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[RP] Le Prix d'un Tapis.......

Gorborenne
Que le MP soit ton ami, et tu joueras aussi......


[Terres de Provence, Février 1458]

"On vient, on voit, on vainc"
La Memento au quotidien

Une Princesse pour qui on vient
Une autre en paye le prix carmin......

Le Géant avait promis, il ouvrirait la voie, mais son cœur aujourd'hui, ne veut plus, ne veut pas! Il est tribut que l'on paye volontiers, et celui que vous sentez vous saigner......

Autour de lui que le silence,
À ses pieds, une enfant blessée,
Par l'acier et l'absence.....

Nettoyer les plaies, compresses à changer, pansements à serrer.... Et attendre..... Yeux bouffis et encore mouillés, les mains rougies d'un sang aimé, Orion et Cédalia veillent l'enfant, jeune Rose dont ils se sentent déjà un peu parents..... Se nourrir des promesses faites hier, y trouver le courage de surmonter cet enfer......

Sang de fleur comme des pétales
Adieu la Paix, à Dieu l'innocence
Emportées par la guerre en rafales

Le Géant sent qui fulmine et s'agite le Démon qui l'habite. Mais Orion cette fois, ne cherche pas à lutter, au prochain tintement de l'acier, Surt aura toute liberté........

Ce soir le Bruleur se repaîtra de souffrances
Douleur sera rage, haine d'incandescence
Nouveau souffle pour un Diable qui danse

Mais pour l'instant, sous la tente, demeure le silence de l'attente. Aucun mot ne s'ose encore, la bouche scellée par l'âcreté de l'ichor.......

_________________
Theognis
En cette campagne de Provence traversée de sanglants orages, Prométhée prenait parfois le temps de la plume, et il écrit, aux pieds de la culpabilité, une version du chant des Dragons d'Arquian.

Sous-titre: Le Dragon qui ronfle est une cheminée qui gronde,
Toujours ouverts ses yeux rêveurs embrasent le monde.

Ô mes dragons, la douce nuit qui vient....
Marchons, marchons vers le soleil,
Prenons, prenons l'aube vermeille,
Couvrons l'horizon de nos mains!

Que les rayons nous abreuvent
De leurs flammes de miel,
Que les chansons pleuvent
comme des larmes du ciel!

Tirons de nos fourreaux
les lames reforgées,
Montrons à nos bourreaux
nos âmes dégorgées.

Dans les champs du destin,
point le soc mais la griffe,
Tantale et Sisyphe
sont nos maîtres divins!
_________________

Partage des RP
Les Terres d'Arquian
Isa.
Agenouillée au chevet de Rose, main qui éponge et rafraîchit le front brûlant, Isa a perdu toute notion du temps. Seule lui importe la survie de la gamine. Ensemble, avec Orion, ils ont nettoyé, recousu, bandé et pansé. Bientôt, une chariote quittera le campement, emportant le petit corps loin de l'amour dont ils l'entourent. La sagesse a parlé... mais le coeur de Cédalia se déchire à l'idée de la séparation. La jeune Rose à déjà tant souffert, pourquoi le sort semble-t-il s'acharner encore.... Plonge le linge dans le bac d'eau, éponge et rafraîchit ...

De temps en temps, elle jette un coup d'oeil à son homme. Son Géant comme elle aime à l'appeler. Mais aujourd'hui, le géant se fait nain, jamais encore elle ne l'a vu à ce point effondré, touché. Lui si brave et motivé, toujours près à en découdre, à protéger les autres de sa stature. Lui qui se sentait presque invincible, sans peur et sans reproche ... il pleure le Géant ... et tout autour le silence s'alourdit, la vie retient son souffle ... et Orion écrit.

Théo est entré ... sans un mot. Il s'est assis non loin. Cédalia le connait suffisamment maintenant pour savoir que ses silences en disent long.
Pour une fois, c'est pas "un truc de baron" une "auto-invitation" comme dit Gorbo. Le tonton a du mal ... et ne sait l'exprimer que par sa présence discrète. Cédalia apprécie le geste même si elle ne le montre pas.
Alors, après avoir épongé une fois encore le front de la jeune fille, elle se lève et fait signe à Madeleine. Celle-ci comprend, sort et revient l'instant d'après, portant un plateau garni de trois bols de soupe chaude. Isa s'approche, prend l'un des bols et s'avance vers Théo


Tu devrais manger un peu ...Sourire et tend le bol. Geste de réconfort pour un homme qu'elle apprécie, même si parfois entre eux...

Elle se relève ensuite, prend les deux autres bols et les pose sur le coffre qui servira de table l'espace d'un instant. S'approchant du géant qui veille, Cédalia l'entoure de ses deux bras, pose sa joue sur l'arrière du crâne chauve et serre doucement contre elle son amour si meurtri. Les yeux se ferment un instant et les coeurs et les âmes communient, en silence, serrés l'un contre l'autre ... Tendres chuchotis à l'oreille de son âme, que vient renforcer un baiser dans le cou ... Instant d'éternité qui fait oublier les larmes et reprendre courage.


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Gorborenne
[Des jours qui passent et se ressemblent...... et attendant que d'autres murs tremblent.......]

