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[RP] Hostel de Gilraen, rue Sainct-Antoyne

Arielle_de_siorac
Avec un peu de chance, vous pourriez même retrouver mes premiers rapports diplomatiques. Leur lecture doit être des plus divertissantes! s'exclama Arielle au mieux de sa voix assassinée. Car voyez-vous, je ne sais si ce fut à cause du fameux charisme français ou de mon dévouement à m'investir dans ces nouvelles tâches, mais je fus reçue en véritable reine chez les Anglais. Moi qui n'étais qu'une petite Angevine à peine débarquée de son village, on me célébra partout où je passai; même que les habitants de Bath, après avoir donné un bal pour souligner ma visite chez eux, firent de moi leur première citoyenne d'honneur en me remettant les clefs de la ville.

C'est de cette façon que me suis liée d'amitié avec moult personnalités de là-bas, allant du simple paysan jusqu'au Régent d'Angleterre en personne, en passant par de vagues mais puissants cousins anglais de Sébastien Deldor de Plantagenest: les Tudor. Je devins rapidement non seulement la coqueluche des salons à la mode, mais aussi une figure politique connue. Pendant un temps, j'ai même eu une petite entreprise d'événements mondains, L & D, avec ma défunte amie Malachia Lancaster Tudor.


Un sourire amusé étirait les traits de la comtesse à l'évocation de cette période 'glamour' de sa carrière.

Ma cousine Paquerette, élue duchesse d'Anjou, jugea opportun de décréter l'indépendance le 23 septembre 1454, si je me souviens bien. C'était la première fois que l'Anjou tentait de le faire, quelques temps après la même déclaration du côté breton. Sa Majesté, alors représentée par le prince Héraklius, répliqua en retirant à l'Anjou tout accès à ses propres coffres, l'empêchant par le fait même de payer les salaires des armées et des mineurs. L'argument avancé par la Couronne n'était même pas d'ordre politique; l'Anjou étant en dette de 20 000 ou de 200 000 écus, je ne sais plus, on lui disait qu'elle ne pouvait se séparer de son débiteur.

En tant qu'Ambassadrice d'Anjou, j'ai frappé à toutes les portes anglaises pour tenter de trouver de l'aide, qu'elle soit militaire ou financière. J'en ai déniché, bien sûr, mais trop peu et trop tard. Après une semaine à suffoquer, l'Anjou avait dû faire volte-face, utilisant le prétexte d'une faute de procédure pour clore l'épisode sans perdre complètement la face.


Tout cela était si loin... Était-elle si exacte dans les détails? Rendait-elle justice à ceux qui avaient partagé ces aventures? Arielle l'ignorait. Cependant, puisqu'il s'agissait là de sa mémoire et non d'un traité historique, elle s'accordait le droit de se tromper.

Le temps passa. Je me suis retirée chez moi, malade. Lorsque je suis sortie de ma léthargie, j'ai appris qu'Ashram était parti se battre en duel contre... Une hésitation, suivie d'un froncement de sourcils. Oh, j'ai oublié le nom de ce chien poitevin! Il avait craché sur l'Anjou et mon fiancé était allé lui faire ravaler ses paroles. À son retour, victorieux mais blessé, Ashram fut accusé de haute trahison dans une affaire douteuse, très certainement calomnieuse. On le jeta en prison, pratiquement sans soins. Sa blessure s'infecta...

Elle se revoyait en compagnie de Kask, l'oncle d'Ashram. Ils étaient partis à la recherche du duc à sa sortie de prison. Ils l'avaient trouvé, mort, sur la route de La Flèche. Elle en avait été folle de chagrin.

Il en mourut quelques jours après. Je... Un soupir. Eh bien, j'ai pu compter sur le soutien de mon parrain Lamfhad d'Ys, bien sûr, mais surtout sur la tendre amitié de Sébastien Deldor qui... qui devint bientôt mon second fiancé.

En effet, au-delà de l'affection qui le justifiait, la grossesse d'Arielle, récemment découverte par icelle, commençait à devenir par trop évidente. Il convenait d'épouser le père de l'enfant.

La Dénéré préféra ne pas trop s'étendre sur le sujet.


Nous avons été unis le 4 janvier 1455. En guise de cadeau de mariage, ma cousine Paquerette, devenue duchesse du Lude, m'a offert le fief de Dissé-sous-le-Lude. Sébastien, de son côté, avait reçu Azé des mains de sa cousine Ksandra de Plantagenest.

Un silence.

Entre temps, j'avais rencontré Juliano di Juliani au bal masqué de la Sainct-Nicolas, à Paris, et j'avais été nommée Ambassadrice royale en Angleterre par Nakuneuil d'Azayes, en janvier 1455. Je travaillais toujours pour l'Anjou mais j'étais aussi désormais au service de la Couronne.
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Eloin
Elle hocha la teste, souriant en voyant la joie qu'éprouvoit la comtesse à évoquer les souvenirs visiblement heureux de cette période.
Et la jeune femme de se rendre compte comment il estoit aisé d'acquérir des contacts puissants avec les grands de ce monde, parfois sans trop en faire.

"Ce chien poitevin"... Eloin se retint de sourire à nouveau en oyant le ressentiment qui perçoit dans la voix de la comtesse, et se dit qu'il luy faudrait tenter de retrouver le nom de cet homme. Peut estre qu'en allant encontrer des proches d'icelle, ou simplement en cherchant dans certaines archives angevines parviendrait-elle à retrouver l'identité du dueliste !

L'oblate cistercienne nota soigneusement les dates, si importantes pour sa supérieure, et se permit une question.


Vous souvenez-vous des dates et lieux de vostre baptesme, ou d'une quelconque archive qu'il me serait possible de consulter ?

Petit instant de silence, avant que de relever la teste de son calepin après que la voix se fut tue.

Vous aviez donc un employ du temps fort chargé, entre vos différents postes et vostre vie de famille...
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Arielle_de_siorac
Nouvelle gorgée de vin pendant qu'Arielle fouillait dans ses souvenirs. Parler autant attise la soif.

Mon baptême a été célébré à l'église de La Flèche par le Père Bargin. Je crois que c'était le 7 septembre 1454, mais je n'en suis plus certaine. La date exacte est inscrite dans mon arbre généalogique, dans les registres de l'hérauderie. Je suppose qu'elle est aussi encore quelque part dans les archives de la paroisse.

