Luciedeclairvaux
Effet escompté, les petites s'évanouirent dans les couloirs sombres du château. Sans doute reviendraient-elles, fières et intrépides lucioles, bruyantes et inconscientes. Lucie n'avait pris garde à leurs mots, à leurs regards, habituée à côtoyer cette jeunesse toujours renaissante. Elle était ailleurs, captée. Ses azurs de glaces s'étaient accrochées aux lueurs noires de la démoniaque Laudanum. Oscillant entre crainte de la voir se calfeutrer derrière la lourde porte de bois, et soulagement de l'avoir retrouvée. Hésitant entre l'abandon à sa joie et le repli silencieux.
Toutes deux avaient bien changé, sans doute. Des cicatrices en plus, sur leurs peaux diaphanes, témoignaient d'une vie sans concession, de combats, d'acharnement. Les silhouettes s'étaient étoffées, et même la longue chemise de l'ange laissait deviner des courbes nouvelles et puissantes. Mais sous ces apparences-là, Lucie ne voyait, ne voulait voir que ses prunelles éclatantes, sa fureur contenue, sa tendresse tenue. Réservée à quelques uns. Alors défila dans sa mémoire toute une vie de heurts, de départs et de retrouvailles, de folies ... Depuis les Flandres de leur tendre jeunesse, jusqu'au bout des Royaumes, jusqu'à se retrouver pour une Compagnie. Zoko. Un duel contre Felina aida Lucie à chasser ses fantômes. Finam lui donna une famille. Maleus des armes. Fin de la poursuite. Puis le démon était reparti, mais cette fois, l'Ange n'avait pas suivi. Lasse ? non. Amoureuse de ses catapultes. Amoureuse de cette vie dans la horde, des coups de dents, des amitiés inconditionnelles. Amoureuse de son maître d'armes, de sa forteresse, ses missions, des voyages.
Elle posa avec tristesse les yeux sur la bague, ou plutôt l'absence de bague.
L'absence de doigt, même.
Seule Laud manquait à cette vie-là, mais la suivre plus avant c'était sombrer au-delà des frontières de la raison, perdre à nouveau ses ailes, et puis ... Et puis retourner en Flandres était au-dessus de ses forces. Revoir Zorg était au dessus de ses forces ... Et la brune y retournait, Lucie le savait. Une lettre pour annoncer le départ déjà exécuté, lui était parvenue. Lettre inattendue, mais pourtant si bien comprise. C'était la guerre du Berry. Se battre, recoudre les amochés, ne plus penser. Puis les mois, les années avaient coulé sans pitié, avant que sa réponse ne fuse, récemment, depuis la Bourgogne. Sous l'impulsion d'un colosse blond et plus romantique qu'on ne pourrait croire, Blondie s'était décidée. Elle n'écrivait jamais, à quiconque, ou juste pour l'essentiel. La réponse fut donc brève. Puis plus rien, le silence. Un silence qu'il ne lui appartenait plus de rompre. C'était pire.
Oui, je suis là, Laud ...
Silencieusement, elle s'approcha et prit conscience de la pâleur de la brune. Sa main esquissa un geste, comme pour caresser la joue du Poison, encore alentie par de maléfiques ondes et cette crainte qui lui pulsait dans le cur.
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Toutes deux avaient bien changé, sans doute. Des cicatrices en plus, sur leurs peaux diaphanes, témoignaient d'une vie sans concession, de combats, d'acharnement. Les silhouettes s'étaient étoffées, et même la longue chemise de l'ange laissait deviner des courbes nouvelles et puissantes. Mais sous ces apparences-là, Lucie ne voyait, ne voulait voir que ses prunelles éclatantes, sa fureur contenue, sa tendresse tenue. Réservée à quelques uns. Alors défila dans sa mémoire toute une vie de heurts, de départs et de retrouvailles, de folies ... Depuis les Flandres de leur tendre jeunesse, jusqu'au bout des Royaumes, jusqu'à se retrouver pour une Compagnie. Zoko. Un duel contre Felina aida Lucie à chasser ses fantômes. Finam lui donna une famille. Maleus des armes. Fin de la poursuite. Puis le démon était reparti, mais cette fois, l'Ange n'avait pas suivi. Lasse ? non. Amoureuse de ses catapultes. Amoureuse de cette vie dans la horde, des coups de dents, des amitiés inconditionnelles. Amoureuse de son maître d'armes, de sa forteresse, ses missions, des voyages.
Elle posa avec tristesse les yeux sur la bague, ou plutôt l'absence de bague.
L'absence de doigt, même.
Seule Laud manquait à cette vie-là, mais la suivre plus avant c'était sombrer au-delà des frontières de la raison, perdre à nouveau ses ailes, et puis ... Et puis retourner en Flandres était au-dessus de ses forces. Revoir Zorg était au dessus de ses forces ... Et la brune y retournait, Lucie le savait. Une lettre pour annoncer le départ déjà exécuté, lui était parvenue. Lettre inattendue, mais pourtant si bien comprise. C'était la guerre du Berry. Se battre, recoudre les amochés, ne plus penser. Puis les mois, les années avaient coulé sans pitié, avant que sa réponse ne fuse, récemment, depuis la Bourgogne. Sous l'impulsion d'un colosse blond et plus romantique qu'on ne pourrait croire, Blondie s'était décidée. Elle n'écrivait jamais, à quiconque, ou juste pour l'essentiel. La réponse fut donc brève. Puis plus rien, le silence. Un silence qu'il ne lui appartenait plus de rompre. C'était pire.
Oui, je suis là, Laud ...
Silencieusement, elle s'approcha et prit conscience de la pâleur de la brune. Sa main esquissa un geste, comme pour caresser la joue du Poison, encore alentie par de maléfiques ondes et cette crainte qui lui pulsait dans le cur.
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