Fermé, envoyer à moi ou ljd Atl un MP, si vous voulez participer.

La jeune femme nage dans la brume. C'est sympa, la brume. Joli, doux, et confortable. Sauf que la brume fuit, vous l'ai-je dit ? Et retour au monde réel, cocotte. Dommage.

- Il se sont fait ramasser la face, c'te là !
- Sale état, oui. Surtout l'homme.
- Et la fille, alors ? L'est plus abîmée, r'garde sa tronche...
- Oui, mais y'a qu'là qu'elle est abîmée. Un vilain coup, et ils l'ont plus cherchée.
- Le Vieux dit qu'un coup à la tête est sacrément vicieux. Il peut rien faire, comme rendre fou. Ou tuer sans qu'on s'y attende.

Qu'est c'qui s'passe bordel de pécari bourré de pulque à en recracher ses yeux par les trous d'nez ?
- Le Vieux dit beaucoup de choses, mais semblent tous deux bien endormis.
- Et moi j'dis que la fille n'se réveillera sans doute pas. T'as vu la bosse que ça lui fait sur le front ?
- Et l'autre, alors ?

Couillons !
- Le bébé n'a rien, lui. C'te chance, on le croirait protégé de Huehue l'vieux farceur.
- N'im-por-te quoi.
Eh, j'ai vu la fille ouvrir un oeil !

- C'est toi qui raconte des lamasseries. J'te parie qu'c'est l'autre qui va se réveiller le preum's.

Ce sont eux qui m'ont réveillée ? Dieux, j'veux dormir, moi !
Mais où c'que j'suis pour tomber sur deux idiots pareil ? Et quel mal de crâne...
- Ta ration d'haricots.
- Vraiment ? Bon... D'accord. Et toi la même si c'est le type qui s'réveille en premier.

Bon, z'allez vous taire, un peu ? J'ai l'impression d'avoir une enclume sur la trogne, et vos piaillements de dindonneaux précoces n'arrangent rien !
- Oui, bien sûr. On devrait y aller. Nous n'avons pas le droit de leur parler.
- Attend, pour une fois qu'il se passe un truc d'intéressant dans ce temple oriental... ?

Oriental ?
- Non, on devrait y aller...
- Humpf, bon...


Elle tente de nouveau d'ouvrir les yeux. Le flou qu'elle avait entrevu s'éclaircit, pour lui montrer un mur, contre lequel elle est allongée, et un plafond. Elle baisse lentement le regard, se concentrant principalement sur sa vue -et non pas toutes les questions qui surgissent à vitesse éclair dans sa caboche.
Elle se trouve sur une natte. Dans ce qui ressemble être une cellule de temple. Et, contre son giron... Un bébé ?


- Par tous les dieux, elle est réveillée !

- Ta ration de haricooooooooots !


Elle se redresse sur un coude. Sa tête la lance, l'étourdit, elle a l'impression de perdre l'équilibre, de sombrer dans un tourbillon. Tombe-t-elle ? Non, la voilà qui rouvre les yeux pour les poser sur les deux jeunes servants qui se tiennent dans l'encadrement de l'entrée.
On est bien dans un temple. Que s'est-il passé ? Aucun souvenir. Ah, que c'est rageant de ne pouvoir se contrôler ! Elle a toujours détesté cela. Allons...

Elle était au temple de Cuamantzingo. Une journée comme une autre, à apprendre à danser le matin, et cours de chant et calligraphie l'après-midi. Tout semble lointain, si lointain pourtant. Elle ne saurait même pas dire exactement ce qu'elle avait fait. Journée banale en apprentissage au temple, et cela n'était que supposition.
Et voilà qu'elle se retrouve en Orient, amochée, avec un morveux qui lui bave tranquillement dessus ?
Sortons de ce cauchemar !

Et les deux jeunes qui la regardent toujours avec de grands yeux.


- H'doh.

- Elle a parlé !
- J'ai entendu. Elle a dit quoi ?
- Pas compris.


Mirettes qui fixent un instant le plafond. Non seulement elle ne sait ce qui lui arrive -une honte, pour la fière Vérole !- mais en plus elle doit faire des efforts pour communiquer avec eux ?
Mais elle le fait, toujours.


- J'ai dit : idiots.