Lasse de rester sise en son fauteuil, la comtesse se leva lentement, aidée de sa canne.

Allons nous dégourdir un peu les jambes, si vous le voulez bien. Je vous montrerai mes roses tout en continuant.

Précédant sa visiteuse, elle dirigea ses pas vers l'arrière de la propriété, où la douceur de l'été s'étirait encore malgré la fin de septembre. Plusieurs variétés de plantes et de fleurs se disputaient la lumière dorée, mais les rosiers volaient sans effort la vedette.

Arielle fit quelques pas dans cette orgie de couleurs avant de se tourner à nouveau vers Eloin, un sourire paisible illuminant ses traits.


J'aime tant ce jardin.

L'évidence même.

Pour en revenir à ce que nous disions, j'avais certes un emploi du temps surchargé. Il me fallait concilier plusieurs choses en apparence incompatibles, en particulier ma loyauté à l'Anjou et mon travail pour la Couronne de France, alors même que les deux allaient sous peu plonger dans la guerre.

C'était pour moi l'époque des contradictions dangereuses. J'ai par exemple fait fi de ma famille pour épouser Sébastien Deldor, un Plantagenest, un clan hostile aux Dénéré. J'ai aussi chéri des amitiés avec des personnalités improbables: Juliano di Juliani, alors ennemi numéro un aux yeux des Angevins, est devenu mon deuxième père; WoOzie Warwick, hérétique tourmenté aux activités souvent douteuses, a été pour moi un frère de coeur. En Anjou, on m'accusait d'être une "sale royaliste" acoquinée avec l'adversaire. À Paris, j'étais l'Angevine, la Dénéré, issue d'une lie de fauteurs de troubles. Pourtant, je tenais absolument à préserver ma liberté de pensée et de choix. Je n'étais ni royaliste, ni indépendantiste. J'étais donc suspecte aux yeux de tous.

Ma façon de concilier mon travail de chancelière d'Anjou pour l'Angleterre et d'Ambassadrice royale outre-Manche était périlleuse mais simple: j'étais tout à fait transparente. Nul n'ignorait que je travaillais pour l'un et l'autre. J'évitais les secrets afin de ne pas avoir à trahir quiconque. Je crois bien avoir réussi.


Quelques autres pas au milieu de la verdure.

Dans le courant de l'hiver, l'Anjou a déclaré à nouveau son indépendance de la France. Partout au royaume, l'Ost s'est assemblé, grossissant de semaine en semaine, tandis qu'en Anjou, nous tentions de nous préparer à un siège. Je passais mon temps à courir entre Azé, Paris, l'Anglerre et Angers, où j'habitais désormais avec mon époux.

J'étais enceinte de mon premier enfant.

Quand l'Ost a atteint Angers, le 10 mars, j'étais sur le point d'accoucher. On me disait de rester sagement alitée mais mon devoir m'imposait d'agir tant que je le pouvais. Les bras manquaient, il me fallait participer à la défense de ma ville. J'ai été nommée chef maréchale. J'ai été blessée, je me suis battue avec la force du désespoir.

J'ai tué quelques hommes, dont Will Blackney, un chevalier de la Licorne. J'ignore comment j'ai fait, tout cela était incompréhensible, absurde. J'étais certaine de mourir.


La comtesse s'assit sur un banc, le regard triste.

En fait, nous avons bien failli y rester, mon bébé et moi. Ma cousine Oya d'Azayes m'a ramenée chez moi. J'ai péniblement donné naissance à Mathieu. Mes blessures se sont infectées... Je n'ai survécu que grâce à un médicastre envoyé à mon chevet par Juliano.
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Eloin
La jeune femme nota la date, suivie d'un point d'interrogation, petit symbole luy permettant d'aller vérifier l'exactitude de l'acte lorsqu'elle reprendrait, à son retour à l'Hostel Barbette, la totalité de leur entretien qui promettoit de leur prendre la journée, et mesme plus, selon ce que la dame aurait à luy conter.

Elle accueillit la proposition de promenade avec un sourire aimable, se doutant fort que l'inactivité devoit peser à cette femme qui avoict tant faict, ne ralentissant guère ses activités que dans certains cas d'urgence.


Je vous comprends, c'est là un magnifique hasvre de paix que toute ceste verdure ! Déclara-t-elle lorsque la comtesse luy avoua aimer cet endroit.

En passant devant le mur d'enceinte de la demeure, nul ne se pouvoit douter que tant de variétés de plantes se trouvoit au coeur d'un immense espace dédié à la culture de ces fleurs.
Et l'entretien reprit de plus belle en cet endroit enchanteur, évoquant une période guerrière qui contrastoit fortement avec l'environnement paisible qu'elles estoient en train de traverser.

L'évocation des combats menés par la Dénéré la replongèrent un instant dans ses souvenirs d'un Maine en guerre, envahi par des hordes de bretons assoiffés de sang et de vengeance envers une couronne royale qui vouloit s'accaparer leurs terres fertiles et mystérieuses. Elle se revit soudain, aux portes de la cité orléanaise assiégée, à combattre dans un champ de bataille salit par les cadavres gisant sans vie qu'il falloit reconnoistre et ramasser le soir venu, pour recommencer à s'entretuer à l'aube suivante.

Le mouvement faict par la comtesse pour s'asseoir la sortit de ce sombre songe, et elle prit à ses costés, s'efforçant de mettre de costé une image qui revenoit souvent la hanter la nuit.


Vous aviez des relations fort cordiales avec feue Son Altesse Di Juliani, ce me semble ?
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Arielle_de_siorac
Parfois, les rêves d'Arielle la rivaient encore aux prunelles du chevalier tombé sous son épée. Cette seconde en dehors du temps où les existences étaient mises à nu, livrées à la peur. La vie s'était enfuie par sa tête à lui et ses entrailles à elle. Une connection horrifiée.

Il fallut à la comtesse quelques instants avant de chasser de son esprit l'odeur du sang.


