Gyldas
C'est avec soulagement que Gyldas accueillit la réponse de Rochelle. Son amie sembla soudain avoir un peu de mal à contenir son jeune fils.
- Dory est à l'école, mais Cyrielle est dans sa chambre.
Trop encombrée par son ventre pour s'accroupir à la hauteur du petit garçon, c'est sans bouger de sa chaise que Gyldas lui proposa en souriant:
- Tu peux aller la rejoindre si tu veux. Elle n'a pas beaucoup de jouet de garçon, par contre.
Avec trois pièces agencées autour de la minuscule cuisine, il serait facile de les surveiller. C'est donc sans appréhension que Gyldas laissa Lucas se rendre seul dans la chambre qu'elle lui avait désigné du doigt.
La journée passa, et finalement, la bourgmestre de Tulle décida qu'aujourd'hui, elle ferait relâche. Elle avait tant à partager avec ses amis qu'elle n'avait pas vu depuis longue date!
Le soir arriva sans que personne n'ait vu le temps passer. Bien que la présence de ses amis la soulageât, Gyldas ne fut pas mécontente de voir approcher le moment du coucher. Ses fins de grossesses la rendaient moins résistante à la fatigue. Elle installa le couple et Lucie dans la chambre du futur bébé. Lucas partagerait la chambre de Cyrielle et Dorilys. Rochelle l'aida à changer les draps du lit où Fatra avait dormi, et tout le monde s'installa pour la nuit.
Pourtant, Gyldas ne parvenait pas à trouver le sommeil. Elle se tournait et se retournait, sans parvenir à trouver de position confortable. De plus, la lettre d'Arteis lui trottait dans la tête. Sans bruit, elle se leva et s'installa sur la petite table sous la fenêtre de sa chambre. La lune donnait suffisamment de clarté pour qu'elle n'ait pas besoin d'allumer de chandelle. Lentement, à l'aide de cette faible lumière naturelle, elle relit le message avant d'y répondre soigneusement.
Citation:
Cher Arteis,
Ton pigeon nous est bien parvenu il y a quelques jours. Lorsque je l'ai vu se poser, mon cur s'est mit à battre et j'ai compris que je l'attendais. Sans m'en rendre compte, je le guettais. Je ne te cache pas que j'ai été un peu déçue, car tu n'y es pas très expressif. Mais je ne peux pas t'en vouloir. Et comme tu as mis la balle dans mon camp, c'est moi qui vais commencer.
Ton évocation de la mer m'a refait penser à notre première rencontre. Des souvenirs ressurgissent en moi.
Je ne m'attendais pas à ce que tu sois si loin. Je ne te cacherai pas que j'espérais que tu reviennes plus vite. Si j'avais su que tes 3 jours se transformeraient en plusieurs mois, peut-être t'aurais-je empêché de partir. Tu comprendras pourquoi à ton retour.
Je vais former un remplaçant pour la mairie. Je ne pourrai pas assumer un troisième mandat. Là encore, tu comprendras à ton retour.
Les enfants vont bien. Dorilys prend de l'assurance, et Cyrielle voudrait déjà la suivre à l'école. Ca en fait au moins une que les études ne rebutent pas. Je poursuis les miennes comme je peux. J'avance plutôt bien. J'ai vendu un champ. Ca va m'éviter d'avoir à chercher du travail pendant un certain temps pour les financer.
Au début, on ne parlait pas beaucoup de toi à la maison. Depuis ta lettre, nos langues se délient. Et je dois reconnaître que ça me fait du bien autant qu'aux filles. Je m'étais interdit de l'admettre, parce j'ai trop peur de souffrir à nouveau, mais tu me manques. De petits gestes auxquels je n'attachais pas d'importances, mais qui n'ont pas échappé à mon entourage, me font prendre conscience que, sans m'en rendre compte, je t'attends.
Je te joins un petit mot de Dorilys. Son visage s'est illumine quand elle a su que tu avais écrit. Je ne l'ai jamais vu aussi impatiente de prendre sa plume.
A bientôt.
Je t'embrasse
Citation:Cher papa,
Ton pigeon a été long. J'ai cru que tu m'aimait plus. J'ai u du chagrin.
C'est comment la mer? Tu a vu des poisson?
Je t'aime papa. Reviens vite ché nous. Je veux coudre encore des habit à ma poupée avec toi.
Ciriel et moi, on te fait des bisou
Dorilys
Gyldas se demandait quand la rouquine ferait enfin plus d'effort pour écrire mieux. Mais au fond, si elle s'en occupait un peu plus, ça serait sûrement déjà le cas. Quand son mandat serait terminé, elle s'y attellerait plus sérieusement._________________
Gyldas
Oui, les jours étaient passés trop vite. Mais le plaisir d'avoir revu Rochelle et Jeroen était plus fort que la séparation imminente. Gyldas commençait à s'habituer à l'absence de ses amies. Elle savait que les séparations n'étaient que provisoires. Les visites, même espacées, lui montraient combien ses amis et elles restaient proches.