Ça, c'est fait. Sourire grimaçant qui s'esquisse. Que c'est bon de se sentir Teigne même dans les pires situations ! Rassurant.
Elle déplie un bras pour venir frôler de ses doigts la blessure qu'elle a au front. Une substance gluante recouvre une grosse bosse.


- Vous m'avez soignée ?

Chaque mot pourtant ravive la douleur, et l'étourdit de plus belle. Mais pas question d'en rester là. Même si ce ne sont effectivement que de stupides en insignifiants servants, elle doit savoir.


- Que m'est-il arrivé ? Où c'que j'suis ?
Et...
Pointe un doigt dégouté vers l'enfant contre elle. Que fait cette chose ici ?

- Euh... Euh...

- On n'doit pas lui parler !
- Ouais, mais elle pose des questions bizarres.
- Justement !


- Bon, c'est fini, oui ? Je veux des réponses. Ou sinon, j'vous arrache les cheveux. Un à un.


Main qui se porte à ses tempes. Rose, ma Rose, où es-tu ? Venais-je te rejoindre quand cette chose m'est arrivée ? Mon Homme qui Pue, Lama Mouillé... J'ai mal, j'ai mal.


- Euh...
- Lui réponds pas !
- Ben si !
Toussotte.T'es dans le temple de Huiloapan. Et apparemment, vous vous êtes fait attaquer par des guerriers, vous avez de la chance d'être arrivés ici.
- Tu veux vraiment nous tuer ? Si les prêtres l'apprennent...
- L'enfant, il est à toi. Enfin, c'est c'qu'on croit. Et l'homme qui t'accompagnait a été salement touché, lui. Mais le prêtre-guérisseur a dit qu'il s'en remettrait.


La jeune fille le regarde, ahurie. Il se croit drôle, peut-être ? C'est quoi toutes ces lamasseries ?

- Enfin il vous faut du repos à tous les deux. Et puis euh...
- ... Nous on va y aller, voilà !
- Oui, hein.

Les deux disparaissent, sous les yeux encore médusés de la jeune femme. Et sa tête qui la lance... Douleur lancinante qui lui vrille les tempes. Pourtant, le blanc des derniers jours la laisse perplexe. Amnésique ?
Elle se redresse sur sa couche, grimace sous la douleur. Le bébé est repoussé d'une main.


- Va-t-en grosse Larve.


Puis elle remarque l'autre. Allongé contre le mur d'en face, il a aussi reçu des soins. Et dort encore, semble-t-il. Elle plisse les yeux, tente de raviver sa mémoire vacillante, mais le visage du jeune homme ne lui rappelle rien, décidément rien. Fébrilement, elle attrape sa natte, et tire dessus. Voilà une chose qui ne change pas, sa natte, sa merveilleuse, son enchanteresse... Qui parait avoir gagné en longueur.
Un coup monté ? Il y a effectivement plus d'un souci dans le coin.

Aussitôt, elle remarque sa poitrine qui a fait plus que de naître. En quelques jours seulement ? Et le huilpil tâché, qui sent le bébé ? Elle repère sa sacoche, allonge un bras pour l'attraper, et fouille nerveusement dedans.
Sa tortue d'obsidienne, un couteau, jusque là, tout de normal. Puis quelques bouts de parchemins qui attestent l'existence d'un certain Atl, et d'une Prune. Des langes pour enfant, une outre-biberon.
Cela ne peut-être à elle.

Elle, la Teigne, la Vérole, la fille Indigne d'une Rose et d'un coyote puant ! Il faut absolument qu'elle contacte ses parents, qu'ils viennent la sortir de ce mauvais pas.
Les yeux sombres retombent sur l'homme.
Lui sait.

Sa main accroche son couteau, elle replie ses jambes, et parcourt lentement, à quatre pattes, les quelques mètres qui les séparent.
S'assied auprès de lui, le fixe quelques instants.
Puis pointe le couteau contre sa gorge, et le réveille d'une au deux tapes sur la joue.

Se penche alors dangereusement vers lui, et, nez contre nez :


- Que s'est-il passé ? Le bébé baveux est à toi ? Et...
Qui es-tu ?

_________________
Atl
L’issue du pari ne saurait être contestée, et la ration de haricot fut honnêtement gagnée, car Atl ne se réveilla certes pas le premier.

