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[RP] Hostel de Gilraen, rue Sainct-Antoyne

Arielle_de_siorac
[Deux jours plus tard]

Soupir d'aise faisant papillonner de blanches narines.

Quelque rayon de soleil égaré traînassait sur le visage d'Arielle assoupie. Enfouie en étoile dans son lit douillet, icelle savourait le retour au confort de son rang. Comme on retrouve vite l'habitude du luxe!

Plantée près de la porte sans oser troubler le repos comtal, une jeune soubrette fronçait son nez tacheté de rousseurs. Le prêtre étranger lui avait ordonné d'aller réveiller sa maîtresse pour une prière du point du jour. Elle hésitait cependant devant l'évidente félicité de la vieille dame. D'ailleurs, elle l'aurait volontiers rejointe sous ce duvet invitant... onc n'avait-elle eu la chance de s'allonger sur une couche si moelleuse.

Mais trêve de rêvasseries, la soubrette s'ébroua au souvenir du prêtre. C'est qu'il avait l'air peu commode, le sermonnaire!


Hum hum... commença-t-elle en se raclant la gorge. Hum... Ma... Ma Dame?

Oh! sursauta la comtesse comme si une guêpe l'avait piquée.

Rougissantes toutes les deux, elles se toisèrent un instant.


Heu... Hum... Oui? chuchota Arielle, complètement désorientée.

Le Père Grégoire, Ma Dame... Il... Il vous convie à sa prière.

Les prunelles comtales demeurèrent absentes quelques secondes tandis que les mots cheminaient péniblement jusqu'à l'esprit embrumé d'Arielle. Enfin, ils semblèrent avoir trouvé quelque résonance car le regard s'alluma.

Oh oui! Je... J'arrive.

***

[Plus tard]

Enivrée du parfum de ses roses, Arielle se tenait immobile dans le jardin dont la perfection avait souffert de sa longue absence. La caresse du vent, le vert éclatant de cette fin d'été et ce cocon d'intimité qu'elle avait tant chéri... Tout la ramenait dans son passé en bouquets hirsutes. Elle se demandait, l'esprit folâtre, où pouvaient bien se trouver ses proches. Voilà quelques temps qu'elle n'avait plus eu de nouvelles ni de ses enfants, ni de son époux, car en son couvent, elle avait fini par perdre tout contact avec le monde terrestre.

Elle aurait dû se déquiéter, bien sûr. Peut-être la male heur les avait-ils frappés, peut-être même avaient-ils mystérieusement disparu à l'instar de son malheureux aîné, Mathieu... Pourtant, Arielle était sereine, aspirant à plein poumons un frais optimisme. Quelque part au fond d'elle-même, elle savait qu'elle n'avait aucune raison de se faire du souci.


Ma fille, si votre opulente demeure est inappropriée pour une enfant du Très Haut, votre jardin, en contrepartie, est un pur enchantement. Une bénédiction divine!

La voix suave était venue la frôler par derrière. Le Père Grégoire s'était approché en silence, avançant de sa démarche à la fois féline et rigide. Comme un animal tendu.

Arielle lui tendit un sourire heureux, sans répondre. Ils restèrent là un moment à savourer la lumière. Puis, semblant se rappeler ce qui l'amenait là, l'ecclésiastique remit un pli à la comtesse.


J'allais oublier: une lettre pour vous. Un coursier est venu la laisser ce matin.

Les yeux perçants du jeune homme semblaient vouloir brûler le vélin.

Vous attendiez du courrier?

Rougissant à nouveau sans raison, Arielle répondit par la négative en ouvrant la missive.

Oh... C'est de la part d'une copiste à l'Académie royale. Elle souhaite consigner mes mémoires!

L'expression flattée de la comtesse se mua vite en masque honteux devant les yeux ronds de son confesseur.

Heu... Hum... C'est certes là un projet bien peu modeste, mais... étant l'une des fondatrices de l'Académie... je... je suis certaine que cela pourra servir. Non pas pour mon propre orgueil mais bien pour la France!

Pour la France... répéta le prêtre, un sourcil en l'air.

Évitant d'en rajouter, la comtesse s'empressa d'aller en son cabinet pour répondre à cette lettre.

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Arielle_de_siorac
Tant qu'à dépoussiérer son écritoire, Arielle avait envoyé des missives aux quatre coins du Royaume.

