Sindanarie
[Mais que diable allaient-ils faire dans cette galère...]
Quelques phrases, rapides, précises, jaillirent des lèvres d'Aldraien. Par le Diable et tous ses diablotins... En fait, la situation qui avait été évoquée au Mans était moins désagréable que celle que sa Soeur lui décrivait, à chaud manifestement. Sindanarie tressaillit quand elle remarqua le sang sur la cape que portait la rousse. C'était un début d'enfer qu'elle lui montrait. Quelque chose qui réveillait tous les cauchemars, toutes les ombres, tous les fantômes. Le sang. Ils avaient tous quelque chose à voir avec le fluide vital. Halte aux pensées. Concentre-toi, Sindanarie. Ecoute tout. Note tout dans un coin de ta tête. Et montre que tu as suivi. D'où un marmonnement, pour ponctuer la tirade d'Aldraien :
La forêt en direction du Mans. D'accord.
Deux jours de chevauchée pas trop forcée pour faire le trajet du Mans à Laval en passant par Mayenne. En coupant par la forêt, on devait pouvoir être plus rapide, beaucoup plus rapide. Si Arminus était parti par là, vers Le Mans, il avait dû être freiné par Antlia. Surtout s'il l'avait blessée. Et ça ne pouvait pas être autre chose, ce sang. Si l'Errante n'avait pas été blessée, elle n'aurait jamais abandonné ses vêtements. Elle était tout sauf folle. Alors tout devait avoir une signification. Les vêtements ensanglantés abandonnés. La forêt. Prendre la direction de la capitale Mainoise. Aldraien avait raison, mille fois raison. Si Antlia mourait, ce ne serait pas seulement la mort de l'Errante. Il y avait probablement autre chose. Quelque chose de terrible, au-delà de ce que son agresseur pouvait faire à la Lyonnaise. Un frisson glacé parcourut l'échine de Sindanarie. Un anti-Licorne avait osé sortir de l'ombre pour frapper directement l'Ordre. Le bon sens avait-il donc à ce point déserté ce monde ?
Elle aurait voulu pouvoir glisser quelques mots de réconfort à sa Soeur, mais les mots restaient coincés dans le fond de sa gorge. Cela ne l'aiderait sans doute pas. Cela ne les aiderait ni l'une ni l'autre. Pas tant qu'il y aurait une incertitude sur le sort d'Antlia. Il leur faudrait d'abord être fixées avant de pouvoir réellement communiquer. Il leur faudrait mener leur quête et porter leurs fardeaux. Chacune le sien, avec un but commun : retrouver la disparue. Mais pour cela, il fallait trouver celui qui l'avait fait disparaitre. Et il fallait le garder en vie, ce qui risquait d'être difficile au vu de la rage bouillonnante qui dansait pratiquement sans relâche dans les yeux de la rousse. Un murmure passa finalement les lèvres de la Limousine, à peine audible :
Je te jure qu'il ne nous échappera pas.
Promesse d'une chasse sans merci. Presque inconsciemment, les pensées de l'Ecuyère brune s'évadèrent vers un temps qui n'était plus, vers son enfance et, surtout, vers ceux qui l'avaient peuplée, en une supplique muette mais non moins fervente. Lames Brisées, réveillez-vous, sortez de vos tombes, ranimez en moi le souvenir de vos enseignements... Vous les mercenaires, vous les assassins, vous qui m'avez appris à tenir une arme et à m'en servir, revenez me hanter, revenez souffler à mon oreille les gestes et les attaques, joignez vos yeux aux miens pour cette traque, prêtez un peu de votre force passée à mon bras déjà endurci. Vous m'avez connue dès mes premiers jours, vous avez su cultiver en moi l'amour de suivre une piste, la passion des armes, la solidarité d'une troupe. Aujourd'hui, réveillez-vous, et venez avec moi, à l'opposé de ce que vous avez été de votre vivant. Rachetez votre âme en m'aidant à racheter la mienne... J'aborde un chemin qui me mènera Aristote sait où, et j'ai une promesse à honorer. Même si je dois finir dans un état plus mauvais que celui de la Maistre d'Armes. Je ne veux pas faillir une nouvelle fois.
On partira quand tu voudras.
Et ce n'étaient pas que des mots de courtoisie. Oh non. En l'occurrence, il ne pouvait pas y en avoir. Vengeance attendait, sellée encore, prête à repartir. Et Sindanarie, prête à braver encore une fois les impératifs de son corps, ne l'était pas moins. Ce qui l'inquiétait, ce n'était pas elle, c'était sa Soeur. Elle n'y avaut pas prêté attention dans l'immédiat, mais le constat avait fini par s'imposer. Elle avait l'air épuisée. Comme vidée. Et si elle n'était pas en état de se lancer dans leur quête ? Le temps pressait, le temps manquait, et elles avaient déjà tant de retard sur celui qui, dans l'esprit de la Limousine, était devenu la Proie.
