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Information and comments (3)
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[RP] La clairière de la Foi

Sancte
Souvenons-nous ensemble que bien mal acquis ne profite jamais, et récitons d'une seule voix le bénédicité.

Seigneur, bénissez ce repas.
Le fruit de la terre, le tribut de la vie, ceux qui l'ont préparé.
Et procurez du pain à ceux qui n'en ont pas.

Amen.


Ahhh, la belle Cyrinea avait compris combien le bon et généreux Bourgmestre aimait se faire mousser, et de cette constatation, elle en abusait gaiement. Depuis sa tendre enfance, Iohannes avait toujours appréhendé les cérémonies qui pourtant étaient quasi toutes identiques les unes aux autres, rendues figées par le vitrage du protocole. Mais avec cette expérience de bourgmestre et depuis son abandon forcé des arts guerriers, il était devenu bien malgré lui quelque peu mondain. Acquiesçant à l'aimable proposition de Matalena, il engouffra dans sa bouche une tranche de viande salée destinée à faire amortir dans son esprit le coût de cette petite fête qu'il ne tarderait pas à quitter pour s'en retourner à ses obligations. Suite à la prose de Cyrinea, il brisa donc à son tour le silence pour s'adresser une nouvelle fois à l'assemblée en levant haut son godet de vin:

Pour l'amour de Dieu et pour notre Salut !

Il maintint haut son gobelet au centre de cette clairière qui était la vitre par lequel le Royaume dédaignait la Réformation tout en étant profondément assommé par elle. S'approchant de l'enfant, le sicaire y déposa une croix de St Jean, la croix des confédérés, qui dégoutait plus d'un clerc en ce bas monde, pour ce qu'elle représentait la chute de son autorité sur les âmes. Puis il félicita chaleureusement la marraine du petit enfant gringottant qu'il avait rejeté par le passé, pour mieux s'enfiler une belle lampée de vin dans le gosier.
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Hulrika
Cérémonie finie, Cyrinea et Alrick étaient entrés dans la communauté des réformés. Je me voyais mal aller la féliciter, ne sachant si cela était vraiment une bonne chose, après tout c'était peut-être un engagement envers Deos et c'est tout, comme un baptême aristotélicien. A la croix des confédérés, je préférais la médaille de baptême. Cela la rendait heureuse, c'était son choix et je le respectais, désirant par ma présence partager son bonheur.

J'avais fait le choix de venir ici, non par conviction, mais pour Cyr. Allons jusqu'au bout.

Je me levai, souris à Aiki qui s'était assis à côté de moi pendant la cérémonie.

Il parait qu'on peut manger à l'œil ici, tu m'accompagnes au chapiteau?

J'espérais ne pas croiser quiconque pourrait gâcher l'ambiance.

M'approchant du chapiteau puis du buffet, je vis Crystal et Sophie, un verre à la main.
Bonjour Mesdames. Petite inclinaison de la tête. Le vin est bon?
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Cyrinea
Non, elle n’allait pas fondre, même si elle n’était pas accoutumée à tant de tendresse Sanctienne. Pour se donner contenance, néanmoins, elle colla un énorme poutou sur la joue d’Alrick, fière qu’elle était comme une maman ...elle pensa soudain à Rosa et se dit qu’elle aurait été heureuse de voir son fils ainsi entouré, avec cette sobre mais néanmoins magnifique médaille autour du cou. Elle en remercia tout aussi chaleureusement le parrain, se demanda si Victoire, qui n’avait pas quitté ses bras aurait enfin droit à une petite sucrerie, mais décida qu’elle n’allait pas s’en mêler.

Tu veux faire un bisou à Alrick ma puce ? Je suis sûre qu’il en a trèèèès envie !

Elle hissa l’enfant à hauteur de la montagne qui la tenait dans ses bras, et, détournant un instant la tête affirma à Hurika que le vin était divin, ce qui était de circonstance.

Alrick tendait ses mains pour essayer d’agripper les joues de la petiote et elle fut obligée de les lui tenir, douceur oblige quand on a affaire à une damoiselle, d''autant que Victoire, certainement épuisée par la cérémonie avait fini par jouer les belles au bois dormant sur les épaules paternelles. Il grandissait, son éducation allait bientôt devoir être sérieusement entreprise, dès lors qu’il commençait à être en âge d’arpenter le sol de Montauban, ne fût-ce qu’à quatre pattes. Elle se demandait bien dans quoi elle s’était fourrée...
Matalena
Et c'est dans cette joyeuse ambiance festive de bonne chair, de vinasse, et de vagissements de mômes de tous âges que s'achevèrent ces aimables festivités, de nouvelles aventures appelant au loin nos vaillantes mercenaires. Nul doute que, comme toute bonne fin de soirée qui se respecte, les uns couraient se mettre au lit tandis que les autres iraient enrichir les tavernes environnantes en finissant la soirée tête dans le Tarn ronds comme des queues de pelle... Mais ça, c'est une autre histoire.