Certes. Comme je vous l'ai dit, le prince était pour moi une sorte de figure paternelle. Je l'ai rencontré lors du bal masqué donné par la Reyne à l'occasion de la Sainct-Nicolas; nous avons dansé et bavardé toute la soirée sans que notre identité ne soit révélée. C'est quelques jours plus tard, quand il m'a invitée à continuer notre discussion, que j'ai découvert de qui il s'agissait. Il était alors responsable des Finances de la Couronne. Il fut nommé Grand Maître de France peu de temps après.

Même si cela faisait déjà longtemps qu'il était décédé, Arielle avait encore du mal à croire à sa disparition. Souvent inquiète pour lui, elle l'avait toujours connu vieux, la barbe grisonnante. Il lui était pourtant odieux d'avoir à envisager sa mort.

Bien entendu, nous avions des différends de taille. J'étais loin d'être d'accord avec tout ce qu'il faisait et l'inverse était aussi vrai, surtout en matière politique. En outre, alors que je suis une personne expansive, prompte à gratifier ceux que j'aime de poutounes et d'accolades... Ses lèvres s'étirèrent en un large sourire. ... lui était d'une nature beaucoup plus réservée, qui réprouvait de telles démonstrations d'affection. Il y eut ainsi quelques malaises à l'occasion.

Néanmoins, c'est lui que j'ai choisi pour être le parrain de mon fils Mathieu, tandis qu'Ayla d'Appérault, la mère de notre défunte Reyne, était la marraine. Je ne suis d'ailleurs pas peu fière de ce fameux baptême, où j'ai réussi à faire tenir dans ma petite chapelle d'Azé des personnes aussi peu accordées que la Reyne, sa mère et le prince di Juliani, et ma très bretonne famille Dénéré, entre autres. Et cela en pleine guerre entre la France et la Bretagne. C'était un fort beau symbole de voir réunis tous ces grands belligérants, assis pacifiquement ensemble pour voir un enfant être accueilli par l'Église aristotélicienne.


Une lueur dans le regard de la comtesse témoignait du sentiment de réussite diplomatique.

Quelque part en avril 1455, je crois, je fus pour la première fois membre du conseil ducal en tant que simple conseillère d'abord, puis bailli. Le défi était grand: il nous fallait reconstruire l'Anjou suite à cette longue guerre qui nous avait coûté cher en ressources mais aussi en orgueil. Nous avons signé un traité de paix et tenté de jeter les bases de nouvelles relations entre notre duché et la France. Ce ne fut pas vraiment un succès... du moins, à ce moment-là.

J'étais par ailleurs à nouveau enceinte. En mai, j'ai donné naissance à Rose, ma seule fille. Très espiègle en son enfance; aujourd'hui douce et posée.


De toute évidence, la comtesse était fière de sa grande fille.

C'est également en mai 1455, le 23 je crois, que la Reyne Catherine Victoire m'a fait l'honneur de me nommer Grande Ambassadrice royale de France. C'était un nouveau poste créé pour remplacer Nakuneuil d'Azayes, qui ne pouvait plus assumer la gestion des Ambassades royales. Nous n'étions alors que quatre ambassadeurs royaux et j'étais la plus active.

La Reyne m'avait bien fait comprendre que je devenais responsable de l'image et de la présence de la France à l'étranger. J'étais donc en charge de toutes les relations extérieures.

Dès ma nomination, j'ai entrepris de réorganiser les Ambassades. Je les ai dotées d'une charte des statuts et responsabilités qui devait être signée par chaque personne oeuvrant en son sein, y compris moi-même. J'ai fait de grandes campagnes de recrutement afin de couvrir autant que possible tout le monde civilisé, du Portugal à l'Empire ottoman. J'exigeais de chacun un professionnalisme impeccable: courtoisie, discrétion, présence, et bien sûr, connaissance des langues. J'avais la folle ambition de léguer à la France une institution dynamique, innovatrice, incontournable, un modèle pour l'Europe.

Mais outre les problèmes récurrents au sein de toutes les chancelleries du monde, je me suis butée à un obstacle qui s'est à ce jour révélé insurmontable malgré tous mes efforts, mes moyens de pression et ma bonne volonté.


Les lèvres de la comtesse s'étaient pincées à l'évocation de sa plus grande bataille... et de son plus grand échec.

Notre administration royale.

En effet, malgré le poids des responsabilités que je devais porter en tant que Grande Ambassadrice, je n'avais aucun pouvoir de décision au-delà de la simple gestion des ambassadeurs. Mon statut n'était nulle part clairement défini en regard du pouvoir royal. Cependant, une chose était certaine: jamais mon poste ne serait considéré comme un Grand Office à la Curia Regis. Par le fait même, j'en étais réduite à n'être qu'une intermédiaire entre les ambassadeurs et la Curia ou la Pairie, selon l'époque. Une potiche, en quelque sorte.

À l'hiver 1456, tandis que plusieurs dossiers urgents demandaient une intervention rapide, j'ai intensifié mes pressions sur Paris pour que les choses changent à ce propos. J'étais à bout; en mars, j'ai osé lancer un ultimatum à la Pairie demandant à ce qu'on me laisse participer à la prise de décisions, sinon j'allais démissionner. Cette initiative, largement encouragée par les Ambassadeurs royaux, a été reçue par les Pairs comme un outrage. On m'a haïe, on m'a craché dessus. On m'a fait de vagues promesses peu concluantes, tout en plaçant les Ambassades sous la tutelle d'un Pair, feu Cronos d'Yvetot.

Ce fut pour moi une cassure, d'autant plus que plusieurs personnes que j'avais considérées jusque là comme des amies, ou à tout le moins de sympathiques relations, se sont mises à me témoigner un mépris qui me consterne encore aujourd'hui. Et pourtant, j'ai été nommée escuyère de Sainct-Ouen peu après, en reconnaissance de mon travail aux Ambassades royales. Le contraste était troublant.


Un long soupir vint interrompre la tirade. Voyant la lumière se pencher doucement vers le soir, Arielle se leva à nouveau.

Mais voilà que je saute des étapes. Je vous parle déjà de tout cela alors que j'en étais rendue à l'été 1455... J'ai été emportée par mes vieilles passions.

Vous resterez bien à dîner?

