Lapinus de Cardaillac
[ Palais épiscopal du Puy ]
_ Et soyez bien sages pendant labsence de Papa, les enfants ! Sinon vous passerez à la casserole à mon retour.
Puis, péremptoire :
_ Hue cocotte !
Cest sur ces mots historiques que monseigneur Lapinus de Cardaillac, tyrannique évêque du Puy, tout-puissant super-vicaire général de Bourges, lunatique seigneur de Saint-Martin de Belleville, et selon toute probabilité, très prochainement nouvel archevêque de Bourges au grand dam de certains prélats trop droits dans leurs bottes quittait son palais épiscopal du Puy et laissait des instructions de dernières minutes à ses clercs.
Ces derniers temps, le palais ressemblait plus à une fourmilière quà un véritable lieu de piété : larchevêque de Bourges se mourant, le vicaire général prenait la relève, et Lapinus délaissait les affaires de son diocèse pour gérer celles de la plus grande province de la francophonie : il recevait une dizaine de visiteurs par jours, signait deux fois le nombre de documents officiels, écrivait trois fois le nombre de courriers en tous genres alors quil en recevait quatre fois le nombre.
Malgré les embûches vicieusement placées par ses ennemis en travers du chemin le menant au pouvoir, le vieux prélat avait réussi à simposer comme une figure incontournable de lEglise française ce qui nétait bien évidemment pas au goût de tous. Il abattait, pour compenser les contre-actions de ses ennemis, un travail phénoménal, aussi bien dans son diocèse que dans sa province son travail était la seule chose que personne ne pouvait contester.
Ce que ses détracteurs lui reprochaient était des choses extrêmement futiles et, de plus, sans aucun fondement. Par exemple, ils disaient Lapinus impulsif, méprisant envers les subalternes, tyrannique envers les gardes épiscopaux placés sous son autorité
Balivernes ! Calomnies ! Diffamation ! Mensonges éhontés ! Il ny avait pas, de son temps, homme meilleur que le bien-aymé Lapinus. Jen veux pour preuve la manière dont sest déroulé ce voyage du Puy à Nogent.
Extrait choisi.
_ Capitaine, où sommes-nous ?
_ Nous venons de passer Mortagne, monseigneur.
_ Ah, fort bien. Coupez à travers champs après la ferme au toi de chaume, cest un raccourci pour la région où est située la vicomté de Nogent.
_ Je me permets de faire remarquer à monseigneur
Lévêque soupira. Le capitaine leva discrètement les yeux au ciel.
_ Bien que je sachez que monseigneur naime guère que je donne mon avis, mon expérience de militaire mimpose de vous enjoindre à la prudence : le jour commence à tomber, et nous aurons bien plus de difficultés à nous repérer lorsquil fera sombre. Il serait dommage que nous nous perdîmes en pleine campagne.
Nouveau soupir.
_ Mon cher fils, vous avez dit le mot : vous êtes un militaire. Donc, par définition, vous êtes un sot. Tandis que moi, jai vécu dans la région et la connais comme ma poche. Vous me ferez donc le plaisir de bien vouloir exécuter mes ordres.
Le garde, ne bronchant point à linsulte, baissa le chef en signe dacceptation.
Le convoi de lévêque coupa à travers champs sitôt passé la petite ferme.
Puis, péremptoire :
_ Hue cocotte !
Cest sur ces mots historiques que monseigneur Lapinus de Cardaillac, tyrannique évêque du Puy, tout-puissant super-vicaire général de Bourges, lunatique seigneur de Saint-Martin de Belleville, et selon toute probabilité, très prochainement nouvel archevêque de Bourges au grand dam de certains prélats trop droits dans leurs bottes quittait son palais épiscopal du Puy et laissait des instructions de dernières minutes à ses clercs.
Ces derniers temps, le palais ressemblait plus à une fourmilière quà un véritable lieu de piété : larchevêque de Bourges se mourant, le vicaire général prenait la relève, et Lapinus délaissait les affaires de son diocèse pour gérer celles de la plus grande province de la francophonie : il recevait une dizaine de visiteurs par jours, signait deux fois le nombre de documents officiels, écrivait trois fois le nombre de courriers en tous genres alors quil en recevait quatre fois le nombre.
Malgré les embûches vicieusement placées par ses ennemis en travers du chemin le menant au pouvoir, le vieux prélat avait réussi à simposer comme une figure incontournable de lEglise française ce qui nétait bien évidemment pas au goût de tous. Il abattait, pour compenser les contre-actions de ses ennemis, un travail phénoménal, aussi bien dans son diocèse que dans sa province son travail était la seule chose que personne ne pouvait contester.
Ce que ses détracteurs lui reprochaient était des choses extrêmement futiles et, de plus, sans aucun fondement. Par exemple, ils disaient Lapinus impulsif, méprisant envers les subalternes, tyrannique envers les gardes épiscopaux placés sous son autorité
Balivernes ! Calomnies ! Diffamation ! Mensonges éhontés ! Il ny avait pas, de son temps, homme meilleur que le bien-aymé Lapinus. Jen veux pour preuve la manière dont sest déroulé ce voyage du Puy à Nogent.
Extrait choisi.
_ Capitaine, où sommes-nous ?
_ Nous venons de passer Mortagne, monseigneur.
_ Ah, fort bien. Coupez à travers champs après la ferme au toi de chaume, cest un raccourci pour la région où est située la vicomté de Nogent.
_ Je me permets de faire remarquer à monseigneur
Lévêque soupira. Le capitaine leva discrètement les yeux au ciel.