C'était en effet la moindre des civilités que de faire savoir à ses proches qu'elle était toujours de ce monde. Ignorant toutefois où s'étaient éparpillés ceux qu'elle aimait, elle sema ses billets à tous vents dans l'espoir d'en rejoindre quelques uns au vol: Béarn, Flandres, Hollande, Champagne, Anjou, Gascogne, Lorraine, Orléanais, Dauphiné, et même la fière Bretagne, source originelle du sang de son père.

La chose faite, elle redescendit au niveau des roses pour retrouver son directeur de conscience en pleine méditation.

Arielle demeura un moment silencieuse à l'observer tranquillement. Elle se plaisait à détailler ses pommettes hautes, ses lèvres pleines, sa barbichette soyeuse et ses longs cheveux d'un noir brillant. Tant de force se dégageait de sa personne qu'elle se sentait en sûreté près de lui. Près du Très Haut.

En quelque sorte, il lui rappelait son défunt cousin Tydual. Le Félon, l'irrésistible.

Le jeune prêtre finit par tourner son regard vers elle, enveloppant la comtesse d'une poignante chaleur. Avec un sourire désolé, il lui dit:


Mon enfant, je vous vois ici détournée malgré vous de la splendeur du Ciel. Si vous voulez avoir une chance de rejoindre un jour le Créateur en son divin Soleil, il nous faut dès maintenant commencer à vous débarrasser de ce qui vous en éloigne.

D'abord tous ces objets luxueux qui encombrent votre demeure. Vous n'en avez nul besoin...


Mais je suis comtesse! protesta Arielle dans un murmure. Il me faut tenir mon rang!

Une main levée, le Père Grégoire reprit:

Justement, parlons-en, de votre noblesse. Je pense que... Le Très Haut estime que les titres encombrent votre esprit et altèrent votre spiritualité. Vous devez mettre en pratique cette modestie dont nous parlions et qui vous sauvra. Vous devriez renoncer à tout cela.

Interdite, Arielle baissa les yeux tout en écoutant le sermon de son confesseur...
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Arielle_de_siorac
[Une semaine avait passé]

Appuyée sur sa canne, Arielle se tenait bien droite au milieu du Grand Salon, sourcils froncés et lèvre mordillée.

Non! Non, pas celui-là. Celui-là il... il reste là.

Autour d'elle, cinq domestiques s'affairaient à dépouiller la pièce de quelques uns des objets jugés trop peu humbles pour une maison aristotélicienne. Ainsi, une fine tapisserie flamande avait été décrochée et gisait maintenant dans un coin comme un torchon oublié. Une horloge mécanique, véritable rareté, avait été emportée pour être vendue. Le coffret incrusté de nacre, par contre, allait rester à sa place.

Fort bien, merci. Cela suffit pour meshui. Emportez tout cela... non! Pas cette statuette!

Les gens de la maisonnée affichaient des mines d'enterrement devant cet outrage à un tableau jusque là si parfait. Plusieurs lançaient des regards en coin à leur maîtresse, espérant trouver le moyen de contrecarrer l'influence du prêtre pendant qu'il était temps.

En effet, le Père Grégoire avait dû s'absenter pour une durée indéterminée. On l'avait rappelé de toute urgence en sa congrégation, où l'un de ses supérieurs était mourant. Il était parti le matin même, les dents serrées, en faisant promettre à la comtesse de mettre en pratique ce qu'il lui avait enseigné.

Dès son départ, Arielle s'était montrée un peu agitée, visiblement contrariée de se voir retirer son confesseur, même peut-être pour seulement quelques jours. Médard, le vieil intendant qui connaissait bien la dame, lui avait fait servir une infusion selon une recette de son cru.

Cela avait eu l'effet escompté sur les nerfs, mais pas sur la déraison.


Demain, nous passerons à la salle à dîner.

Alors qu'elle dirigeait doucement ses pas vers son petit oratoire, elle sembla se souvenir d'un détail qui la fit apostropher une chambrière qui passait.

Assurez-vous que ma garde laisse entrer une invitée que j'attends d'un jour à l'autre, Dame Eloin de Bellecour... Bellecour quelque chose. Je ne veux pas qu'on la fasse attendre dans la rue.

Oui, ma Dame.

Arielle acquiesça pour elle-même, le regard suivant le mouvement vif de la jeunette à qui elle venait de parler.

Il avait été un temps où elle connaissait le nom et l'histoire de chacun de ses domestiques. Un temps où sa chambrière était aussi sa meilleure amie. Mariette... Comme sa force tranquille lui manquait! Aujourd'hui, la plupart des gens de sa mesnie étaient pour elle des inconnus, aussi jeunes que ses enfants, aussi fugitifs qu'un visage aperçu dans la foule.

