[Et la néréide devient harpie]
Quelques jours plus tard, toujours à Arles ... Un jour banal comme un autre, du moins en apparence, le petit train train quotidien. Rituel devenu perpétuel, les rondes, la participation à la vie du campement, ses moments intimes ... Mais ces derniers sont devenus de plus en plus solitaires. Il s'est éloigné d'elle depuis cette fameuse prise de bec. Enfin surtout depuis la réconciliation qui avait suivi ... Lui en avait elle trop dit ? Avait-elle fait trop transparaitre ses sentiments qu'elle voulait secrets ? Peut-être, peut-être pas ... Peu importe. Il n'était pas loin, elle pouvait veiller sur lui, c'était le principal, le reste n'étant que superflu ou, selon le cas, un extra loin d'être négligeable ... Tout comme leur partage des fruits issus de la cueillette, lors de la journée quartier libre. Un partage bien à eux, plein de malice, allié à la coquinerie du Baron. Court instant qui n'avait pas été plus loin que quelques gestes, mais suffisant pour que la belle se dise que tout allait bien ... Puis de nouveau, le vide, la solitude, les doutes quand à cette guerre, quand aux choix qu'elle avait fait. Ne pas regarder en arrière, ne jamais regretter ce que l'on fait.
Vient alors son moment quotidien, celui où elle se ressource dans les bras hydriques de l'élément aquatique ... Se laisser porter, s'oublier dans cet élément, source de vie, source de plaisir, le sien, se sentir revivre et renaître.
Comme chaque jour, elle rejoint la jetée du port d'Arles, elle s'effeuille sans se soucier des regards qui pourraient parcourir son corps marqué, sa fine peau diaphane, striée de ces affreuses cicatrises, marques indélébiles de son malheur et de sa malédiction. Lentement elle s'avance et son corps s'enfonce dans la masse liquide, tournée vers l'horizon où le bleu profond de la mer rejoint l'azur du ciel sur fond de soleil d'hiver en cette fin d'après-midi. L'eau glacée refroidie sa peau brûlant de fièvre, cette fièvre de la passion irraisonnée, elle disparait dans les vaguelette qui viennent lécher la jetée, formant une petite écume blanche.
La belle naïade reprend des forces, se régénère, plonge, ondule et glisse sous l'eau. Ballet lascif d'une sirène, qui s'amuse et se joue des vagues. Quand elle commence à se sentir transie de froid, elle regagne le bord, sortant de l'eau à la manière d'une princesse, d'un joyaux que l'on sort de son écrin. Les fines gouttelettes d'eau salée, qu'irise les doux rayons du soleil déclinant à l'horizon.
Consciencieusement, elle se sèche et commence à renfiler ses vêtements secs.
Elle sursaute quand on l'interpelle :
Hum... Quelle jolie vue...
Elle ne le reconnait pas de suite, encapuchonné et emballé dans sa cape, elle plisse les yeux pour tenter de dessiner les traits flous. Mais cette voix ... Elle la connait, assez familière ... C'est Armand ! Mais bon dieu que fait-il ici ? Passé l'effet de surprise, il monte de suite au créneau, vélin en main, sa tête des mauvais jours et ce ton qui ne plait guerre à la brune belle. Elle piquée au vif, qu'il ait le culot de venir ici, relève la tête d'un air de défi et lui signifie bien qu'il n'a pas son mot à dire.
Elle est grande après tout, elle faisait ce qu'elle voulait ! La réaction du blond ne se fait pas attendre et hausse le ton. Son sang à elle ne fait qu'un tour, bouillonnant dans ses veines. Elle se mord l'intérieur de la joue pour se contenir. Comment ose-t'il l'insulter ?! Lui par ses paroles, elle par sa simple présence ici.
Elle le fixe, ses azurs flamboyants de colère, elle serre les mains, faisant blanchir les jointures de ses doigts, ses ongles s'enfonçant dans la chair de ses paumes.
Déjà tu vas me parler sur un autre ton ! Ensuite, je suis assez grande pour savoir ce que je fais, tu n'as pas à me dicter ma conduite !
Il grogne, sa voix montant encore d'un ton pour l'invectiver.
Te dicter ta conduite? Et tu vas faire quoi aller te battre contre Eikorc pour un coureur de jupon?
Sa colère monte encore d'un cran, les azurs se noircissent d'une rage incontrôlable, les flammes dans ses yeux s'embrasent, dansent ... Fureur, proche de la folie passagère alors qu'il la reprend sur son choix de vie. Les mots claquent comme le bruit d'un fouet.
J'ai une promesse à tenir, peu importe ce qu'il m'en coûte !
C'est hors de question Cathy!
La guerre est déclarée, chacun campé sur ses positions et sans aucune intention de revenir dessus. Son regard colérique de détache de lui, le corps crispé elle s'avance pour récupérer le reste de ses affaire, passant à ses côtés, elle lui siffle sur un ton cinglant :
Fous moi la paix !
Il l'attrape par le bras, serrant son bras comme dans un étau, la brune fait volte face et de son autre bras, arme sa main qui vient s'abattre froidement sur sa joue, y laissant la trace rouge de ses doigts.
Tu me lâches !!!!
Elle le fusille du regard, l'ire lui déformant les traits, les prunelles totalement consumées par l'incendie de son courroux.
Douce et calme brune, devenue furie.