D’abord, noir.
Puis les brumes susnommées. L’esprit flotte entre deux bords de gris, loin hors du monde, moelleusement vautré dans un fragment d’éternité qui dura deux minutes. Sur fond de silence se détachèrent peut-être deux pas d’hommes qui s’éloignent et une délicate apostrophe, littéralement : « va-t-en, grosse Larve ».

Et il fallut la froidure d’une pointe de couteau contre la carotide pour que le monde, dans son aménité coutumière, se rappelle définitivement au bon souvenir du jeune homme.

Que s’est-il passé ? M’était avis que c’était évident, mais je… Le bébé baveux, c’est à toi ?– plaît-il ? Et…
Qui es-tu ?

… Ah.
Les paupières découvrent lentement un regard clair, presque blanc, et qui plonge dans les prunelles noires si bien connues. Zãzanilli. Zãzanilli toute proche, plus proche qu’elle ne le fut jamais – voyez l’ironie ! comme n’aura pas manqué de signaler sa tête désengourdie. Zãzanilli qui, très visiblement, ne plaisante pas.

Un infime instant, le jeune homme caresse la possibilité que les coups l’aient rendu méconnaissable – et cherche sur la peau de son visage quelque chose qui puisse confirmer l'impossible. Mais fine brûlure par ici, raideur par là… Eraflure, coulure de sang séché, rien qui eût pu lui remanier le portrait.
Alors Atl se rend à l’évidence. Et parce qu’il est Atl, n’espère même pas que tout cela n'est qu'un mauvais rêve.


- Manifestement une attaque ; non ; Atl.

Sa voix est plus faible qu'il l'aurait cru, éraillée. Mais d’une certaine manière, l’égalité du timbre, la clarté lente de l’élocution, le style méthodique et lapidaire le rassurent. Lui est toujours le même.
Du bout des doigts, et parce que son bras a eu l’obligeance, quoique de mauvaise grâce, de bien vouloir se bouger, il éloigne la lame d'obsidienne de son cou. Regard sans menace, sans message, cherchant seulement dans les orbes sombres le moindre signe de reconnaissance, mais rien, rien, rien.
Qui es-tu ? Qui ? Que s’est-il passé ? …

Le bébé, c’est-à-toi ?

Brusquement, les yeux clairs quittent Zãzanilli, balaient la pièce à la recherche du petit corps pour le découvrir allongé sur une couche. Plissement de paupières. Elle respire tranquillement, dort ? Les dieux te protègent, Papillon. C'est donc que tout ne va pas si mal, pas vrai ?

Parce qu'il faut toujours se faire aux choses telles qu'elles sont.
Même quand on ne sait vraiment pas où elles mènent.


- Etant entendu que je ne te ferai pas le moindre mal, puis-je espérer davantage d’espace ?

Voix calme, toujours.

- Par ailleurs, d'autres questions ?
_________________

Regard hyalin, silhouette râblée - ordinairement indifférent, résolument moralisateur - très jeune, trop jeune homme. Mais il se soigne.
Zazanilli
Elle répète, inconsciemment, ou sans réelle conviction, le nom.

- Atl.


Mais rien de familier dans ce mot, dont elle note au passage la signification. Joli. Deuxième fois qu'elle le découvre -mais elle ne le sait pas- et deuxième fois qu'elle se fait cette réflexion.
Et ces yeux clairs dévoilés ! Le regard la sonde, la perturbe bien plus encore qu'elle ne l'est déjà.

- Tu me connais.

Lentement remettre en route sa vacillante cervelle. Recommencer depuis le début. Faire du rangement, donc.
Mais, avant tout, poser le couteau, et s'écarter tout légèrement du jeune homme, puisque c'est si gentiment demandé.
La Teigne a décidé de ne pas se laisser abattre -pas encore. Sans accorder un regard à l'enfant, elle attrape de nouveau sa sacoche, en sort un bout de parchemin, dont elle relit le court message. Et de se répéter, encore, mâchant ses mots, enregistrant au fur et à mesure les informations qu'ils forment.
Elle relève les yeux, les plante dans les siens.


- Tu me connais. Tu m'as écrit. Nous voyagions ensemble. Vers un endroit... Amecameca, je ne connais pas.
Nous nous sommes fait attaquer. Huiloapan, maintenant.