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Quelques phrases, rapides, précises, jaillirent des lèvres d'Aldraien. Par le Diable et tous ses diablotins... En fait, la situation qui avait été évoquée au Mans était moins désagréable que celle que sa Soeur lui décrivait, à chaud manifestement. Sindanarie tressaillit quand elle remarqua le sang sur la cape que portait la rousse. C'était un début d'enfer qu'elle lui montrait. Quelque chose qui réveillait tous les cauchemars, toutes les ombres, tous les fantômes. Le sang. Ils avaient tous quelque chose à voir avec le fluide vital. Halte aux pensées. Concentre-toi, Sindanarie. Ecoute tout. Note tout dans un coin de ta tête. Et montre que tu as suivi. D'où un marmonnement, pour ponctuer la tirade d'Aldraien :
La forêt en direction du Mans. D'accord.
Deux jours de chevauchée pas trop forcée pour faire le trajet du Mans à Laval en passant par Mayenne. En coupant par la forêt, on devait pouvoir être plus rapide, beaucoup plus rapide. Si Arminus était parti par là, vers Le Mans, il avait dû être freiné par Antlia. Surtout s'il l'avait blessée. Et ça ne pouvait pas être autre chose, ce sang. Si l'Errante n'avait pas été blessée, elle n'aurait jamais abandonné ses vêtements. Elle était tout sauf folle. Alors tout devait avoir une signification. Les vêtements ensanglantés abandonnés. La forêt. Prendre la direction de la capitale Mainoise. Aldraien avait raison, mille fois raison. Si Antlia mourait, ce ne serait pas seulement la mort de l'Errante. Il y avait probablement autre chose. Quelque chose de terrible, au-delà de ce que son agresseur pouvait faire à la Lyonnaise. Un frisson glacé parcourut l'échine de Sindanarie. Un anti-Licorne avait osé sortir de l'ombre pour frapper directement l'Ordre. Le bon sens avait-il donc à ce point déserté ce monde ?
Elle aurait voulu pouvoir glisser quelques mots de réconfort à sa Soeur, mais les mots restaient coincés dans le fond de sa gorge. Cela ne l'aiderait sans doute pas. Cela ne les aiderait ni l'une ni l'autre. Pas tant qu'il y aurait une incertitude sur le sort d'Antlia. Il leur faudrait d'abord être fixées avant de pouvoir réellement communiquer. Il leur faudrait mener leur quête et porter leurs fardeaux. Chacune le sien, avec un but commun : retrouver la disparue. Mais pour cela, il fallait trouver celui qui l'avait fait disparaitre. Et il fallait le garder en vie, ce qui risquait d'être difficile au vu de la rage bouillonnante qui dansait pratiquement sans relâche dans les yeux de la rousse. Un murmure passa finalement les lèvres de la Limousine, à peine audible :
Je te jure qu'il ne nous échappera pas.
Promesse d'une chasse sans merci. Presque inconsciemment, les pensées de l'Ecuyère brune s'évadèrent vers un temps qui n'était plus, vers son enfance et, surtout, vers ceux qui l'avaient peuplée, en une supplique muette mais non moins fervente. Lames Brisées, réveillez-vous, sortez de vos tombes, ranimez en moi le souvenir de vos enseignements... Vous les mercenaires, vous les assassins, vous qui m'avez appris à tenir une arme et à m'en servir, revenez me hanter, revenez souffler à mon oreille les gestes et les attaques, joignez vos yeux aux miens pour cette traque, prêtez un peu de votre force passée à mon bras déjà endurci. Vous m'avez connue dès mes premiers jours, vous avez su cultiver en moi l'amour de suivre une piste, la passion des armes, la solidarité d'une troupe. Aujourd'hui, réveillez-vous, et venez avec moi, à l'opposé de ce que vous avez été de votre vivant. Rachetez votre âme en m'aidant à racheter la mienne... J'aborde un chemin qui me mènera Aristote sait où, et j'ai une promesse à honorer. Même si je dois finir dans un état plus mauvais que celui de la Maistre d'Armes. Je ne veux pas faillir une nouvelle fois.
On partira quand tu voudras.
Et ce n'étaient pas que des mots de courtoisie. Oh non. En l'occurrence, il ne pouvait pas y en avoir. Vengeance attendait, sellée encore, prête à repartir. Et Sindanarie, prête à braver encore une fois les impératifs de son corps, ne l'était pas moins. Ce qui l'inquiétait, ce n'était pas elle, c'était sa Soeur. Elle n'y avaut pas prêté attention dans l'immédiat, mais le constat avait fini par s'imposer. Elle avait l'air épuisée. Comme vidée. Et si elle n'était pas en état de se lancer dans leur quête ? Le temps pressait, le temps manquait, et elles avaient déjà tant de retard sur celui qui, dans l'esprit de la Limousine, était devenu la Proie.
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