Note succincte pliée et envoyée à qui de droit, le Géant se redresse un peu las, se blottit dans les bras de Cédalia...... Brin de réconfort dans la détresse, mais seulement un brin, le cœur est lourd encore de tristesse..... Absurdité de l'humanité, une envie soudaine de s'enfuir loin, retourner au Bois Cendré, qu'importe le chemin....... Mais non, il est des paroles données qui le retiennent, des rêves à accomplir qui encore l'étreignent...... Long soupir qui s'échappe du plus profond. Rien ne soulage, ni Aix, ni Avignon.....

Non, Avignon n'a pas suffit, malgré les flammes et le soleil dans la nuit. Il est des souffrances que rien n'apaise, ni l'acier, ni le sang, ni la braise.......

Gestes qui se précisent au fil des jours qui passent, comme les blessures lentement se referment sous les bandages qui dépassent et repassent....... Cœur serré du Géant, devoir soigner ainsi une enfant...... Faire ce qu'il peut pour l'aider à guérir, se battre cette fois pour lui arracher un sourire, lui rendre un peu de courage, ranimer la force en héritage de ce petit corps si frêle, meurtri comme un prunier après la grêle.........

Affection qui grandit dans le cœur d'Orion, petite fleur qui lui rappelle sa petite sœur, il y a longtemps, le même âge, mais moins de chance dans les présages....... Se refuse à penser, qu'un jour se sont ses enfants qui leur vie iront risquer....... Cœur de meute et cœur de père, Dragon veillant les siens, sur eux sa part d'Enfer, ne portera ni la flamme ni la main.....

Reviennent peu à peu les sourires, alors que la douleur se fait déjà moins sentir. Orion sur l'enfant veille, cerbère de jour comme de sommeil...... Sous la tente, en tailleur à côté de Rose, une main sur son front se dépose, apprécie la fièvre en retombée, et glisse un instant ses doigts au travers des boucles cuivrées. Sourire bienveillant, aux lèvres du Géant, quelques mots rassurants.......

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Isa.
Parce qu'il faut vaquer, peut-être pour cesser de penser... Elle passe sous la tente, entre deux tours de garde, pour soutenir la petite fleur et vérifier les points, en retirer certains et donner les soins. Non que Gorbo en soit incapable, bien au contraire. Et si les mains d'Isa soignent les blessures physiques, Cédalia tente par sa présence d'apaiser le coeur d'Orion. Nulle ténèbre ne l'anéantira, elle en a fait le serment.

Et il est d'autres serments qui agitent en ce moment son coeur et son esprit...

Pensive, la jeune femme observe distraitement les jumeaux qui l'ont accompagnée pour cette visite. Gazouillis joyeux et petits cris de satisfaction se font entendre. Lileia explore avec attention le nez et le visage de son papa. Goran, posé tout contre Rose sur le bord de la couche fait les yeux doux à la jeune fille, enchaînant les sourires ...
Isa pose doucement la tête sur l'épaule du géant et grave dans son coeur ces instants d'intimité et de bonheur... Y aura-t-il un jour un prix à payer pour tout cela ? Tant de gens autour d'eux souffrent ou èrent, sans but, sans lien, sans famille. Même au sein de memento, certains ne savent pas pourquoi ils sont venus, ni s'ils resteront. Pour quelle cause ils se battront ce soir, ou demain, ou les jours à venir ....

Ton univers se penche au bord de ma misère
Et ton regard s'éclaire en rencontrant le mien
Je voudrais que ça dure encore un millénaire
C'est comme une oasis au milieu du chagrin

Je voudrais croire encore à ces instants de trêve
Où plus rien du dehors ne peut nous arriver
Quand nos regards se perdent au plus profond du rêve
Que nos heures se confondent avec l'éternité

Oublier quelque temps l'ombre de la tristesse
Pendant que le bonheur s'endort à nos côtés
Bercés par la douceur du vent qui nous caresse
Perdus dans la langueur d'un infini baiser...


"Instants de trêve" - Y. Duteil

_________________
Ingeburge
Ses canines mordillaient sans relâche ses lèvres au délicat incarnat et si ce n'était sa bouche qui était ainsi torturée, c'étaient ses doigts patriciens qui s'en relâche se tordaient. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait ressenti pareille anxiété, la dernière fois, c'était quand de loin, elle avait ordonné à ses hommes de Rome de rallier le Béarn. Mobilisation générale pour aller éradiquer ce mal qui, sans cesse, ressuscitait. C'était à en maudire le Très-Haut d'avoir laissé le choix aux hommes de revenir pour racheter leurs erreurs. A quoi bon permettre à l'engeance hérétique de pouvoir revivre puisqu'elle se complaisait toujours à être relapse et à s'obstiner dans la déchéance? C'était de notoriété publique, un Lion mort qui revient à la vie n'entend pas le Très-Haut et poursuit son œuvre mortifère avec une vigueur accrue, marqué déjà par l'infamie et doté d'une vigueur nouvelle. Elle avait donc eu peur pour eux, ne dormant que peu, maudissant cette fois cette Eglise qu'elle servait les yeux fermés et qui avait fait d'elle un ange sans ailes. Sa main alla effleurer la le pommeau de son épée qu'elle ne pourrait jamais utiliser. Elle se demandait parfois si elle pourrait supporter plus longtemps d'envoyer à la mort des hommes qu'elle commandait de loin, elle voulait pouvoir se battre à leur tête et non pas élaborer des stratégies auxquelles elle ne pourrait donner corps.

