Arielle_de_siorac

[Deux jours plus tard]
Soupir d'aise faisant papillonner de blanches narines.
Quelque rayon de soleil égaré traînassait sur le visage d'Arielle assoupie. Enfouie en étoile dans son lit douillet, icelle savourait le retour au confort de son rang. Comme on retrouve vite l'habitude du luxe!
Plantée près de la porte sans oser troubler le repos comtal, une jeune soubrette fronçait son nez tacheté de rousseurs. Le prêtre étranger lui avait ordonné d'aller réveiller sa maîtresse pour une prière du point du jour. Elle hésitait cependant devant l'évidente félicité de la vieille dame. D'ailleurs, elle l'aurait volontiers rejointe sous ce duvet invitant... onc n'avait-elle eu la chance de s'allonger sur une couche si moelleuse.
Mais trêve de rêvasseries, la soubrette s'ébroua au souvenir du prêtre. C'est qu'il avait l'air peu commode, le sermonnaire!
Hum hum... commença-t-elle en se raclant la gorge. Hum... Ma... Ma Dame?
Oh! sursauta la comtesse comme si une guêpe l'avait piquée.
Rougissantes toutes les deux, elles se toisèrent un instant.
Heu... Hum... Oui? chuchota Arielle, complètement désorientée.
Le Père Grégoire, Ma Dame... Il... Il vous convie à sa prière.
Les prunelles comtales demeurèrent absentes quelques secondes tandis que les mots cheminaient péniblement jusqu'à l'esprit embrumé d'Arielle. Enfin, ils semblèrent avoir trouvé quelque résonance car le regard s'alluma.
Oh oui! Je... J'arrive.
***
[Plus tard]
Enivrée du parfum de ses roses, Arielle se tenait immobile dans le jardin dont la perfection avait souffert de sa longue absence. La caresse du vent, le vert éclatant de cette fin d'été et ce cocon d'intimité qu'elle avait tant chéri... Tout la ramenait dans son passé en bouquets hirsutes. Elle se demandait, l'esprit folâtre, où pouvaient bien se trouver ses proches. Voilà quelques temps qu'elle n'avait plus eu de nouvelles ni de ses enfants, ni de son époux, car en son couvent, elle avait fini par perdre tout contact avec le monde terrestre.
Elle aurait dû se déquiéter, bien sûr. Peut-être la male heur les avait-ils frappés, peut-être même avaient-ils mystérieusement disparu à l'instar de son malheureux aîné, Mathieu... Pourtant, Arielle était sereine, aspirant à plein poumons un frais optimisme. Quelque part au fond d'elle-même, elle savait qu'elle n'avait aucune raison de se faire du souci.
Ma fille, si votre opulente demeure est inappropriée pour une enfant du Très Haut, votre jardin, en contrepartie, est un pur enchantement. Une bénédiction divine!
La voix suave était venue la frôler par derrière. Le Père Grégoire s'était approché en silence, avançant de sa démarche à la fois féline et rigide. Comme un animal tendu.
Arielle lui tendit un sourire heureux, sans répondre. Ils restèrent là un moment à savourer la lumière. Puis, semblant se rappeler ce qui l'amenait là, l'ecclésiastique remit un pli à la comtesse.
J'allais oublier: une lettre pour vous. Un coursier est venu la laisser ce matin.
Les yeux perçants du jeune homme semblaient vouloir brûler le vélin.
Vous attendiez du courrier?
Rougissant à nouveau sans raison, Arielle répondit par la négative en ouvrant la missive.
Oh... C'est de la part d'une copiste à l'Académie royale. Elle souhaite consigner mes mémoires!
L'expression flattée de la comtesse se mua vite en masque honteux devant les yeux ronds de son confesseur.
Heu... Hum... C'est certes là un projet bien peu modeste, mais... étant l'une des fondatrices de l'Académie... je... je suis certaine que cela pourra servir. Non pas pour mon propre orgueil mais bien pour la France!
Pour la France... répéta le prêtre, un sourcil en l'air.
Évitant d'en rajouter, la comtesse s'empressa d'aller en son cabinet pour répondre à cette lettre.