Petite pause. Voilà ce qu'elle sait. Et c'est bien maigre. Elle prend une grande goulée d'air, s'efforce de ne pas laisser la panique la gagner. Toujours en rester au simple, ne pas laisser sa cervelle partir dans de terrifiantes suppositions, ne pas écouter sa conscience qui lui hurle aux oreilles qu'il y a effectivement un problème, et un gros.

- Je ne te connais pas. Je ne me souviens plus, du moins. Atl. J'aime bien tes yeux.

Parler, toujours. Si elle se souvenait, elle saurait que parfois, se taire est meilleure solution. Mais il lui faudra apprendre tout cela de nouveau, ou en tirer de nouvelles conclusions.
On en est ici à une jeune femme qui tente de redresser les murs protecteurs de son environnement, rassurer sa têtue caboche : tout va bien. Vaines tentatives en réalité, puisque ces derniers mois ne ressemblent en rien à ce qu'elle a pu connaître auparavant. Illusion de croire que rien n'a réellement changé, alors que tout prouve le contraire. Elle s'échine à ignorer sa logique qui lui susurre depuis quelques minutes : "T'as zappé bien plus que quelques jours, pôv'fille".
Il lui faut donc savoir, qu'on le lui dise. Et lui, lui sait. Des questions, si elle en a ?


- T'sais où est ma Rose ? Et mon Homme qui Pue ? Je les rejoignais, quand nous nous sommes fait attaquer ? Où c'que je t'ai rencontré, Cuamantzingo ? T'es un ami ?

Elle juge là qu'il est temps de lui laisser la parole, puis rajoute, se rappelant tout juste de son existence :


- D'où vient le bébé ?

_________________
Atl
Atl se redresse – sans égards pour la pointe qui vrille sourdement le crâne, ni pour le chœur d'objections qui s'élèvent de chaque partie de son corps, pour mourir dans sa gorge en grognement voilé. Pas le moment. Plus tard.

Pour l’heure, Zãzanilli, et sa cascade de mots comme pour remplir un bol percé. Comme si le flot échappé par la plaie ouverte la pouvait cicatriser, où au moins, en apaiser la brûlure. Atl écoute, indécis ? Non. Regarder couler le torrent, c'est déjà une décision. L'évidente.
Et les vagues déroulent devant lui l’ampleur du massacre.

Un temps.
Se concentrer. Repartir du plus simple.


- Nous voyagions ensemble.

Profonde confiance dans le pouvoir des mots, leur pouvoir d'évocation à défaut de mémoire, peut-être même jusqu’à remplacer la mémoire ?
Choisir, avec précaution – parce qu’ils doivent être justes. Et parce que… parce que…

Murs clairs. Pas de menace. Pièce pas trop grande. Mais Papalotl, trop loin.


- Depuis Cuamantzingo vers l’Orient, en passant par Amecameca. Nouvelle capitale d'Occident.

Atl déplie ses bras, se traîne, étend la main gauche, longues jérémiades des muscles qui roulent sous le cuir écorché. C’t’idée, aussi, de se balader désarmés…

- Le bébé, continue-t-il tandis que ses doigts tendus se referment sur la natte, et l’attirent vers lui, avec la petite fille. Là, c’est mieux. ‘Faut faire les présentations dans les règles de l’art, ‘comprenez. Le bébé s’appelle Papalotl.

Et c’est ta fille ? Atl n’a jamais su le détail de l’épisode. Vague souvenir d’un homme qui disait avoir vu, de Zãzanilli pâle, d’une femme morte. A l’époque, cela n’avait pas d’importance, et les suppositions du jeune homme s’étaient sagement rangées dans un coin de l’esprit réservé à ce type d’informations.
Morceau d’un monde, perdu.


- Tu l’appelles ta fille. Regard désespérément bleu, désespérément vide de suggestion. Nous nous sommes rencontrés plus tard. Plus loin en Orient, à Huamantla. Depuis, nous avons voyagé ensemble.
Un temps. Lent débit. Ce n’est pas moins cruel, ça ne peut pas l’être. C’est juste plus compréhensible.