Fin de la huitième séance

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« Ne confondez pas le sombre avec l'obscur. L'obscur accepte l'idée de bonheur; le sombre accepte l'idée de grandeur. »
Victor Hugo

Sancte


Ouverture de la 9e séance.



Religionnaires, le bonjorn.

Le Duché grouillait d'hommes armés, d'incidents, et de fortes nouvelles, comme ce n'était pas arrivé depuis maintenant fort longtemps. Sancte avait coutume de s'épanouir en ces circonstances. Pourtant ces dernières heures, il avait plutôt l'impression de peigner la girafe. Si bien qu'il se rendit à la clairière de la foi après y avoir convoqué ses Huguenots qui s'apprêtaient à décamper de Montauban en lances armées, la fleur au mousquet et le souris aux lèvres. Jamais il n'aurait eu pensement que ses béguines puissent partir en mission sans qu'il ne soit de la partie, et depuis qu'il avait donné ses ordres, cela lui alourdissait quelque peu le cœur de devoir s'en séparer, à l'instar d'une mère devant se résoudre à voir son fils quitter le cocon familial pour mener son existence propre.

"Pauci sunt quos dignos intrare punto"

Je veux que dire que peu nombreux sont les justes qui sont dignes d'entrer ici. Aussi aimerais-je qu'à l'avenir n'y soient invités que les membres baptisés de notre communauté et point de stupides contempteurs de la réformation, faisant davantage acte de présence au nom d'une forme hypocrite de mondanité que par réel intérêt pour la foi qui nous réunit.


A ces propos, il toisa Cyrinea, qu'il accusait en son for intérieur d'avoir invité Hulrika au baptême d'Alrick alors même qu'elle n'avait pas sa place parmi eux. Et qu'elle ne l'aurait sans doute jamais. Las, la sommité Réformée se coucha sur une bande de foin, et feuilleta son livret de prières pour en choisir une qu'il jugerait appropriée à la circonstance. Ou comment les laisser aller à la guerre sans obscurcir leurs jeunes esprits. Lorsqu'il eut choisi, il se leva, et parla de sa voix de stentor Occitan.

Amis, camarades de la nouvelle opinion, à vous tous qui vous préparez au départ, prions ensemble pour affermir la vigueur de votre bras invincible !

Prière de l'Invincible a écrit:
Unique, écoute ma prière ! Prête oreille attentive à mes supplications !
Exauce moi dans Ta fidélité et Ton esprit de justice !

N'entre pas en jugement au-devant de ton serviteur,
Car nul n'est parfait devant toi.

L'ennemi poursuit mon âme,
Comme il foule la terre où je puise la vie,
Il me fait loger dans les ténèbres de ceux ont mécru,
Et qui sont morts depuis longtemps.

En moi, l'espérance est abattue.
Et mon cœur, siège de mes pensées, est gagné par le doute.

Je me souviens du passé,
Je médite sur Tes œuvres,
Je réfléchis sur le chef-d'œuvre de la Création,
J'étends mes mains vers Toi,
Mon âme soupire à côté de Toi comme une terre aride.

Hâte-Toi de m'exaucer, Unique !
Car mon esprit se consume,
Ne Te dérobe pas à moi !
Car je serais semblable aux condamnés que l'on jette dans la fosse.

Fais-moi dès l'aurore entendre les clameurs de Ta bonté,
Car au saut du lit, je m'en remets à Toi.
Guide-moi sur les routes que le vertueux doit emprunter,
Car c'est vers Toi que s'élève mon âme.

Délivre-moi de mes ennemis ! Ô Unique rédempteur !
Car c'est auprès de Toi que je cherche asile,
Enseigne-moi à suivre le chemin de Ta volonté !
Car Tu es mon Dieu,
Dont l'esprit pur guide le fidèle sur la voie de la sagesse.

En Ton nom, redonne-moi vie !
En Ta justice, arrache mon âme pécheresse aux abîmes de la détresse !
En Ta bonté, donne-moi la force d'anéantir mes ennemis !
Et que trépassent tous les oppresseurs de mon âme.

