En certains temps, mieux valait-il laisser Herbert dans son coin, se balancer, ruminer, chanter, crier...peu importe, mais quoi qu'il en soit, il valait mieux le laisser tout seul et attendre que cela lui passe.
Or...
Un Herbert qui se balançait...
Enfermé dans son placard tout juste assez grand pour y tenir accroupi, avec ce maudit jupon et ce fichu corset pour davantage d'humiliation, Herbert peut entendre des voix familières.
Celle de son père qui rentre encore une fois ivre, gueule, insulte sa mère, cette sale euh... poutre ? ... qu'était pas foutu d'lui foutre une femelle au monde qu'on puisse marier à un riche seigneur et ainsi avoir des domestiques et mener la grande vie.
Cette voix... si haineuse, violente, crûe...
L'autre voix, celle de sa mère qui encore une fois répond à la hauteur de la première, rétorque à cet empaillé qu'avait qu'a la fourrer au lieu d'se trimballer à la taverne mal fâmée, entourée de ses euh... poutres... à deux sous, que s'il avait sû aussi bien que ses chopes avec tant de verve manier sa v... quoi ? son derche ? ... bin p't'etre qu'elle aurait pas eu à aller à confesse confesser au confessoir à un confesseur du bon dieu qu'on fesse un peu vite quand on fait des péchés quand même en sachant très bien ce qu'on fait...
Et ça continue, encore et encore, à hurler...
Ça commence toujours comme ça. On l'enferme. On gueule.
Les voix se cherchent, s'attrapent à la gorge, s'attrapent au cur et ça hurle à la mort... déchirant le petit cur insoucieux et innocent du petit Herbert.
Puis un silence indescriptible qui l'instant d'après se meut dans une véritable cacophonie de petits bruits qui résonnent, de voix, de meuglement, rugissements, des pires infamies verbales, de grincements de meubles à un rythme s'accélérant progressivement.
Ce qui se passait devait être terrible, horrible... A chaque fois que ses parents l'enfermaient, ces affreux bruits débutaient et se terminaient toujours de la même manière : des hurlements déchirants, des coups sourds dans les murs à en faire tomber de la poussière des murs du plafond au-dessus de la tête d'Herbert, dans son placard...puis plus rien ou presque : des gémissements et même une fois il y eut un effroyable fracas, un meuble cassé.
Les fois suivantes s'avérèrent moins bruyantes en terme de coups : la literie était restée au sol et n'avait pas été remplacée.
Souvent ces épisodes se répétaient inlassablement et le petit Herbert demeurait sans le savoir plusieurs jours consécutifs enfermé.
Souvent il faillit tomber d'inanition, mais l'instinct de survie étant le plus fort, il trouvait parfois le bois de la porte nourrissant.
Parfois aussi trouvait-il des nuisibles : menus insectes pour petits menus, menus rongeurs pour grands festins.
Et là, sur son épaule, un rat se pose.
Quelle aubaine... il va lui falloir être rapide, très rapide, s'il veut survivre.
Herbert d'un coup brusque l'empoigne en serrant de toutes ses forces jusqu'au bout des ongles qu'il plante, attrape la bête et mord dedans pour en arracher une bouchée qu'il s'empresse de mastiquer comme si l'on allait la lui reprendre.
Ce "rat", c'est une main. Une main pourtant douce, tendre, que quelqu'un venait de déposer sur son épaule, icelieu, dans ce verger.
Mais Herbert, lui, n'y était plus.
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Saint Herbert 41, le sain du saint.