Charlyelle
Par une claire fin d'après-midi, alors que les rayons du soleil doraient les bâtiments et les rues de Genève avec douceur, la jeune Charlye s'accordait un temps de flânerie au gré de ses pas et des ruelles qui la conduisirent vers les environs du lac.
S'autorisant une pause dans sa promenade, la 'tite brunette se posa mollement sur un banc en pierre qu'elle avait aperçu au détour d'une rue... On disait, ici, qu'habitait une dame des plus secrètes et discrètes. Une femme mystérieuse pour beaucoup.
Juste au premier de cette rue.Une rue qui avait le charme de celles qui offrent assez de quiétude et de fraîcheur pour qu'on s'y sente bien tout de suite.
La jeune fille leva les yeux vers les toits des maisons, et le ciel bleu qui les couronnait, puis sourit légèrement en inspirant avec bien-être.
Les mains posées sagement sur sa robe.Son regard de sinople, songeur.
Rayons du soleil couchant dardés sur la ville; clarté mi-miel, mi-ambrée, qui peint les murs, et ceux de la belle roulotte de Charlyelle. La bourse se remplit, des meubles s'adjoignent en un agencement sobre mais efficace. Et Charlye n'entend pas prêter une seule seconde d'attention à ces futures dépenses, d'écus, de joie, de vigueur. Jouir de ce qui est, et non pas ce qui était ou de ce qui sera: voilà la véritable félicité.
Quelques heures plus tard
Assise en face de sa table au bois sombre et austère, tout autour relativement dépouillé, aux couleurs agrestes, la jeune brune s'incline mollement au-dessus du plan de travail qui est à présent sien. Une planche de bois, aux sillons et aux scissures grossiers, mais en leur grossiereté, harmonieux, et dessus s'y dépose trois oignons. Fraîchement acquéris en milieu d'après-midi, pour le souper de la maison. Souper unique. Soit.
La gazille brunette décortique le premier oignon, l'entrain de mise: concentration donc froncement des sourcils, dont les yeux, rivés sur ces bulbes, n'offrent que le paysage d'une détermination forcément gastronomique. Parfois, il y a de petits à-coups. L'oignon veut résister à son lugubre sort.
Peu s'en faut: Charlye écarte d'un revers de main, potelée, les épluchures indésirables, vers la droite, puis prend le couteau. Bourreau de l'oignon. Qu'on lui tranche... La tige! Le bruit sec de la décapitation d'oignon tranche à son tour la quiétude silencieuse de la pièce. A part elle, il n'y a personne. Le vide, et le silence quasi monacal d'une pièce qui ne souffre pas de l'absence d'exubérance ou d'agitation en son sein. La jeune fille ne parle pas encore au plafond. Quoique on pourrait se poser la question
Entreposé plus avant, trônant comme un joyau parmi les détritus de peaux d'oignons et de tige sectionnée, le premier oignon laisse place au
second.Le troisième ne connaîtra pas le même sort: c'est que la brunette n'a pas grand'faim ce soir.
Coupée, comme la tige, comme qui dirait.La faim, fluctuante, n'est pas du goût de Charlye en ce moment.
Ses doigts s'enfoncent dans les épaisseurs enveloppées l'une sur l'autre du légume. L'oignon lui fait l'effet d'un nuage de picotement aux
yeux. S'embrumant dans un endolorissement mordant, ils ne voient qu'une situation nébuleuse et imprécise. Des craquèlements accompagnent la noyade des mirettes de Charlye dans cette marée irréprimable. Alors, elle marque la pause.
L'oignon reposé sur la rondelle de bois à cet effet, elle cesse l'effeuillage. Pour, d'un geste mal aisé, tenter d'essuyer de son avant-bras si pâle, les coins repliés de ses yeux larmoyants. Quelques petites saccades, timidement ébauchées, et enfin elle y voit... A peine plus clair. Tant pis. La Charlyelle renifle diverses fois, plissant ses billes rougies péniblement.
Mais la besogne reprend. Du moins elle doit reprendre aussitôt. Sinon, ça n'est plus à l'heure espagnole qu'elle souperait... Ca serait à... Une heure trop indécente.
Charlye termine l'effeuillage, non sans peine. Chaudes larmes qu'on ne souhaite guère! Voilà ce qui peine. Et puis les mains impraticables... Il n'y a plus qu'à se dire:" Je n'ai plus que mes yeux pour pleurer. Et parfois mon nez pour renifler, mais ça, c'est selon chacun. " Bientôt, l'amas d'épaisseurs non gratae s'accroît. L'oignon second est bon. Plus qu'à châtrer. Et pour châtrer... La jolie brune châtre! Couteau ramassé avec un soulagement bienheureux, elle soulève la lame au-dessus de ce brin, à forte portée symbolique , puis l'abat sur la tige. Enfonçant nettement ladite lame jusqu'au bois anfractueux. Même sonorité que la fois précédente. Mais avec cela une pointe de vivacité qu'une fin âprement souhaitée laisser deviner...