Car je suis Ton éternel serviteur.

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Scath_la_grande
Son ventre en proue de navire ouvrait sa marche et ce matin comme à chaque fois que la rousse entrait dans cette clairière, elle y trouvait un apaisement à ses troubles. Son visage marqué par des nuits trop concises, résonnait de ses inquiétudes profondes. Inquiétude sourde d’une mise bas prochaine et d’un départ imminent qui lui taraudaient l’esprit. Fallait-il qu’elle numérote ses abattis dans un avenir à portée de jour ? Peut-être…

Engoncée dans la gangue d’un silence peu coutumier, Scath s’installa, elle et son entité ventrale pour attendre le bénéfique prêche du lecteur. En lieu d’y trouver une certaine paix à ses tourments de ces dernières semaines, la future parturiente fut confrontée à un doute quand les paroles du Sicaire furent distillées.

Que des baptisés ? Et elle ne l’était pas…
L’échine se roidit, et s’arqua un de ses sourcils sous le ton surprenant qu’avait utilisé Sancte à propos de ces « stupides contemplateurs ». En faisait-elle partie ?
Aucune croix de confédérée ne siégeait à son cou, et pourtant sa foi était là, peut-être en marge des autres mais bien vivace malgré tout. Certainement un oubli du lecteur qui ployant sous le poids des responsabilités se désintéressait de quelques détails roux.

Tout bas, une main posée avec nonchalance sur sa bedaine, elle entra dans le sillage de la prière, les mots s’incarcérant dans le tracé de la voix grave et autoritaire de Sancte.


Unique, écoute ma prière ! Prête oreille attentive à mes supplications !
Exauce moi dans Ta fidélité et Ton esprit de justice !

N'entre pas en jugement au-devant de ton serviteur,
Car nul n'est parfait devant toi.

L'ennemi poursuit mon âme,
Comme il foule la terre où je puise la vie,
Il me fait loger dans les ténèbres de ceux ont mécru,
Et qui sont morts depuis longtemps.

En moi, l'espérance est abattue.
Et mon cœur, siège de mes pensées, est gagné par le doute.

Je me souviens du passé,
Je médite sur Tes œuvres,
Je réfléchis sur le chef-d'œuvre de la Création,
J'étends mes mains vers Toi,
Mon âme soupire à côté de Toi comme une terre aride.

Hâte-Toi de m'exaucer, Unique !
Car mon esprit se consume,
Ne Te dérobe pas à moi !
Car je serais semblable aux condamnés que l'on jette dans la fosse.

Fais-moi dès l'aurore entendre les clameurs de Ta bonté,
Car au saut du lit, je m'en remets à Toi.
Guide-moi sur les routes que le vertueux doit emprunter,
Car c'est vers Toi que s'élève mon âme.

Délivre-moi de mes ennemis ! Ô Unique rédempteur !
Car c'est auprès de Toi que je cherche asile,
Enseigne-moi à suivre le chemin de Ta volonté !
Car Tu es mon Dieu,
Dont l'esprit pur guide le fidèle sur la voie de la sagesse.

En Ton nom, redonne-moi vie !
En Ta justice, arrache mon âme pécheresse aux abîmes de la détresse !
En Ta bonté, donne-moi la force d'anéantir mes ennemis !
Et que trépassent tous les oppresseurs de mon âme.

Car je suis Ton éternel serviteur.


Lèvres qui se plissèrent dans l'achèvement de l'oraison.
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"Musteile arrive... Fuyez pauvres fous ! Fuyeeeeez !!!"
Cyrinea
Elle se laissa toiser, mais lui décocha un regard qui en disait long. Décidément, elle finit par se demander si c’était une manie chez les Sicaires de ne pas s’en tenir, pour leurs sermons, au cadre de la prière et de la communion. Passe encore en ce qui concernait sa fille mais pour le reste, ce n’était pas faute de lui avoir posé la question et de s’être, en outre ! entendu répondre que tout le monde pouvait venir ici, sans autre forme de procès. Et elle avait à ce propos, justement, mentionné le nom d’Hukrika, se doutant bien que c’était à elle qu’il faisait allusion et non pas à Sophie. Il avait donné son aval, mais, la voir en chair et en os avait dû le défriser comme devaient d’ailleurs le défriser ses obligations bourgmestrales alors qu’ils s’apprêtaient tous à partir d’ici épée en main.