- A Huamantla, tu as aussi retrouvé Celle qui s’appelait Rose – la formule lui a échappé, naturelle, habitude de nommer les gens de l’exacte manière qu’ils ont choisi pour se présenter. Nous sommes allés jusqu’à Cuamantzingo. Elle y est restée. Au fait, elle ne m’aime pas beaucoup. Non, ça, pas utile.

- L’ombre d’elle-même, paraît-il. Il faut le dire, il faut. Certains êtres méritent la vérité.

- L’Homme qui Pue, jamais vu, tout court. Et pas de pitié, les choses sont déjà assez difficiles. Il ne reviendra pas. La souffrance, ça se respecte. Ca ne se couvre pas de pleurnicheries.

- Et oui, nous sommes amis.
_________________

Regard hyalin, silhouette râblée - ordinairement indifférent, résolument moralisateur - très jeune, trop jeune homme. Mais il se soigne.
Zazanilli
Oh, je ne veux plus penser.
Brumes, douces brumes, revenez !

Mais elles ne reviennent pas. Et si la vision s'est légèrement obscurcie le temps d'un battement de paupières, la situation reste la même. Équilibre fragile qui ne demande qu'à plier de son côté pour briser l'ambiance tendue.
Ah, c'est à moi de dire, de faire ? A propos de quoi ?
Oh, ce qu'il m'a dit... Non !
Et déjà les paroles reviennent à l'esprit. Et si elles les a entendues sans broncher -même masque de pierre qui a réceptionné le lourd paquet- se les rappeler, les comprendre ne produit pas le même effet.
Oh, je ne veux plus penser...

Une grimace déchire sa bouche.

- Tu mens.

Mais sitôt les mots prononcés, elle réalise son erreur. Non, il ne ment pas. Pourquoi mentirait-il ?
Tout cela... Une nouvelle capitale. Une fille. Une Rose fanée. Un Homme qui Pue disparu.
Et de se mettre à parler, car c'est ainsi qu'elle réfléchit le mieux, avec sa caboche abîmée.


- Tu serais en train de me dire que tout ce que je connais, tout ce qui m'importe à moi, et non pas celle que j'ai pu être, n'est plus ?


Énoncer cela calmement, comme si l'on gérait parfaitement la situation.


- Tu serais en train de me dire que...
Et la voix se brise.
... Que je suis mère, j'ai parcouru l'Orient, ai fait toutes sortes de rencontres, ai découvert la nouvelle capitale occidentale, tout cela, hein, tout cela ?
- Non !

Elle lève une main, prête à frapper, frapper ce qui la fait tant souffrir. Baffer cet idiot d'ami dont on a aucun souvenir. Claquer cette joue poupine qui n'éveille en elle aucun sentiment maternel. Ou se cogner elle-même la tête contre le mur, pour tenter d'oublier, de se souvenir ?
Mais la main tremble, et retombe mollement sur sa jambe repliée.


- Je... J'ai, peut-être... non.
Je ne suis pas elle.


Comprends-tu ?
Et déjà la voix se fait plus sure, elle saisit sa sacoche, la passe par dessus sa tête, et sèchement :


- Tu étais son ami. Tu n'es pas le mien.
Je retourne à ma vie. La mienne.


Elle s'appuie sur le sol, et se remet debout, vite, trop vite. Sa tête semble exploser et mille lumières viennent l'éblouir. Elle chancelle, titube, la tête lourde et la vision réduite.
Puis, lorsque l'équilibre est revenu :


- Fais c'que tu veux du mioche.

Elle avance d'un pas. Le mioche. Un autre la fait presque quitter cette pièce, pièce étouffante. Son mioche, à elle. Elle s'arrête. Cela voudrait dire, grossesse comptée, qu'elle a perdu environ un an et demi de sa vie ? Le nombre la frappe, et, souffle coupé, elle s'appuie contre le chambranle de l'entrée. Lentement, elle se laisse glisser le long du mur, pour finir par s'accroupir, dos tourné vers le jeune homme. Elle enfouit sa tête dans ses genoux, enserre ses jambes de ses bras.
Que lui arrive-t-il ? N'est-elle pas la fière Vérole, qui ressort indemne de tout ? Tout, tout, mais pas ça... Non, c'est bien trop cruel.


Brumes, douces brumes, revenez...
_________________
Atl
… En même temps, ça ne pouvait pas se passer beaucoup mieux. Ainsi parle cette voix pragmatique dans le crâne du jeune homme. Et elle a raison. Elle a raison, et cela le met en rage.

