Cymoril
Topic ouvert à tous évidemment. Me semblait que la forêt en tant que lieu public faisait défaut. A vos haches, promenades, tout ce que bon vous semblera...
Une journée banale.
Grise, dune affligeante monotonie, à la mesure de tout le reste.
La demoiselle a trainé sa carcasse maigrichonne jusquà lorée de la forêt. Au loin résonnent les échos des chênes gémissants sous la cognée des bucherons du coin. Alors, pour ne pas dépareiller et surtout pour éviter quon lui posât trop de questions, en cas dune improbable rencontre, elle sétait parée elle aussi dune hache. Pas municipale. Enfin si, mais pas de cette mairie là. Un souvenir de Bazas, relique de ce qui fut et jamais plus ne sera.
Lentement elle senfonce dans les bois sombres. Sous ses semelles le sol gelé du sentier crisse et craquèle à mesure quelle avance, sans se soucier vraiment dêtre entendue par la faune environnante. Se dirigeant à loreille, le plus loin possible des zones de coupe. Sa hache nest accrochée à sa ceinture que pour faire illusion. Il sagit pour elle de faire retraite en des lieux abandonnés, de tenter de sapproprier un lieu, comme elle lavait fait il y a longtemps en Gascogne avec la clairière qui était peu à peu devenue comme une seconde maison.
Les bois de Labrit lui manquaient. Cest dailleurs bien la seule chose qui lui inspirait nostalgie de là bas. Elle y avait vécu tant de choses Qui dautre quelle en traversant la forêt labritoise aurait su à quel point telle souche était importante ou que tel rocher abritait la dernière demeure de Myttis. En repensant à ce dernier, elle ne peut réprimer un rictus railleur. Si les comtois savaient
Peu à peu, le silence sinstaure autour delle, ne subsiste que de rares gazouillis de volatiles passant dun arbre à lautre en quête dinsectes et les petits pas pressés des rongeurs qui senfuient à son approche. Là, les plaques neigeuses commencent à se faire plus rares en raison de lépaisse frondaison des persistants, et la lumière froide de ce soleil pâle peine à filtrer au travers. Une brume éthérée remonte du sol humide donnant au lieu un aspect inquiétant et aussitôt un sourire se dessine sur ses lèvres. A quelques troncs de là, un ruisseau bondissant traverse le sous-bois occasionnant une trouée lumineuse dans la pénombre ambiante, quelques rochers recouverts de mousse et en face, sur lautre rive, des arbres mourants balancent leurs bras décharnés sous le vent qui mugit par moment.
Lendroit ne ressemble en rien à sa clairière gasconne. Ni de près ni de loin. Cest aussi bien. Et ça lui convient ainsi. La hache trouve appui contre un tronc et le petit popotin lui, trouve assise sur roche moussue à fleur deau. Elle reste un long moment songeuse, à regarder les clapotis ondulants sautiller par-dessus les pierres arrondies au creux du lit du ruisseau. Jusquà ce que surprise par une cochonnerie de volatile bien connu elle ne manque de peu de se retrouver le cul dans leau. Fichu faucon pas foutu de huir pour prévenir de son arrivée. Il est là, majestueusement posé sur un rocher, écrasant sous ses serres une perdrix à lagonie, regardant dun il narquois sa maîtresse. Avant de se consacrer pleinement à sa proie.
Et la jeune femme de sourire Même si comme dhabitude elle a la très nette impression quil se fiche de sa pomme. Lui aussi est un vestige dun autre temps. Dune autre. Eteinte. Passée Balayant dun revers de la main imaginaire le souvenir, elle revient au faucon, le regarde ; toujours aussi fascinée de cette sauvagerie sans cruauté, animal dune si grande beauté qui ne se soucie daucune règle morale, déchiquetant la chair de sa victime encore vivante. Gourmand il semble se délecter des meilleurs morceaux, laissant couler ce quil estime sans doute indigne de son estomac. Le duvet entaché de sang attire quelques poissons alors quil commence à dériver suivant le cours de leau. Instant magique pour la demoiselle. Et qui ne serait certainement du goût de la plupart. Adepte des choses simples et de la beauté naturelle des choses.
Dune main gracile, elle envoie une gerbe deau en direction de Hawk, rieuse. Et celui-ci de soffusquer à son tour et de voler jusquà elle. Se posant sur son bras et picorant doucement ses cheveux dans son cou. Le contact la fait frissonner et elle reporte sa main sur lui, enfonçant ses doigts dans la douceur du plumage. Savourant cette intimité particulière. Avant de le reposer avec délicatesse sur la roche, tout en faisant mine de le réprimander.
Quand tu auras fini de me distraire, je pourrais peut-être me consacrer à ma lecture !
Détendue pour le coup, elle sort de sa besace lourd ouvrage consacré aux étoiles. Aucun bruit ne trouble la quiétude des lieux, linstant est propice à létude.
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