--Juste_une_fille
La lueur rose dune après midi dhiver forme lhorizon dune nature hostile figée par le froid. A une centaine de mètres les toits dune ferme et quelques arbres dressent leurs silhouettes. La lumière du jour se reflète sur le paysage, faisant briller la glace, modelant la neige qui recouvrait les champs et divisant en une constellation de paillettes aux tonalités variées, froides, démontrant les efforts inutiles dun soleil invisible et lointain.
Un petit convoi de chevaux et mules suit une sente envahie par la mousse, sans se presser, au rythme des craquements du givre sous les sabots et des nuages de vapeur qui séchappent des naseaux des montures.
En tête une silhouette menue anonyme. Préférant éviter la foule des villes, cest à lécart quelle a préféré acheter ce lopin de terre et cette maisonnette. Même pas pour y vivre, tout juste y passer quelques jours par mois au mieux. Tant quelle vivra du moins, elle sastreindra à venir visiter celui qui désormais y demeurera.
Ce nourrisson encore accroché à elle et dont elle se doit de se séparer. Des mois durant elle avait cherché lendroit, la personne Toutes les conditions pour que son fils soit en sécurité Elle avait tourné ça des centaines de fois dans sa pauvre tête malmenée et navait trouvé de meilleure solution que de le tenir à lécart du monde, des ennuis, de sa vie derrance
Loin delle.
La nourrice engagée est personne de confiance. Ayant passé lâge de folâtrer, libérée de toutes obligations maritales grâce à un veuvage dû à ces foutus croisés. Les premières gelées avaient emporté lenfant chétif quelle avait mis au monde trop tôt, beaucoup trop tôt à cause du chagrin. Elle avait vu dans la proposition de la toute jeune femme qui sétait présentée à elle une seconde chance.
La brunette ouvre les portes du logis, laissant entrer les rayons dun soleil pâle. Hésitante malgré toutes ses belles résolutions Bon sang que cest difficile de se résoudre à samputer dune partie de soi-même Elle laisse à la nourrice le soin douvrir les volets et de faire prendre le feu dans la cheminée. Nétant en quelque sorte quune visiteuse en la demeure
Abandonnant son barda près de lentrée, elle se laisse glisser dans un fauteuil, lenfant tout contre elle. Alors quil entrouvre les yeux, lirrépressible bouffée de tendresse sempare delle comme chaque fois quelle porte le regard sur lui. Un doigt caressant vient effleurer sa joue de porcelaine, provoquant un petit mouvement de tête, la recherche de la source nourricière. Et le sourire qui saffiche aux lèvres de la brunette, suivi dun délaçage de cape, chemise, enfin tout ce qui fait barrière entre la bouche de laffamé et son repas.
Le fils sempare triomphant de ce qui lui revient de droit, laissant aux grands toute considération autre que celle de satisfaire son appétit, de rechercher ce contact, peau à peau, cette odeur si familière, aimée, de façon purement viscérale, primale. Petite main posée non loin de la bouche, qui caresse et gratouille, appuie et parfois griffe sans le vouloir la fine peau tendue sous la montée de lait.
La jeune mère elle, se concentre sur tout ce quelle doit faire dans la journée, organiser une vie, laisser les ordres précis à la nourrice, moult conseils pour que le champ donne assez afin quils en vivent confortablement en plus de la somme rondelette quelle a déjà fourni. Evaluer les besoins les plus pressants, ceux qui feront bientôt surface, envisager dès à présent un avenir. Jamais il ne sera dit que son fils aura connu existence chiche ou précaire. Tant de choses et le temps qui semble lui manquer soudainement, ou bien cette boule qui grandit dans son estomac à lidée que demain elle le quittera
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