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Eloin
Les crissements du fusain sur le papier du carnet se mesloient au chant des oiseaux et au vol des insectes, créant une doulce harmonie entre les deux femmes occupées à discutailler et la paisible vie d'une nature à peine dérangée par la visite des humaines...

Eloin se disoit qu'elle avoict là une immense chance que de pouvoir encontrer si longuement et sans estre dérangée une dame à la vie emplie de tant d'évènements. Lorsqu'elle encontra la Grand Maistre de France, la rencontre eu lieu entre elles deux, certes, mais la jeune femme eut vaguement l'impression d'estre pressée par les festivités qui se dérouloient au dehors. Mais son travail fut rendu à son Maistre Académique qui le trouva fort complet, et le texte figuroit désormais en bonne place parmi les écrits des aultres académiciens, pour sa plus grande joie, et, elle se devoit bien l'avouer, une certaine fierté !

Sa fille... Souvenir vague d'une rencontre furtive, quelques temps avant qu'elle ne quitte son poste de Chambellan.


Damoiselle Rose, oui... J'ai eu le plaisir de l'encontrer à l'Ambassade mainoise, elle y estoit venue pour prendre possession du bureau de l'Ambassade béarnaise, juste après avoir esté nommée à ce poste.

D'ailleurs, elle ne doutoit point des qualités de la jeune fille pour la diplomatie, son caractère doulx et sage ne l'inciteroit point à prendre parti pour l'une ou l'aultre des parties en cas de conflits. La neutralité, c'estoit le plus difficile à garder en estant diplomate, elle l'avoict appris au fil du temps.

Saint Ouen... Cet ordre existe-t-il toujours ? J'ai ouï dire récemment qu'un ordre royal avoict perdu sa reconaissance, mais je ne me souviens plus précisémment duquel.

Regard surpris vers le ciel s'assombrissant petit à petit, s'étonnant de voir le jour décliner si vite. Puys elle se relève et règle son pas sur celuy de la comtesse.

Ce serait pour moy un honneur que de partager vostre repas, Comtesse. J'ai prévenu ma filleule qu'il ne faudrait point m'attendre pour le souper, ne sachant combien de temps je serais absente de l'Hostel Barbette...
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Arielle_de_siorac
Elles remontèrent le fil du fumet qui venait chatouiller leurs sens à l'approche de la porte. Bientôt sises à table devant une entrée de cailles aux pommes et camembert, elles purent reprendre le fil de la conversation.

Sainct-Ouen a été dissous. Je crains ne pas me souvenir de toute l'histoire, mais je sais que ce fut autrefois l'Ordre de l'Étoile, reconverti en Ordre de Sainct-Ouen qui se voulait être seulement de mérite. C'était néanmoins l'ordre suprême du Royaume, et dont le Grand Maître était Sa Majesté en personne.

Une réforme a tenté d'en faire autre chose; un ordre de chevalerie classique, ou peut-être un mélange de chevalerie et de mérite. Enfin, cela n'a guère fonctionné et a suscité des palabres sans fin entre nous. Juste avant que je n'entre au couvent pour m'y rapprocher du Très Haut, en juin dernier, Sainct-Ouen a été dissous pour être remplacé par l'Ordre du Lys, de mérite seulement.

Hum, je ne sais pas si mes explications sont claires... Je ne suis pas loin de m'y perdre moi-même! En fait, je n'ai jamais eu de patience avec les longs débats, ce qui m'a d'ailleurs souvent fait passer pour une gourde ou une impertinente. Et aussi pour une prétentieuse. Bref, rien de très glorieux.


Rire léger, dénué de toute lourdeur parisienne. Il y avait du bon à vieillir. L'âme prenait une certaine distance par rapport à certaines choses; ne restait plus qu'à se gausser un peu de tout, en particulier de soi.

Comment trouvez-vous vos cailles? Sont-elles à votre convenance?
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Eloin
Les légères contractions de son estomac vide n'eurent point le temps de se manifester bruyamment que jà, elles estoient assises à une table, et un plat apétissant leur fut servi.

Elle dégusta la dicte caille en silence, escoutant la dame parler tout en découvrant cette nouvelle saveur. Bien qu'ayant pu bénéficier des mets servis à la table ducale de la défunte navarraise, la caille estoit resté un plat que jamais elle n'avoict gousté, ce qui se réparoit donc ce jour.

Un vigoureux hochement de teste accueillit la demande de la comtesse.


Ma foy, parfaictement préparées ! Ce volatile est un délice...

Heureusement que la ligue protectrice des animaux n'existe point en 1457, sinon les nobles auraient eu à se lamenter depuys bien longtemps que les oiseaux manquent à leur tablée !

Je n'ai guère de patience pour les longues discussions animées, il est vrai, ce qui m'a souvent amenée à laisser les aultres discuter. Je donnois mon avis en fin de discussion, lorsque les orages et aultres disputes s'estoient apaisées !

Lasche, la jeune mère ? Que nenni, soucieuse de préserver ses idées et sa neutralité envers tous, simplement.
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Arielle_de_siorac
Le regard d'Arielle pétilla devant l'évident plaisir que sa visiteuse prenait à s'attaquer à ses cailles.

Nous nous ressemblons beaucoup sur ce point. Je préfère aussi dire simplement ce que j'ai à dire sans me lancer dans d'interminables duels qui de toute façon, ne mènent jamais nulle part.

Gorgée de vin pour accompagner le camembert.

Pour en revenir à l'été 1455, je retiens cette période comme étant celle... celle d'un lent glissement vers l'enfer.

J'avais connu d'heureux moments avec Sébastien. Je l'aimais sincèrement et je croyais être aimée en retour. Notre vie conjugale était simple, joyeuse, idyllique. Mais tout a changé après la naissance de Rose.

D'un doux rêveur toujours prêt à faire la fête, il s'est transformé en un politicien ambitieux, tracassé, distant... Il me délaissait et se désintéressait de ses enfants. J'en avais le coeur brisé, je ne voyais pas ce qui s'était passé pour provoquer en lui un tel changement. Je ne l'ai compris que beaucoup plus tard.


Le regard de la comtesse s'attardait sur sa caille comme si elle contemplait là le cadavre de son bonheur.