Elle décida que ce n’était pas le moment d’embrayer sur une engueulade, surtout lorsqu’elle le vit nonchalamment s’étendre sur une bande de foin, symbole s’il en est de ce qui suit juste après, dans le meilleur des cas, c'est-à-dire la réconciliation. Mais l’heure était à la prière de tout’ façon et elle chassa de son esprit aussi bien agressivité que sensualité.

Elle s’y adonna. Sans retenue.
Matalena
Ah, les femmes ! Vous leur causez religion et elles pensent gaudriole pour les unes, grossesse pour les autres, ce qui n'est jamais rien après tout qu'histoire de fesses à des stades différents. Heureusement que le sicaire entretenait suffisamment sa testostérone pour pouvoir faire face à toutes ces jouvencelles sans jamais se laisser aller à des coups de sangs infondés pour trois mots de travers et autres sottises typiquement féminines, les sermons se transformeraient vite en procès sur le choix du vocabulaire. Sans s'apercevoir des humeurs ombrageuses de ces camarades, la Languedocienne était toute à la joie de retourner sur les routes, d'autant plus lorsqu'un probable combat se dessinait en bout de piste. Elle avait trouvé en Montauban un foyer où poser son sac à dos, ses doutes, et ses peines avec. Pourtant, jamais son plaisir n'était plus grand que lorsqu'après avoir usé sur les chemins son énergie débordante elle pouvait y revenir, avec la certitude d'y retrouver son foyer et ses piliers de comptoir. Ses affaires étaient déjà prête, et la journée devait être consacrée au repos en attendant le départ et le voyage de nuit...
La seule ombre à son tableau résidait dans la ride soucieuse qui plissait le front du Lecteur entre ses deux sourcils broussailleux. Sans doute n'était-il pas près à considérer que sa vie d'errance et de combats était peut-être définitivement derrière lui, et que son rôle n'était plus désormais que celui d'un superviseur occupé de ses affaires politiques et mondaines. Le jour où elle était partie pour ce qui se révèlerait être sa première mission lui revenait encore clairement en mémoire : comment, malgré sa gueule cassée et son buste amaigrit, il était dans son élément au sortir du champ de bataille, le faciès morgue et l'œil luisant encore des horreurs du combat.
Elle avait caressé l'idée stupide qu'il pourrait les accompagner, et gardait l'image de sa massive carcasse affalée dans le foin comme celle d'un cheval fourbu rentré à l'écurie... La jeunesse de ses ouailles encore rehaussée par leur piaffements impatients même au moment de la prière. Naturellement, la brunette c'était assise à côté de la rouquine, qui jetaient des regards angoissées sur son excroissance. La tisserande posa à son tour sa main sur le ventre de sa pote avec un petit clin d'œil. Quand le mioche sortirait, elle serait là pour l'attraper.
Les paroles du sicaire trouvèrent en elle un écho nostalgique, vaguement douloureux, comme on gratte la cicatrice d'une ancienne blessure. Instinctivement, elle remua l'épaule droite, signe que sa belette pouvait dors et déjà interpréter comme de la nervosité, une certaine gène. De tristes paroles que celles-ci... Qui traduisaient un peu trop bien les hantises auxquelles elle se sentait soumise dans le secret de son âme toujours dissimulée.


En moi, l'espérance est abattue.
Et mon cœur, siège de mes pensées, est gagné par le doute.

Je me souviens du passé,
Je médite sur Tes œuvres,
Je réfléchis sur le chef-d'œuvre de la Création,
J'étends mes mains vers Toi,
Mon âme soupire à côté de Toi comme une terre aride.

Hâte-Toi de m'exaucer, Unique !
Car mon esprit se consume,
Ne Te dérobe pas à moi !


S'agissant de ne pas obscurcir les esprits, le chant n'était guère judicieux, mais peut-être pouvait-on voir dans ce choix le reflet des ombres qui clouaient l'homme dans la peau d'un bourgmestre, rôle dans lequel il s'épanouissait, comme partout, et qui pourtant se substituait ces derniers mois à toutes les autres facettes qui façonnaient son personnage. Néanmoins cet appel fut accueillit sans malice, comme une bénédiction visant à leur porter chance dans leur expédition et leurs batailles futures, et c'est sans hésitation qu'elle pria à son tour, le front légèrement baissé en signe d'humilité.
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« Ne confondez pas le sombre avec l'obscur. L'obscur accepte l'idée de bonheur; le sombre accepte l'idée de grandeur. »
Victor Hugo

Sancte


Fin de la neuvième séance.
Sancte
    Toy qui n'a soing ny cure,
    De tes povres brebis, ny de leur nourriture,
    Qui ne les vois jamais, ou bien si tu les vois,
    Qui n'est pas en un an à grand' peine deux fois,
    C'est par forme d'acquit, ou pour tondre la laine,
    De ton pauvre troupeau, qui nourrit par sa peine,
    Ta molle oisiveté, ton vice & ton plaisir,
    Et pour rassasier ton avare désir.
    Puis impudent tu fais tes plainctes & querelles,
    De tant d'opinions & de sectes nouvelles,
    Qui de toy te dois plaindre, & ta faulte accuser,
    Non pas comme tu fais, de ton tiltre abuser.

