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[RP] Le couloir de la vie

Grimoald
[Retour de Provence]


Le printemps... Ô doux printemps. Quel plaisir de te retrouver enfin, après cet hiver de guerre, de haine et de vengeance. Après cet hiver qui n'avait connu de chaleur que le sang frais coulant sur la neige... Enfin, le jeune homme avait retrouvé le pays des vertes années, après tant de lieues traversées... Quelle est belle la liberté. La neige, la pluie, le soleil, le brouillard... Tout cela était derrière. Aujourd'hui, Grimoald était content. Il était simplement heureux d'avoir retrouvé la Bourgogne, ce duché qu'il connaissait, un peu. Ce Duché, si puissant, qui lui apportait réconfort et protection. Enfin, ici, il n'avait plus peur, il ne craignait plus. Tout ce qui s'était passé était derrière lui, il ne pensait plus à rien... Il était revenu...

Revenu...

Même si son chemin se poursuivrait jusqu'à la Touraine et Amboise, le Bourgogne n'était pas qu'une étape. Non, c'était un arrêt volontaire... Oui, volontaire. Près d'un ruisseau, que l'on peut considérer comme une rivière, le sourire du « sale gosse » se mêlait au chant des oiseaux, au cliquetis de l'eau. La petite troupe s'était arrêtée, pour faire une pose. Les chevaux broutaient tranquillement l'herbe qui poussait à une folle vitesse, à cette époque, et la Comtesse, le nourrisson, la Nourrice, et Grimoald se restauraient, à l'ombre.

Mais, alors que la petite Maëlya dormait, la nourrice se leva. Déjà, devaient ils repartir?


« Je reviens sous peu... »

Pause pipi, s'il le faut... Ou peut être qu'elle avait un rendez vous avec un galant... Mais peut importe... Depuis longtemps, Grimoald avait envi de parler avec Ewaele. Depuis longtemps, il voulait qu'ils aient une discutions, sérieuse. Cette absence de la nourrice était peut être un geste de la providence... Grimoald se tourna alors vers sa compagne de voyage, la regardant dans les yeux. Il ne savait pas trop comment aborder le sujet, il voulait cependant lui en parler... Lui dire et lui faire dire certaines choses.

« Ewaele? »

Sa voix fut tremblante, hésitante, mais il ne lâcherait pas le navire.

« Crois-tu que nous parlions assez? Je veux dire, ne crois-tu pas qu'il faille se dire plus que quelques salutations? »

La gorge serrée, il la regardait. Il n'était pas clair? Ah...
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Ewaele
Enfin ils avaient quittés la Provence. Tout en chevauchant, elle regardait ceux qui étaient ses compagnons de voyage… Deux enfants. Un de douze ans, Grimoald, et une d’un mois, Maëlya. L’un voyageait à ses côtés, ils ne parlaient guère tous les deux et l’autre était suspendue dans un drap qui passait autour du cou de la rouquine et souvent dormait bercée par l’allure de la chevauchée… Dans chaque village traversé, il lui fallait trouver une nourrice pour la petite et être sure que le gamin prenait soin de lui. Elle avait laissé derrière des personnes à qui elle tenait mais la place de ces deux là n’était pas au milieu des combats. La route serait longue mais décision avait été prise de se rendre en Bourgogne, alors soit ils iraient… Elle avait longuement préparé ce voyage, n’étant sure de rien, elle ne voulait pas laisser le hasard prendre sa place dans des conditions qu’elle maitrisait mal.

Tout c’était a peu près bien déroulé jusqu'à la capitale lyonnaise. Ils s’étaient accordés une pause un peu plus longue, elle avait prit la peine de trouver une jeune femme qui pourrait s’occuper de la fille de sa vassale à plus long terme, prête à les suivre sur les routes bourguignonnes pendant quelques temps. Puis, enfin la perle rare trouvée, elle avait été dans la taverne municipale où elle avait aperçu le sale gosse un peu plutôt histoire de lui tenir compagnie. De mots en paroles la discussion avait prit une tournure que la jeune femme n’allait plus maitriser… Muad!