Là, assise contre un mur, comme au premier jour. Gamine recroquevillée… autour de quoi ? Un passé perdu, un présent mort, recroquevillée autour de soi-même, tout à la fois celle qui n’a personne, et celle qui n’est plus personne.
La première fois, il aurait pu passer son chemin. Il ignore même pourquoi il ne l’a fait. Mais maintenant ? Maintenant il ne peut plus, mais il ne peut pas non plus l’approcher.
Et Atl remarque, dans sa poitrine, quelque chose resserré, qui n’y était pas.


Oh non, il ne ment pas. L’accusation, trop évidemment fausse, a glissé sur sa peau anesthésiée. Mais c’est la torsion de la lèvre, c’est la tresse affolée, c’est le regard noir, c’est… c’est… c’est… qu’elle n’a pas tort.
Ne pas la perdre, hein ? Pauvre fou que tu es ! Si les dieux te la prennent, que peux-tu ? Le trou noir percé dans sa vie, il fait prendre le feu et partir en fumée tout un pan de la tienne.
Tu pourras retrouver les coupables.
Tu pourras les tuer.
Tu les tueras.
Mais tu vas la perdre. Tu l’as déjà perdue.

Accepter le monde tel qu’il est, hein ? Sauf qu’elle est toujours .

Le silence s’est installé. Atl heurté se remémore un rire clair – c’était hier, et c’était il y a des lustres. Il a encore vieilli.
Près de lui l’enfant dort toujours. Intacte.

Tout à coup :


- C’est vrai.

Bon, bien entendu, ça n’apporte pas grand-chose. Mais c’est plus fort que lui. Même pas une tentative de la rattraper, quoique… En tout cas, une nouvelle preuve de son obsession pour les choses claires.
Et le ton de sa voix baisse encore, si bien que tout bas, très, très bas, tandis qu’il caresse machinalement la joue du bébé endormi :


- Tu n’es pas celle que tu étais hier. Et tu ne nous connais pas.

Et c’est presque – presque, hein – comme si sa voix s’était brisée.
Moue insatisfaite. Qu’est-ce que c’est encore que cette manie de la répétition ? Et pour ânonner pareils truismes, à soi-même de surcroît.
La brisure, il ne l’a pas entendue.

_________________

Regard hyalin, silhouette râblée - ordinairement indifférent, résolument moralisateur - très jeune, trop jeune homme. Mais il se soigne.
Zazanilli
- C’est vrai.

Bien sûr, que c'est vrai, la Vérole de Cuamantzingo a toujours raison. Mais les paroles se coincent au fond de sa gorge.

Que lui reste-t-il, si même son ciboulot ne lui est plus fidèle ? Cuamantzingo, qui a du bien changer. Plus de famille, sinon une Rose que sont Autre Elle a laissé perdre sa couleur.
L'ombre d'elle même, parait-il. Elle n'avait pas d'amis, la petite Gamine teigneuse. Et son Autre, si ? Un, du moins. Et un enfant.

Un sanglot vient secouer ses épaules et son frêle corps. Puis les larmes se mettent à couler. Elle pleure, la Zãzanilli. Pleure une vie perdue. Et se trouve en quelque sorte heureuse qu'Atl ne puisse la voir -même s'il doit s'en douter.
Je pleure ? Pleurer, c'est lâche. Je pleure, moi ? Oh... Et puis j'fais ce que je veux, d'abord. Alors je pleure.
Un peu rassurée, le "je fais ce que je veux" l'emportant sur la possible lâcheté de l'acte, elle se laisse les larmes dévaler ses joues et mouiller ses genoux.

Elle relève la tête, l'appuie contre le mur. Elle semble si lourde, cette caboche, elle est si fatiguée, Zãzanilli...
Et sa vie, où est-elle ?
Il ne lui reste rien, ou presque, de son passé. Et de ce qu'elle a oublié, des choses plus qu'horrifiantes -une fille, sérieusement !-.
Mais elle réalise, à contre-cœur, qu'il lui faut savoir, encore, connaitre.
C'est dur, c'est dur de grandir si vite, ma Rose, sais-tu ?

Et d'une voix éraillée, le regard planté dans le mur du couloir :

- Raconte.