Vinrent alors les élections ducales d'août. Sébastien s'engagea en deuxième position sur la liste de Smartfluid de Jurefacto... Ce nom honni siffla entre les dents d'Arielle. ... où je l'ai rejoint, espérant partager quelque chose avec mon propre époux, ne serait-ce que la seule politique. Ce fut une campagne abominable: notre liste, et en particulier sa tête, était l'objet d'un déchaînement de haine inédit. Nous avons néanmoins accédé au Conseil où bientôt, ce fut le seul endroit où je pouvais encore apercevoir Sébastien au détour d'une réunion. Après à peine deux semaines, nous ne nous adressions même plus la parole.

Je me suis alors retirée seule en ma seigneurie de Dissé-sous-le-Lude afin de faire le point sur ce désastre et me rapprocher des gens que j'aimais, à La Flèche. Quelqu'un... Quelqu'un dont j'ai toujours ignoré l'identité a alors tenté de m'assassiner en incendiant mon châtelet.


Peut-être Sébastien... Après tout, une épouse encombrante, ça s'élimine! songea la comtesse.

Cette funeste pensée la transperça. Les yeux arrondis, elle se tut le temps que les domestiques viennent apporter le plat principal: du chevreau aux épices. Une gorgée de vin tenta de dénouer sa gorge.


Le hasard a voulu qu'à ce moment-là, je gisais au fond du cellier, assommée par une mauvaise chute. L'édifice a flambé avant de s'écrouler... J'étais sauve dans ce petit trou, mais prisonnière. J'ai encore une fois cru que j'allais y rester mais après quelques jours de recherches parmi les décombres, on m'a retrouvée. Très mal en point.

Mon époux ne s'est que peu réjoui de me retrouver vivante.
Oui, décidément... En le formulant ainsi, tout cela apparaissait bien louche. Il était trop occupé à préparer une prise du château avec Smartfluid, qui avait perdu le pouvoir entre temps.

C'en fut trop. J'ai quitté à la fois mon époux et l'Anjou en emmenant mes enfants. Je...
Un soupir. Je ne savais où aller, j'étais affaiblie, perdue. Nous nous sommes arrêtés d'abord chez ma cousine Fifounijoli de Penthièvre, dans le Maine, puis chez ma chère amie DameBlondeur de Varenne, en Alençon. Nous avons ensuite fait une pause chez une parente de Sébastien, la princesse de Montmorency, à Paris. Ann.

Séjour fatidique. En effet, elle y avait fait la rencontre du comte des Flandres de l'époque, Louis-Hubert d'Harlegnan. Manipulateur sans scrupules, coureur de jupons.

Là, j'ai reçu une lettre de Blondeur m'annonçant que Deldor était chez elle, blessé. Elle supposait qu'il était à ma recherche. J'ai alors cru que peut-être, peut-être! notre mariage avait une petite chance de survie. Quelle sottise.

Quelques jours plus tard, il est apparu. À Paris. Au mariage de Leurs Altesses Morgennes et Armoria de Mortain. Il avait à son bras Smartfluid de Jurefacto. J'ai alors tout compris.
*

La blessure était toujours là malgré les années couchées dessus. Arielle avait à peine touché à son chevreau.

Je suis partie pour Bruges.

Partie pour aller choir entre les draps de Louis-Hubert. Vengeance, dépit, égarement, solitude; les raisons étaient nombreuses pour se laisser croquer par le fameux moustachu. Deldor les avait retrouvés et s'était battu en duel contre le comte. Il avait perdu, le ventre ouvert dans la boue, les yeux morts gorgés de pluie.

Arielle était là. Elle en avait perdu la raison.


Sébastien est parti à notre poursuite et a été tué sur une route de Flandres, articula-t-elle, consciente de l'odieux mensonge. Secret, tout cela était secret, sa honte, son malheur. Pas question d'en parler dans une biographie.

Des brigands, je crois.

Hop, une gorgée de vin pour faire passer l'arrière-goût.

Je ne... J'ai été... Enfin, je conserve peu de souvenirs des semaines qui ont suivi. Je voulais mourir.

Je me suis raccrochée à mon travail. Ce fut l'époque la plus productive aux Ambassades royales. J'étais toujours là, à tenter d'oublier en m'abrutissant sous l'ouvrage. C'est à ce moment que j'ai été approchée par Messire Voltaire, qui m'a soumis son projet d'Académie royale. J'ai plongé dans ce nouveau projet et fondé l'Institut de Linguistique. C'était en décembre 1455, il me semble.


Une hésitation, puis Arielle rajouta du bout des lèvres: À ce moment-là, j'ai aussi, pendant quelques temps, travaillé pour des services de renseignement dévoués à la Couronne. Je vous le dis seulement pour que vous sachiez que cela existe. Je n'en révèlerai pas plus.


* [Note HRP:] Dans les faits, Deldor n'a jamais trompé Arielle. Mais cette dernière est persuadée du contraire. Un malentendu comme on les aime.
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Eloin
Silence alors se fict, bien vite rompu cependant par les paroles de la comtesse et le bruit des couverts rencontrant la matière délicate des assiettes. Quand, dans les demeures les plus humbles, l'on mangeoit encore sur des grandes et épaisses tranches de pain noir nommées tranchoirs, dans les grandes demeures de nobles riches à souhait, l'on usoit d'assiettes et de fourchettes, découvertes en Italie et prestement renommées.

La dégustation de la caille se fit pour sa part dans un silence presque religieux, tant elle se régaloit de ce volatile raffiné. Elle escoutoit également attentivement le récit comtal, posant de temps à aultre son cousteau et sa fourchette pour reprendre son fusain et noter quelques mots dans son carnet.

Et sourit aux derniers mots de la dame en entamant le plat principal apporté entre-temps.


Je savois jà qu'une telle Institution existast, Vostre Grandeur. Je l'ai su par une indiscrétion d'un noble mainois s'estant vanté d'appartenir à ce service royal.

Se racrocher à son travail pour ne point sombrer... C'est ce qu'elle avoit faict, au trépas de la duchesse de Bellesme, pour s'éviter de trop penser au vide sidéral que ce décès laissoit de faict dans sa vie. Estre dame de parage d'une femme si remuante au caractère fort ne pouvoit laisser indifférent le jour où ce guide, cette grande dame quitta ce monde au prix de grandes douleurs, emportée par le mal des accouchées, mal qui fauchoit tant de femmes, quel que soit leur âge...