Quand elle eut la force d’annoncer à Grim que ce dernier était mort, elle ne pensait pas déclencher une tempête. Elle venait de lui faire du mal et, en constatant les dégâts, ne sut comment adoucir sa peine… Lui dire quoi? Elle eut des gestes rassurant, des regards tendres mais apparemment cela ne suffisait pas à l’enfant qui prit la fuite et l’abandonna comme un paquet de linge sale, démunie… Plus tard ils se retrouvèrent au même endroit, le gamin avait une attitude bizarre et elle n’arrivait pas à le sonder, il détournait son regard à chaque fois qu’elle essayait de le croiser, il cachait aussi son bras. Ewa ne pouvait pas en rester là et ne pas chercher à savoir. Elle attrapa le membre de l’enfant sans aucune douceur et vit une brûlure, elle fronça les sourcils et l’interrogea… Ce qui suivit ne fut que la suite de l’après midi, il s’était mutilé! Elle aurait aimé le gifler et lui hurler dessus, lui faire comprendre qu’il était immature. Il ne lui en laissa pas le temps et lui avoua sans reprendre son souffle des choses qu’elle n’imaginait même pas. Elle prenait claque sur claque sans arriver à lui parler, juste ses bras autour de lui, des gestes, des attitudes, des regards, mais pas de mots. Se sentant impuissante, elle allait se retirer quand il la retint se jetant dans ses bras. Elle le réceptionna tant bien que mal et ce qu’il lui dit à ce moment là faillit l’amener à ouvrir la bouche, mais des banalités en sortirent et elle finit par se mordre les lèvres et se taire… Sans doute était-ce trop lourd de conséquences que de laisser son cœur parler.

La route se poursuivit et ils arrivèrent enfin en Bourgogne, ils prirent le temps de s’arrêter pour les besoins des enfants. Cela la changeait, à force de voyager seule certaines choses ne lui semblait plus essentiel. Mais elle faisait contre mauvaise fortune bon cœur. Elle avait voulu cette situation et l’assumait. Ils étaient au bord de l’eau, la nourrice s’occupant de Maëlya, Grim jetant des cailloux qu’il essayait de faire rebondir sur l’eau, attendant assurément quelque chose mais elle n’aurait su dire quoi. Ils prirent un léger repas alors que le nourrisson dormait, la nourrice s’excusa et se retira les laissant en face à face.


Ewaële ?

Elle tourna la tête et le fixa intriguée, sa voix était tremblante et hésitante, ce qui ne lui ressemblait guère. Elle se fit attentive d’un coup.

Crois-tu que nous parlions assez? Je veux dire, ne crois-tu pas qu'il faille se dire plus que quelques salutations?

Parler de quoi? Nous parlons il me semble non, et pas seulement pour nous saluer? Je ne sais pas ce que tu veux entendre Grim, mais il est clair que je ne peux pas tout te dire non plus.

Etrange, il était étrange, qu’attendait-il d’elle à cet instant précis? Elle scrutait ses traits, la veine de son cou sous sa cicatrice tapant plus fort que d’habitude comme si ce mouvement la prévenait qu’elle était sur un terrain dangereux pour elle. Devait-elle se lever et éviter la discussion prétextant une excuse sans doute pourrie pour ne pas faire face à ce qui allait suivre? Pourtant elle resta assise, ne le quittant pas du regard, essayant de lire en lui. Il serait toujours temps de prendre la fuite plus tard si cette conversation pour elle se révélait tortueuse.
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Grimoald
« Parler de quoi? Nous parlons il me semble non, et pas seulement pour nous saluer? Je ne sais pas ce que tu veux entendre Grim, mais il est clair que je ne peux pas tout te dire non plus. »

Vitesse... rapidité.
Elle s'emportait... Une réaction indigne de la rousse qu'il connaissait. Peut être pensait-elle comme lui, mais ne voulait l'avouer? Il ne le savait guère, mais il n'en pensait pas moins. La tâche serait plus ardue que ce qu'il pensait. Il fallait donc y aller doucement... Très doucement... Et même, ne pas y aller du tout? Si, il fallait le faire. Grimoald était un garçon franc, il n'aimait pas reculer devant quelque chose, et il fallait qu'il parle à la Comtesse.

