Kehl
[Siège d'Aix, le 13 mars]
Après avoir ramené un de ses camarades au camp, en prévision du retour vers Arles, Kehl avait gardé la monture du blessé, qui ne remonterait plus sur un destrier avant un moment. Il repartait en quête de son unité. Avant d'avoir pu rejoindre ses compagnons d'armes, il entendit des bruits de combat, sur sa gauche. Des paroles. Du Français. Au moins ce n'étaient pas ces brigands de Gênois ou de Catalans. Un homme et une femme, pas plus. Que deux combattants ? Bigre. Des nobles. Probablement un duel, alors. Mais un duel en pleine guerre ? Himmelkreuz ! Un duel en pleine guerre ça veut dire qu'ils sont dans le même camp ! Misère ! Deux nobles Français qui règlent je ne sais quelle querelle ! Il ne fallait pas intervenir dans un duel, tout le monde savait ça. Mais en général les duellistes se battaient bien. Ce serait l'occasion de s'approprier une technique ou deux. Le tout c'était de ne pas se faire voir. Les duellistes avaient un sens de l'honneur sur-développé, et il valait mieux attendre que le plus faible ait été tué, plutôt que d'être vu et de devoir affronter deux adversaires furieux d'être dérangés.
Kehl descendit de cheval et se dirigea vers la zone d'où venait le bruit, le plus discrètement possible. La femme était officier. Kehl l'avait déjà vu à Arles. Quoique plus une infirmière qu'une combattante, d'après ses souvenirs des tentes blanches. L'autre en revanche c'était un vieux de la vieille, un combattant grisonnant qui en avait sûrement vu de belles. L'un des deux avait du surprendre l'autre en train de fuir et trahir ainsi sa bannière. C'était sans doute le vétéran qui avait voulu déserter, et l'officier qui l'avait repéré et arrêté. Haute trahison, on ne rigole pas avec l'honneur des bannières.
Le combat était plaisant à regarder. Ouah, amusante cette botte du vétéran. Belle fluidité des gestes, enchaînement impeccable. C'est sans doute lui qui allait survivre. Mais la jeune femme ne le laissait pas faire, et peut-être qu'en fait ce n'était pas juste une infirmière. Héhé. Brave petite, fait-le donner tout ce qu'il a, à ce vieux débris. Tiens... Mais... Ils n'ont pas le même accent. La femme est française, d'accord. Mais l'homme !? Avec son accent traînant des montagnes, ce ne peut être qu'un.. helvète ! Rhaaaaaa ! Alors il ne rêvait pas, ils étaient ici aussi ! Les souvenirs de la bataille de Bâle, des humiliations subies à cause de ces saletés de confédérés, de la famine dans l'armée à cause des rigueurs de la campagne helvète, tout lui revint devant les yeux, brûlant de précision. L'officier venait de prendre une valeur énorme, et le vieux guerrier ne devait pas l'emporter. Aucun des deux ne trahissait son camp, en fait, et il avait failli faire une belle erreur : c'était juste la guerre.
Réfléchit, Kehl, réfléchit. Approcher par derrière et fendre le crâne du vétéran par surprise ? Non. La française me trahirait, ne serait-ce qu'en me regardant approcher. Et après elle m'en voudrait de lui avoir pris son ennemi. Tirer d'ici à l'arquebuse ? La distance est bonne. Non, pas possible non plus, la détonation attirerait du monde, et si je touche la française je vais avoir des ennuis. Je savais bien que j'aurais du choisir d'apprendre l'arbalète quand j'en avais l'occasion. Ah, je sais. Faire croire que l'armée rebelle arrive : ça devrait décourager la jeunette et faire baisser sa garde au vétéran. Mhhh. Non, elle ne se rendra pas, et puis même si elle le fait c'est un helvète, il la tuera avant que je les rejoigne. Peut-être qu'en les surprenant tous les deux j'ai une chance.
Le savoyard repartit vers sa monture en silence, et revint vers les deux combattants au grand galop, en hurlant :
Basel ! Basel !
Passant en trombe, de toute la vitesse du destrier, Kehl dut choisir. Frapper le montagnard, ou emporter la française au camp ? Ce serait l'un ou l'autre, et s'il attaquait il risquait de les blesser tous les deux, avec l'élan de la monture. D'un autre côté, un confédéré, c'était tentant. Finalement décidé, le savoyard attrapa la française par son armure de cuir et la hissa sur le destrier, qui s'éloignait déjà.
Je vous ramène au camp, fraülein offizier...
Heureusement que c'était encore une jeune fille, elle ne pesait pas très lourd, et son armure avait tenu. Apparemment elle n'était pas blessée, c'était le principal. Un officier français... Pardalis et Ninoupitch devaient être avertis au plus vite. Mais avant d'être trop loin du fantassin pour ne plus pouvoir se faire entendre, Kehl se retourna et lui cria.
En souvenir de Bâle, confédéré !