Elle renifle, bat de lourdes paupières.

- Raconte la. Elle. S'il te plait.


S'il te plait... Ne le vois-tu pas, que tu es tout ce qui lui reste, pour se reconstruire, se retrouver ?

_________________
Atl
Accepter les choses telles qu’elles sont. Parfois, c’est moins facile que prévu. Mais elle est encore là.

Et la première chose qu’il trouve à dire, c’est :

- Son nom. Elle n’aimait pas qu’on l’écorche. C’est le premier souvenir que j’ai de toi, d’elle. Elle avait raison.

Atl repose sa tête contre la paume de sa main. Où il est question des araignées au miel, des enfants, des imbéciles. De parler longuement, à tout propos, et du silence auquel on s'accoutume. Des âneries du monde, de s'agacer, de s'inquiéter pour une Rose, de marcher en long, en large. Des guerriers bravaches que l'on raille, avec les amants dégoulinants. De Papalotl, la Larve – que c’est la première fois qu’il utilise ce nom-là, et du droit de l’approcher, qu’elle lui a accordé. D’une Flo dont il ignore presque tout, des noms fleuris et du pardon. D’un entraînement et de rire, et d’une tresse.
Mélangeant, toi et elle, elle et toi. Par bribe, tout ce qu’il sait, ce qui lui revient, ce qu’elle connaît déjà et ce qui lui a été enlevé.

Profonde confiance dans le pouvoir des mots, qui ne sauront jamais remplacer la mémoire.

_________________

Regard hyalin, silhouette râblée - ordinairement indifférent, résolument moralisateur - très jeune, trop jeune homme. Mais il se soigne.
Zazanilli
Elle est moi et je suis Elle.
Le jeune femme, recroquevillée sur son corps, écoute. Se reconnait parfois, lorsque l'on parle de nom, de natte, de moqueries. Et elle découvre le reste, qui semble si étranger, si inconnu.
Elle se sent lasse, terriblement lasse. Sa tête bourdonne, tandis qu'elle, perdue, tente de remettre bout à bout les morceaux épars de ce qu'elle fut.
La voix calme, posée du jeune homme la berce. Lentement, ses paupières tombent. Atl se fait lointain, ainsi que ses quelques derniers mots. Plus tard. Plus tard, elle pensera.

Et elle se laisse aller au sommeil, abandonnant pour l'instant cette Autre, préférant les rêves à cette réalité trop dure.
Il faut se faire aux choses telles qu'elles sont, elle le sait.

Je suis Elle. Mais je ne vivrai pas Sa vie.
_________________
Atl
Et le temps passe quand même, toujours

Profond soupir.
Quoiqu’il n’était peut-être pas si profond qu’on pourrait l’attendre. Ce n’est pas comme si Atl était un jeune père dépassé par les événements.

Il surveille, regard désespérément muet,
les événements qui détalent à quatre pattes. Papalotl grandit, inexorablement. Elle semble avoir adopté cette vérité universelle que le mouvement est infiniment préférable à l’immobilité. En quoi Atl ne peut que l’approuver.
Bien entendu, elle saisit sensiblement moins bien que lui tout ce que cela implique.

Le jeune homme se lève. Quelques pas de course, et il saisit
les événements par la taille, pour les élever dans les airs, jusqu’au dessus de sa tête.
Si si, il fait ça.
Et ce geste surprend jusqu'à lui-même. Mais pas parce que cela ne lui ressemble pas. Il admettrait volontiers qu'il aime courir après la môme,
sa môme, et les éclats de rire poupins. Ou plutôt : il le confirmerait, de ce ton égal et sans enthousiasmes. Parce que c’est vrai.
Non, c’est autre chose. Dans le geste lui-même, dans la force recouvrée de ses bras, et au-delà du geste. Plus loin vers l’est. Autres poids. Autre échelle.
Toutes choses moins réjouissantes.

Il temporise :


- Où tu vas ?

Ce qui était une vraie question.
Qui ne trouvera d’autre réponse qu’un rire – allez comprendre.
Atl ne s’en formalise pas.


- On va boire un chocolat ? Et chercher Zãzanilli.

Avec quelqu'un de plus âgé, il n'aurait pas prononcé la deuxième partie. Tirez-en les conclusions qui vous chantent.
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)