    Joachim du Bellay





Début de la 10e séance - Baptême de Scath et de Crystal


Revenus vivants et pour la plupart entiers de leur mobilisation subite, les réformés Montalbanais avaient dès lors montré deux choses: leur empressement à toucher leur solde et qu'ils n'avaient jamais froid aux yeux. Ce matin là, Iohannes était tout dévoué à ses pensées qui trahissaient prodigieusement son manque de concentration. Quelle pitié. Cette guerre menée couci-couça par des belligérants extérieurs plus grandes gueules que réellement menaçants n'avait pas encore éclaté qu'il en avait déjà assez. Vraiment. L'idée qu'on se faisait des fabuleuses et légendaires batailles ne trouvaient décidément jamais racine dans les faits empiriques. Pour se rendre compte de ce que c'était, il fallait obligatoirement être déjà parti en campagne plusieurs semaines durant. En général, on était engagé volontaire une fois. Rarement deux. Surtout lorsqu'on avait été meurtri dans sa chair. Car le combat, au delà de la science qu'il requiert, est surtout un apprentissage de la douleur pour les plus chanceux, assez rares, et de l'handicap pour les autres, hélas plus nombreux.

Néanmoins, le regard de ses coreligionnaires le ramena sur terre. Il leur divulgua la lecture du jour.



La Vita de Christos - V - La retraite dans le désert a écrit:
Jeshua marchait dans les dunes depuis plusieurs jours déjà, buvant l’eau de son outre et mangeant les sauterelles venues du sable, lorsque fatigué, l’envie lui prit de s’étendre de tout son long et de ne plus bouger. Il lui semblait qu’une force mystérieuse lui disait:

"Arrête-toi, Christos, fils de Giosep, car tu es fatigué. Si tu voulais, tu pourrais rebrousser chemin et rentrer chez toi sans t’épuiser."

C’était la créature sans nom, celle qui vivait dans l’ombre depuis les millénaires. Elle ne voulait pas qu’à travers Christos la parole d’amour de Dieu se répande. Aussi avait-elle décidé de le corrompre afin de le détourner de sa juste mission. Si les racines de l’arbre noircissaient, alors celui-ci ne porterait jamais de fruits.

Christos répondit, sans se mettre en colère : "Va t’en, toi qui veux me perdre dans la paresse, je continuerai car le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt !"

Et la tentation de se reposer se dissipa en cet instant.

Alors, comme Jeshua jeûnait depuis des jours, il avait de plus en plus faim. Il sentait son ventre lui faire mal, et monter en lui l’envie d’ouvrir les dernières provisions qui lui restaient dans son sac en peau de mouton. La créature sans nom, douée d'un charisme exceptionnel lui disait:

"Ouvre ton sac, Christos, fils de Giosep, car tu as faim. Mange donc cette viande et ce pain qui t’attendent. Tu pourras toujours te réserver les sauterelles pour plus tard."

Christos répondit, sans se mettre en colère : "Va t’en, toi, qui veux me perdre dans la gourmandise. Je n’ouvrirai pas mon sac car le monde appartient à ceux qui savent endurer la faim."

Alors, comme Christos se trouvait au beau milieu du désert, il était fatigué, il avait faim et son corps lui faisait mal. Soudain, en fixant l’horizon devant lui, il eut l’impression de voir une oasis. C’était un petit lac entouré de buissons verts. L’oasis était encore loin mais des cris d’allégresse semblaient s’en échapper. Christos reconnut bientôt des silhouettes féminines, nues, se baignant dans cette pièce d’eau. La voix mielleuse de la créature sans nom lui dit:

"Qu’attends-tu, Christos, fils de Giosep, pour les rejoindre ? Ne les entends-tu pas, ces belles femmes qui t’appellent ? Elles sont toutes à toi ! Et bien gaulées en plus, mazette !"