édition pour l'orthographe
Après avoir ramené un de ses camarades au camp, en prévision du retour vers Arles, Kehl avait gardé la monture du blessé, qui ne remonterait plus sur un destrier avant un moment. Il repartait en quête de son unité. Avant d'avoir pu rejoindre ses compagnons d'armes, il entendit des bruits de combat, sur sa gauche. Des paroles. Du Français. Au moins ce n'étaient pas ces brigands de Gênois ou de Catalans. Un homme et une femme, pas plus. Que deux combattants ? Bigre. Des nobles. Probablement un duel, alors. Mais un duel en pleine guerre ? Himmelkreuz ! Un duel en pleine guerre ça veut dire qu'ils sont dans le même camp ! Misère ! Deux nobles Français qui règlent je ne sais quelle querelle ! Il ne fallait pas intervenir dans un duel, tout le monde savait ça. Mais en général les duellistes se battaient bien. Ce serait l'occasion de s'approprier une technique ou deux. Le tout c'était de ne pas se faire voir. Les duellistes avaient un sens de l'honneur sur-développé, et il valait mieux attendre que le plus faible ait été tué, plutôt que d'être vu et de devoir affronter deux adversaires furieux d'être dérangés.
Kehl descendit de cheval et se dirigea vers la zone d'où venait le bruit, le plus discrètement possible. La femme était officier. Kehl l'avait déjà vu à Arles. Quoique plus une infirmière qu'une combattante, d'après ses souvenirs des tentes blanches. L'autre en revanche c'était un vieux de la vieille, un combattant grisonnant qui en avait sûrement vu de belles. L'un des deux avait du surprendre l'autre en train de fuir et trahir ainsi sa bannière. C'était sans doute le vétéran qui avait voulu déserter, et l'officier qui l'avait repéré et arrêté. Haute trahison, on ne rigole pas avec l'honneur des bannières.
Le combat était plaisant à regarder. Ouah, amusante cette botte du vétéran. Belle fluidité des gestes, enchaînement impeccable. C'est sans doute lui qui allait survivre. Mais la jeune femme ne le laissait pas faire, et peut-être qu'en fait ce n'était pas juste une infirmière. Héhé. Brave petite, fait-le donner tout ce qu'il a, à ce vieux débris. Tiens... Mais... Ils n'ont pas le même accent. La femme est française, d'accord. Mais l'homme !? Avec son accent traînant des montagnes, ce ne peut être qu'un.. helvète ! Rhaaaaaa ! Alors il ne rêvait pas, ils étaient ici aussi ! Les souvenirs de la bataille de Bâle, des humiliations subies à cause de ces saletés de confédérés, de la famine dans l'armée à cause des rigueurs de la campagne helvète, tout lui revint devant les yeux, brûlant de précision. L'officier venait de prendre une valeur énorme, et le vieux guerrier ne devait pas l'emporter. Aucun des deux ne trahissait son camp, en fait, et il avait failli faire une belle erreur : c'était juste la guerre.
Réfléchit, Kehl, réfléchit. Approcher par derrière et fendre le crâne du vétéran par surprise ? Non. La française me trahirait, ne serait-ce qu'en me regardant approcher. Et après elle m'en voudrait de lui avoir pris son ennemi. Tirer d'ici à l'arquebuse ? La distance est bonne. Non, pas possible non plus, la détonation attirerait du monde, et si je touche la française je vais avoir des ennuis. Je savais bien que j'aurais du choisir d'apprendre l'arbalète quand j'en avais l'occasion. Ah, je sais. Faire croire que l'armée rebelle arrive : ça devrait décourager la jeunette et faire baisser sa garde au vétéran. Mhhh. Non, elle ne se rendra pas, et puis même si elle le fait c'est un helvète, il la tuera avant que je les rejoigne. Peut-être qu'en les surprenant tous les deux j'ai une chance.
Le savoyard repartit vers sa monture en silence, et revint vers les deux combattants au grand galop, en hurlant :
Basel ! Basel !
Passant en trombe, de toute la vitesse du destrier, Kehl dut choisir. Frapper le montagnard, ou emporter la française au camp ? Ce serait l'un ou l'autre, et s'il attaquait il risquait de les blesser tous les deux, avec l'élan de la monture. D'un autre côté, un confédéré, c'était tentant. Finalement décidé, le savoyard attrapa la française par son armure de cuir et la hissa sur le destrier, qui s'éloignait déjà.
Je vous ramène au camp, fraülein offizier...
Heureusement que c'était encore une jeune fille, elle ne pesait pas très lourd, et son armure avait tenu. Apparemment elle n'était pas blessée, c'était le principal. Un officier français... Pardalis et Ninoupitch devaient être avertis au plus vite. Mais avant d'être trop loin du fantassin pour ne plus pouvoir se faire entendre, Kehl se retourna et lui cria.
En souvenir de Bâle, confédéré !
édition pour l'orthographe