Leandre
A première vue, l'Anjou ressemblait à n'importe quelle autre province. De la verdure, des routes, quelques villages, et une capitale. De quoi faire une carte, en gros. Mais pour Leandre, c'était bien plus qu'un banal tracé sur un parchemin. De tous ceux qui avaient laissé leur(s) empreinte(s) dans la vie du jeune bâtard, une bonne partie étaient angevins. Versatyl, Rani, Chabinne, Yuna, Erwelyn, Aurélien, Kilia. Et d'autres, certainement, que même le narrateur aura malencontreusement omis. L'Anjou, c'était aussi de grands noms : le fameux duc chiffré, dont il était encore impossible pour le bâtard de retenir l'intégralité de ses numéros, mais aussi deux autres Penthièvre dont son père lui avait narré quelques histoires. Et pour cause, puisque le vicomte Margny maintenant vengé par Aurélien, avait eu affaire à ces deux angevins pure souche. Jontas de Valfrey et Sirius de Margny-Riddermark avaient été de grands amis, nul ne l'ignorait. Ainsi, Tithieu Chandos de Penthièvre et Fitzounette de Dénéré-Penthièvre s'étaient frottés au Margny, lorsqu'il était encore vivant, évidemment. Le premier l'avait affronté en duel singulier, à Meymac. La seconde s'était écroulée lors d'une joute contre lui, au même endroit peut-être. Leandre ne se rappelait plus des détails. Quoi qu'il en était, il était fier de fouler ces terres lourdes d'histoire et de sens. Surtout à la tête d'un convoi de plus de 50 000 écus de marchandises.
Il lui fallait se rendre à l'évidence : pourquoi trimer toute une vie pour n'obtenir ne serait qu'un cinquième de ce qu'il avait pillé en une seule nuit ? Certains cherchaient les complications. Lui prenait le chemin le plus court pour obtenir ce qu'il désirait. Certes, il ne savait plus très bien où il en était. Pour le moment, rester quelques temps en ces terres d'Anjou lui semblait être une solution raisonnable. Cependant, de légers détails risqueraient de perturber sa nouvelle vie. Ces détails proviendraient, à coup sûr, de son père. Ce dernier, alors conseiller comtal lors du renversement du château, n'allait pas rester les bras croisés alors que son bâtard de fils dépenserait les écus, ses écus en quelque sorte. Il prit donc la plume, une fois qu'il fut confortablement installé au comptoir d'une auberge saumuroise.
Il lui fallait se rendre à l'évidence : pourquoi trimer toute une vie pour n'obtenir ne serait qu'un cinquième de ce qu'il avait pillé en une seule nuit ? Certains cherchaient les complications. Lui prenait le chemin le plus court pour obtenir ce qu'il désirait. Certes, il ne savait plus très bien où il en était. Pour le moment, rester quelques temps en ces terres d'Anjou lui semblait être une solution raisonnable. Cependant, de légers détails risqueraient de perturber sa nouvelle vie. Ces détails proviendraient, à coup sûr, de son père. Ce dernier, alors conseiller comtal lors du renversement du château, n'allait pas rester les bras croisés alors que son bâtard de fils dépenserait les écus, ses écus en quelque sorte. Il prit donc la plume, une fois qu'il fut confortablement installé au comptoir d'une auberge saumuroise.
Citation:
Cher Aurélien,
Comme tu le sais sans doute, notre groupe est parvenu sain et sauf jusqu'à Saumur. Quel soulagement que d'apprendre qu'aucun de nous ne fut fauché par une armée française. Et pourtant, Dieu seul sait que nous avons rencontré plus d'un oriflamme en chemin. A croire que la diplomatie comtoise s'est éteinte en même temps que se sont dilapidées leurs écus et réserves. J'espère que la route fut bonne pour toi et les tiens. Mais je n'en doute pas, puisque déjà la nouvelle de notre exploit s'est répandue en Anjou.