Sur un soupir, elle commença à rassembler ses souvenirs éparpillés en mille fragments de miroirs. Elle allait devoir raconter sa vie... Entreprise laborieuse.

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Jeanjacob
Devant l'hostel de Gilraen, un homme qui avait l'air épuisé et qui était vêtu dans les couleurs de la famille de Gilraen s'arrêta. Il descendit de son cheval et courrit vers un des domestiques.

Une lettre de sa Grandeur pour son épouse.

Expliqua t'il.

Citation:
Chère et tendre Arielle

Aucune journée, aucune heure, aucun instant ne passe sans que je songe de t'avoir a coté de moi a nouveau, sans que le désir de voir tes yeux, toucher tes lèvres et sentir ta peaux m'envahisse.
Chaque nuit je rêve de nos balades dans les plaines du Béarn,dans la solitude j'entends ta douce voix murmurer des histoires à nos enfants. Comme ils me manquent eux aussi, mes p'tits...

Tellement tu me manques, certainement dans ce temps troublés.
On m'a demandé de guider des hommes hollandais qui veulent aider les Flandres dans leur lutte contre les Bourrins d'Artois vers le front.

On a entendu dire des paysans flamands qui s'étaient enfui de ce front que des négociations ont lieu a ce moment, mais ils doutent tous que ceux-ci réussiront. Espèrons qu'il le font avant qu'on arrive... et que je puiserai te rejoindre à Paris le plus vite que possible.

Prend bien soin de toi ma chérie,

Ton époux toujours aussi follement amoureux de toi,

Jeanjacob de Gilraen

Faict a Antwerpen le 16 septembre 1457

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Persevael
Un jeune homme arriva devant l’hôtel Gilraen. Il descendit de son cheval et accourra devant la demeure. Il regarda la lettre, puis l’enseigne du bâtiment et se dirigea vers les portes où un domestique se chargeait de l’accueil.

Bonjour… Serait-il possible de transmettre cela à Sa Grandeur Arielle de Gilraen de Dénéré ? Elle m’a été remise par un jeune enfant qui disait la connaître.

Puis il se déchargea de la lettre et reparti de l’endroit d’où il venait.



Citation:
Ma douce maman,

Je ne sais pas si cette lettre aboutira mais Svetlana, la dame qui m’a recueilli en attendant Laurens à la Rochelle, m’a indiqué qu’il existait un hôtel de nostre nom à Paris.

Tu serais surprise de voir comment j’ai grandi ! Je suis désormais un grand homme et un grand chevalier, comme aime dire la dame à consonance russe. J’ai appris à labourer les champs et je suis un chevalier de la fourche à blé.

J’espère te revoir très vite car tu me manque très beaucoup maman !

Ton fils qui t’aime très fort et qui veut à nouveau écouter les récits que tu tiens du Roy.
Arielle_de_siorac
Deux lettres, coup sur coup.

La première arrivée de Flandres, où l'époux tout doux avait retrouvé les tavernes et l'accent rocailleux de son coin de pays. Un instant délicieux, Arielle oublia le visage de son mignon confesseur pour serrer la missive sur son coeur. Le vélin avait un parfum musqué, presque un parfum d'alcôve.

Elle allait s'atteler à la réponse quand on vint lui remettre un deuxième billet, signé celui-là de la main de son plus jeune fils. Son sourire s'élargit de bonheur. Comme en effet son bébé devait avoir grandi!

Sans tarder, la comtesse rédigea les réponses, renvoyées à leur destinataire l'encre à peine séchée grâce aux mêmes coursiers.


Citation:
Paris, le dix-huit septembre de l'an mil quatre cent cinquante-sept

Mijn schat!

Me voici bouleversée d'amour par ta lettre, qui arrive juste au moment où je me retrouve seule parmi des inconnus en notre propre demeure. J'ai tant pensé à toi, mijn honnepon, alors que j'essayais de faire le vide en moi pour mieux entendre la parole du Très Haut. Toujours, tu revenais me hanter comme aux premiers jours de ton retour à Bruges, il y a déjà longtemps. Tu étais là, avec moi, dans cette cellule froide que nous avons partagé sans que tu ne le saches. Tu étais là assis près de moi dans le jardin du couvent, quand je m'accordais un peu d'air frais pour laisser voler mon âme un peu, la laisser s'étirer le cou au-dessus des murs pour t'envoyer un baiser. Tu étais encore là quand j'étais en prière, implorant le Ciel de vous accorder vie et santé, à toi et nos enfants.