Pardon de remuer de mauvais souvenirs, Comtesse, mais il me semble avoir ouï dire voici peu de temps que vostre aisné, Mathieu, n'estoit plus de ce monde ?
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Arielle_de_siorac
Ah mais à ce que j'en sache, il n'y a pas seulement une institution de la sorte, objecta la comtesse aux propos de sa visiteuse. Le service auquel j'ai brièvement appartenu n'existe plus depuis longtemps; toutefois, je ne doute pas qu'il ait depuis été remplacé par au moins un autre. C'est même impensable qu'il ne le soit pas.

Légère moue. Arielle se demandait si elle avait fait une nigauderie en révélant ce détail de sa vie. Mais après tout, ce ne serait là surprise pour personne; en effet, quiconque avait la moindre once de jugeotte se doutait bien qu'avec ses relations et sa position, elle avait forcément fini par tremper dans ces eaux-là.

L'ironie de la chose est que le Grand Fat de Gomoz de Penthièvre m'a accusée d'indiscrétion en une époque où il n'en était même pas question, rajouta-t-elle un peu pour elle-même. Il campait en Angers assiégée comme s'il était chez lui et pensait être en mesure de me donner des ordres. Ce fut un réel plaisir de remettre cet arrogant à sa place.

Lorsque Eloin posa sa question sur Mathieu, les traits de la Dénéré se crispèrent imperceptiblement. Tristesse et regrets assombrirent son regard.

Mon aîné... Il a certes disparu en de mystérieuses circonstances. Nul ne l'a plus revu, à ce qu'il semble.

Mais j'y reviendrai.


Arielle avala une ou deux bouchées de viande, le temps de rassembler ses esprits.

Le temps, combiné à mes occupations et la présence salutaire de mes enfants ont fait leur oeuvre sur moi. J'ai fini par retrouver une vie à peu près normale malgré mon veuvage. Je croyais alors être destinée à vivre et mourir seule.

Cependant, le comte de Nijmegen, Jeanjacob de Gilraen, revenait en Flandres après quelques années passées à construire la Hollande.
Un tendre sourire revint au coin de ses lèvres. Je savais qui il était; nous avions eu l'occasion de nous croiser brièvement à quelques reprises. Encore en deuil, j'ai été surprise de le voir bientôt me faire une cour patiente. Notre camaraderie s'est muée en des sentiments beaucoup plus profonds et bientôt, nous nous sommes fiancés. Monseigneur Bigornea nous a unis en la cathédrale de Bruges le 5 avril 1456.

Peu de temps après, le prince di Juliani nous a proposé à tous deux de l'accompagner dans une grande aventure: se lancer dans la construction d'un nouveau comté récemment arraché aux barbares, le Béarn. Nous étions las des vieux pays et de leurs éternelles querelles. Emportés par l'enthousiasme, nous sommes partis pour le sud le 18 avril, emmenant mes enfants et une partie de la famille de Jeanjacob.


La comtesse sourit à ses domestiques lorsqu'iceux vinrent débarrasser le chevreau pour apporter fromages, fruits et gâteaux.

J'ai vécu les premiers temps de manière heureuse. J'étais enceinte à nouveau et porte-parole pour le premier conseil comtal. Bientôt, je devins aussi chancelière; j'entrepris d'édifier des ambassades dynamiques et professionnelles. Mon fils Mathieu est devenu le premier maire d'Orthez, à seulement 13 ans. Nous adorions notre demeure, un oustau typique de la région. Nous étions optimistes.

Les premiers nuages sont arrivés avec l'été. En juin, je suis passée à un cheveu de trépasser en donnant naissance à notre héritier, Laurens. Je m'en étais à peine remise que ce cher Juliano alla mêler le Béarn aux troubles internes de la Gascogne... nous entraînant par le fait même dans un dangereux imbroglio.

Nous occupions Dax. La tension était vive dans toute la région. C'est ce moment que la vieillesse du prince choisit pour se rappeler à nous tous: Juliano se retira quelques temps pour des raisons de santé. En tant que son chambellan, je dus le remplacer. J'ai fait de mon mieux pour nous tirer de l'impasse où nous nous trouvions. Bien que notre sortie de crise ne se soit pas fait sans mal, je peux dire qu'avec mes collègues du conseil, je nous ai évité le pire.


Aucun relent de plaisir ne flottait sur la mine de la comtesse. Visiblement, ces souvenirs n'avaient rien d'agréable.

Entre temps, j'en ai eu assez de me buter aux mêmes problèmes, aux Ambassades royales. Je savais que jamais je n'arriverais à faire de cette institution ce dont j'avais rêvé; de plus, certaines politiques parisiennes me puaient au nez. J'ai démissionné de mon poste de Grande Ambassadrice vers la fin juillet.
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Eloin
Et, tandis qu'en l'Hostel Barbette, le destin de sa filleule estoit en train de se sceller, enchaisnant la fillette aux bras d'un impérial hautain et cynique, l'oblate cistercienne se régaloit du chevreau en oyant une noble dame luy conter sa vie.
Banalité de l'existence que de voir deux évènements se dérouler en mesme temps, certes, pourtant par moments la jeune femme se demandoit en quel estat elle retrouverait sa petite protégée lorsqu'elle quitterait l'Hostel de Gilraen. A peine sortie de l'enfance que jà pieds et poings liés à son fiancé, que pour sa part elle se retiendrait d'approcher le plus possible, Boucles d'Or n'avoit point un destin enviable, pour le sur. Mais nul ne pouvoit rien contre les directives de la défunte duchesse, à moins d'avoir une bonne raison de rompre une promesse édictée dans un testament...

Elle ne répondit point au sujet des Services de Renseignements, ne souhaitant point non plus s'étendre sur un sujet qui les éloignerait du motif de sa visite.


Et quelles furent donc ces précédentes rencontres avec messer vostre espoux, Comtesse ? Le furent-elles au titre de l'une de vos occupations professionnelles ?

