Gnia
Matin pluvieux qui délaie la crasse de Paris. Ruisseaux boueux charriant, intimement mêlés, vices et vertus sur le pavé luisant. Horizon triste et sale, ciel gris et larmoyant dont les traînées drapent Notre-Dame d'un linceul inquiétant.
Paris chagrin.
Silhouette sombre bravant la pluie, sans un regard pour l'Hôtel-Dieu qui dégueule sa misère jusque sur le parvis de la cathédrale, la capuche de la mante en guise d'oeillères, les yeux fixent intensément le sol, sans se lever vers la cyclopéenne rosace.
L'intérieur de l'édifice révèle son atmosphère froide de pierre, l'odeur de cire chaude de dizaines de cierges prenant la gorge, la lumière blafarde de ce jour fade à crever peinant à percer les vitraux, aquarelle de couleurs inquiétantes se reflétant sur le dallage et les murs.
La Saint Just marque un temps d'arrêt, ponctue l'instant d'un lourd soupir, finit par s'avancer lentement vers l'un des bénitiers. La main s'extirpe du manchon de fourrure, l'eau frémit sous les doigts qui la frôlent et l'abandonnent aussitôt.
Nouveau soupir, le coeur n'y est pas. L'esprit non plus. Ce n'est pas l'imposant giron divin qu'elle est venue chercher, de réconfort dans la prière il n'y aura pas.
Front buté, lèvres pincées, Agnès parcourt la nef d'un pas pressé, ombre furtive mais résolue, traverse le transept, bifurque dans le déambulatoire qui ceint le choeur et s'engouffre dans l'une des chapelles.
Voilà.
Fuir les clameurs de la ville, l'atmosphère étouffante de la chambrée d'auberge, la sensation d'oppression qui lui laboure la poitrine depuis l'aube. Le genre d'aurore exsangue qui sonne le glas de toute espérance pour ce jour.
Fuir.
Comme si c'était seulement possible. Comme si le passé n'avait point de fins limiers pour vous suivre à la trace et vous débusquer sans coup férir, comme si la mélancolie ne vous tenait pas sous son joug impitoyable, comme si les pensées n'étaient pas autant de laisses et d'entraves sur lesquelles il suffit de tirer pour refermer sur vous l'étroit filet de la douleur.
Soit.
Notre Dame Tristesse, Vous m'étreignez de vos bras puissant contre votre sein. Angoisse m'a arrachée sans scrupule aucun à Espérance pour me livrer à Vous.
Je suis vôtre. Achevez-moi.
Vaine tentative, dérisoire supplique.
Crois-tu vraiment que tu seras entendue, Saint Just ? Se priver de torturer ton âme égarée, de la délectable sensation de t'entendre nous implorer, de la vision jubilatoire à observer notre pouvoir lentement te consumer ?
Tsss. Allons, Saint Just, tu n'y songes pas sérieusement, n'est-ce pas ?
Pleure. C'est tout ce qu'il te reste quand bien même tu pensais la source tarie. Quand y'en a plus, y'en a encore, tu verras.
Pleure. Tu n'y trouveras de toutes façons aucun soulagement, aucun secours, tu le sais.
Cache-toi et laisse se répandre sur tes joues livides mon vénéneux poison. Tu es mienne, Saint Just. Il n'y a point de salut.
Le Très Hauct a soigneusement déserté sa demeure pour cet étrange conciliabule, laissant son enfant égarée qui n'a plus foi en lui se débattre en toute intimité des griffes de ses envahissants démons.
Et pourtant, est-ce l'un de ses anges qu'Il lui envoie, la lueur d'un phare dans la tempête, la main salvatrice qui se tend lorsque l'on se noie ?
Quelques pas discrets et hésitants, un bruissement d'étoffes et relevant la tête, Agnès ancre un regard de naufragé, implorant, brouillé de pleurs, sur l'apparition.
[Titre tiré des lyrics de Cendrillon de Téléphone - Ecriture largement inspirée de Spleen de Baudelaire.]
Paris chagrin.
Silhouette sombre bravant la pluie, sans un regard pour l'Hôtel-Dieu qui dégueule sa misère jusque sur le parvis de la cathédrale, la capuche de la mante en guise d'oeillères, les yeux fixent intensément le sol, sans se lever vers la cyclopéenne rosace.
L'intérieur de l'édifice révèle son atmosphère froide de pierre, l'odeur de cire chaude de dizaines de cierges prenant la gorge, la lumière blafarde de ce jour fade à crever peinant à percer les vitraux, aquarelle de couleurs inquiétantes se reflétant sur le dallage et les murs.
La Saint Just marque un temps d'arrêt, ponctue l'instant d'un lourd soupir, finit par s'avancer lentement vers l'un des bénitiers. La main s'extirpe du manchon de fourrure, l'eau frémit sous les doigts qui la frôlent et l'abandonnent aussitôt.
Nouveau soupir, le coeur n'y est pas. L'esprit non plus. Ce n'est pas l'imposant giron divin qu'elle est venue chercher, de réconfort dans la prière il n'y aura pas.
Front buté, lèvres pincées, Agnès parcourt la nef d'un pas pressé, ombre furtive mais résolue, traverse le transept, bifurque dans le déambulatoire qui ceint le choeur et s'engouffre dans l'une des chapelles.
Voilà.
Fuir les clameurs de la ville, l'atmosphère étouffante de la chambrée d'auberge, la sensation d'oppression qui lui laboure la poitrine depuis l'aube. Le genre d'aurore exsangue qui sonne le glas de toute espérance pour ce jour.
Fuir.
Comme si c'était seulement possible. Comme si le passé n'avait point de fins limiers pour vous suivre à la trace et vous débusquer sans coup férir, comme si la mélancolie ne vous tenait pas sous son joug impitoyable, comme si les pensées n'étaient pas autant de laisses et d'entraves sur lesquelles il suffit de tirer pour refermer sur vous l'étroit filet de la douleur.
Soit.
Notre Dame Tristesse, Vous m'étreignez de vos bras puissant contre votre sein. Angoisse m'a arrachée sans scrupule aucun à Espérance pour me livrer à Vous.
Je suis vôtre. Achevez-moi.
Vaine tentative, dérisoire supplique.
Crois-tu vraiment que tu seras entendue, Saint Just ? Se priver de torturer ton âme égarée, de la délectable sensation de t'entendre nous implorer, de la vision jubilatoire à observer notre pouvoir lentement te consumer ?
Tsss. Allons, Saint Just, tu n'y songes pas sérieusement, n'est-ce pas ?
Pleure. C'est tout ce qu'il te reste quand bien même tu pensais la source tarie. Quand y'en a plus, y'en a encore, tu verras.
Pleure. Tu n'y trouveras de toutes façons aucun soulagement, aucun secours, tu le sais.
Cache-toi et laisse se répandre sur tes joues livides mon vénéneux poison. Tu es mienne, Saint Just. Il n'y a point de salut.
Le Très Hauct a soigneusement déserté sa demeure pour cet étrange conciliabule, laissant son enfant égarée qui n'a plus foi en lui se débattre en toute intimité des griffes de ses envahissants démons.
Et pourtant, est-ce l'un de ses anges qu'Il lui envoie, la lueur d'un phare dans la tempête, la main salvatrice qui se tend lorsque l'on se noie ?
Quelques pas discrets et hésitants, un bruissement d'étoffes et relevant la tête, Agnès ancre un regard de naufragé, implorant, brouillé de pleurs, sur l'apparition.
[Titre tiré des lyrics de Cendrillon de Téléphone - Ecriture largement inspirée de Spleen de Baudelaire.]