Tirant sur sa manche, pour cacher un peu la brulure encore récente, il ne se sentait pas très bien. C'était la première fois qu'il devait faire passer une idée en douceur, en finesse... D'habitude, pousser une gueulante suffisait, alors qu'ici, il se devait d'être diplomate. Diplomate... voilà que ce voyage était bien un voyage d'apprentissage, pour sur ! Il n'avait pas de doutes là dessus... Alors il la regarda, souriant un peu.


« Reste calme, je ne vais pas te faire passer à la question ! »

Dit-il sur un ton ironique...

Il lui fallait bouger... Se mettre plus près d'elle. Il ne devait pas rester en face, enfin, il le pensait. C'est alors qu'il se déplaça, imitant un petit chien à quatre pattes, pour aller plus près d'elle, sur le côté. Tous deux regardaient à présent le fleuve... Mais Grimoald avait encore la boule au ventre, et même, la gorge nouée, plus qu'avant. C'est à peine s'il pouvait parler, s'il pouvait respirer.


« Je ne sais pas, ce que nous pourrions nous dire, mais nous sommes plus intimes, maintenant, non? »


Et son cœur d'accélérer...
Il l'avait dit, maintenant, il fallait qu'il trouve comment embrayer, comment continuer, pour que le message soit plus doux... Le dragon qui sommeillait dans son coeur s'était réveillé, et il était crispé. Pourquoi cette sensation soudaine le prenait? Pourquoi réagissait-il comme ça, alors qu'il ne faisait que discuter? Peut être aimait-il plus Ewa qu'il ne voulait l'admettre... Peut être que ces chamailleries était causées par cet amour mutuel qui les entourait... peut être...


« J'aimerais... Savoir... Simplement... »

Savoir quoi?
C'était à elle de le deviner, si sincèrement elle voulait faire des efforts.

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Ewaele
Elle n’avait pas fait attention au ton qu’elle avait employé. Enervé, dur, froid, indifférent? Peut-être. Mais elle savait que ses muscles s’étaient tendus malgré elle. Avait-il remarqué le battement de cette foutue veine dans son cou? L’attitude du gamin lui laissait penser que oui. Etait-elle tant sur la défensive que cela? Il lui fallait absolument reprendre une attitude plus sereine, ne rien laisser paraitre. Cela elle savait fort bien le faire. Neutralité du visage, corps qui s’apaise, faire le vide et être ce mur froid et indéchiffrable, attitude qu’elle avait mis tant de temps à forger et qui la rendait plus sombre. Mais les aléas de la vie n’étaient pas roses eux et à force de tomber et de se relever on gardait des séquelles et faisait en sorte de ne plus être touché par certaines choses.

Reste calme, je ne vais pas te faire passer à la question!

La rouquine leva les yeux au ciel, une moue de lassitude feinte sur le visage. Puis elle soupira, joignit ses doigts et les fit craquer dans un mouvement qui retourna ses poignets. Certaine personne ne supportait pas ce bruit, le rapprochement de celui, bien différent, d'os subissant la cassure. Elle le regarda discrètement s’approcher et en profita pour tirer le panier où reposait Maëlya à elle, histoire de s’occuper l’air de rien pendant que Grim, dans un mouvement élégant de sale gosse, venait se placer à ses côtés. Fixer l’eau, une main sur l’anse, éviter de tourner les yeux vers lui… Ne pas lui donner la possibilité de la sonder ou de lui faire les yeux doux comme un môme pourrait le faire pour obtenir quelque chose. Avec plus d'affection qu'elle n'aurait voulu en faire montre, la jeune femme coula sa main sur la joue du bébé puis ferma les yeux au plaisir que lui provoquait ce geste. Un petit bruit sourd venant du fond de la gorge de Maëlya s'accorda parfaitement à la musique du clapotis de l’eau. Son regard se perdit, fixant le jeu de lumière, son esprit s'enfuyant, se délitant, rendu au vaste ballet des sons, s'agrippant à l'un, sautant à l'autre, tandis que ses doigts continuaient leur jeu sur la peau douce du nourrisson. Malgré elle, la jeune femme chantonnait dans sa tête, ne retenant pas le flux incessant de ses pensées... Mais le gamin avait décidé de ne pas en rester là et sa voix la fit sortir de sa torpeur.