La construction de nouvelles provinces... Elle s'en souvenoit fort bien, estant au conseil comtal du Maine à ce moment. Ils avoient du faire face à la démission précipitée et au déménagement quasi immédiat de trois conseillers comtaux, et nul n'avoit plus eu de leurs nouvelles, sauf le hérault qui recevoit leurs missives d'allégeances pour les fiefs ou décorations de mérite reçues pour leurs bons et loyaux services au comté mainois. Il avoit donc fallu, pour pallier au manque de conseillers, faire appel aux membres des listes ayant remporté les précédentes ducales, selon l'ordre intimé par les règles royales, et leur désigner un poste selon leur convenance. Le conseil en fut chamboulé presque entièrement, à moins d'un mois des nouvelles élections, mais le peuple comprit fort bien cette mesure.

Qu'en serait-il en Guyenne dans quelques jours ? Les quatres listes en oppositions se disputaient le loisir d'exposer leurs idées plus fortement que l'adversaire, sans pour autant avoir une idée de ce que pouvoit réellement penser le peuple du duché. Car certes, certaines personnes avoient faict des demandes en public, mais la plupart des guyennois avoient gardé le silence, votant en lisant uniquement le programme pour la plupart...

Notant la date du départ de la dame vers le Béarn, elle se permit de demander une précision.


Avec quelles personnes estes-vous partie, justement ? Pardonnez-moy ces questions, mais je préfères estre concise plutost que d'avoir à vous recontacter plus tard pour de menus détails...

Nouvel hochement de teste aux dernières paroles. Elle avoit d'ailleurs retrouvé la dicte déclaration de démission, qu'elle escomptoit insérer en annexe de la biographie.
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Arielle_de_siorac
Soupir aussi léger un baiser.

Jeanjacob... Je crois que la première fois que je l'ai encontré, c'était aux Ambassades royales. En fait, il quittait son poste d'Ambassadeur royal en Angleterre et j'étais là pour le remplacer, en janvier 1455. Je l'ai par la suite croisé à plusieurs reprises en mission diplomatique, notamment en Hollande où il était comte, et dans diverses occasions mondaines.

C'était un homme que j'appréciais pour sa joie, sa douceur et son calme, sans pourtant vraiment remarquer sa personne, préoccupée que j'étais par mes péripéties et mes tâches. Je loue le Très Haut d'avoir eu la bonté de le mettre plus en évidence sur mon chemin; j'aurais en effet pu passer à côté de lui sans jamais le voir et ainsi ne pas connaître la limpide félicité conjugale qu'il m'apporte depuis nos espousailles.


Un sourire aux nuances indéfinissables accueillit la dernière question d'Eloin.

Mon époux et moi sommes partis au Béarn en compagnie de Mathieu et Rose, bien sûr, mais aussi de la soeur de Jeanjacob, Mormynette, et de l'époux d'icelle, Charlesdelatour de Sainct-Ange. La soeur de ce dernier, Telya, décida avec son époux, Lunconnu d'Harlegnan, d'emboîter le mouvement. Aéliana, la dame de parage de Mormynette, nous accompagnait également.

Nous arrivâmes en notre nouveau pays telle une famille unie et heureuse. Cependant, tandis que Mormynette et Charlesdelatour se sont vite retirés en leur intimité et que Jeanjacob battait en retraite vers notre jardin et notre cave à bière, Telya et Lunconnu se sont subitement pris de haine à mon endroit pour des raisons que je ne m'explique pas tout à fait. Dès lors, ils m'ont livrée une guerre personnelle épuisante et absurde. Depuis, le moins que je puisse dire, c'est que je ne les porte pas dans mon coeur.


Arielle découvrit devant elle un verre de vin moelleux. Elle y trempa ses lèvres pour adoucir le fil de ses pensées.

Entre temps, je m'étais attachée à d'autres personnes. J'avais pris sous mon aile la jeune Sybille Von Frayner à titre de damoiselle de compagnie. Elle connut toutefois une amourette passagère avec mon fils aîné et lorsque ce fut terminé entre eux, elle préféra retourner en sa maison lorraine pour se lancer en politique. Nous sommes restées amies mais il y a fort longtemps que je ne l'ai revue.

Par ailleurs, c'est aussi à cet époque que j'ai fait une découverte étonnante: j'avais un demi-frère!
Sourire. Erel, jeune homme impétueux et attachant, est en effet le fils naturel de mon père. Il semble que Clovis de Dénéré, parti à la poursuite de ma mère qu'il savait enceinte de lui, se soit attardé dans quelque village béarnais. Il fouillait depuis trois ou quatre ans les régions méridionales à la recherche de ce qu'il espérait être son fils, son héritier. Moi.

Il demeura dans cette bourgade quelques mois, le temps de séduire une villageoise et de l'engrosser au passage, avant de l'abandonner pour reprendre sa quête. C'est une lettre de lui adressée à la mère d'Erel qui nous a permis de reconstituer les événements.


La comtesse grignota un morceau de fromage avant de reprendre.

Revenons donc à notre Béarn tourmenté. Peu après être sortie du bourbier à Dax, je me suis portée candidate aux élections comtales juste avant de me rendre compte que j'étais grosse. Cela me déquiéta car j'avais failli mourir en couches à la naissance de Laurens; j'arrivai néanmoins à mettre au monde mon dernier fils, Persevael, à la fin août. Peu après, j'étais élue comtesse.

J'arrivais en poste en contexte fort difficile. La province souffrait encore des répercussions de l'occasion de Dax, de dangereux groupes de brigands sévissaient dans la région et le Béarn était déchiré en deux, comme en témoigna le résultat des élections: six sièges pour ma liste et six autres pour celle de Chloé de Chesnais, qui me disputa un peu la place de comtesse. L'ambiance était lourde et les menaces, nombreuses. J'avais l'espoir sincère d'arriver à changer les choses, d'entamer la construction d'un Béarn plus gai, plus uni et plus fort. Le conseil se serra d'abord les coudes pour relever tous ces défis.

Cependant, j'appris bientôt qu'on complotait contre moi au sein même du conseil; qu'une ville planifiait de faire sécession; et même...
La comtesse fit une pause douloureuse. ... et même que mon propre fils Mathieu m'avait trahie par sa stupide ambition politique. Il était... Il était devenu comme son défunt père: fourbe, arrogant, insupportable.