Angoisse donc bien connue et accrue par le refus qui lui avait été fait d'accompagner l'armée. Il était donc non seulement hors de question qu'elle l'intégrât mais en plus chevaucher à ses côtés était tout bonnement impossible. Elle s'était pourtant résolue à partir en même temps qu'eux, ils ne pourraient lui faire du mal, elle était de leur côté. Mais elle était contre les autres, ces félons qu'ils allaient combattre et là où ils allaient, vers où ils se dirigeaient, le brigandage était monnaie courante. Elle ne le savait d'ailleurs que trop, depuis des années la région d'Avignon, conjonction de quatre routes balisées, était un véritable coupe-gorge. Il suffisait donc qu'elle traînât trop ou qu'elle s'égarât pour faire une mauvaise rencontre. Elle avait accueilli les arguments avec scepticisme, elle voulait, elle devait cheminer avec eux. Son expérience d'ailleurs parlait pour elle, depuis qu'elle voyageait, et le Très-Haut savait à quel point elle était toujours sur les routes, elle n'avait été agressée qu'une seule fois. Et même pas ceux par qui elle était perpétuellement traquée, elle avait d'ailleurs eu droit à une missive d'un Sanctus jaloux en cette occasion. En y réfléchissant bien, une seule fois, mais elle avait été laissée pour morte, au bord d'un chemin, au pied d'une grande porte de Lyon. La convalescence avait duré quarante-cinq jours et après son aller vers le ciel et son retour parmi les vivants, elle avait cru périr une seconde fois tant l'ennui l'avait enserrée dans sa gangue étouffante. Les arguments au final pourraient porter et en plus, elle était chargée de vivres. Morte ou blessée, elle ne servirait à rien. A moins que rien même tant elle se sentait inutile. Autant être docile, ne pas ajouter de tracas à ces hommes qui allaient marcher sur Aix. Pourtant, elle ne capitulait toujours pas, le Capitaine lui n'avait pas eu l'air de trouver sa volonté dangereuse ni même inconsidérée, il avait hoché la tête, montrant son accord; jamais il ne l'aurait laissée aller si le péril était si grand. Certes il ne l'écoutait pour ainsi dire jamais.
Quelque peu ébranlée dans sa conviction, un homme acheva de la gagner aux recommandations de la troupe, un Géant qui indiqua simplement qu'ils lui ouvriraient la voie. Grands dieux, comment donc refuser? Elle avait donc capitulé.

Sauf qu'elle n'avait pas pris les propos pour ce qu'ils étaient : littéraux.

L'armée partit donc et elle resta en Arles, à ronger son frein. Tout le jour se passa et elle ne tint pas en place, vérifiant à de maintes reprises les préparatifs de son départ, se rendant plusieurs fois au marché à la recherche de pain et de maïs à un prix raisonnable. On ne pouvait parler de pénurie mais certains profitaient du conflit pour s'enrichir sur le dos de la majorité. Elle parvint tout de même à trouver des miches, elle en prendrait un peu pour elle, le reste irait à ces hommes qu'elle avait l'impression d'avoir abandonnés. Son impatience crut avec l'égrènement réglé des heures et nulle nouvelle ne vint calmer ses grandissantes alarmes. Elle ne pouvait s'empêcher de s'interroger, espérant qu'ils n'avaient déjà dû livrer bataille. Il n'y avait pas de raison pour que les épées fussent sorties de leur fourreau, les hommes se contentaient d'avancer et s'assuraient, ni plus ni moins de ce qu'elle ne fît pas de mauvaise rencontre.
Le soleil disparut et elle put quitter la ville libérée d'Arles à la faveur de la nuit. Peu inquiète de faire une mauvaise rencontre, elle chevaucha avec confiance, tendue toute vers son but. Dans quelques heures, elle les retrouverait et les doutes et les questions s'envoleraient. Et elle irait retrouver son ex-future dame de compagnie qu'elle avait retrouvée en Provence après des mois d'absence et de silence. Le destin jouait parfois de drôles de tours, elle avait donc revu Isabeau — il lui faudrait du temps pour abandonner la seconde syllabe — Isabeau qui évoluait plus près d'elle qu'elle ne l'aurait cru. Géographiquement à des lieues mais si proche pourtant.