Christos répondit, sans se mettre en colère : "Va t’en, toi, esprit du vice, qui veut me perdre dans la luxure. Je ne détournerai point ma route, car aussi vrai que je te le dis, cette oasis et ces femmes vont disparaître de ma vue."

Et en effet, bientôt, l’image de l’oasis se dissipa, laissant à Christos la vision d’un désert étendu jusqu’à l’horizon et irradié par le soleil.

Alors, comme Jeshua continuait à marcher, sans regarder derrière, il vit soudain devant lui l’image d’une grande ville. Cette cité était magnifique, les tours et les murailles ne cachaient pas sa richesse et les maisons, ornées d’ors et de pierreries, semblaient briller de mille feux. Un dôme dépassait, qui devait être celui du palais du maire. La douce voix de la créature sans nom dit à Christos:

"Vois cette belle ville, et contemple sa richesse ! Si tu voulais, tu pourrais en devenir le maire, avec les talents que tu possèdes. Car en vérité, tu as été capable de jeûner durant toutes ces journées, ainsi que de résister à la fatigue et aux femmes. Ta force de caractère pourrait t’emmener très haut !"

Alors Christos lui répondit, sans se mettre en colère:
"Va-t-en, esprit malin, qui veux me perdre dans l’orgueil, l’envie et l’avarice. Je résisterai aussi à ces péchés là, car il est petit, celui qui cède à ses pulsions."

Alors la créature sans nom dit : "Dieu nous a fait ses enfants car nous sommes les plus fortes de ses créatures. Parmi nous, je suis sa préférée, car je suis le plus fort de nous tous. J’ai compris que le fort devait dominer le faible, comme vous les hommes, dominez les vaches, les cochons et les moutons. Dieu nous a donné Sa création pour nous apporter les mille plaisirs du corps et de l’esprit que nous méritons. Y a-t-il un meilleur moyen de Lui rendre hommage autrement qu’en sachant apprécier les plaisirs de Sa création ?"

Mais Christos lui rétorqua: "Va-t’en, tentatrice ! Ta présence parmi la création est une injure faite à Dieu. Sache que tu n’es pas Sa préférée. Il t’a reléguée dans l’ombre, car tu t’es détournée de Sa lumière. Il ne t’a laissé la parole qu’afin d’éprouver la foi des humains."

Et il ajouta: “Dieu nous a fait ses enfants car nous sommes les seuls à savoir aimer sans rien attendre en retour. Il ne t’a pas donné ce titre, vile créature, car tu n’as pas de cœur, car ton âme est noire comme le jais. Certes, le monde, créé par Dieu, est source de mille plaisirs. Certes, c’est lui rendre hommage que de savoir les apprécier à leur juste valeur. Mais ces plaisirs doivent être dégustés et non dévorés. Seule la vertu, telle que nous l’a enseignée le prophète Aristote nous permet d’apprécier les plaisirs du monde sans tomber dans le vice et le péché.”

Il conclut enfin: “Car le péché est la négation de la perfection divine. L’abandon total aux mille plaisirs s’accompagne du détournement de l’amour de Dieu, alors que le goût simple et mesuré de la création divine ne peut se faire que dans l’amour de son créateur. Alors va-t'en !"

Aussitôt, la créature sans nom, qui rampait à ses côtés, disparut, le laissant aux portes du désert. Il avait traversé ce pays de tentations durant quarante jours.


Il n'avait cette fois à bannir personne de cette clairière ou procéder à nul congédiement d'aucune sorte. C'est pourquoi le lecteur s'exprima avec sérénité pour livrer aux huguenots ici réunis l'apparente naïveté des aventures de Christos et des déboires du Sans Nom. Seulement, affirmer que ce texte n'était guère davantage qu'une vulgaire historiette à raconter aux enfants relevait du blasphème car contrairement aux apparences, riche était le message qu'il délivrait. Il suffisait de le voir. Avec un passage simple qui ne nécessitait que quelques minutes d'attention, il avait cependant pris peu de risques. Car c'étaient ceux-là qui remportaient le plus souvent l'adhésion d'un auditoire néophyte. En émettant le désir d'embrasser une nouvelle vie, Crystal et Scath laisseraient leur passé respectif en arrière d'elles-mêmes. C'est donc avec une résolution à la hauteur de la force de leur engagement que Iohannes décida de se livrer au commentaire de texte, avant qu'on ne lui réclame, éventuellement, quelques explications bienvenues dans un tourbillonnement de curiosité. Il se laissa donc lourdement tomber sur son siège, et s'exprima d'une voix forte et le front bien haut. Autant de stigmates d'une morgue devenue naturelle.