_ Bien que je sachez que monseigneur naime guère que je donne mon avis, mon expérience de militaire mimpose de vous enjoindre à la prudence : le jour commence à tomber, et nous aurons bien plus de difficultés à nous repérer lorsquil fera sombre. Il serait dommage que nous nous perdîmes en pleine campagne.
Nouveau soupir.
_ Mon cher fils, vous avez dit le mot : vous êtes un militaire. Donc, par définition, vous êtes un sot. Tandis que moi, jai vécu dans la région et la connais comme ma poche. Vous me ferez donc le plaisir de bien vouloir exécuter mes ordres.
Le garde, ne bronchant point à linsulte, baissa le chef en signe dacceptation.
Le convoi de lévêque coupa à travers champs sitôt passé la petite ferme.
[ Pleine campagne alençonnaise, quelques heures plus tard. Le jour est tombé, un léger brouillard sest levé. ]
_ Vous êtes le dernier des incapables !
_ Mais, monseigneur
_ Et arrêtez de bêler !
_
_ Réussir à me perdre en pleine cambrousse ! Alors quil y a sûrement des bandits, des brigands, des marauds, des fripons !
Le garde pensa : « Et même des loups-garous ! ». Il eut le malheur de ne pas réussir à sempêcher de sourire à cette pensée, ce qui eut pour conséquence de faire éclater un peu plus lévêque :
_ Et ça vous fait rire ?!
_ Non, monseigneur. Mais, avec tout le respect que je dois à monseigneur,
_ Assez de tergiversions. Et arrêtez de me servir trois louches de « monseigneur » par phrase, si faire se peut.
_ Cest monseigneur Je veux dire, cest vous qui, malgré mes protestations, mavez enjoint de passer par ce raccourci, qui sest en réalité avéré être un fameux bourbier
_ Comment ?!
Le garde se mordit les lèvres, comprenant quil avait été trop loin : une mauvaise foi telle que celle de lévêque, ça se ménage.
Comme tous les hommes de mauvaise foi, cest ce défaut que lévêque pointait vers tous ceux qui lui mettaient le nez dans son caca :
_ Vous êtes dune mauvaise foi épouvantable !
Après avoir passé la tête hors de la litière et constaté que le brouillard sétait levé :
_ Que ce soit clair, capitaine : si je dois passer la nuit dans ma litière, en pleine campagne alençonnaise, entouré de brigands, de marauds, de fripouilles
« et de loups-garous », ne put sempêcher de penser à nouveau le garde
_ vous vous retrouverez dès demain capitaine dune motte de terre en pleines terres infidèles, où vous verrez comment font les Turcs quand ils sont tourmentés par la chair !
A cette pensée, le garde tressaillit. Lapinus laperçut et en conçut une joie immense.
Il paracheva son uvre par un gentil mot dadieu :
_ Rompeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeez !
Le garde sen fut, terrorisé.
Non, décidément, les détracteurs de Lapinus étaient des mauvaises langues : il ny avait pas homme plus délicieux et attentionné avec ses subalternes que lévêque du Puy.
Stimulé par la terrible menace de lévêque, le capitaine redoubla de zèle, et Lapinus fut devant les grilles de Nogent trente minutes plus tard.
Le capitaine annonça à un garde :
_ Jannonce monseigneur Lapinus de Cardaillac, évêque du Puy, vicaire général de Bourges, seigneur de Saint-Martin de Belleville.
_ Mais, monseigneur
_ Et arrêtez de bêler !
_
_ Réussir à me perdre en pleine cambrousse ! Alors quil y a sûrement des bandits, des brigands, des marauds, des fripons !
Le garde pensa : « Et même des loups-garous ! ». Il eut le malheur de ne pas réussir à sempêcher de sourire à cette pensée, ce qui eut pour conséquence de faire éclater un peu plus lévêque :
_ Et ça vous fait rire ?!
_ Non, monseigneur. Mais, avec tout le respect que je dois à monseigneur,
_ Assez de tergiversions. Et arrêtez de me servir trois louches de « monseigneur » par phrase, si faire se peut.
_ Cest monseigneur Je veux dire, cest vous qui, malgré mes protestations, mavez enjoint de passer par ce raccourci, qui sest en réalité avéré être un fameux bourbier
_ Comment ?!
Le garde se mordit les lèvres, comprenant quil avait été trop loin : une mauvaise foi telle que celle de lévêque, ça se ménage.
Comme tous les hommes de mauvaise foi, cest ce défaut que lévêque pointait vers tous ceux qui lui mettaient le nez dans son caca :
_ Vous êtes dune mauvaise foi épouvantable !
Après avoir passé la tête hors de la litière et constaté que le brouillard sétait levé :
_ Que ce soit clair, capitaine : si je dois passer la nuit dans ma litière, en pleine campagne alençonnaise, entouré de brigands, de marauds, de fripouilles
« et de loups-garous », ne put sempêcher de penser à nouveau le garde
_ vous vous retrouverez dès demain capitaine dune motte de terre en pleines terres infidèles, où vous verrez comment font les Turcs quand ils sont tourmentés par la chair !
A cette pensée, le garde tressaillit. Lapinus laperçut et en conçut une joie immense.
Il paracheva son uvre par un gentil mot dadieu :
_ Rompeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeez !
Le garde sen fut, terrorisé.
Non, décidément, les détracteurs de Lapinus étaient des mauvaises langues : il ny avait pas homme plus délicieux et attentionné avec ses subalternes que lévêque du Puy.
Stimulé par la terrible menace de lévêque, le capitaine redoubla de zèle, et Lapinus fut devant les grilles de Nogent trente minutes plus tard.
Le capitaine annonça à un garde :
_ Jannonce monseigneur Lapinus de Cardaillac, évêque du Puy, vicaire général de Bourges, seigneur de Saint-Martin de Belleville.
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