--Stephan
Tout avait été bien trop vite pour le pauvre jeune homme qui se retrouvait désormais voleur de chevaux sans même qu'on ne lui ait demandé son avis. Vivre avec Jade-Valentine ne devait pas être de tout repos... Il eut une pensée émue pour Yohanna, qui supportait si bien la jeune femme pleine d'une énergie - un peu trop? - débordante, puis se concentra sur la tâche du moment: mettre un filet aux équidés volés. La chose fut vite faite, et s'ensuivit une cavalcade fantastique pour quitter rapidement la ville.
Nous passerons sur les détails pour éviter aux lecteurs quelques horribles heures d'ennui: ainsi, ne vous étonnez point de ne pas savoir ce qu'il advint de la charrette, ni même si Verso avait eu le moindre mot à dire dans l'histoire. Nous vous passerons également la partie qui rimerait avec procès pour les jeunes pillards de chevaux: je vous assure qu'elle n'est vraiment pas intéressante. Et celui qui oserait prétendre que ce récit est invraisemblable serait bien inspiré de ne point le faire, sous peine de recevoir dans l'heure une description fastidieuse et ô combien peu passionnante de la totalité des évènements. Et croyez-moi, vous souhaitez vous en garder, je peux vous l'assurer!
Revenons donc à nos moutons. Ou plutôt, à nos chevaux... Laissant Châteauroux loin derrière eux, les trois compères galopaient à vive allure pour retourner sur le lieu du forfait. Tout cela commençait à devenir un peu trop compliqué pour le jeune - et grand, et beau, et fort, et intelligent, et drôle, et attentif, et coureur de jupons - Stephan, qui suivait la petite brune sans trop se poser de questions. Ah! Je vous entends déjà prétendre que sa réaction, face à l'enlèvement de son plus proche parent - c'est-à-dire Aelith, suivez un peu! - n'est ni cohérente ni vraisemblable! Ce à quoi je répondrais volontiers: et alors? Vous n'avez jamais lu quelque bon roman vous préservant de tous ces instants dramatiques et fort ennuyants? Considérez celui-ci comme l'un de ceux-là, et cessez de froncer les sourcils à chaque phrase. Parce qu'avec vos mimiques exaspérées, la recherche des enlevées n'avance guère...
Une fois sur le lieu de l'odieux crime - du kidnapping, si vous préférez -, Stephan stoppa sa monture et jeta à Jade-Valentine un regard circonspect.
-« Bien! Et maintenant? Tu siffles ton loup, il accourt, nous emmène sur la trace des vils faquins qui ont enlevé les membres de notre famille, nous les retrouvons, nous nous serrons tous dans les bras, et nous allons nous souler en taverne jusqu'au bout de la nuit? Que penses-tu de ce plan? »
"Je l'ai trouvé tout seul!", faillit-il rajouter, avant de se souvenir qu'il n'avait plus douze printemps, et que sans doute il ne fallait pas se vanter d'une telle trouvaille...