Elle aurait tellement aimé qu'il en fût de même avec Arteis. Elle n'en avait rien dit, mais quelques jours plus tôt, un courrier de Broceliande leur annonçait qu'ils étaient bloqués à Bayonne à cause d'une guerre civile. Son sang n'avait fait qu'un tour. Surprise par cette réaction, Gyldas se rendit compte d'une chose: elle l'aimait encore. Envers et contre tout, elle ne supportait pas l'idée qu'il affronte les faucheuses. Aussi prit-elle sa plume pour lui annoncer ce qu'elle lui cachait depuis le début.
Citation:Cher Arteis,
Nous avons reçu deux lettres de Brocéliande. Dans la première, elle nous annonçait que vous alliez affronter des faucheuses. Et là, je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir peur. Et j'ai réalisé que je ne pouvais pas te cacher plus longtemps ce que je n'ai pas voulu te dire avant ton départ.
Je voulais t'en parler à ton retour. Seulement, tu ne reviens pas. Et je crois comprendre que tu ne reviendras pas avant que la guerre au milieu de laquelle tu es ne se soit un peu calmée. Si je ne t'en ai pas parlé, c'est parce que je ne voulais pas, et ne veux toujours pas que ça influence ta décision de revenir ou pas.
J'aimerais que tu me le promettes. Mais je ne peux t'y obliger avant que tu n'aies lu la fin de cette lettre. Alors je ne te dirai qu'une seule chose: ne t'en veux pas, je suis aussi responsable que toi de ma situation.
Je ne te fais pas languir plus longtemps: je suis enceinte. Et le bébé arrivera à terme avant la fin de mon mandat. Peut-être même que tu ne seras pas rentré. Au cas où tu en douterais, comme quelques-uns ici, il est de toi. Je m'en suis aperçue un peu avant ton départ.
Ne t'inquiète pas pour lui. La maison est terminée. Il aura un toit à sa naissance. Dorilys a l'air de l'accepter. Elle ne dit rien, mais je crois qu'elle a compris ce qui m'arrive. Et Jade y est sûrement pour quelque chose. La fille de Mo est un peu une grande sur pour elle.
Prends soin de toi. Et prends ton temps. Je préfère te savoir loin que mort.
Bises
La réponse ne tarda pas. Et c'est le cur battant que Gyldas déplia le parchemin pour prendre connaissance du contenu.
Citation:Bonjour!
J'ai bien reçu ton courrier.
Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que tu étais encore enceinte: es-tu sûr qu'il est de moi car cela fait quand même plusieurs mois que je suis parti sur les routes.
Si tel est le cas, je le reconnaîtrais, bien sûr, avec joie.
J'espère au moins que ça se passe bien cumulé avec ta fonction de maire: cela ne doit pas être simple. Es-tu bien entourée au moins, car sinon il va le falloir. Apparemment, tu t'es rapprochée de Mo, enfin par enfants interposés, et qu'ils s'entendent bien.
Ici, nous sommes bloqués par une guerre que je ne comprends et ne veux comprendre.
Avec Brocéliande, nous avons proposé notre aide à la maire de cette ville: on va essayer de faire de notre mieux. Heureusement, Bayonne et ses habitants sont bien sympathiques, ce qui aide à faire passer le temps plus rapidement.
De plus, j'apprends à fonction un peu plus Bro et c'est quelqu'un de génial, mais très marquée par la vie: nous sommes devenus de bons amis. Je la connaissais avant mais juste pour des relations de travail lorsqu'elle était maire, donc pas pareil.
J'espère que nous allons vite reprendre la route et continuer notre voyage.
Je ne t'embête pas plus à me lire...
Fais de gros bisous à Dori et Cyrielle et dis leur que je pense à elles.
Prends soin de toi et de la moitié qui est en toi.
A très bientôt.
Bises
Art
PS: passe le bonjour à tout ceux que je connais.
Sa main se crispa sur le papier alors qu'elle relisait les premières phrases.
Citation:Es-tu sûr qu'il est de moi car cela fait quand même plusieurs mois que je suis parti sur les routes.
Alors comme ça, il doutait! Il osait s'imaginer qu'elle avait pu faire ça! Elle n'en croyait pas ce qu'elle lisait, et relisait. Ce n'était pas possible! D'un seul coup, sa frustration se mua en rage. Sans réfléchir, Gyldas attrapa la première chose qui lui tomba sous la main et l'envoya valser contre la porte de sa chambre. La cuvette d'eau qui servait à sa toilette du matin se brisa en répandant son contenu sur le sol. Puis elle laissa éclater sa colère:
- Tu n'es qu'un goujat, Arteis!
La future maman ne put en dire plus. La seule pensée qu'Arteis s'imaginait qu'elle ait pu le tromper la laissa dans un état second. Soudain lasse, elle se laissa tomber sur le lit, et, allongée sur le côté, la lettre toujours froissée dans sa main, elle donna enfin libre cours à son chagrin trop longtemps contenu.