Sa monture trottait maintenant, le campement serait bientôt visible, il s'agissait de ne pas le manquer, de ne pas emprunter la mauvaise route. Et quelque chose dans l'air l'avait poussée à ralentir, comme un parfum de lutte et alors que ses sourcils se fronçaient, absorbée qu'elle était à se poser des questions, ce fut quelque chose au sol qui attira son attention. Elle tira sur les rênes, d'un coup sec et le cheval s'immobilisa. Non, elle ne se battait pas mais elle pouvait reconnaître du sang quand elle en voyait.
Non sans difficulté, car personne n'était là pour l'aider à descendre, elle mit pied à terre, prenant garde de ne pas coincer sa jupe dans sa selle de monte en amazone. Puis, après avoir fait quelques pas, elle se pencha en avant et laissa sa main gantée toucher le sol souillé. Elle se redressa, ses doigts se frottant l'un à l'autre et ce qu'elle avait déjà deviné se vit confirmer. Il y avait eu combat et les taches sanguinolentes n'étaient pas les seules marques visibles d'un fait qui s'imposait à elle, implacable. Et elle entendit à nouveau cette voix qui lui avait dit que la voie lui serait ouverte et elle entendait à nouveau chaque mot, distinctement. A chaque répétition mentale, les propos terribles qu'elle avait pris sans les appréhender réellement s'alourdissaient davantage. Son esprit ne lui laisserait pas de repos d'autant plus qu'il était maintenant habité des suppositions les plus diverses. Elle ne se calmerait que quand elle les verrait. Sa main salie passa sur son front marmoréen et le macula de sang noirci sans qu'elle s'en rendît compte, elle ne pensait qu'à les revoir et agrippant les guides laissés lâches de son cheval, elle se mit à marcher. Remonter en selle lui était impossible, elle n'y arriverait seule et il était hors de question — les fourches du siège de cuir de toute façon l'en empêcheraient — qu'elle se retrouve à califourchon sur l'animal.

Le campement fut rallié. L'ambiance était lourde, elle le sentit tout de suite; nul besoin de parler, nul nécessité d'écouter. Elle ne savait où se rendre, par où ni par qui commencer et son regard opalin rendu plus grand par le doute errait sans but. Il accrocha enfin un profil féminin connu qui venait de s'engouffrer sous une tente. Sans réfléchir, elle confia sa monture à la première personne croisée et se dirigea vers l'abri où Isabeau, c'était elle, s'était réfugiée. Elle y parvint et écartant les pans de toile, sa silhouette sombre, vêtue de ce noir éternel et hors de prix masqua l'ouverture.
Le souffle court, elle ne put que prononcer :

— Isabeau.
Le prénom fut jeté, comme un appel pour revenir à la réalité. Car depuis sa macabre découverte, plus haut, sur le chemin, elle avait l'impression d'être plongée dans un autre monde.

...

Des jours s'étaient écoulés.
Ingeburge ne se souvenait plus et elle ne se souviendrait jamais de la manière dont elle était parvenue au camp de Memento. Elle savait seulement qu'elle avait suivi la voie sanglante ouverte pour elle et que ses petits pieds chaussés de dispendieuses bottes de cuir avaient foulé le tapis carmin.

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Isa.
Bruit de toile écartée d'un geste vif, aussitôt suivi d'un "Isabeau."

Il n'y avait qu'une personne pour l'appeler ainsi. Les autres ici n'utilisaient jamais son prénom entier. Pour tous ici, elle est Isa. Un "raccourci" qui avait sans doute pris naissance à Joinville avec Sad . A moins que cela ne fut à Arquian, à bien y repenser. La voix de toute façon achevait d'écarter tout doute quant à sa propriétaire. Cette voix presque rauque, assortie à l'apparence austère et indifférente de la jeune femme. Le ton sec sans être pour autant inamical. Teinté peut-être de soulagement ? En tout cas, c'est ce sentiment qui naquit immédiatement au coeur d'Isa en entendant la voix.

*Ouf ! Elle est arrivée et sans soucis apparemment *
Telles furent les premières pensées qui lui vinrent à l'esprit alors qu'elle se redressait et regardait vers l'entrée de la tente. Inge se tenait là, la main encore posée sur le rabat de 'entrée, dans toute la splendeur d'une de ses nombreuses tenues noires. Elle se leva vivement et s'avança vers la "Prinzesin" , comme l'avait appelée Gorbo en taverne , et fit une révérence presque irréprochable ... vu les irrégularités du terrain. Puis, Isabeau s'autorisa une accolade plus amicale car à l'abri de tout regard indiscret sous la toile, elle retrouvait sa spontanéité et les gestes qui lui venaient naturellement face à une personne qu'elle appréciait énormément.

Votre Grâce ! Inge !! Quel soulagement de vous revoir ici. Entrez...

Puis notant l'essoufflement de la princesse, Isa l'invita à prendre place, dégageant à la hâte le seul siège confortable de l'infirmerie : un siège de toile pliant trouvé dans les combles du donjon et rapidement regarni d'un reste de tissu de lin solide bien qu'assez rêche. Détaillant Inge du regard, Isa poursuivit :

Vous n'avez pas eu de soucis en chemin j'espère..

C'est alors qu'elle remarqua l'air soucieux de la nouvelle arrivante. La jeune femme avait eu l'occasion par le passé de côtoyer la dame de suffisamment près pour bien la connaitre et remarquer l'air troublé que celle-ci affichait presque imperceptiblement. Alors qu'elle allait lui proposer un petit remontant, Isa nota la trace de sang séché sur son front et y passa spontanément les doigts, craignant tout à coup une blessure.

Inge ? Vous avez été blessée ? Ce sang sur votre front ... que s'est-il passé ?

Inquiète, Isa s'empressa de rassembler quelques carrés de coton qu'elle imbiba d'huile de lavande avant de revenir vers l'ex-duchesse et de tamponner son front délicatement afin d'en enlever les traces de sang et de désinfecter la blessure éventuelle.

