Oeil-de-Loup s'était posté à son endroit favori : le lavoir.
C'était là que dans chaque village, il avait eu ses plus beaux trophées.
Chaque fois, il suffisait de s'y cacher pour dénicher ce qu'il cherchait : de pauvres victimes....
Il attendait depuis plusieurs heures déjà, qu'une innocente brebis lui tombe entre les griffes.
Dissimulé dans un bosquet, prenant soin d'être sous le vent, il guettait l'arrivée d'une proie. Il en viendrait une, fatalement.
Il n'en vint pas une, mais trois. Deux jeunes femmes et une plus âgée.
Il comprit rapidement qu'il avait à faire à la mère et deux de ses rejetons.
Mince, c'est plus compliqué que prévu.....D'un autre côté, 3 d'un coup, c'est la gloire assurée..... Un sourire qui ressemblait à une grimace se dessina sur ses lèvres. Il se préparait à commettre sa première erreur, depuis des mois qu'il exécutait ses basses besognes. La vanité et l'orgueil démesuré avaient triomphé de la prudence et de la lucidité qui l'accompagnaient jusqu'alors.
Allez mes jolies, au travail, frottez-moi tout ce beau linge et je viendrai vous aider au rinçage...hé hé Quand il sortit du bosquet, les 3 femmes lui tournaient le dos, environ 20 pas devant lui.
Il s'approcha sans bruit jusqu'à n'être plus qu'à quelques mètres. C'est à ce moment que la plus jeune des 3 se retourna, visiblement alertée par un léger craquement ou par sa seule intuition.
Le cri qu'elle laissa échapper déchira la quiétude des lieux. La mère, comprenant la situation ordonna à ses deux filles de fuir immédiatement ce qu'elles firent sans discuter. La matronne se jeta sur l'assassin, son énorme batoir à la main.
Oeil-de-Loup fut, l'espace d'un instant, totalement désemparé. Rien ne se passait comme prévu. C'est lui qui d'habitude avait l'avantage de la surprise. Or, à cet instant, non seulement, cet atout n'existait plus, mais pire encore, d'agresseur, il était devenu l'agressé !!!!
Il tenta de se dégager de l'attaque de la furie, mais ses pieds restèrent ventousés dans le sol détrempé qui entourait le lavoir. La Mère-Courage avait elle au contraire mené son attaque en prenant soin de rester sur la margelle de granit.
Les appuis solides et les bras tout autant, elle envoya un formidable coup de batoir dans la tête du misérable qui en lâcha sa dague.
Il lui sembla que sa tête explosait sous le choc.
A demi-conscient il vit la mégère qui armait une deuxième salve. Ses hurlements étaient furieux. Sachant qu'il ne pourrait encaisser ce deuxième assaut, et ne parvenant toujours pas à récupérer ses appuis, il n'eut d'autre solution que de se laisser tomber à terre, évitant ainsi le coup, mais renforçant aussi sa vulnérabilité.
Ahhhh, tu vas voir raclure....je vais te montrer ce qu'on leur fait nous aux criminels.... Dans un geste fou, la lavandière qui dépassait largement le quintal se laissa choir sur le renégat, prenant bien soin de lui enfoncer son genou dans les côtes....
Elle relevait ses deux puissants bras pour le coup de grâce, quand, dans un enchaînement dû à sa longue pratique du corps-à-corps, Oeil-de-Loup récupéra sa dague sur le sol et l'enfonça profondément dans le sein gauche de la pauvre femme qui hurla de douleur et lâcha son batoir.
Le brigand parvint à se dégager, tant bien que mal de sa victime qui s'était roulé en boule de douleur. Il s'apprêtait à finir son sinistre travail quand des bruits de personnes accourant le stoppèrent.
Ahhh, les chiennes, elles ont alerté tout le village....faut pas moisir ici... Il eut juste le temps de disparaître dans les branchages avant que 3 paysans armés de leur fourche n'arrivent sur les lieux de l'attaque.
C'était un beau fiasco.....
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