LJD Arteis est d'accord pour la publication de sa lettre.
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Fatrasever
Fatra était de retour à Tulle après un séjour au monastère, mais il avait décidé de ne pas rester en ville plus longtemps. Il était temps pour lui de reprendre la route.
Revoir Gyldas et Dorilys avait fait ressurgir de vieux souvenirs qui le mettais mal à laise. Heureusement le temps avait fait son uvre, et les cicatrices de leur rupture passée étaient cicatrisées. Cependant rester encore la avait pour lui un coté « malsain », il sentait Gyldas en plein doute sur son couple et lui Gyldas le troublait toujours. Mieux valait mieux ne pas séterniser chez elle.
Il passa quand même chez elle lui dire un dernier au revoir, mais trouva porte close. Gyldas devait être à la mairie. Fatra avait prévu le coup, il sorti une feuille et écrivit en prenant appuie sur la porte.
Citation:Gyldas,
Je fais un bref passage chez toi pour te remercier de laccueil. Je reprends la route vers le nord, je marrêterais à Mortagne sûrement.
Souviens toi de ce que je tai dis, pense un peu à toi et fait les bons choix dans ta vie future. Ceux qui te rendrons heureuse
Embrasse Dorilys de la part du méchant messire qui dormait chez vous.
Noublie pas que malgré la distance et les nouvelles qui arrive au compte goutte, jai toujours des pensées affectives pour vous deux.
A bientôt
Fatra.
Fatra glissa la lettre sous la porte, remit son sac sur son épaule et repris la route. Il faisait beau, un temps parfait pour voyager, si tout se passe bien dans 4 jours il quittera le limousin._________________
--Dorilys
Ne pas paniquer, qu'elle avait dit, maman. C'est ça! Oui! Bien sûr!
Depuis qu'elle savait ce qui allait arriver à sa mère, Dorilys ne pouvait s'empêcher d'être inquiète. Elle allait avoir un bébé, d'accord. Mais par où il allait sortir, d'abord? Et pourquoi elle avait mal? Et pourquoi il fallait un adulte?
La rouquine courrait donc pour chercher de l'aide, mais elle ne trouva personne. Tout le monde semblait bien occupé. En désespoir de cause, elle alla tambouriner au couvent. Quand la mère supérieure vint ouvrir, elle recula d'un pas.
- Tient! Mais c'est la petite fille qui avait peur des portes!
Ben voyons! Elle se souvenait de ça, la nonne! Elle en avait de la mémoire! Chez Dory, c'était un lointain souvenir que son jeune âge lui avait permis d'oublier. Dans la confusion, elle réussit à bafouiller:
- Heu! C'est ma maman, elle va avoir son bébé, et il faut un adulte, il parait.
La mère supérieure porta les mains à son visage et écarquilla les yeux!
- Par Aristote, mais fallait le dire plus tôt!
Et voilà la nonne en train de courir dans les couloirs du couvent pour ordonner qu'on prépare la charrette. La fillette ne put retenir un rictus de sourire. Une nonne paniquée qui relève sa robe pour se dépêcher, c'est assez marrant à voir!
Paniquée, mais efficace! En moins de temps qu'il ne fallut pour le dire, la charrette s'ébranlait déjà vers la chaumière au rythme du galop maladroit de la mule.
Ensuite tout se passa très vite. Reléguée dans la cuisine, Dorilys entendait des bribes de discussion. Puis elle vit sa mère sortir de la chambre soutenue par les religieuses. Après une brève explication nonnale* sur le fait que leur mère était encore transportable, la rouquine et sa sur assistèrent à son départ vers le couvent. Elle reviendrait avec son bébé.
- Emmène ta sur et allez chez quelqu'un que tu connais. Soyez deux petites filles courageuses et bien sages. Tout se passera bien.
Les deux fillettes regardèrent donc la charrette s'éloigner avec leur mère couchée à l'arrière. Puis la rouquine pris sa sur par les épaules et la fit rentrer à l'intérieur. Aller chez quelqu'un! Pis quoi encore! Elle était assez grande pour s'occuper de sa sur! Et puis, il y avait Jade qui passait les voir de temps en temps. Alors ça irait!
- Viens Cyrielle, ne t'inquiète pas. Je vais te donner du lait!
Et tandis que la brunette buvait tranquillement son bol, Dorilys en profita pour chiper un parchemin et de l'encre. Maman avait dit que papa serait bientôt là, alors elle il fallait le prévenir. Tant pis pour les fautes. Elle n'en faisait pratiquement plus, de toute façon.
Citation:Cher papa,
Les nonnes ont emmené maman au couvent pour que le bébé arrive. Je m'ocupe de Cirielle.
T'inquiète pas pour nous. On va bien.
Je suis pressé que tu soit là.
Gros bisous
Dory
D'après les dernière indications de sa mère, et si son père était régulier, il devait se trouver vers Lectoure. Avant ou après, le pigeon trouverait bien sa route. L'essentiel était de l'envoyer dans la bonne direction.
* néologisme voulu