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Gorborenne
Un courant d'air qui lui effleure le visage, soupir nocturne empreint d'ombrages. Le Géant laisse son regard dériver, de Rose, à Isa, à l'entrée, comme s'il tardait à vouloir se poser. Yeux d'émeraude qui croisent les opalines, comme l'arbre qui tend ses branches par dessus l'ondine...... Mais de gris est le vert, embrumé comme un matin d'hiver. Orion le Dragon ne peut éviter triste sourire de se tracer. Mais le rictus se fait morbide quand le regard glisse sur la terre aride, collée aux bottes par des couches de carmin, d’un tapis déroulé sur le chemin.
Difficile pour le Géant de mettre mots sur ses sentiments. Colère, impuissance, rage, tristesse, tant d’euphémismes pour une détresse, tant de regrets pour une promesse……

Comme dans un temps ralentit, ses yeux reviennent à l’accroche de ceux de la Cardinalice, regard pénétrant, accusateur, mais sans reproche. Non, il ne lui reprochera pas ses propres choix, d’avoir promis de lui ouvrir la voie...... Et pourtant…….

D’un coup, le regard du Géant se fait fuyant. Alors qu’Isa accueille Inge non sans un certain protocole échu à son rang, Orion se détourne, indifférent, comme un enfant qui choisit d’ignorer ce qu’il ne veut pas voir, et laisse son esprit un moment se noyer dans la divague, dans le flot caractéristique de pensées de celui qui ne sait plus où il en est. Jouant distraitement avec les boucles rousses de Rose étendue inconsciente près de lui, de plus en plus lui taraude la question de ce qu’il fait ici. Une guerre qui n’est pas la sienne, à qui il a déjà payé tribut plus que sang dans les veines…… Vaste plaisanterie que d’espérer trouver l’apaisement quand tout autour n’est que rage et tourments...... Et pourtant…….

Le bout des doigts explorant toujours la chevelure de l’enfant entremêle à ses souvenirs celui d’un vieux récit qui l’a longtemps bercé, confondant ses lignes écoulées à celles entrain de se verser….
C’était en d’autres lieux, était-ce il y a longtemps ? Il ne serait plus dire, les mots prennent connotation d’un présent…..

"Sept cavaliers quittèrent la Ville au crépuscule, face au soleil couchant, par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée. Tête haute, sans se cacher, au contraire de tous ceux qui avaient abandonné la Ville, car ils ne fuyaient pas, ils ne trahissaient rien, espéraient moins encore et se gardaient d'imaginer. Ainsi étaient-ils armés, le cœur et l'âme désencombrés scintillant froidement comme du cristal, pour le voyage qui les attendait. Sur l'ordre du margrave héréditaire, simplement, ils allaient, ils s'étaient mis en mouvement et le plus jeune d'entre eux, qui n'avaient pas seize ans, fredonnait une chanson." [1]

Bien sur, ils avaient été bien plus de sept à quitter Arles, à pied ou à cheval, et comme un contraire évident, ils étaient partis le cœur chargés d’espoirs et rêves, douce couverture d’ambre s’opposant à l’éclat glacial du cristal. Tant d’aspirations différentes que sans vouloir le reconnaitre, peut être savaient-ils déjà qu’elles ne se réaliseraient pas. Et pourtant, sur un ordre de la Cardinalice, simplement, ils s’étaient mis en mouvement…… Et la plus jeune d’entre eux, qui n’a pas seize ans….. Pourra-t-elle encore un jour fredonner ? Son innocence sera-t-elle le prix à payer pour voir un rêve se réaliser ? Comme une lourde conclusion, Orion se prend à regretter de n’avoir pu s’armer d’un cœur et d’une âme désencombrée…… Vanité que d’avoir trop espéré ? L’espoir fait vivre, mais ceux qui vivent d’espoir meurent de faim…… Et pourtant…….

Regard qui se vide et s’égare, ne trouve que la toile de tente pour rempart…… Une envie de noyade qui le saisit à la dérobade. Le Géant presque hagard se relève tout soudain, presque brusque, s’en va fouiller parmi son barda et ses frusques, à la recherche d’un petit flacon d’étain qui bien vite trouve le chemin de sa main. Comme le pieu s’arrête devant un temple, temps mort un instant il contemple, la flasque où de l’absynthe entremêlent liqueur et essence, prenant soudain une fragrance aux parfums de délivrance……. Pulsion qui le pousse à tout vider, à grand effort réprimée, juste se remonter d’une petite gorgée. Orion se retourne comme la réalité se rappelle plus ou moins à lui, mais la scène se sur-imprime sur son cœur meurtri…… D’une raideur d’automate, il se rassied au pied de Rose, boit quelques lampées. Mais tinte à l’horizon de sa perception la voix d’Isa, comme un par un réflexe se focalise son attention, sans pour autant saisir le sens de la conversation. Et puis, comment pourrait-il un mot proférer alors que même ses pensées ne sont articulées ? Non, il ne dit rien alors que les émeraudes reviennent croiser les opalines. Pas besoin de parler pour qu’elle puisse y lire à la devine……

Finalement......

