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[RP]Jaloushydre

Vassilissa
Vannes

La roulotte « 100% Crochette et quat’poils de Leu » est installée sur la plage. Les restes d’un feu de camp fument sous la pluie froide, le temps est gris.
Là-bas, près de l’eau, deux gamins causent la taille de leurs pêche respective. Le garçon, blondinet aux yeux bleus, a une dizaine d’années. Les bras écartés à s’en démettre l’épaule, il appâte la gamine aux yeux braqués sur lui. Elle est beaucoup plus jeune, quatre, cinq ans peut-être. Ses longs cheveux chatains, malmenés par le vent, lui cachent le visage. Elle boit chacun de ses mots comme une tasse de p’tit lait. Qu’il est grand, qu’il est fort, lui et ses poissons tell’ment gros… Amusée, toute impressionnée, elle est déjà presqu’amoureuse. La pluie les trempent, mais ils ne voient qu’eux. Un clébard tout moche court après une mouette, la plage est calme, tranquille.

Du bruit dans la roulotte, et soudain la porte s’ouvre. Hagarde, les yeux enfarinés, une blonde s’étire et regarde au dehors. Il fait froid, moche. Elle grimace, tend la main, et recueille la première de ses gouttes bretonnes. C’est mouillé comme partout, sauf que ça sent la mer. Elle retrouve le sourire et dévale les quatre marches qui la sépare du sable. C’est bon sous ses pieds nus. Elle crie dans le vent, les enfants la regardent.

Autour il y a des dunes. Un peu d’herbe, quelques vaches trempées qui s’égouttent sous les arbres, quelques rochers tout usés par les vents. Et un drôle d’équipage. L’homme est grand, gros, boiteux, arc-bouté sous l’effort. Il porte cotte de mailles, pantalon militaire et casque de bataille. Ne manque que sa hallebarde. Mais faut dire qu’il traine derrière lui une bombarde énorme, sur quatre roues montées. Et dans le sable, c’est dur. La jeune femme accourt :


- Bourgogne ! Vous êtes de retour ? Je n’y croyais même plus ! Où est passé l’vicomte ?

Sans attendre la réponse, à grands pas elle s’approche, pour aider le soldat à pousser sa monture. À eux deux ils s’essoufflent comme deux ânes en peine, et la bombarde très vite s’enlise dans le sable. C’est Bourgogne qui, le premier, rend les armes. Elle s’effondre à côté de lui, épuisée, hilare.

- Sergent, je crois qu’on reste là… Je vous offre une rasade ? J’ai trouvé une bouteille cachée sous la roulotte… M’en direz des nouvelles…

- PALSAMBLEU ! C’est la mienne ! M’dites pas que j’dois me méfier d’vous aussi, mam’zelle ? J’ai assez du jeune leu sur le dos, si faut que j’surveille aussi ses pucelles…

La main part toute seule, et le coup résonne sur le casque en métal. Elle grogne quelque chose, et puis regarde ailleurs. La bombarde, et ce bout de papier qui dépasse, et qui lui semble rose… Rose ? D’une main vive elle l’attrappe, et ses yeux s’assombrissent.

- Bourgogne… Des anges ? C’est bien des anges ?

Elle tombe des nues. Sa bombarde qui crachait des poulets tout grillés… crache des angelots tout de rose fardés. Le sergent baisse la tête, et l’averse redouble. Elle est amère maintenant.


- Et il n’est pas rentré avec vous, hein ? Il est où, l’Joli Cœur ? Il nous a oubliés ? C’est sa p’tite nobliaute qui l’retient prisonnier ?

Elle se lève, fière, fâchée, et se secoue vivement. Le sable vole et ses yeux lancent des flammes. Elle regarde la mer, et les enfants qui jouent :

- Alors, on se le prend, ce verre ? Au sec ?

Il baisse la tête, penaud. Il n’aime pas trop voir la blonde en colère. Elle est tellement plus aimable quand elle sourit, avec ses tétons qui pointent sous sa chemise et ses jambes de pouliche…D'ailleurs, il la croquerait bien, si elle n’était pas si farouche… Mais quelque chose le retient. Un je ne sais quoi qu'il devine à son air ombrageux quand le vicomte vadrouille. Pas de chance, Bourgogne, celle-là n'est pas pour toi !

Avec un grognement, il se lève et la suit. La pluie tombe toujours. Il fait froid et gris.
--_ankou_


- Entrez... j'ai pris la liberté de m'installer. Il pleut dehors.

La silhouette assise au centre de la roulotte qui les invite à le rejoindre est glaçante. chapeau à la mode locale, sombre comme ses austères habits, une odeur rance flottant autour de lui, des épaules voûtées, une poitrine creuse, des joues décharnées et deux orbites enfoncées où luisent deux lacs de glace grise, Crochette et Bourgogne pensent à la même chose au même moment.

