Sadnezz
Ouvert à qui voudra, sous réserve de respecter une certaine cohérence et les règles de la CM sans quoi les post concernés seront levés à ma demande. Tous les posts se passeront de nuit.
[Nuit première.]
C'est à la brune qu'elle rentrait, exténuée mais apaisée , repue d'une nuitée exaltée. A l'heure ou d'autres exultent entre les tendre soubresauts des cuisses jarretées, elle , assouvissait quelques pulsions moins complexes mais pas moins stimulantes puis s'en revenait trainer sa cape carmine dans les les ruelles crasseuses de la Cour. Rentrer pour trouver repos, dans son dernier repaire, là où nulle âme ne troublait ses monologues à la lueur des bougies, sur les mots griffonnés aux vélins et ceux de ses prières sourdes. L'agitation de l'heure où la cour s"éveille, quand le reste du pays s'endort, restait la seule ambiance qui donnait l'occasion à ses douleurs de s'évaporer, à la Corleone de faire le vide dans un esprit martelé de trop de raisonnements et de rengaine. Sa fugue avait duré plus de temps qu'à l'accoutumée, quelques obligations , parfois l'échine se courbe mais jamais longtemps...
Marchant près des rigoles centrales aux pavés souillés, ses yeux fouillaient les lucarnes croisées au fil d'une progression tranquille. Elle ramenait dans son antre le fruit de plusieurs nuits de labeur et d'extase, des larcins effectués dans ses règles de l'art, le butin d'une voleuse qui commençait a prendre de l'âge... Ce n'était pas la lassitude qui cernait ses yeux noirs, ni l'ennui qui avait offert le premier cheveu blanc à sa crinière corbeau, juste le temps et ses sentences, le courroux divin qui la ramenait à une réalité qu'elle oubliait parfois. Les tavernes étaient remplies, plus sales les unes que les autres elles lui tendaient pourtant leur bras. Pas ce soir, ce soir je m'en reviens, la nuit a été longue, plusieurs jours sans lune. Domani peut-être, pour l'heure seule la pénombre de ses lieux l'appelait à elle, la Garçonnière qui n'en avait que le nom à force ne n'y voir pénétrer que son unique résidente quand elle daignait venir animer l'endroit. Rare, trop peut-être. Les routes étaient longues pour rentrer chez soi, les araignées avaient prit leurs aises pendant l'absence, pauvres créatures nocturnes.
Une gueuse au crin roux criait son plaisir dans un recoin, troussée par les mains noires d'un jeune mâle qui tenait mal sur ses jambes. Certainement pour quatre sous , il l'aurait à lui pour toute la nuit, si la rougeoyeante avait la bonté de ne pas le planter braies aux pieds avec sa bourse et son ivresse... Sadnezz passa son chemin sans trop admirer la scène, somme toute banale à cette heure ci. Les bordels regorgeaient de généreuses aux attributs à monnayer qui avaient même compté par le passé quelques membres de la famille, tenant le commerce des chairs... Elle bifurqua après trois édifices bruyants pour continuer chemin. Sa besace pesait lourd ce soir, peut-être juste parce que le besoin de rentrer avait été très fort sur le retour, trop fort.
Ses yeux d'onyx se posèrent un instant sur deux gamins au milieu de la rue se battant avec colère, pas de jeux d'enfants dans les quartiers des miracles... Loin de sa tête brune l'idée d'aller les séparer, loin aussi les bienveillances de mère qu'elle n'abritait plus. Un des gosse traina l'autre tête blonde par la tignasse jusqu'à l'engouffrer dans la rigole à purin, le combat semblait désigner par avance un vainqueur. La loi du plus fort faisait son oeuvre, ici comme ailleurs. On ne dérange pas les mécanismes régnant depuis la nuit des temps... Les faibles mourraient, les autres restaient. Sa cape glissa sur le sol, contournant la rixe, indifférente. Quelques pas encore et une porte cochère la vit stopper à son seuil. Une clé rouillée grinça, Sadnezz inspira. Son repaire, ancienne taverne délabrée, était bien le seul endroit où elle ne se sentait pas étrangère. La lourde porte se referma sur elle . Expiration. Le temps de rendre un peu de lumière aux lieux, les rats avaient déserté la poussière du sol.
Tout lui revint, images reposante de son chez elle, avec sa table aux restes avariés, son comptoir devenu garde manger, son espace vital laissé en l'état, comme si sa fuite datait du matin. Le sac fut jeté sur le sol, libérant des écus brillants et elle resta là, appuyée contre le bois d'une cheminée éteinte à contempler les lieux. Elle eut une pensée interdite en regardant sa couche défaite. Dernière image de plaisir en d'autres lieux et d'autres temps... Ses yeux s'en détournèrent bien vite.
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"croyais-tu que l'on me surnommait Belladone par fantaisie? "