"Ta faute autant que la mienne" est la seule phrase qui dans son regard affleure, tendu à la Prinzessin de même que le flacon de liqueur……..



[1] "Sept Cavaliers", Jean Raspail, éd Robert Laffont, 1993

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Ingeburge
Il est des mœurs que l'on ne peut renier, il est des habitudes qui ne peuvent se rompre, il est des réflexes qui ne peuvent se contrôler, Ingeburge eût été aux portes de la mort qu'elle ne se serait pas départie de ce qui faisait d'elle la personne qu'elle était. A son appel bref mais sonore, Isabeau était venue jusqu'à elle et l'avait gratifiée d'une révérence des plus protocolaires. Retour rapide dans le passé, Anjou, mariage d'Urbs. Isabeau l'y avait accompagnée. L'événement en lui-même n'avait rien de remarquable mais il marquait le début notable de leur relation et surtout avait représenté ce qui ne serait jamais. Elle l'avait bien compris dès le départ de la jeune femme et les lettres qui avaient suivi et qui avaient fini par s'espacer. En concevait-elle un quelconque regret?

La question resta en suspens car il était dans les mœurs d'Ingeburge de fuir toute compagnie, il était dans les habitudes d'Ingeburge de repousser les contacts, car il était dans les réflexes d'Ingeburge de se tendre quand elle était à peine frôlée. Et pour le coup, toute pensée cohérente cessa car c'était bien pire qu'un simple effleurement qui la coupa dans ses réflexions, c'était bien pire qu'un frôlement furtif : c'était juste le summum de ses répugnances. Alors, elle se raidit toute, de manière très perceptible, ses mains se fermant et se serrant jusqu'à blanchissement des jointures de leurs articulations et dans le même temps et alors que sa bouche se crispait en un rictus de souffrance et que ses paupières se rabattaient, tremblantes, elle regrettait déjà ce mécanisme de son corps qu'elle ne pouvait interrompre, le regrettant car elle ne désirait pas rejeter Isabeau. Isabeau aussi lumineuse et enthousiaste qu'elle était sombre et froide et elle ne pouvait même pas se réchauffer à cette source de lumière offerte avec un si touchant abandon. La jeune femme sentit-elle le rejet? La Prinzessin n'aurait pu le dire et elle se refusait à examiner la douloureuse interrogation.

Fort heureusement, Isabeau parlait pour deux et se mettait en frais pour l'accueillir du mieux que lui permettait les contingences du campement provisoire, lui libérant un siège qu'elle accepta avec soulagement. Toute accablée qu'elle pouvait se sentir, elle s'assit lentement, très droite, sur le bord du tabouret de toile. Un murmure en guise de remerciements tandis qu'elle se perdait dans la contemplation de ses mains gantées posées sur son giron; elle ne fit guère attention sur le moment aux tâches sombres séchées qui maculaient la peau tannée et délicatement travaillée.

Et à nouveau, le choc, à nouveau le recul quand elle sentit Isabeau lui toucher le front. Elle leva un regard vacillant vers la jeune femme penchée vers elle, ne comprenant pas d'abord la raison du geste ainsi osé vers elle. La question parvint à son entendement et c'est franchement étonnée, qu'elle s'exclama :

— Blessée? Grands dieux, non!
Ce qui la faisait presque fait enrager tant elle se sentait inutile. Etre blessée aurait signifié qu'elle participait, qu'elle était active au lieu de s'avancer, toujours derrière et de faire figure de poids mort. Au lieu de quoi, elle traînait son ennui et son inutilité d'une lieu à un autre et elle voyait les uns et les autres agir.
La question, aussi incongrue qu'elle lui avait paru, avait eu le mérite de la sortir de cet engourdissement qu'elle sentait sourdre et de la faire réagir. Tout cela ressemblait bien à Isabeau de s'inquiéter pour elle et repoussant le fait que l'on puisse s'occuper d'elle, elle déclara :

— Ce serait plutôt à moi de prendre de vos nouvelles après tout ce temps... et je ne parle pas de ses deux jours où j'ai dû rester en Arles loin de vous tous.

Mais déjà Isabeau revenait, cotonnade à la main. Ingeburge n'eut le temps de se dérober, le linge imbibé d'un parfum qu'elle ne pouvait souffrir car trop lié à cette Provence qu'elle honnissait et adorait tout à la fois lui était appliqué sur le front... Nouvelle surprise car elle ne comprit d'abord pas les raisons de ce qui n'était pour elle rien de moins que de l'acharnement. Elle n'était pas tombée, elle n'avait pas été éraflée par une branche d'arbre, elle n'avait rien reçu à la tête. A quel moment aurait-elle pu... Le lien, se fit soudain, avec clarté. Le chemin, le sang qui commençait à noircir, sa main gantée, son geste pour faire fuir l'accablement. Ce ne pouvait être que cela. Mais qu'importe au fond car elle n'était plus là, elle se trouvait à nouveau projetée quelques heures plus tôt quand elle était descendue de cheval, mue par un pressentiment anxieux. Elle se revit sur la route souillée, ses mèches échappées de sa coiffure voletant doucement, ses doigts tremblant et son souffle plus court, elle perçut encore la pénombre naissante et elle entendit la végétation qui sous la caresse de la brise bruissait avec délices.