Ulcérée, je suis sortie de mes gonds pour aller dénoncer en place publique toutes les vilenies dont j'avais connaissance.


L'espression d'Arielle ne pouvait être plus désolée.

Ce qui s'est passé à ce moment-là et dans les mois qui ont suivi, je ne puis vous le narrer car je n'en conserve aucun souvenir. Je ne sais que ce qu'on m'a ensuite raconté et ce que j'ai pu comprendre en assemblant les différentes pièces du casse-tête. Pour plus de détails, je crois qu'il vous faudra interroger les miens. Ma fille Rose, par exemple.

Il semble que pendant ma harangue, on m'ait sauvagement agressée, me blessant grièvement à la gorge.
Elle porta machinalement la main au foulard qui cachait son horrible cicatrice. J'ai survécu, je ne sais comment. Mais à présent, me voici diminuée: je marche avec une canne et je n'ai plus que ce murmure en guise de voix. En outre, ma mémoire à court terme a été paralysée pendant longtemps, me volant toute une part de ma vie.

Je... Il semble aussi que j'aie renié Mathieu, bien que cela me semble si odieux... Enfin, il a disparu du jour au lendemain. Peut-être a-t-il quitté jusqu'à sa propre identité pour renaître ailleurs...


Les yeux d'Arielle brillèrent de larmes contenues.

Je crois en fait qu'il est décédé. Considérant ses mauvaises fréquentations, je ne serais pas surprise qu'il ait connu une fin prématurée et violente.
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Rosedeplantagenest
Voici quelques semaines qu’elle estait partie du Béarn, annonçant un voyage diplomatique important alors que son cœur n’estait en faict que brisé….Elle venait d’apprendre la mort douloureuse de son meilleur ami, confident et premier homme à luy faire les yeux doux…

Les larmes pleins les yeux, elle se laissait aller de villes en villes, d’auberge en auberge, ne se rendant plus compte du jour qui passait ni des nuits qui se refroidissait.

Chaque matin, elle annonçait au cocher la prochaine destination, sans savoir véritablement ou se rendre, aucun lieu ne luy apporterait la douceur et la chaleur réconfortante de cette amitié perdue. Ces gens commencaient à montrer des signes de fatigue et d’ennervement à ne poinct connaistre la destination finale, et Rose n’estait pas de bonne compagnie, et c’est sur un ton morose qu’elle annonca
:

« -Paris, rendons-nous à Paris, l’hostel doit-estre vide… »

La fin de sa phrase se fict pour elle-mesme : « et là au moins je pourrais laisser mes larmes me lacérer le visage….. »

D’une toute autre humeur, les gens accompagnant Rose se firent plus enthousiastes, et le trajet fut rapidement bouclé, Rose essayant de travailler durant ce temps de solitude.

Enfin un bruit assourdissant de parole, de sabots, de cris à la volée, Rose écarte le rideau qui la ferme de tout paysage et voit la ville de Paris à ses pieds. Un autre état d’esprit l’empli alors, la joie de retrouver l’hostel ou elle passa du temps avec sa chère mère…Mère qui luy manque tant…
Les bruitages se calment, les ruelles sont plus propres et les demeures affichent la noblesse à qui elles appartiennent quand enfin, elle arrive…
Les pavés, les marches glissantes en hiver, la beauté de l’hostel…Mais faict estrange, les rideaux n’estaient poinct fermé…

La porte du carrosse s’ouvre et Rose n’attend pas pour en sortir, elle se presse jusqu’à la porte de l’Hostel et dépose sa main sur la poignée quand une servante ouvre…Cette dernière s’incline et Rose luy sourit, amusée
:

« -Rose ! Je suis Rose ! »

La servante ne devait poinct la reconnaistre mais une fois que cela fut fait, elle luy apprit que sa mère estait icelieu…
N’escoutant pas la suite, Rose se précipita à l’estage, ne voyant pas les changements effectué par sa mère et ouvrit la porte à la volée, n’ayant poinct entendu qu’elle estait accompagné.


« -Mère….. »


Son sourire s’effaca, sa bienséance reprenant le dessus, elle s’inclina et patienta qu’on luy dise de se redresser…
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Arielle_de_siorac
L'émotion se lisait encore sur les traits de la comtesse. Son fils aîné, son bébé, son petit garçon si sérieux et rêveur, avait suivi les funestes traces de son père vers la décadence et la mort.

Alors qu'elle prononçait les mots "fin prématurée et violente", un remue-ménage se laissa deviner derrière la porte. Un battement de cils plus tard, une tornade faisait irruption dans la pièce.

Ébahie, Arielle tourna son regard embué vers la fâcheuse qui osait la déranger en plein souper. Mais qu'étaient-ce donc que ces manières cavalières?


Rose! souffla-t-elle, statufiée par cette apparition improbable.

Après une seconde nécessaire à son esprit pour palper la réalité de cette vision, la comtesse se leva et, s'appuyant sur la table pour s'approcher de sa fille, alla prendre icelle dans ses bras.


Ooooh ma chérie, comme tu es belle! Tu es une vraie damoiselle, une femme! Mais que fais-tu céans? Tu as eu ma lettre? Où sont donc tes frères? Tout va bien? Es-tu venue seule? Tu es pâle, que se passe-t-il? Tu m'as l'air éreintée, tu n'as pas eu de mésaventure? Il est si tard, il doit être pas loin de neuf heures. D'où arrives-tu? Oh ma Rose, je suis si heureuse de te voir!

Le flot de paroles chuchotées coulait dans la pièce comme une cascade, entraînant plus loin les larmes et les regrets. Arielle serrait son trésor sur son coeur.

Ah mais qu'est-ce que je raconte, tu dois être affamée! Viens, assied-toi, enlève donc ce manteau... Regard vers Eloin. Un fier sourire maternel avait balayé les traces de chagrin. Ma Dame, je vous présente ma fille Rose Deldor de Plantagenest, elle est ambass... oh oui, c'est vrai, vous m'avez dit tout à l'heure l'avoir déjà encontrée. Rose, tu te souviens de Dame Eloin Donatello-Bellecour? Elle est copiste à l'Académie royale.

Sur ce, la comtesse sonna pour faire servir un souper à Rose.
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