Mon tendre ami, je tremble à présent de te savoir en campagne contre l'Artésien. Je sais bien que ton épée a traversé des épreuves bien plus terribles que celle-ci mais je ne peux empêcher mon coeur de frémir à l'idée qu'il t'arrive malheur sur ces terres troublées.

Fais bien attention à toi. Nous nous retrouverons bientôt, je l'espère, je t'attendrai. Je trépigne d'impatience à l'idée de te présenter mon directeur de conscience, le Père Grégoire, un saint homme qui a su veiller sur moi depuis ma sortie du couvent. Tu l'aimeras, j'en suis certaine.

Viens vite me retrouver!

Ton Arielle qui t'aime tendrement


Citation:
Paris, le dix-huit septembre de l'an mil quatre cent cinquante-sept

Mon ange,

ta lettre a été pour moi une superbe surprise. Je ne m'attendais pas à recevoir de tes nouvelles aussi vite! J'ignorais où tu te trouvais car la dernière fois que je t'ai vu, tu étais avec ton frère, ta soeur et nos gens, en Champagne. Comment vont-ils? Où sont-ils rendus? Tu as parlé de La Rochelle; mais que fais-tu en Poitou chez une étrangère au nom imprononçable?

Je ne doute pas un instant que tu as grandi pour devenir un beau et grand chevalier. Ainsi, tu sais labourer un champ? Tu dois être déjà très fort! Je suis fière de toi.

Tu me manques beaucoup à moi aussi. J'ai prié pour toi quand j'étais au couvent. Je sais que ce n'est pas facile de grandir alors que tes parents ne sont pas toujours auprès de toi. La vie fait en sorte que nous ne faisons pas toujours tout ce que nous voulons mais je veux que tu saches une chose: nous t'aimons énormément, ton père et moi, et nous nous ennuyons de toi.

J'ai très hâte de te revoir. Si jamais tu entreprends un voyage, ne pars pas sans Dyruvia. Il veillera sur toi et te montrera comment faire peur aux méchants.

Ta mère qui t'aime

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Eloin
De l’hostel Barbette à l’hostel de Gilraen, il n’y avoict guère trop de distance, mais, par mesure de sécurité, elle avoict choisi de s’y rendre en litière, afin que d’éviter tout désagrément. Et puys, pour une rencontre avec une personne si importante, elle avoict soigné sa tenue et tenoit donc à la garder propre, du moins jusqu’à son arrivée à la demeure de la comtesse.
Sur une tunique de velours marron, elle portoit un bliaut de damas or aux manches ouvertes et aux petites broderies sinoples, ainsi qu’une ceinture de cuir assortie à la couleur de la robe de dessous. Ses cheveux bruns rassemblés en un chignon bas estoient dissimulés sous un touret blanc. A cela s’ajoutoit une cape de laine bleue brodée d’hermine, fourure qu’elle avoict achetée après avoir économisé durant plusieurs mois son maigre pécule, ainsi qu‘une pochette ouvragée renfermant son calepin et plusieurs fusains nécessaires à son travail de copiste académique.
C’estoit une tenue bien plus élaborée que ses habituelles robes de couleurs et de formes unies, et elle estoit fière du travail fourni par les couturières de l’atelier ayant sa préférence. Depuys l’instant ou elle s’estoit couverte avec cette vesture endimanchée, elle prenoit donc soin de ne point la salir par une quelconque poussière ou aultre éclaboussure du sol.
La jeune femme n’avoict point posé son regard sur les riches demeures alentours, l’hostel Barbette estoit à l’image de ces maisons de nobles désirant résider auprès du pouvoir royal. Mais, lorsque la litère s’immobilisa devant un hault et ouvragé portail, elle se redressa et descendit de l’attelage, après que le cocher luy eut ouvert la porte et déposé le marchepied de bois qui luy permit de descendre sans avoir à sauter, ce qui, dans une rue fortement fréquentée par des nobles, auroit donné une bien mauvaise impression d’elle. Et, en tant que proche amie de la mesnie De Vergy-Harlegnan, et qui plus est marraine de la jeune Elianor, elle avoict une certaine réputation à sauvegarder !

Les deux gardes de l’entrée la jaugèrent dès qu’elle eut posé le pied à terre, et elle s’avança au devant d’eux avec ce pas assuré qu’elle avoict acquis au fil des années passées à servir la duquessa Izarra, lorsqu’il luy falloict annoncer l’arrivée de la dame.