Sauf que ce frôlement, ce n'était pas celui de la garrigue, ce bruissement, ce n'était pas celui de la lande dépouillée. Elle se retrouva projetée dans le présent et tourna la tête vers la source de ce bruit qu'elle n'avait donc pas rêvé. Etrange sensation... cette vision d'horreur qu'elle avait voulu fuir n'était rien de ce qu'elle percevait maintenant. C'est alors qu'elle le vit le Géant qui avait annoncé que la voie lui serait ouverte, elle le remarqua enfin lui qui lui avait assuré que tout serait fait pour qu'elle soit sauve. Et elle vit non loin de lui un corps alité et frêle, aussi frêle que lui était vigoureux. Là était donc le prix du tapis carmin : une silhouette qui paraissait sans vie et le regard empli de doutes du Géant.

Et c'est dans ce vert océan d'interrogations qu'elle vit émerger un îlot de certitudes, le seul mais bien réel, un îlot aux rives bien dessinées et ô combien escarpées. Elle se le prit de plein fouet, comme une nef à la dérive se brise sur les récifs qui affleurent à peine à la surface d'une mer démontée. La voie. Par elle. Pour elle. A cause d'elle. Ne surtout pas sombrer, ne surtout pas se laisser couler. Alors quoi? Prendre l'alcool offert et s'y noyer? Ce serait pire que de se laisser entraîner par l'inévitable ressac. Elle prit néanmoins le flacon et ses yeux qui avaient un instant sur celui-ci revinrent à l'îlot. Elle ne boirait pas; le chant du flacon-sirène était tentant mais pas assez puissant. Le bout de terre dans les émeraudes était bien plus attirant et mue par le poids de la réalité, propulsée par Charybde, elle se fracassa à nouveau en Scylla. Avoir mal en son âme, elle qui ne pouvait être blessée en ses chairs, ne serait pas un trop grand sacrifice, autant donc y aller de soi-même et franchement. Mais avant, cesser d'être égoïste quelques secondes et soutenir le regard, y faire passer son propre message.

« Non, simplement la mienne, outrageusement la mienne. »

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Isa.
Etait-ce un mouvement de recul ? Presque imperceptible certes mais recul quand même. Isa se rendit compte qu’elle oubliait un point important qu’elle avait pourtant rapidement assimilé lors des quelques semaines passées auprès de la Princesse. Ne jamais la toucher… Isa qui était de nature spontanée et démonstrative avait appris à se retenir et à garder la distance nécessaire à la dame. Et celle-ci venait de lui rappeler discrètement ses obligations. Elle cessa donc de nettoyer le front princier, celui-ci était désormais débarrassé de toute trace de sang et aucune de blessure ne le décorait, au grand soulagement de la jeune femme.

Elle nota d’autres détails inhabituels dans la tenue de la Princesse mais s’abstint de tout commentaire ou de tout geste, laissant Inge à sa froideur, luttant contre elle-même, sans toutefois être blessée par ce qui venait de se passer. Elle rangea son matériel, puis se pencha sur le berceau dans lequel Lileia commençait à se réveiller et n’allait pas tarder à réclamer son dû.
Elle prit le bébé dans ses bras mais n’osa pas trop approcher de la visiteuse.Elle avait espéré cette visite, ces retrouvailles … et le moment était arrivé. Et déjà tout semblait si différent. Sans doute, Inge avait-elle bien malgré elle très mal choisi le moment de sa visite d’une certaine façon. Le jeune couple venait d’être heurté de plein fouet par la réalité terrible de la guerre et tentait de faire face à l’urgence, aux sentiments et aux douleurs, aux interrogations silencieuses et à la façon qu’avait chacun de gérer la situation. Gorbo se retirait dans un mutisme qu’Isa avait du mal à accepter,elle devait réprimer son envie de parler, de provoquer la discussion car si cette façon lui convenait à elle, le silence était le repère de son homme. Seuls quelques gestes tendres tentaient à eux seuls de partager l’émotion et de soulager la peine.

Isa cherchait à s’installer pour nourrir sa fille, de préférence à l’abri des regards, pour ne pas choquer une fois de plus la pudeur de la Princesse. Dans un coin de la tente trônait une pile de coffres. Ceux-ci contenait le matériel de soin de l’armée et avaient été placés à cet endroit à dessein : ils créaient par leur disposition une espace plus restreint qui pouvait servir de vestiaire quand des blessures nécessitaient des soins rapides à l’abri des regards. C’est également dans ce petit compartiment qu’étaient préparés potions et autres onguents… La jeune mère prit place sur le siège de fortune qui occupait le réduit et mis sa fille au sein, tout en prenant soin de se couvrir autant que possible.