- Par le Dode! Qu'est ce que vous foutez là?" s'exclame la jeune femme.
- J'suis trop jeune pour ça moi!" blêmit le soudard.
- Mais bien sûr. Soldat, jette donc un oeil sur ma charrette, je ne voudrais pas qu'on me la vole." grince l'inconnu avec un petit rire qui ressemble au son d' une botte écrasant des ossements desséchés.
Plus prestement que sa silhouette massive le laisse croire, Bourgogne virevolte et sort en assurant monter bonne garde pour qu'il n'arrive rien de fâcheux.

- Et que veux tu qu'il arrive, andouille!" grogne Crochette entre ses dents. "et qu'est ce que vous voulez d'abord? Je n'ai rien à voir avec vous.
- Toi non Vassilissa!
- Le vicomte non plus, même Bourgogne, tu ne pourrais pas l'emporter. Dode nous préserve de toi.
- Bien sûr, bien sûr, votre sacré Dode. Un jour ou l'autre, il vous abandonnera. moi non. Mais je suis venu..."
une main crevassée par le labeur et le temps infini se glisse derrière le tissu du manteau élimé et en ressort immédiatement pour lâcher sur table une poignée d'osselets. "Une petite partie?
... On mise?
Vassilissa
Les osselets claquent sur la table, et le bruit se mélange à celui de la grêle qui s’abat brutalement sur la plage endormie. Dehors, on entend les enfants qui hurlent et Bourgogne qui jure. Et puis c’est le silence, quand tout ce petit monde a trouvé un abri.

Debout dans l’encadrure et fièrement dressé dans ses habits trempés, elle ne baisse pas les yeux. Elle a bien trop à regarder, à sentir et à s’imprégner. Ce corps tout en creux et en os qui ose la défier. Elle n’en revient pas de le voir de si près. Le noir et le gris mélangés, l’ombre sans la lumière. Elle n’a que la lueur des éclairs pour le voir maintenant. Il fait sombre, et désespérément froid. Elle en frissonne presque.
Que fait-il là ? Son esprit lui murmure qu’elle le sait trop bien. Elle n’est même pas surprise. Depuis le temps qu’elle joue à le chercher, il fallait qu’il la trouve. Pourtant, juste aujourd’hui…
Elle s’avance d’un pas, secoue lentement l’eau de ses cheveux mouillés, et referme la porte. Ils sont seuls, maintenant. Il attend patiemment qu’elle se sente prête, qu’elle oublie sa colère et toute sa frustration. Au vu de la lueur qui brûle dans ses yeux gris orage, c’est peut-être pas gagné.
L’odeur dans la roulotte évoque le souvenir d’un cimetière lointain. Les chairs se délitent, la tourbe humide nourrit de gros vers gras qui grouillent.
L’espoir s’envole d’un coup et le silence écrase.

Elle s’assied, tranquille. Elle n’a plus rien à perdre. Elle a déjà tout donné. Aux hommes, à l’Hydre, et puis au Dode. Son nom, sa vie, son âme… tout le maigre bonheur qu’elle avait pu trouver, tout ça y était resté.
Alors quoi ?

Elle fixe sans ciller les yeux vides d’expression :


- C’est d’accord, j’veux bien jouer. Sans tricherie, bien sûr.

La pièce est emplie d’ombre, la lumière n’entre plus. Et pourtant dans le noir, on distingue nettement le sourire de triomphe sur la bouche du spectre. Lentement, il s’assied. Ramasse les osselets.


- Et la mise ?

- Si j’gagne, j’veux le chapeau. Si j’perds… prendrez c’que vous voulez.

Son regard est dur et sans appel. Celui d’un vieillard de 80 ans quand elle n’en a que 20 à peine. Celui d’une femme qui a déjà suffisamment vécu pour se demander si le reste vaut la peine… Tellement déplacé. Pourtant, quand même, il reste quelque chose, un rêve, un cauchemar, auquel elle se raccroche avec tout ce qu'elle peut :


- Tout... Sauf le bateau… Bien sûr.
--Le_sergent_bourgogne


Le sergent est blanc.
La chose est assez exceptionelle pour être signalée. Prise avec inquiétude même. Son teint rubicond, même son hâle permanent gagné au grand air qui est plus souvent son ordinaire qu'un bon toit ou même la toile d'une tente d'ordonnance, s'est évanoui comme si son sang avait été aspiré par une sangsue vorace.


- C'est d'la diablerie! Pov petite! Si jeunette. J'dvrais... faudrait.... mais là... c'est point l'courage qui m'manque... mais là... Prév'nir l'vicomte... saura quoi faire!
Qu'le Dode nous protège...
Mzelle Crochette!


Le sergent a pris ses hardes effilochées de courage à deux pognes. Il passe une tête plus pâle que celle d'un spectre par la porte et lance, yeux fermés:

- Mzelle Crochette. J'vas faire une petite ronde. Faites rien de.... définitif hein. Jouez et prenez vot'temps.

Le rustaud appuie sur ce dernier mot, conjuration désespéréeà ne pas avoir bougé avant son retour... accompagné du Leu espère-t-il. A moins que celui ci ne baguenaude au bras de sa Promise, auquel cas la situation est....
Vassilissa
Desespérée.

