Kernos
[Salon du manoir des Devirieux, Briançon]
Nerveux bien qu'il n'en laissait rien paraître, Kernos se tenait debout face à la fenêtre, les yeux rivés sur la neige qui tombait dans les jardin , dans le grand salon de la résidence briançonnaise des Devirieux. Ces quelques jours passés dans les montagnes avaient été propices à la réflexion, loin des murs de son castel glandageois et de son hostel diois, qui avaient pris des allures de prison, le grand air, les chevauchées à travers les forêts enneigées et la chasse au vol, lui avaient éclairci les idées, les débarrassant de leurs penchants négatifs et égoïstes... Une conviction s'était alors formée dans son esprit, dure et lourde de conséquences pour lui-même et sa famille, mais il ne doutait plus de sa nécessité: lorsque votre bras est gangréné, mieux vaut le couper que de laisser la pourriture infecter le reste de votre corps et d'en mourir. Prosaïque comme remède, mais efficace, la lettre d'Axel et ces derniers jours l'en avaient convaincu qu'il était t'en de l'appliquer... même si ce n'est pas ce à quoi son coeur aspirait, il avait cessé de se bercer des espoirs fous que ses sentiments lui soufflaient, il avait été suffisamment aveugle comme ça, il ne voulu plus causer d'avantage de tords à ceux qu'il aimait de tout son être.
La raison... écouter sa raison, avoir le courage d'agir avec justice et tempérance, pour le bien de tous. Autrefois il en était capable, aujourd'hui, il espérait en avoir encore la force quand elle se tiendrait devant lui. Kernos secoua la tête, encore ses sentiments et ses craintes qui essayaient de se faufiler dans les failles de sa résolution, il les repoussa au plus profond des recoins de son cerveau... il fallait qu'il aille jusqu'au bout, qu'il garde les idées claires et reste ferme. Il soupira lentement et quitta son poste d'observation pour s'approcher des fauteuils disposés devant la cheminée par les gens des Devirieux. Il plongea son regard dans les flammes crépitantes un instant, il aurait bien aimer prendre un verre pour se donner du courage, mais le simple souvenir de l'état pitoyable dans lequel il était encore plongé il y a quelques semaines, le détourna de la bouteille de génépi qui trônait sur l'une des tables du salon.
Son coeur battait un peu plus fort à chaque minute, et l'attente lui paraissait de plus en plus insoutenable au fur et à mesure que l'heure du rendez-vous qu'ils s'étaient fixés approchait. Bien qu'il savait que cela ne changerait rien à la situation présente, il avait particulièrement pris soin de sa toilette ce matin, se rasant de près et faisant ajuster ses cheveux par le barbier... il ne voulait pas lui rappeler l'homme lamentable qu'il avait été ces derniers temps, et surtout, il ne voulait plus se voir aussi misérable et indigne qu'il avait pu être. Son séjour à Briançon lui avait permis de retrouver un peu de la carrure qui était sienne, à l'aide de la nourriture et les exercices qu'il s'était imposé, bien qu'il lui restait encore quelques efforts pour redevenir celui qu'il était avant la mort de Nathanaël. Vêtu de son pourpoint de velours noir orné du chêne rouvre d'argent des Rouvray, sa médaille religieuse camouflée par-dessous, bottes de cuir sombre fourrées aux pieds et chausses épaisses sur les jambes, il espérait ainsi faire meilleure figure pour ce qu'il avait à dire.
Il ne restait que quelques minutes avant l'heure indiquée sur le billet qu'il avait fait porter à Axel, dès qu'il avait appris son retour à Briançon... quelques instants de doutes avant de savoir comment elle allait l'accueillir... mépris ou indifférence... Il serait bientôt fixé là-dessus, alors il se tint prêt, visage et regard impénétrables, malgré le trouble qui l'envahissait en pensant à elle et à ce qu'il avait décidé d'accomplir.
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Nerveux bien qu'il n'en laissait rien paraître, Kernos se tenait debout face à la fenêtre, les yeux rivés sur la neige qui tombait dans les jardin , dans le grand salon de la résidence briançonnaise des Devirieux. Ces quelques jours passés dans les montagnes avaient été propices à la réflexion, loin des murs de son castel glandageois et de son hostel diois, qui avaient pris des allures de prison, le grand air, les chevauchées à travers les forêts enneigées et la chasse au vol, lui avaient éclairci les idées, les débarrassant de leurs penchants négatifs et égoïstes... Une conviction s'était alors formée dans son esprit, dure et lourde de conséquences pour lui-même et sa famille, mais il ne doutait plus de sa nécessité: lorsque votre bras est gangréné, mieux vaut le couper que de laisser la pourriture infecter le reste de votre corps et d'en mourir. Prosaïque comme remède, mais efficace, la lettre d'Axel et ces derniers jours l'en avaient convaincu qu'il était t'en de l'appliquer... même si ce n'est pas ce à quoi son coeur aspirait, il avait cessé de se bercer des espoirs fous que ses sentiments lui soufflaient, il avait été suffisamment aveugle comme ça, il ne voulu plus causer d'avantage de tords à ceux qu'il aimait de tout son être.
La raison... écouter sa raison, avoir le courage d'agir avec justice et tempérance, pour le bien de tous. Autrefois il en était capable, aujourd'hui, il espérait en avoir encore la force quand elle se tiendrait devant lui. Kernos secoua la tête, encore ses sentiments et ses craintes qui essayaient de se faufiler dans les failles de sa résolution, il les repoussa au plus profond des recoins de son cerveau... il fallait qu'il aille jusqu'au bout, qu'il garde les idées claires et reste ferme. Il soupira lentement et quitta son poste d'observation pour s'approcher des fauteuils disposés devant la cheminée par les gens des Devirieux. Il plongea son regard dans les flammes crépitantes un instant, il aurait bien aimer prendre un verre pour se donner du courage, mais le simple souvenir de l'état pitoyable dans lequel il était encore plongé il y a quelques semaines, le détourna de la bouteille de génépi qui trônait sur l'une des tables du salon.
Son coeur battait un peu plus fort à chaque minute, et l'attente lui paraissait de plus en plus insoutenable au fur et à mesure que l'heure du rendez-vous qu'ils s'étaient fixés approchait. Bien qu'il savait que cela ne changerait rien à la situation présente, il avait particulièrement pris soin de sa toilette ce matin, se rasant de près et faisant ajuster ses cheveux par le barbier... il ne voulait pas lui rappeler l'homme lamentable qu'il avait été ces derniers temps, et surtout, il ne voulait plus se voir aussi misérable et indigne qu'il avait pu être. Son séjour à Briançon lui avait permis de retrouver un peu de la carrure qui était sienne, à l'aide de la nourriture et les exercices qu'il s'était imposé, bien qu'il lui restait encore quelques efforts pour redevenir celui qu'il était avant la mort de Nathanaël. Vêtu de son pourpoint de velours noir orné du chêne rouvre d'argent des Rouvray, sa médaille religieuse camouflée par-dessous, bottes de cuir sombre fourrées aux pieds et chausses épaisses sur les jambes, il espérait ainsi faire meilleure figure pour ce qu'il avait à dire.
Il ne restait que quelques minutes avant l'heure indiquée sur le billet qu'il avait fait porter à Axel, dès qu'il avait appris son retour à Briançon... quelques instants de doutes avant de savoir comment elle allait l'accueillir... mépris ou indifférence... Il serait bientôt fixé là-dessus, alors il se tint prêt, visage et regard impénétrables, malgré le trouble qui l'envahissait en pensant à elle et à ce qu'il avait décidé d'accomplir.
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