Vaguement attentive à ce qui se passe entre les deux autres, Isa se remémorait les quelques semaines passées avec Inge, les promesses qu’elles s’étaient faites de rester en contact … avant que finalement celui –ci ne soit rompu par le départ vers Joinville et les rencontres faites là-bas. Les courriers s’étaient espacés de part et d’autres et la jeune femme n’avait pas voulu encombrer la Princesse de ses petites histoires, sans doute bien futiles pour la dame. Il n’en restait pas moins qu’Isa espérait pouvoir un jour renouer les fins liens qui les avaient liées. Et elle s'était retenue de lui écrire sa joie suite à la rencontre de l'homme qui partageait sa vie désormais. Par peur de la réaction ? Ou simplement parce que son bonheur était tel désormais que ce n'est qu'en le voyant qu'Inge pourrait être... soulagée ? Elle qui avait toujours pris sa défense face à un autre homme, bien peu scrupuleux... Eprouvait-elle quand même de l'attachement l'une vis à vis de l'autre ? D'une certaine façon, cette visite arrivait à point nommé..

Elle n’avait aucune idée de ce qu’Inge pensait d’elle. Ses lettres étaient chaleureuses et elle avait accepté aussi de la mener vers le baptême, mais à aucun moment, elle ne lui avait demander de revenir à son service. Sans doute, cela était-il désormais fortement compromis, entre autre par l’arrivée des jumeaux et la vie que la jeune femme avait choisi de mener.
Elle-même ne savait pas si la vie auprès de Gorbo serait compatible avec un service auprès de la Princesse, pourtant elle espérait toujours un signe de sa part. Mais Isa ne brusquerait rien. Il fallait parfois savoir attendre.

En jetant un coup d’œil à Goran qui s’éveillait à son tour, elle ne put s’empêcher de sourire en se demandant si Inge remarquerait la ressemblance frappante entre le petit garçon tout blond et son papa. Puis ses yeux se posèrent sur Gorbo …

Gorborenne du Bois Cendré … l’homme qui lui avait ouvert son cœur pourtant déjà meurtri. Celui qui avait accepté les jumeaux avant même leur arrivée, qui avait pris Isa sous son aile et qui depuis rendait chaque journée plus belle que la précédente. Leur attachement s’était mué en amour et celui-ci se renforçait chaque jour, d’avantage encore à cause des événements auxquels ils faisaient face ensemble, depuis leur arrivée en provence. S’il est un lieu propre à éprouver la solidité d’un couple, c’est sans doute celui-là : une guerre et son lot de moments forts, excitants, énervants aussi. Les nerfs et les cœurs sont mis à rude épreuve et Isa et Gorbo avaient vogué côte à côte dans la tempête, faisant face aux doutes et aux questions de chacun, aux baisses de moral et aux déceptions. De brèves accalmies étaient survenues aussi par moment et la tente familiale restait un îlot de tendresse et d’apaisement même au plus fort de la tempête. Et depuis peu, une nouvelle voie s’était ouverte devant eux. Le géant s’était vu faire une proposition et s’il acceptait celle-ci, leur avenir à tous prendrait une tournure inattendue. Inge était une des clés de cet avenir …

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Gorborenne
[Quand la Terre rencontre le Ciel]

Ce n'est que la deuxième fois que le Géant croise la route de la Cardinalice. La première avait pris le gout d'une promesse, la deuxième celui du prix qui blesse. Étrange sensation quand deux bref échanges, furtives apparitions, laissent le poids et l'impression de se connaître depuis des générations. Tout ceci lui semble tellement familier.......

Toujours assis au chevet de Rose, l'impression de flotter, d'imprégner la réalité le prend et l'étreint. Regard qui se perds dans les boucles rousses, aux couleurs du brasier qui a bien failli l'emporter..... Brasier traçant comme frontière entre le Ciel et la Terre...... restera-t-il feu incandescent ou brillera-t-il comme un soleil couchant.... Le choix est dur mais leur appartient. Reste-t-il un peu d'espoir qui ne soit pas vain?......

Un calme soudain s'empare des émeraudes, la Terre se fige et arrête de trembler. Orion se redresse comme une montagne, et vient se planter devant la Prinzessin, rempart à la tempête qui gronde au fond du Ciel.

Incapable du protocole de rigueur, le Géant toise la Cardinalice d'un regard profond. Devrait-il face à elle mettre genoux en terre? Il n'y pense même pas et il n'en a que faire..... Au diable les usages que les Hommes vénèrent quand se rencontrent le Ciel et la Terre....... Car c'est finalement ce qu'ils sont, bien au-delà du simple éclat coloré de leurs regards entrecroisés.

Elle, la Voix du Ciel, la Cardinalice, bergère de la Foi et messagère du Très Haut, traçant les routes célestes en chacun de ses mots...... Mêlant froideur du vent d'hiver et douceur d'une brise printanière......

Lui, au Cœur de la Terre, l'Hérétique, porteur de la pensée sylvestre et de l'âme des Forêts, cherchant sous les feuilles les graines d'une douce Folie...... Tantôt montagne infranchissable, tantôt clairière accueillante......

Deux mondes qui s'opposent pourtant unis dans les flammes du carmin, de ce qu'il en adviendra le choix leur appartient.

Réalité qui s'imprime au delà des émeraudes toujours rivées aux opalines. Enfin, juste assez pour rendre à Orion la perception de sa main qu'il vient poser sur l'épaule de la Prinzessin. Trois mots, dont l'ironie ne lui aurait sans doute pas échappé en d'autres circonstances...... Trois mots, tendus comme une offrande, murmurés comme une demande.......


- Je te pardonne......

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