Watelse
Georges Léonard Watelse ne cessait depuis qu'il était arrivé à Cosnes, de trouver prétexte à laisser sa fiancée à l'auberge. Il ne pouvait plus supporter ses bigoteries, ses babillages religieux, ses expressions d'extrême gentillesse que le quinquagénaire prenait pour de la bêtise.
Profitant d'une énième dévotion à son dieu, le Maitre orfèvre prit la fuite vers le marché. Des odeurs d'épices se mêlaient à celles de carnes parfois peu fraiches. Des herbes, tiens! Y aurait-il de la ciguë? Non, il ne voualit pas l'achever, il avait trop besoin de son or et de son titre. Non, il aurait juste la voir paralysée, ou alors juste pétrifier sa langue pour qu'elle ne remue plus du matin au soir.
Haut ciel! Que ces gens l'embarassaient! Aucune élégance, aucun savoir-vivre! Un homme l'interpelait sans même avoir été présenté... Un gentilhomme peut il accepter de se faire accoster de la sorte.
Néanmoins, l'étranger est un homme. C'est un bon point. Il aurait immédiatement dédaigné une porteuse de mamelle.
De plus, il est homme d'âge mûr, ce qui force le respect. A moins que la sénilité ne lui enlève tout ce que l'expérience lui apportait.
Bonjour messire, vous êtes de Cosne?
S'il avait été homme de haute éducation, sans doute aurait-il déclamé "Bonjour, ô, élégant, digne et mystérieux gentilhomme, votre personne serait-elle depuis peu installée à Cosnes?". Mais ce ne fut pas le cas. Maitre Watelse eut donc un frisson de mépris lui titillant la narine droite.
Bien le bonjour, cher Sieur. Je ne suis de cette ville ô combien dynamique, que depuis quelques jours, mais ne sait si Ma Personne y séjournera longuement. La Bourgogne est vaste, et moi, Maitre Georges Léonard Watelse, ne suis pas un homme pressé par le temps. Que me vaut le.... plaisir... de votre interpélation?
Watelse
La confiserie brune, que Georges Léonard Watelse refusa d'un geste dégoûté devant ce qui ressemblait à une crotte canine, tâchait les dents de son interlocuteur. Et cela lui donnait l'impression d'une dentition cariée faute d'attention particulière. L'homme semblait cynique au possible, mais Georges Léonard Watelse avait déjà vu plus impertinent. Et cet homme avait l'avantage de l'âge qui empêchait Watelse d'user de sa canne sur le fessier du malpoli.
Georges, en même temps, se sentait flatté de l'attention toute particulière que l'homme, au nom tout à fait prétentieux soit dit en passant, adressait à sa coiffe. En effet, Georges, fier de Sa Personne et de la beauté qu'il avait su préservée malgré l'âge, savait se mettre en valeur. Et les choses de valeur étaient bien utile dans ce but. Pour lui d'ailleurs, les choses chères en pouvaient être de mauvais, pour la seule et unique raison qu'elles coûtaient. Voilà pourquoi, il répondit au curieux:
Ce chapeau de Milan vaut plus de 300 écus, au bas mot. Mais ne le criez surtout pas sur les toits, Ma Personne ne saurait se vanter de ce colifichet... Cela ressemble si peu à des manières de gentilhomme...
L'homme serait un homme instruit? Bien que dubitatif, Georges choisit de donner crédit à ses dires, même si, en fin de compte, il s'en fichait totalement: seul le fait que Marco Ignazio Idiot Cocorico .... enfin bref, qui que soit ce rigolo... soit propriétaire de manufacture inspirait un minimum de respect à notre Maitre Orfèvre.
Tiens donc, une manufacture... Me voici intéressé. Voyez-vous, fort occupé à mes affaires parisiennes, je n'ai jamais eu l'occasion de visiter une manufacture. Tout juste ai-je le temps de commander quelques vêtements pour sublimer Ma Personne, alors les regarder se coudre, vous comprenez bien que cela est fort improbable. A l'occasion, ce serait une délicate attention de vote part de convier un gentilhomme tel que moi à la visite de votre bien.
Watelse pensait alors surtout à comparer son bien à celui du manufacturier, pour en éprouver l'immense satisafacton d'en sortir toujours vainqueur. Passant à un autre sujet:
Dites-moi, vous qui paraissez connaitre parfaitement l'usage des plante. Connaissez-vous une plante qui rende les femmes muettes.... Pas muettes d'amour, oh non! Ni bouche bée devant mon élégante posture. Non, non, non, juste une plante qui pourrait la réduire au silence. Connaissez-vous l'usage de la ciguë? S'avère t'elle toujours mortelle? Je ne saurais m'embarasser d'une odeur de carne en décomposition dans ma demeurre...
Watelse
Cet homme était-il donc sorcier? Ah.. Voilà qui attirait Watelse.
Sieur, je ne souhaite pas détruire son corps. Je souhaite réduire son âme à néant. La soutirer à l'emprise du Dieu auquel elle se voue. Je souhaite.... Ah! Je souhaite la posséder.
Oui, Ellya de la Duranxie était sa fiancée, bientôt sa femme par la force et par... un contrat ficelé avec ses parents. Elle n'était au départ qu'un remboursement d'une dette. Mais aujourd'hui, son antipathie pour la jeune femme avait pris une courbe ascendante. Sa dévotion idiote envers son Dieu, sa jeunesse inexpérimentée, sa naïveté incroyable!... Tout le répugnait. Mais surtout, elle ressemblait si peu à feue sa femme, que malgré ses fautes, il aimait toujours profondément.
Étonnamment, Ellya restait pourtant le seul lien qu'il lui restait de cette épouse décédée. Entre répulsion d'écouter ses babillage, et le désir toujours de l'entendre parler de sa défunte, Georges Watelse ne savait plus quoi faire.
Je souhaite la posséder oui. Et la rendre servante de mes souhaits. A moi. Rien qu'à moi!
Décidément, on en faisait de drôles de rencontre a marché en Bourgogne. Et qui débouchait sur d'aussi étranges confessions. En doute le prit:
Pour m'arracher de tels mots, seriez-vous donc prêtre?