Scath, Crystal, en émettant le vœu pieu d'intégrer la communauté Aristotélicienne Réformée, vous vous engagez comme Christos dans une longue traversée du désert.

A ceux qui railleront votre foi, vos instants de doute, vos moments de faiblesse morale, et qui vous diront de les rejoindre pour aspirer à une plénitude factice corruptrice de l'âme, souvenez-vous des justes paroles de Christos et répondez-leur: "Va-t-en. Car le chemin de la foi est long et barré de hautes traverses, mais il est donné au juste de les surmonter."

A ceux qui vous feront la charité dans le but sournois de vous soumettre, espérant vous arracher en retour et de façon tacite reconnaissance et dette morale, souvenez-vous des justes paroles de Christos et répondez-leur: "Va-t-en. Car le juste marche plus aisément le ventre creux que le cœur lourd."

A ceux qui vous diront de vous convertir, car les ors de la basilique St Titus suffisent à eux-seuls à garantir au fidèle Romain respectabilité et succès auprès des verts galants et girondes bourgeoises, souvenez-vous des justes paroles de Christos et répondez-leur: "Va-t-en. Car la concupiscence étant plaisir éphémère et la luxure vice asservissant, c'est là payer trop cher des joies trop courtes."

A ceux qui vous diront "Convertis-toi ! Baise la bague de l'évêque ! Honore sa mitre ! Agenouille-toi devant les saintes reliques ! Découvre-toi devant les processions ! Confesse tes péchés à l'oreille du prêtre ! Prie donc les archanges, les saints et les prophètes car ils sont nos intercesseurs ! Cela t'apportera richesse, honneurs, et pouvoir car seule ma bénédiction t'ouvrira les portes de la réussite." ; souvenez-vous des paroles de Christos et répondez-leur avec dignité: "Va-t-en, homme corrompu dans sa foi comme il l'est dans son cœur. Les créances terrestres accordées par une foi souillée seront autant de dettes à l'heure de mon Jugement. Huguenot je suis, qui ne s'agenouille que devant Dieu et ne craint ni le fer ni le feu. Car rien de mauvais n'arrive au devant du juste."

Aussi mes Frères et mes Soeurs, restez en toute circonstance mesurés en actes comme en paroles et n'abusez point des bienfaits octroyés par le Seigneur. Et si telle est toujours votre volonté, je vous prie de bien vouloir approcher.


Et il se plaça à côté de la vasque.
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Scath_la_grande
Le front haut et le cœur battant, la rousse savourait cette lecture comme nulle autre. Aujourd’hui était un jour spécial pour la célébrissime-enfin célébrissime d’après elle, hein !-rouquine de Montauban, un jour d’une importance rare qui marquerait sa vie.
Elle s’engageait devant la communauté réformée, affirmait sa foi devant eux.

Pour l’occasion, elle s’était parée de sobre, nouée sa crinière orgueilleuse en une sage tresse. Devant l’Unique, Scath devait faire montre d’humilité.
A l’appel de son nom, le Belette ne put s’empêcher de tressaillir, le moment était venu d’abandonner son masque de fatuité et de présenter son âme à nu.

Un pas, puis deux, la rousse s’avança, sourire mitigé qui traînait sur les lèvres. Tout Grande qu’elle était, elle n’en restait pas moins intimidée.
Le regard fauve se planta dans celui d’acier du lecteur, en latence.

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"Musteile arrive... Fuyez pauvres fous ! Fuyeeeeez !!!"
Sancte
Visiblement le réveil n'était pas toujours facile pour les agents de la prévôté et pour ne pas s'être présenté, le sergent Crystal devait encore avoir la tête dans le cul. De par les soupiraux de ses paupières, Iohannes embrassa le panorama fauviste de la paisible clairière. Dans l'attente de la jeune demoiselle, l'auteur du prêche à venir se posta sous le bronze du fameux chapiteau qui jusque là avait résisté à toutes les crises de Guyenne.
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Crystal
Après un aller-retour éclair à Cahors, Crystal arriva juste à temps pour son baptême. Ayant marché toute la nuit, n'ayant point eu le temps de se reposer, elle pénétra dans la clairière, où le lecteur réformé finissait tout juste son prêche et annonçait son nom ainsi que celui de Scath.

Reprenant son souffle un instant, elle s'avança alors vers le prêcheur.


