Kahhlan
Retour du Limousin le 12 octobre
Chevauchée sous une pluie fine de Bergerac en Castillon .. elle aurait souhaité arriver plus tôt ..hâte de retrouver le sol qui l'a vu naître, se ressourcer pour un temps .. Son voyage avait duré plus que prévu, arrêtée en quelques endroits pour nécessité de vie, mettre son épée au service du plus démuni , prendre un maigre repas, ses finances ne lui permettant plus le luxe de déguster une bonne viande rôtie ou un poisson en sauce.
Il fallait tenir déjà jusqu'en Sarlat ou elle devait retrouver Eloa , la prendre enfin dans ses bras et lui murmurer qu'elles allaient pouvoir rentrer à la maison. Elle lui éviterait aussi, sachant qu'Eloa était première dans l'art de poser des questions, toutes les sombres parties de son séjour et voyage.
Elle chevauchait au petit trot dans les rues désertes de Castillon, Eloa blottie contre elle et recouverte d'une couverture.. Sa belle Faënora , confidente oh combien secrète de ses moindres pensées , ralentissait le pas sous le doux relâchement de ses cuisses lui enserrant les flancs.
Regard sur chaque demeure .. les jardins avaient donné leur meilleur pour l'été ..
On pouvait y voir désormais les sillons nus, encore si fourni il y a peu , la terre molestée par des mains plus ou moins tendre se réservait sagement, se nourrissant des pluies d'automne, attendant patiemment le blanc manteau de l'hiver d'être travaillée à nouveau.
Les fruitiers de saisons offraient leurs derniers atouts , elle aurait pu tendre la main pour cueillir cette pomme perlée des restes de l'humidité matinale .. Les premiers rayons d'un soleil se ferait plus tardif ..
Elle la sentait se réveiller doucement .. petit chaton s'étirant dans sa couverture, la chevelure emmêlée et un bâillement plaintif sortit de sa gorge .. Ses yeux croisèrent les siens et elle ne pouvait que lui adresser son premier sourire ..
Elle resserrait sa cape sur elle, lui murmurait un bonjour damoiselle, bienvenue chez vous et en Castillon .. finissait son murmure par un tendre baiser sur sa chevelure qu'elle respirait avec tendresse.
Cette enfant ne saurait pas qu'elle avait failli perdre sa ''poule zéante'' comme elle se plaisait à le nommer, ni combien sa vie était menacée à l'instant ou elles s'approchaient de leur demeure ..
Elle l'enserra un peu plus fort signe de protection contre ses pensées .. se concentrer sur les jours avenirs et oublier pour un peu la traitrise du temps, des absences, de la trahison, des conflits que seul l'être humain est capable de provoquer, des batailles à venir et encore de la trahison ..
Naïve, elle était si naïve et aimante il y a si peu .. les événements l'avaient rendue si dure et impartiale dans ses jugements .. Elle ne pardonnerait pas si facilement, elle ne pardonnerait plus si facilement.
Son village endormi lui offrait la rusticité qui lui avait tant manqué, cette nature vierge de corruption lui apportait en cette matinée de retour une respiration plus sereine, elle s'emplissait des odeurs matinales de cette terre recouverte d'un tapis feuillu et mordoré ..
Elle avait emprunté le sentier entre lac et forêt, ce sentier parcouru en long large et travers et qui jamais ne se ressemblait .. encore un miracle de dame nature.
Des images lui parvenaient ..celle de Grand-papa lui racontant le paysage en même temps que le village .. celles de Robinne et Gawin amoureux de leur terre et la soignant comme on soigne un nouveau né, comme on soigne un enfant que l'on veut voir grandir ..amour, respect sans attendre de retour pour soit si ce n'est que la satisfaction d'un travail bien fait et d'une envolée libre d'échange et de partage ..
Faënora reconnaissait elle aussi le sentier , évitant d'un pas sur les imperfections du sol ..
Eloa bien éveillée regardait la maison en lui montrant du doigt et en se mettant à crier .. C'est là !!!!
Kah se surprit à entendre son propre rire .. et de lui répondre .. Voui ma caille c'est là ! C'est enfin là !
Elles arrivèrent devant l'entrée, kah aidant Eloa à se glisser de cheval et se laissant glisser à son tour.
Elle ouvrit la porte à la petite en lui recommandant d'aller se mettre auprès de la cheminée, Philibert lui avait écrit que tout serait prêt pour les accueillir. Elle déposa armes et bagages, s'occupa ensuite de sa jument consciencieusement et lui offrit une pomme avant de la remettre au prés. Dernier geste qu'elle avait appris à faire chaque soir .. elle s'occupa de sa lame, la graissant avant de la ranger soigneusement. Elle inspira profondément .. pensées vers le Limousin .. un sourire vers Lui .. et se rendit à sa demeure.
Porte ouverte sur une frimousse curieuse, elle s'approcha de la damoiselle et l'embrassant très fort lui murmura ..
Bienvenue chez toi ma caille !! Dés que nous aurons déjeuné nous irons chercher ton cadeau d'anniversaire ..
Elle lui sourit ..
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