Roland.
Le bas-fond de Vendôme sur lequel la nuit jetait son voile sur les âmes des hommes déjà plongées depuis fort longtemps dans les ténèbres de leur misère, ce coin crasseux puait l'indigence, et ça convenait à merveille à Roland pour qui ce petit goût de Cour des Miracles était un parfait terreau à ses velléités d'implantation du Cartel du Sombre Lys tout comme le lui avait ordonné Kalen, son ami et patron de cette organisation...
Les ruelles mal pavées et boueuses sillonnaient telles des cicatrices, ce quartier de maisons à colombages délabrés, les mortiers muraux blanchis lézardés et non-entretenus trahissaient un total abandon de ce coin de perdition. Le soir tombait, et la nuit apporterait son lot étrange de "phénomènes", car tout comme la vermine rampant à même les tas de déchets et de fumiers à l'angle des rues, sortait de chez elle la plus hétéroclite des foules, mêlant catins et proxénètes, vendeurs à la sauvette et receleurs, mendiants et coupe-jarrets, tout ce type de microcosme profitant, à la faveur de la nuit et en l'absence de miliciens assez courageux pour venir se faire occire sur ce tas de fumier nommé "bas-fond".
Car oui, c'était bien cela que Roland appréciait tout particulièrement, ce coté "zone de non-droit" qui serait propice à l'expansion désirée par le patron du Cartel du Sombre Lys, et profitant ainsi de pas mal d'avantages dont celui de l'impunité...
Et c'est donc une fois que l'obscurité prenait d'assaut la campagne environnante, une fois le soleil ayant rejoint sa couche jusqu'au matin en laissant l'astre lunaire prendre place dans le ciel à demi couvert, que Roland ouvrit la porte de son entrepôt désaffecté sur lequel il avait jeté son dévolu pour une mystérieuse activité qui sous peu allait devenir possiblement le point d'attraction de cet endroit abandonné depuis longtemps par Aristote. Il passa attentivement la tête par l'encadrure de la porte enchassée dans le grand portail, et devant l'absence de guetteur éventuel, il laissa son sourire s'arquer par la satisfaction, il ne devait pas se faire remarquer pour l'heure en train d'occuper ce bâtiment...
Rapidement, et sans plus attendre, Roland referma la porte, et comme s'il attendait quelqu'un, il rajusta son grand pardessus de cuir noir en relevant négligemment le col autour de son cou.
Son regard perça la pénombre et la balaya de gauche à droite dans un lent mouvement de tête... rien d'anormal en vue... c'est alors que doucement, ses bottes martelèrent les flaques luisantes sur les pavés trempés de la petite averse ayant laissé ses stygmates dans la crasse ruisselante à présent au sol... la lune blafarde dardant de son aura cet écoulement de misère pure....
Quel doux parfum pour Roland...
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[ On obtient plus de choses en étant poli et armé, qu'en étant juste poli ]