Adiou, messers ! Je me nomme Eloin Donatello-Bellecour, copiste au seing de l’institut de Lexicographie de la Royale Académie de France. Sa Grandeur la comtesse est prévenue de mon arrivée…

Sa présentation achevée, elle leva la teste sur l’hostel, dont les étages supérieurs se dessinoient par delà les grilles, admirant l’architecture d’un bastiment visiblement assez récent, contrairement à l’hostel Barbette, qui luy, comptoit plusieurs centaines d’années d’existence.
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Arielle_de_siorac
Le nom cité tenant lieu de sésame, la visiteuse fut prestement invitée à entrer. On la conduisit à travers la cour d'honneur jusque dans le hall d'entrée, où on la fit attendre quelques instants tandis qu'on courait aviser la maîtresse des lieux de cette arrivée.

Il ne fallut encore que quelques minutes pour qu'Arielle fasse son apparition, drapée dans une houppelande de soie gris souris, très simple. Avançant lentement aux côtés de sa canne, elle se tenait néanmoins très droite, fidèle à elle-même.

Sourire chaleureux, regard amène encadré de pattes d'oie. Un coup d'oeil approbateur enveloppa rapidement la jeune femme si élégamment parée.


La bienvenue chez moi, ma Dame. La voix de la comtesse n'était qu'un murmure, comme un souffle discret sur un voile. Il fallait tendre l'oreille pour en discerner les mots. Je suis fort aise de vous encontrer, bien qu'en vous apercevant, j'aie jà l'impression de vous connaître. Peut-être nous sommes-nous croisées dans un couloir de l'Académie royale?

D'un geste de la main, Arielle invita Eloin à la suivre jusqu'à un petit salon décoré avec goût... mais dont certains bibelots avaient visiblement été récemment retirés, puisque quelques espaces vides semblaient incongrus. Sans commenter la chose, la comtesse désigna un fauteuil avant de s'asseoir dans le sien.

J'espère que vous avez fait bon voyage. La parente où vous séjournez réside-t-elle non loin? Oh, ajouta-t-elle en voyant un domestique apporter vin, noix et fruits confits, vous prendrez bien quelque rafraîchissement?

L'image des sourcils froncés du Père Grégoire revenaient sans cesse à l'esprit d'Arielle. S'efforçant de repousser la honte qu'il lui fallait ressentir face à l'immodestie qu'allait représenter l'étalage de sa propre vie à cette inconnue, elle se convainquit que l'exercice demandait en fait une grande abnégation. N'était-ce certes pas en quelque sorte un sacrifice de révéler à la France l'intimité de ses souvenirs? En fait... En fait! Le Père Grégoire pouvait même être fier de tant d'humilité!

C'est donc avec un plaisir à peine coupable qu'elle observa son interlocutrice, attendant de voir comment le tout allait se concrétiser.

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Eloin
Les gardes s'écartèrent en luy souhaitant la bienvenue en la demeure comtale, et les grilles s'ouvrèrent pour la laisser passer, son attelage allant l'attendre à quelques pas de là, le long de la muraille entourant l'hostel.

Un domestique, apparut presque miraculeusement devant elle se chargea de la conduire jusqu'à l'intérieur de la grande et admirable construction. Une grande pièce s'offrit alors à elle, tandis que le valet s'éclipsait pour aller prévenir qui de droit de sa présence.
Restée seule, Eloin posa son regard sur les murs et le plafond de la pièce, admirant la décoration.

Mais la survenue de la maistresse de maison, annoncée par des pas soutenus par le léger bruit d'une canne, la sortit de son observation, et elle se retourna vers la dame qui s'avança vers elle, notant avec une note d'admiration la prestance et la beauté de la comtesse de Nijmegen.
La dame luy inspira tout de suite le respect, et elle plongea en une respectueuse révérence.


Je vous remercie d'avoir accepté de me recevoir, Vostre Grandeur, dit-elle lorsqu'elle se fut relevée et approchée un peu pour mieux entendre la dame parler. Effectivement, nous nous sommes jà croisées en l'enceinte de la Royale Académie de France, vous estiez Grand Académicien, si mes souvenirs sont bons...

Elle suivit la dame et pénétra dans une petite salle fort bien agencée, remarquant avec un air amusé que certains meubles sembloient estre dénués de tout bibelot, chose estrange en une demeure noble telle qu'icelle. Enfin, la comtesse désiroit peut estre changer la disposition des meubles de son hostel, ou du moins en remplacer certains...
Hochant légèrement la teste, elle prit place dans le faudesteuil qui venoit de luy estre assigné, et sourit aux paroles de son hoste.