Je ne sais pas, ce que nous pourrions nous dire, mais nous sommes plus intimes, maintenant, non?
J'aimerais... Savoir... Simplement...


Intime? Qu’entends-tu par intime Grim? Tu veux savoir quoi? Simplement quoi?

Elle tourna ses traits vers lui, le regard inquisiteur, sa main abandonna les caresses et se posa en poing sur son genou. Elle sentait à nouveau cette veine battre la chamade, ne pas s’emporter, garder son calme et prendre du recul face à la situation qui lui échappait totalement. Prendre une voix plus posée, être impassible sans se montrer trop froide, trop lointaine mais ne pas lui accorder trop de terrain non plus. Même si intérieurement elle était sur la défensive comme pouvait le montrer sa réaction première avec tout ce flot de questions qu’elle venait de lui poser, elle devait se ressaisir. Lui essayait d’amorcer la discussion avec douceur, elle allait essayer d’avoir un peu de tact. Elle se reprit donc et d’une voix plus douce continua.

Que se passe t’il dans ta petite caboche? Où veux-tu en venir? Tu sais l’gamin, des fois il est plus simple d’aller directement au fait que de tourner autour du pot pendant quinze ans. Parles maintenant et ne t’arrêtes pas avant d’avoir fini!
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Grimoald
Parfois, Grimoald se posait des questions. Comme maintenant... Tant de questions se posaient dans sa tête qu'il n'avait même pas perçu la question de la rousse. Pourquoi, pourquoi fallait-il qu'il se demande et se pose des questions. C'était une manie insatiable, chez lui. Il se devait de toujours réfléchir avant de parler, avant d'agir?. Jamais il n'avait pris une décision sans qu'elle ne soit mûrement réfléchie... Même si, parfois, il paraissait à certain que Grimoald s'emporte, qu'il aille au devant de ses émotions... Mais les gens sont bêtes, c'est bien connu.

Et la demande de la Comtesse... Cette phrase qui était trop forte en sous entendus, pour lui. Les muscles de sa main se contractent, se crispent à en faire sortir les veines bleu... Ce n'était pas de la colère, pas de la haine, mais seulement de la peur... Il avait peur de la perdre, même si jamais il ne l'avouerait... Elle était une des seule qui lui faisait confiance... Mais ça, il ne le savait pas. C'est d'ailleurs ça qu'il voulait savoir... Il devait savoir...

Il fallait dès lors qu'il se jette à l'eau... Pas dans la rivière, mais bon, vous avez compris, quoi. Il était grand, maintenant, il savait que ses actes pouvaient couter cher, alors, il se servit de cette phrase... De cette réponse qu'avait formulé la rousse, pour peut être le provoquer. Eh bien, voilà qu'il la prendrait au mot...


« D'accord. Comment m'aimes-tu ? »

Et ses ongles de rentrer dans la paume de sa main, et de venir s'y incruster. Il serre fort les fesses, comme s'il voulait éviter de... Bon, vous avez compris. Il a peur, à présent...

Sa respiration accélère...
Son cœur bat plus fort...
Son pouls augmente...

Mais ses yeux ne quittent pas ceux de la rousse.

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Ewaele
[Et c’est là que l’histoire dérape…]

Pas évident de rester de marbre quand les yeux d’un gosse se plongeaient dans les vôtres, encore moins évident de ne pas s’épancher sur la douceur de ses traits, toutes ces petites mimiques qui faisaient agir son visage alors qu’il vivait un moment sans doute très chargé en émotions. Rester de glace? Fondre? Le pouvait-elle? En était-elle capable? Elle n’eut pas le temps de vraiment réfléchir que la guillotine tombait… Elle fit le geste de mettre les mains autour de son cou comme si c’était sa tête qu’on venait de trancher! Mais non voyons! Mais la question vint brutalement, elle lui avait dit de ne pas tourner autour du pot certes mais quand même! Pour être direct cela l’était et maintenant elle n’avait plus qu’à assumer ce qu’elle pressentait déjà… Oui mais non!