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Soupir d'aise faisant papillonner de blanches narines.
Quelque rayon de soleil égaré traînassait sur le visage d'Arielle assoupie. Enfouie en étoile dans son lit douillet, icelle savourait le retour au confort de son rang. Comme on retrouve vite l'habitude du luxe!
Plantée près de la porte sans oser troubler le repos comtal, une jeune soubrette fronçait son nez tacheté de rousseurs. Le prêtre étranger lui avait ordonné d'aller réveiller sa maîtresse pour une prière du point du jour. Elle hésitait cependant devant l'évidente félicité de la vieille dame. D'ailleurs, elle l'aurait volontiers rejointe sous ce duvet invitant... onc n'avait-elle eu la chance de s'allonger sur une couche si moelleuse.
Mais trêve de rêvasseries, la soubrette s'ébroua au souvenir du prêtre. C'est qu'il avait l'air peu commode, le sermonnaire!
Hum hum... commença-t-elle en se raclant la gorge. Hum... Ma... Ma Dame?
Oh! sursauta la comtesse comme si une guêpe l'avait piquée.
Rougissantes toutes les deux, elles se toisèrent un instant.
Heu... Hum... Oui? chuchota Arielle, complètement désorientée.
Le Père Grégoire, Ma Dame... Il... Il vous convie à sa prière.
Les prunelles comtales demeurèrent absentes quelques secondes tandis que les mots cheminaient péniblement jusqu'à l'esprit embrumé d'Arielle. Enfin, ils semblèrent avoir trouvé quelque résonance car le regard s'alluma.
Oh oui! Je... J'arrive.
***
[Plus tard]
Enivrée du parfum de ses roses, Arielle se tenait immobile dans le jardin dont la perfection avait souffert de sa longue absence. La caresse du vent, le vert éclatant de cette fin d'été et ce cocon d'intimité qu'elle avait tant chéri... Tout la ramenait dans son passé en bouquets hirsutes. Elle se demandait, l'esprit folâtre, où pouvaient bien se trouver ses proches. Voilà quelques temps qu'elle n'avait plus eu de nouvelles ni de ses enfants, ni de son époux, car en son couvent, elle avait fini par perdre tout contact avec le monde terrestre.
Elle aurait dû se déquiéter, bien sûr. Peut-être la male heur les avait-ils frappés, peut-être même avaient-ils mystérieusement disparu à l'instar de son malheureux aîné, Mathieu... Pourtant, Arielle était sereine, aspirant à plein poumons un frais optimisme. Quelque part au fond d'elle-même, elle savait qu'elle n'avait aucune raison de se faire du souci.
Ma fille, si votre opulente demeure est inappropriée pour une enfant du Très Haut, votre jardin, en contrepartie, est un pur enchantement. Une bénédiction divine!
La voix suave était venue la frôler par derrière. Le Père Grégoire s'était approché en silence, avançant de sa démarche à la fois féline et rigide. Comme un animal tendu.
Arielle lui tendit un sourire heureux, sans répondre. Ils restèrent là un moment à savourer la lumière. Puis, semblant se rappeler ce qui l'amenait là, l'ecclésiastique remit un pli à la comtesse.
J'allais oublier: une lettre pour vous. Un coursier est venu la laisser ce matin.
Les yeux perçants du jeune homme semblaient vouloir brûler le vélin.
Vous attendiez du courrier?
Rougissant à nouveau sans raison, Arielle répondit par la négative en ouvrant la missive.
Oh... C'est de la part d'une copiste à l'Académie royale. Elle souhaite consigner mes mémoires!
L'expression flattée de la comtesse se mua vite en masque honteux devant les yeux ronds de son confesseur.
Heu... Hum... C'est certes là un projet bien peu modeste, mais... étant l'une des fondatrices de l'Académie... je... je suis certaine que cela pourra servir. Non pas pour mon propre orgueil mais bien pour la France!
Pour la France... répéta le prêtre, un sourcil en l'air.
Évitant d'en rajouter, la comtesse s'empressa d'aller en son cabinet pour répondre à cette lettre.
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