Oui, je n'ai point à me plaindre, le voyage fut calme ce jourd'huy ! Oh, non, l'hostel de damoiselle ma filleule ne se trouve qu'à quelques rues de vostre pied-à-terre parisien !

Elle sourit en voyant un valet entrer dans le salon avec un plateau de gourmandises.

Avec plaisir, Vostre Grasce, mais point de vin pour moy, je n'en bois qu'à de très rares occasions...

Elle se servit de quelques fruits et posa son regard sur le visage de la dame, remarquant qu'icelle sembloit la fixer avec une grande attention. Se souvenant soudainnement de la raison de sa visite, elle ouvrit sa pochette de tissu ouvragée et en sortit son calepin et un fusain.

Je comptes vous laisser le loisir de me conter vostre existence à vostre rythme, en commençant par vos plus anciens souvenirs ou ceux que vous jugerez les plus importants. Je me permettrais de vous poser des questions si j'ai besoin d'éclaircissements sur certains points, mais c'est à vous de me dire s'il est des sujets que vous ne voulez point voir évoquer au cours de nostre entretien...
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Arielle_de_siorac
Hochement de tête approbateur, suivi d'un discret signe de la main pour signifier au domestique de servir une autre boisson à Eloin.

Fort bien, ma Dame, votre méthode me convient. Mais par où commencer?

Léger temps de flottement tandis qu'Arielle évaluait la chose.

En fait, je commencerai par vous contredire! chuchota-t-elle avec un petit rire. Je n'ai jamais été Grande Académicienne, bien que j'avoue avoir songé à me présenter au poste. Les hasards de la vie et de mes autres occupations ont fait que cela ne m'a pas été possible.

Noix grignotée, les yeux lointains.

Mais commençons plutôt par le commencement, ce sera plus simple. Je suis née en Périgord, au château de Mespech, sis au coeur de la baronnie du même nom. J'ai grandi dans un mensonge, comme je vous le raconterai plus tard.

Mon père, ou plutôt celui qui se faisait passer pour tel, était le baron Gontran de Siorac. Ma mère, véritable celle-là, était la mélancolique Pauline Miroul, une servante de la maison. En tant que bâtarde seulement à moitié noble, j'ai eu la chance d'être élevée parmi les enfants légitimes du baron et de son épouse, Blanche, comme si j'étais des leurs. J'ai donc reçu une éducation soutenue.


Arielle sourit. Le domestique revint à ce moment pour déposer devant la visiteuse un plateau de boissons variées: infusion de menthe, eau citronnée et autres nectars de fruits.

Mes plus lointains souvenirs sont joyeux, résuma la comtesse. Il me revient aux oreilles les rires des matinées de chat perché, le parfum de poires juteuses dévorées en cachette avec mes demi-frères, et l'heureux ennui des leçons de bonnes manières.

Ma mère aimait me raconter des histoires au milieu de la modeste roseraie du domaine. Avec le recul, je comprends aujourd'hui qu'elle jouissait d'un statut particulier au sein de la domesticité. En fait, j'appris plus tard qu'elle était loin d'être une servante et que je n'étais moi-même guère bâtarde.

Mais en ce temps-là, une enfant naturelle, si aimée soit-elle, ne pouvait prétendre à la même destinée qu'une légitime progéniture. On me plaça à douze ans au service d'un ami de mon père, le Chevalier de la Brune. J'étais chambrière. Je dus le suivre jusqu'à Bordeaux puis, après quelques temps, j'entrai dans la mesnie de sa maîtresse angevine, une riche bourgeoise du nom de Constance Pinet. Le hasard ou le destin, je ne sais, me fit ainsi remonter la trace de mes origines, comme j'allais bientôt le découvrir.


Nouvelle pause, tandis qu'Arielle prenait une gorgée de vin.

J'avais réussi à cumuler un petit pécule dans l'espoir de voler un jour de mes propres ailes. J'ai ainsi pu quitter mon travail et aller tenter ma chance dans un village près d'Angers, La Flèche.

C'est là que ma vie allait changer du tout au tout.

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Eloin
Et voilà qu'elle commençoit par se tromper ! Enfin, ce n'estoit point bien grave, la dame ne s'estoit point froissée de cette bourde.

Autant pour moy... Il fut un temps ou vous estiez fort présente à l'Académie, j'y avois faict mon entrée quelques jours auparavant d'ailleurs, l'adresse me fut donnée par mon amie Lysesl...