Rousse qui sauta pour se retrouver les semelles de ses cuissardes sur la terre ferme, position: debout ! Elle allait pour engager le premier pas, pied senestre qui toucha le panier et le fit, malgré elle, tourner sur lui-même, elle saisit sèchement l’anse pour ne pas réveiller le nourrisson qui reposait, il manquerait plus que cela par-dessus le marché. Démarche hasardeuse alors que la jeune femme était en pleine réflexion, ou du moins, qu’une jolie bataille intérieure venait d’être déclarée. *Et c’était une danse à trois temps, qui s’offrait encore le temps, de faire des détours du côté de… Ouch non pas ça! On reprend… Au deuxième temps de la danse, la rousse faisait les cent pas, longeant mécaniquement le cour d’eau, demi-tour gauche et elle recommençait dans l’autre sens. Et ce fut un murmure qui vint se mélanger au bourdonnement de la nature qui les entourait. Ce n’était pas une réponse à sa question pour l’instant, mais plutôt une forme d’explication pour essayer en vain d’éviter de répondre…


Il était une fois une femme qui ne trouvait jamais les mots pour dire ce qu'elle ressentait. Chaque fois qu'elle tentait de s'exprimer, de traduire ce qu’il se passait à l'intérieur d'elle, elle éprouvait une sorte de vide. Les mots semblaient courir plus vite que sa pensée. Ils avaient l'air de se bousculer dans sa bouche mais n'arrivaient pas à se mettre ensemble pour faire une phrase. Dans ces moments-là, elle se mettait sur la défensive, se faisait violence et finissait par se mordre la lèvre. Et des phrases toutes faites, coupantes, cinglantes de banalités sortaient de sa bouche. Elles lui servaient uniquement à couper la relation qui aurait pu commencer. De toute façon tu ne peux sans doute pas comprendre. Ca ne sert à rien de dire. Ce sont des bêtises de croire qu'il faut tout dire!
Elle préférait s'enfermer dans le silence. Monter ses murailles toujours plus hautes, toujours plus solides. La vie lui avait apprit à se méfier de ses sentiments qui affluaient, qui fluctuaient autour d’elle. Elle avait prit le parti un jour de ne plus dire les choses et de se rendre hermétique aux ressentis tel qu’ils soient. Trop de peines, trop de déceptions, trop d’investissements pour tout voir s’effondrer. Toujours tomber plus bas et se relever. Elle devint sombre, la tête froide, gardant au fond de son cœur cette flamme qu’elle avait été et qui la réchauffait mais qui maintenant n’appartenait qu’à elle, le reste de cet organe étant devenu dur comme la pierre, noir des accrocs de la vie, qu’elle ne pouvait maitriser et devait subir bon gré mal gré.


Elle se tut comme épuisée par ce qu’elle venait d’avouer, même si elle n’avait pas été explicite sur la personne dont elle parlait il ne fallait pas avoir inventé le fil à couper le beurre pour comprendre. Elle s’arrêta, se tourna lentement vers le gamin, doucement ses yeux vinrent se loger sur ses traits, puis dans son regard, espérant qu’il ne lui en voulait pas de ne pas avoir répondu à sa question, espérant qu’il avait compris ce qu’elle avait voulu lui expliquer. Sans doute cela ne suffirait pas. Devait-elle aller plus loin? Moment de réflexion alors qu’elle ne le quittait plus de ses émeraudes. Qu’attendait-elle de lui? Un signe? Un mot? Un geste? Etait-ce son innocence d’enfant qui la rendait plus fragile puis encline à s’ouvrir? Elle ferma les yeux de peur de se noyer dans son regard si doux, si tendre et si insistant… La rousse était aux abois, il lui fallait absolument briser cet instant avant de perdre le contrôle.