Me voici. J'ai failli vous faire attendre hein ! lançait-elle avec un sourire ironique mais pour le moins gêné.
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Asophie
A croire qu'elle n'avait pas bougé. En retrait, discrète, comme pas vraiment étrangère mais pas tout à fait chez elle, Sophie était venue assister à l'entrée de Crystal -et accessoirement de Sa Rousseur- au sein de la communauté des fidèles huguenots.
Dire qu'elle avait commencer quelque peu à s'inquiéter du retard de la blonde, tout comme le Lecteur, était un euphémisme. Aussi, afficha-t-elle un sourire soulagé et amusé quand la jeune femme fit une entrée en trombe dans la clairière, lâchant entre ses dents un :
"Et bein... Pas trop tôt. On a failli attendre..."

Reculant d'un pas, Sophie assista donc à une nouvelle cérémonie de baptême Réformé...
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Chronique et Galerie "L'Escarboucle" / Atelier Rose Noire
Sancte
Et ceux qui doutèrent de l'engagement de Crystal se retrouvèrent fins comme Gribouilles. Le bon Pasteur lui, n'avait jamais douté. Au surplus s'était-il légitimement impatienté, comme tout un chacun, sous les frimas de Novembre. Quand les deux demoiselles se présentèrent à lui, il leur cacha tout sentiment qui aurait pu les contrarier dans la pureté de leur foi, nue et dépouillée de tout artifice. Pour ne point trop les voir accablées, il leur offrit un souris qui se voulait réconfortant. Ce jour devait être une fête pour elles. Une fête intérieure. Aussi, leur épargnerait-il un sermon qui les assommerait à coup sûr. S'il fut déçu que le père du nouveau-né de la belette n'était pas présent, il n'en montra miette. Sans doute l'homme franchirait-il le pas lui aussi quand il aura conquis la certitude que la voie empruntée par sa femelle était la bonne.

Le pasteur avait laissé les moutons paître dehors toute la nuit avant de les rentrer à la bergerie. Mais en ce jour, c'est d'un tout autre troupeau dont il avait à s'occuper, puisqu'il se devait de les accompagner dans ce saut fantastique au cœur du typhon de la religion réformée. Face à elles, il prit la coupe d'eau de pluie qui s'écoulait régulièrement des denticules du chapiteau, et pencha le récipient afin que le contenu s'échappe hors du contenant, venant se déverser tour à tour sur le crâne de Scath et de Crystal. S'il se contenta pour la première d'une accolade amicale et d'un regard complice, il ajouta quelques mots à l'attention du Sergent.


Qu'importe votre retard. L'important est que vous soyez présente.

Et lui baillant un sourire bienveillant, il lui glissa très discrètement sa croix réformée dans la main, ayant acquis depuis longtemps la certitude qu'elle était femme à résister aux pressions de toutes sortes. Parce qu'ils n'étaient pas seuls, il délaissa momentanément ses nouvelles ouailles, et se tourna avec désinvolture vers la Vicomtesse venue épauler sa "filleule" et pour qui, à force, ce genre de rituels devaient lui apparaître rebattus. L'envie de lui lâcher une pique provocante lui brûlait les lèvres ... Mais de nos jours, on excommuniait les gens pour un rien, au point que le seul fait de pêcher avec un homme sage et avisé comme Izaac pouvait vous valoir procès devant l'Inquisition, qui n'avait de sainte que le nom. En dépit de ses œillards mal défraîchis, il pouvait sentir le trouble qui l'habitait, mais ne lui lâcha pas un mot, et se contenta de lui offrir la rose qu'elle n'aurait jamais eu l'idée de lui réclamer. Le chef mercenaire avait arrêté ses gestes et se montra conciliant avec la pudeur de Terrides, tant au sujet de leur relation qu'à celui de ses croyances.

Pour sa part, voilà bien longtemps qu'il se recommandait à Dieu autant qu'à lui-même, contre vents et marées, en dépit de la faiblesse de sa chair qu'il savait manifeste et pour laquelle il avait finit par concevoir un certain dégoût. Il s'était rendu compte que pour retrouver un sens à sa vie, il lui fallait classer et hiérarchiser ses tares autant que ses vertus, dans le but de combattre les unes, et de bonifier les autres. Sous les frondaisons Montalbanaises, les contours de son existence se traçaient chaque jour de façon plus précise.


Sans doute était-ce là, au fond, sa dernière requête.

Vivre pour soi.
Vivre par Dieu.

Lutter contre les moeurs déjetées.
Et batailler ... encore et toujours, contre l'antagonisme Romain.



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