Et la narration débuta par les jeunes années de la dame, et qui plus est par une surprise de taille. Elle qui avoict toujours pensé que la comtesse avoict grandi en Anjou venoit de se prendre une belle vérité en pleine figure !
Le son du crayon glissant sur la feuille faisoit régulièrement écho à la faible voix d'Arielle, Et elle se félicita d'avoir suffisamment d'ouïe pour l'entendre correctement.

Des pas feutrés signifièrent le retour du domestique, et elle se servit d'une infusion de menthe, plante fort peu goustée de sa filleule ou de son aisnée, et qu'elle ne consommoit donc que rarement, maugré que le goust de la menthe estoit fort appréciable... Un sourire pour remercier l'homme qui se retira, et elle reporta son attention sur la comtesse.


La Flèche... Murmura-t-elle en se souvenant que cette cité avoict accueilli le comte Perturabo de Louvelle, avant qu'Izarra ne le fasse rapatrier en son fief de Beaumont sur Sarthe. Je n'ai jamais eu l'occasion de la visiter, mesme si j'ai longtemps vécu en Maine, à Montmirail plus exactement.
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Arielle_de_siorac
Je suis passée brièvement par le Maine en quittant l'Anjou, répondit Arielle avec un petit hochement de tête. Le contexte de ce voyage étant passablement dramatique, je n'en garde qu'un souvenir vague, néanmoins sympathique.

J'y reviendrai.


Une pensée pour les siens s'accrocha à l'image du Maine, la guerre, le malheur... Cela fut balayé d'un battement de cils.

Ah, la Flèche! Dès mon arrivée, j'y fis une rencontre bouleversante, déterminante: Tydual de Dénéré, duc de Cholet, surnommé le Félon par Sa Majesté suite à son implication dans les luttes indépendantistes de la Bretagne et de l'Anjou.

Ce fut un coup de foudre.
Sourire. Immédiat. Total. Il fut d'autant plus fulgurant qu'il s'agissait là de mon premier amour.

Tydual étant un homme politique actif, c'est tout naturellement que j'ai cherché à l'aider à mon humble façon. Ainsi, à peine avais-je fait la fière acquisition de mon premier champ que je me retrouvais sur une des listes électorales de son parti, le SCO, aux côtés de sa fille Paquerette de Dénéré. Je n'étais qu'en douzième position, certes, mais cela me comblait d'aise. Dans ma profonde naïveté, je croyais sincèrement à un bonheur possible avec le duc de Cholet.

J'étais si enthousiaste par ma nouvelle vie que je multipliais mes activités. J'ouvris notamment une fromagerie sur le conseil de Gigi76 et je deviens assistante-tribun auprès de la turbulente DarkLiloche Verne, de même que secrétaire pour le maire d'alors, Sébastien Deldor de Plantagenest.


Court silence à la mention de ce dernier nom.

La cruelle ironie de mon sort me frappa lorsque Tydual m'annonça les résultats d'une enquête qu'il avait diligentée à mon propos, en secret. Troublé par certains détails de mon histoire et surtout par ma ressemblance physique frappante avec un de ses cousins, il avait mené sa petite enquête et découvert ce qui me remplit alors à la fois d'une joie immense et d'un profond désespoir. J'étais la fille légitime de son parent Clovis de Dénéré.

En effet, ma mère, de son véritable nom Pauline de Machaut, était la malheureuse épouse de cette brute qui la maltraitait. Un jour, alors qu'elle était grosse de leur premier enfant, elle s'enfuit vers le sud et trouva refuge au château de Mespech, où je naquis. Pour sa sécurité et la mienne, tandis que mon père fouillait la région à sa recherche, le baron et son épouse nous firent passer elle pour une servante, et moi pour une bâtarde.


Un léger soupir s'envola vers le souvenir de sa pauvre mère, si durement frappée par la male heure.

De la sorte, j'appris que j'appartenais à la puissante famille Dénéré. J'en fus ravie, bien sûr, mais aussi horrifiée car partant, la seule affection pouvant me lier au duc de Cholet ne pouvait être que filiale. Je réussis tant bien que mal à en effectuer la transformation en mon âme, non sans me déchirer le coeur au passage.

La comtesse goba un abricot confit, le temps de permettre aux mots de laisser sur le silence leur empreinte nostalgique.

