Fin de partie de cartes mise à rude épreuve pour le vieil Angus, son adversaire depuis maintenant près d'une trentaine d'années.
L'ancêtre quant à lui, Antoine de son petit nom, tout en chiquant en perdit son humeur joyeuse car il avait misé gros sur cette dernière partie.
Mauvais joueur et grand filou l'Antoine cracha sa colère entre ses quelques chicots perdus prétextant que les allées et venues de ces jeunes péronnelles le déconcentraient.
L'Angus, y a plus djeunesse, jtle dis, mon gâs,
Y vont et viennent, prenant mon bois pour une aire de jeu.
Mais foi d'l'Antoine, vont gouter de ma canne!
D'un revers de main, il balança les cartes tombant à terre, et envoya bouler l'Angus, l'air renfrogné qui connaissant l'vieux grigou, n'osa donner du mot.
Sa canne était bien trop menaçante, et ce vieux malade lui en aurait volontiers offert des coups, juste pour le plaisir alors il préféra se ranger de son côté.
T'as ben raison mon Antoine,
Que dla vermine que ces jeunettes,
Jte verrai bien leur distribuer dl'éducation!
Et ça continuait, venant, allant, allant et venant. Un vrai défilé se mit en place. Plus de paix en leurs terres de toujours.
Bras chargés de bougies, ça roulait tonneaux et de la mangeaille au cours de sa partie, celle qu'il perdait mais ne l'avouera jamais, et ne laissera jamais à l'Angus le temps de le faire.
Mais ce qui le mit le plus en rogne, ce fut ces notes de musique qui lui montèrent jusqu'à la tête, son esprit embrouillé n'aimant guère les tintamarres de cette jeunesse sans éducation.
Canne en main, l'Antoine se tenait à elles, poings fermés sur le pommeau. Faudrait pas qu'il tombe le nez à terre devant l'Angus, ça lui ferait trop grand plaisir. Même si l'Antoine connaissait l'âme charitable de son vieil ami. Charité dont lui était dépourvue.
Ben mon Angus, jvais aller donner dla canne à ces oiselles,
Vont apprendre qui est l'Antoine.
Tviens avec moi vieille canaille ?
L'Angus regarda son vieil ami.
Il préféra inventer de l'excuse et tant pis si la foudre venait à le tuer sur son banc ou si la canne de ce vieil ancêtre le transpercait de toute part.
Non mon Antoine, j'ai la Gertrude qui m'attend à la chaumière,
Et tlas connais la belle, elle risque de me courser dson bâton si jne reviens pâ pour le diner.
Fulminait l'Antoine, s'excitant sur sa chique mis en bouche.
Ta Gertrude, ta Gertrude, jvais lui fêler son crâne à cette vache,
Mais fais dans tes braies l'Angus,
J'irai donc seul, distribuer dla canne aux oiselles!
L'Antoine leva sa canne et frappa leur table de jeu.
Plissant ses yeux de sournois au point que ses sourcils rejoignaient ses vieilles cernes pendantes.
Voilà cque tu devrais lui faire quand son gras croupion spenche le nez dans ses gamelles, en préparant ta soupe.
Mais t'es pas couillu mon Angus, un vrai couard !
Le pas hésitant, canne dans sa main, l'Antoine laissa là son camarade et il prit la direction de cette bruyante foire. Le patriarche allait sfaire connaître et donner de sa voix à ces oiselles de prétention. Il prit les chemins, aidé de ces flambeaux fichés dans le sol ouvrant une allée vers la clairière de ces mécréants, grommelant encore et toujours contre son vieil ami le pleutre.
Arriva après nombreux pas dans cette clairière, se frotta les yeux l'Antoine, cette fête avait des airs diablotins. Il n'en crut pas ses yeux alors se les frotta de nouveau, mais que nenni il y voyait bien, de la cuisse à l'air, et des épaules nues et ce sous le regard d'bambins aux yeux rougis d'en voir autant.
Se racla la gorge l'Antoine, s'approcha des tables et de ces si dévêtues qu'il les verrait bien finir dans des casernes couvertes de carcasse de fer à faire la cuisinière, ou dans des geôles à croupir, ça les materait ben que cela.
Dites donc oiselles,
Qui vous a permis de donner ce genre de, de, de,... festivités, rastaquouères ?
Et si proche de mon paisible chez moi !