Pour ma part, je compte m'installer quelques temps à Saumur. Le nom me rappelle cette ville bourguignonne, où j'étais si calmement terré avant que tu ne viennes me proposer de renverser le château franc-comtois. C'est bon signe. J'apporterai à Saumur ce dont je suis capable de faire. Et je ne doute pas que Saumur et l'Anjou m'apporteront autant en compensation. Je veux rencontrer les gens importants de ce duché : ta famille, celle de ma tante, Hanadora, ou bien encore le vieux barbu dont m'ont tant parlé Calyce et Clélie. Je pense que tu es en mesure d'arranger cela.
Je dois aussi te demander un autre service, à toi, mon ami, qui l'est devenu depuis la tragédie provençale. Je crains que mon père, le comte Jontas de Valfrey, ne veuille récupérer le butin que nous avons pourtant mérité. Entre nous, ce n'est plus une bataille, mais une guerre que je viens de déclarer en le boutant hors de son fauteuil de conseiller. Je pense qu'en lisant ces lignes, tu dois déjà deviner où je veux en venir. Toi, au bras plus long que quiconque en Anjou, tu dois être en mesure de t'assurer que mon père ne puisse jamais arriver jusque Saumur. Cela m'écorche le coeur de te demander la tête de celui que j'appelais jadis "père", mais l'humain est impitoyable. Ce sera lui ou moi. Et je suis égoïste.
Alors, je te demande de faire en sorte que les soldats angevins tirent à vue sur celui dont je t'ai grossièrement dessiné le portrait, et que j'ai joint à la présente missive.
Dans l'espérance de te voir bientôt,
Leandre Lazare.
Comme tu le sais sans doute, notre groupe est parvenu sain et sauf jusqu'à Saumur. Quel soulagement que d'apprendre qu'aucun de nous ne fut fauché par une armée française. Et pourtant, Dieu seul sait que nous avons rencontré plus d'un oriflamme en chemin. A croire que la diplomatie comtoise s'est éteinte en même temps que se sont dilapidées leurs écus et réserves. J'espère que la route fut bonne pour toi et les tiens. Mais je n'en doute pas, puisque déjà la nouvelle de notre exploit s'est répandue en Anjou.
Pour ma part, je compte m'installer quelques temps à Saumur. Le nom me rappelle cette ville bourguignonne, où j'étais si calmement terré avant que tu ne viennes me proposer de renverser le château franc-comtois. C'est bon signe. J'apporterai à Saumur ce dont je suis capable de faire. Et je ne doute pas que Saumur et l'Anjou m'apporteront autant en compensation. Je veux rencontrer les gens importants de ce duché : ta famille, celle de ma tante, Hanadora, ou bien encore le vieux barbu dont m'ont tant parlé Calyce et Clélie. Je pense que tu es en mesure d'arranger cela.
Je dois aussi te demander un autre service, à toi, mon ami, qui l'est devenu depuis la tragédie provençale. Je crains que mon père, le comte Jontas de Valfrey, ne veuille récupérer le butin que nous avons pourtant mérité. Entre nous, ce n'est plus une bataille, mais une guerre que je viens de déclarer en le boutant hors de son fauteuil de conseiller. Je pense qu'en lisant ces lignes, tu dois déjà deviner où je veux en venir. Toi, au bras plus long que quiconque en Anjou, tu dois être en mesure de t'assurer que mon père ne puisse jamais arriver jusque Saumur. Cela m'écorche le coeur de te demander la tête de celui que j'appelais jadis "père", mais l'humain est impitoyable. Ce sera lui ou moi. Et je suis égoïste.
Alors, je te demande de faire en sorte que les soldats angevins tirent à vue sur celui dont je t'ai grossièrement dessiné le portrait, et que j'ai joint à la présente missive.
Dans l'espérance de te voir bientôt,
Leandre Lazare.
Et, effectivement, le bâtard s'appliqua ensuite à dessiner au fusain le portrait de Jontas de Valfrey. Alea jacta est.
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Bâtard de Valfrey.