Quelle étrangeté de vous confier tout cela alors même que je ne vous connais guère... sourit-elle. Il s'agit de mes émois intimes mais je crois qu'ils sont nécessaires pour comprendre qui je suis et ce que j'ai vécu.

Un ami profita de cette révélation pour déclarer ses doux sentiments à mon égard; il s'agissait du duc de Créans, Ashram Verne, qui était non seulement le père adoptif de la petite Liloche, mais aussi le rival politique de Tydual et l'ancien fiancé de ma cousine Paquerette.
Une lueur amusée passa dans le regard de la comtesse à l'évocation de tant de recroisements. Peu de temps après, nous étions fiancés.

Inutile de préciser, songeait Arielle, qu'au moment de se fiancer au duc de Créans, elle était déjà enceinte du maire, Sébastien Deldor... ce dernier l'ayant séduite lors d'une nuit de folie. Cela ne regardait en rien le Royaume de France, d'autant plus que les seules personnes concernées étaient maintenant décédées ou disparues, y compris le fruit de ce péché, Mathieu, son aîné...

À cette époque, j'ai tenté de relancer le journal Flèche Dimanche, que je voulais sérieux, crédible et complet. Ce projet fonctionna quelques semaines puis s'éteint, autant par manque de ressources journalistiques que parce que mon horaire s'était soudainement alourdi: on m'a en effet nommée Ambassadrice d'Anjou au Wiltshire, puis également au Somerset, en Angleterre.

Ma longue carrière de diplomate venait de commencer.

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Eloin
Estrangement, ses pensées rejoignirent celles de la comtesse, peut estre un accès de télépathie...
Le Maine, la guerre avec la Bretagne, les accrochages réguliers avec l'Anjou et mesme parfois, avec la Tourraine. Tout cela fit de son comté d'origine une terre maintes fois traversée et occupée par des armées ennemies, maugré les rappels à l'ordre de Sa Majesté et les secours envoyés par le Domaine Royal et d'aultres provinces amies.
Le traité de paix avec la Bretagne avoit ramené la paix, mais, maintenant, d'après ce qu'elle avoict ouï dire dans les journaux, l'Anjou et le Maine se seraient de nouveau pris en grippe... Parviendraient-ils un jour à vivre en paix, ou tout du moins en bons voisins ? Elle estoit, pour sa part, bien en peine d'imaginer qu'une telle chose ne soit possible dans un proche avenir.

Elle revint au récit comtal, hochant parfois la teste, notant souvent sur son calepin.


Je conviens qu'il ne doit point estre aisé de confier sa vie à une inconnue, et je suis consciente de la faveur qui m'est ce jour faicte par vostre personne.

Vous fustes donc fiancée au sieur Verne... Pourtant vous avez espousé le sieur Deldor ?


Non, non, pas perdue, la copiste...

Avez-vous souvenance de la date de ces nominations ? Aultrement, d'un lieu ou je pourrois effectuer cette recherche par moy-mesme ?

Exigeante sur son travail, ça oui, elle ne tenoit point à rendre un torchon à dame Sindanarie !
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Arielle_de_siorac
Elle fut fiancée à Ashram mais épousa Sébastien... À ce rappel, le regard d'Arielle se troubla légèrement.

Hum... Eh bien, certes. Comme je vous le conterai, le pauvre Ashram rendit l'âme avant même que nous puissions célébrer l'hymen. C'est par la suite que j'ai épousé Sébastien Deldor.

La comtesse se racla discrètement la gorge, se souvenant trop bien du parfum de scandale qui avait enveloppé toute cette époque.

Hem... Alors, en ce qui a trait à la date de ma nomination au Wiltshire, c'était aux alentours du 27 août 1454. Les archives doivent encore se trouver à la chancellerie angevine, au château d'Angers.
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Eloin
Elle garde un silence respectueux tandis que les souvenirs semblent s'emparer de la dame un court instant. Une vie si longue devoit estre fertile en évènements et souvenirs, qu'ils soient bons ou mauvais.
Elle nota la date sur son calepin en la soulignant, symbole qu'elle avoict choisi pour se rappeler qu'il luy faudrait, à l'issue de cet entretien, entreprendre des recherches pour retrouver les dicts documents.


Je reprendrais contact avec la diplomatie angevine, lors, puisque j'ai rendu toutes mes clefs aux différentes ambassades françoises à l'issue de ma démission du poste de chambellan du Maine...

Elle prit le temps de boire une gorgée d'infusion qu'elle accompagna d'un biscuit, ce qui laissa à la comtesse le loisir de reprendre le fil de son récit.
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