L'affaire est dans le sac. Ou plutôt dans la marmite. Après coup. Y'a plus qu'à l'attendre..
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S'autorisant une pause dans sa promenade, la 'tite brunette se posa mollement sur un banc en pierre qu'elle avait aperçu au détour d'une rue... On disait, ici, qu'habitait une dame des plus secrètes et discrètes. Une femme mystérieuse pour beaucoup.
Juste au premier de cette rue.Une rue qui avait le charme de celles qui offrent assez de quiétude et de fraîcheur pour qu'on s'y sente bien tout de suite.
La jeune fille leva les yeux vers les toits des maisons, et le ciel bleu qui les couronnait, puis sourit légèrement en inspirant avec bien-être.
Les mains posées sagement sur sa robe.Son regard de sinople, songeur.
Rayons du soleil couchant dardés sur la ville; clarté mi-miel, mi-ambrée, qui peint les murs, et ceux de la belle roulotte de Charlyelle. La bourse se remplit, des meubles s'adjoignent en un agencement sobre mais efficace. Et Charlye n'entend pas prêter une seule seconde d'attention à ces futures dépenses, d'écus, de joie, de vigueur. Jouir de ce qui est, et non pas ce qui était ou de ce qui sera: voilà la véritable félicité.
Quelques heures plus tard
Assise en face de sa table au bois sombre et austère, tout autour relativement dépouillé, aux couleurs agrestes, la jeune brune s'incline mollement au-dessus du plan de travail qui est à présent sien. Une planche de bois, aux sillons et aux scissures grossiers, mais en leur grossiereté, harmonieux, et dessus s'y dépose trois oignons. Fraîchement acquéris en milieu d'après-midi, pour le souper de la maison. Souper unique. Soit.
La gazille brunette décortique le premier oignon, l'entrain de mise: concentration donc froncement des sourcils, dont les yeux, rivés sur ces bulbes, n'offrent que le paysage d'une détermination forcément gastronomique. Parfois, il y a de petits à-coups. L'oignon veut résister à son lugubre sort.
Peu s'en faut: Charlye écarte d'un revers de main, potelée, les épluchures indésirables, vers la droite, puis prend le couteau. Bourreau de l'oignon. Qu'on lui tranche... La tige! Le bruit sec de la décapitation d'oignon tranche à son tour la quiétude silencieuse de la pièce. A part elle, il n'y a personne. Le vide, et le silence quasi monacal d'une pièce qui ne souffre pas de l'absence d'exubérance ou d'agitation en son sein. La jeune fille ne parle pas encore au plafond. Quoique on pourrait se poser la question
Entreposé plus avant, trônant comme un joyau parmi les détritus de peaux d'oignons et de tige sectionnée, le premier oignon laisse place au
second.Le troisième ne connaîtra pas le même sort: c'est que la brunette n'a pas grand'faim ce soir.
Coupée, comme la tige, comme qui dirait.La faim, fluctuante, n'est pas du goût de Charlye en ce moment.
Ses doigts s'enfoncent dans les épaisseurs enveloppées l'une sur l'autre du légume. L'oignon lui fait l'effet d'un nuage de picotement aux
yeux. S'embrumant dans un endolorissement mordant, ils ne voient qu'une situation nébuleuse et imprécise. Des craquèlements accompagnent la noyade des mirettes de Charlye dans cette marée irréprimable. Alors, elle marque la pause.
L'oignon reposé sur la rondelle de bois à cet effet, elle cesse l'effeuillage. Pour, d'un geste mal aisé, tenter d'essuyer de son avant-bras si pâle, les coins repliés de ses yeux larmoyants. Quelques petites saccades, timidement ébauchées, et enfin elle y voit... A peine plus clair. Tant pis. La Charlyelle renifle diverses fois, plissant ses billes rougies péniblement.
Mais la besogne reprend. Du moins elle doit reprendre aussitôt. Sinon, ça n'est plus à l'heure espagnole qu'elle souperait... Ca serait à... Une heure trop indécente.
Charlye termine l'effeuillage, non sans peine. Chaudes larmes qu'on ne souhaite guère! Voilà ce qui peine. Et puis les mains impraticables... Il n'y a plus qu'à se dire:" Je n'ai plus que mes yeux pour pleurer. Et parfois mon nez pour renifler, mais ça, c'est selon chacun. " Bientôt, l'amas d'épaisseurs non gratae s'accroît. L'oignon second est bon. Plus qu'à châtrer. Et pour châtrer... La jolie brune châtre! Couteau ramassé avec un soulagement bienheureux, elle soulève la lame au-dessus de ce brin, à forte portée symbolique , puis l'abat sur la tige. Enfonçant nettement ladite lame jusqu'au bois anfractueux. Même sonorité que la fois précédente. Mais avec cela une pointe de vivacité qu'une fin âprement souhaitée laisser deviner...
L'affaire est dans le sac. Ou plutôt dans la marmite. Après coup. Y'a plus qu'à l'attendre..
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