Comment je t’aime? Tu sais très bien qu’il va m’être dur de trouver les mots pour te répondre, je gage que tu as très bien compris, d’où cette conversation aujourd’hui. Tu as peut-être besoin d’entendre les choses, mais te connaissant un peu, je pense que ça va au-delà de cela aussi, peut-être inconsciemment pour toi… Bien que. Mais tu comprendras aussi Grim, qu’il n’est pas toujours facile de parler de certaines choses, et il me semblait que tu avais su, pu comprendre à travers mon attitude, mon engagement, ma présence, mes gestes, mes regards ce que tu attends que je te dise maintenant. Pourquoi vouloir absolument placer des mots dessus tout cela? Ne t’ai-je pas prouvé par mes actes ce que tu représentais? Il t’en faut plus? Mais… Comprend aussi, mets-toi à ma place si cela t’es possible, et imagine la torture qu’est la mienne actuellement.

Elle vint se planter devant lui et lentement s’accroupit pour que leurs visages soient pratiquement à la même hauteur.

Ne me force pas Grim, ne m’oblige pas à parler!


* adaptation de 'la valse à mille temps' de Brel
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Grimoald
[Le vide]


Le vide l'entourait... Plus elle parlait, plus il se sentait démuni face à cette rousse qui ne cessait de prononcer des mots... Des mots qu'ils ne comprenaient plus, à la fin. C'était la première fois qu'elle lui disait ça, la première fois qu'il savait enfin ce qu'elle pensait, ce que son cœur renfermait... Il n'aurait jamais cru... il n'aurait jamais cru qu'elle réagirait comme ça, qu'elle lui parle, si librement. Elle était si franche, et il comprenait que ces paroles étaient tellement vrai, qu'il n'arrivait plus à parler. Une sensation de peur le prenait, comme lorsqu'il était à la guerre... Comme lorsqu'il faisait une bêtise. Mais en avait-il fait une? Peut être... Peut être que sa bêtise du jour avait été de faire le grand, et de vouloir toujours tout savoir, comme un sale gosse.

Si cette histoire avait une morale, elle serait évidente: arrête de vouloir tout savoir... Parce que c'est ce qui lui arrivait, il avait un sacré tempérament et il voulait toujours avoir raison... Il pensait qu'il aurait pu être celui qui la débriderait... Qui débriderait cette monture si puissante... Si farouche. Mais non... Encore un échec... Encore un... Et c'est le regard métallique qu'il baissa les yeux, ne cherchant plus à voir mais plutôt à fuir. Fuir ce monde si terrible, où les gens ne sont pas capable d'avouer qu'ils aiment. Est-ce une telle preuve de faiblesse, que de l'avouer? Un jour, plus tard, il lui dira, il lui criera qu'il l'aime.

Mais il ne lui en voulait pas, comprenant même... Ils se ressemblaient, les deux, malgré leur disputes fréquentes. Lui non plus n'osait pas avouer les choses, de peur que ce soit une arme contre lui. Il n'osait pas... Peut être était-ce la lâcheté, son problème. Avoir peut de tout, peur tout le temps que l'on ne le blesse, qu'on lui monte un échafaud... Il voulait se protéger, tout comme la rousse, surement. Alors il se contentait de regarder par terre, pour fuir son regard si beau et si doux. Il n'aimait pas la douceur... Il ne l'aimait plus, alors, il la fuyait. Il remit ses bottes, qu'il avait enlevé, et se leva... Il lui fallait partir.

J'ai le cœur brisé
Mais j'ai de la colle
Aide moi à sniffer
Et à le réparer avec toi
On flottera tout autour
Et on se couchera sur les nuages. *

Retour vers le cheval au quel il flatta l'encolure.


« Nous repartons, mon beau... »

Il aida Ewaele, sans pour autant lui adresser un mot, à ranger, puis il monta a cheval. Ils ne s'arrêtèrent pas avant Sémur. Mais, quelque jours plus tard, il lui avouera, en taverne. Il ne fit pas que lui avouer à elle, il avoua au monde qu'il l'aimait, il l'avait crié... Il l'avait crié, comme pour sortir de son corps ce poids qui ne voulait que ça, être entendu. Alors, il s'était soulagé. Il lui avait dit.

Au moins, elle savait.


* Traduction des paroles de Dumb, de Nirvana.

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