Un peu, mais pas tant que ça, quand même. C’est pas l’tout d’jouer les héroïnes face à la mort qui avance, d’avoir plus rien à perdre, et plus rien à trouver…
Quand la vie lentement défile devant tes yeux, en t’remontrant chacun des bons moments passés, là, il faut du courage pour dire que c’est rien.

La colère s'essouffle devant les souvenirs.

C’est d’abord la fuite de la Franche Comté, au bras de Nico, fière comme une pucelle… C’est Uzès ensuite, la môme qui arrive, Baha qui s’envole d’une table de taverne, Nénu qui rit aux éclats, Ihsahn silencieux, Robain qui s’avance en jouant les timides, et puis qui repart, une main plaquée sur la fesse à C’rise. Lab et puis Ahla, Angie, tous les autres, qui boivent comme des trous chaque soir d’la semaine. Sam et son radis, Debba et ses filles, Grigri et ses moules. Une page qui se tourne, et c’est l’aventure. Le vicomte, sa bombarde, les crêpages de chignon, un p’tit tour avec Dran et quelques bouffées de promesses adrénalinées. La page se tourne encore, et les matins plein de rosée reviennent, aux côtés d’un compagnon qu’on ne s’estt pas choisi mais qui ensoleille la journée avec ses récits de flibuste et de mariage arrangé. La gamine qui saute devant la roulotte, le chien au nom de tempête langu’docienne, le sergent qui ronchonne en fourbissant sa lame et ses bouteilles de poire.
Non. Elle n’a quand même pas le droit de dire que tout ça c’est du vent.
Mais quand même, pour une partie d’oss’lets avec l’ankou, qu’est-ce qu’on n’est pas prêt à laisser derrière soi, hein ?

La remarque de Bourgogne chasse les derniers relents de défaitude, et elle sourit enfin, une pointe de raillerie dans ses deux grands yeux bleus. Il a peur. Elle non. Elle l’a déjà montré, elle sait se battre même face à la mort. Avec ou sans le Dode, d’ailleurs, qui n’a jamais été un allié si précieux. Nan, juste avec la force de sa volonté, et qui n’est pas des moindres.

Prendre son temps. Pour quoi faire ? Elle a envie de savoir, soudain, ce qu’Il lui veut. Ce nouveau défi qu’on lui lance, sans qu’elle sache vraiment qui est derrière tout ça…
Elle a commencé sa vie en croyant fort comme tout à Tristote et sa clique… Et ils l’ont déçue. Elle a continué chez les réformés, croyant dur comme fer à un mariage célébré sous les chênes et devant le Très-Haut… Il n’en reste plus rien. Ensuite est venu le Dodécalogue, avec ses visions aussi obscures que lui… Elle l’a suivi, l’a craint, lui a obéi en tous points… Jusqu’à ce que les hommes utilisent son message à des fins moins que claires. Alors sont venus le doute et puis la fuite… Mais Il l’a rattrapée pour l’envoyer ici.
Ce soir, avec l’Ankou, elle joue aux osselets. Dans le pays des druides et de la Mère Nature…
Saura-t-elle jamais qui décide en ce monde ?

Le spectre attend, patient. Il sait que sa venue en perturbe plus d’un. Il sait qu’elle est comme les autres, humaine, faible à pleurer. Il lui laisse le temps. Elle n’en veut plus.


- Alors, on va-t-i commencer ? Z’allez-t-i le lancer, vot’fichu osselet ?
--_ankou_


Le noir chapel est secoué d'une série de cahots comme le spectre se remet à rire. La main lâche les osselets qui s'éparpillent lugubrement en formant un cercle parfait.

- Arretez avec vos tours de passe passe. Ca ne m'impressionne pas!" dit la jeune femme en ramassant les osselets et les envoyant rouler en un triangle isocèle pointé vers son adversaire.
- Nous sommes deux tricheurs! Nous allons savoir maintenant jusqu'à quel point tu désires tricher. Le Dode ne te sera d'aucun secours cette fois ci. La mise? Une vie bien sûr.
- Aucune vie à ta portée ne m'est chère. Les seules qui m'importent sont hors de tes pattes.
- Rien n'est plus vrai. Mais vois tu, c'est ce qui est passionnant dans les humains. Un tiers peut causer bien des peines sans même s'en rendre compte, sans même faire quoique ce soit, juste en.... disparaissant.

L'air se fige dans la roulotte, la pluie redouble au dehors alors que la mer toute proche se déchaîne. Les deux protagonistes semblent se complaire à s'affronter en cette ambiance de bout du monde.

- Si tu l'emportes, tu nommeras toi-même mon prochain... passager. Si c'est moi... je savourerai le plaisir de ce vide béant causé par l'absence de l'être cher. Que je choisirai... que j'ai déjà choisi pour m'accompagner.
- Qui? [/b]souffle la blonde entre ses dents. Elle tourne une nouvelle fois dans son esprit les visages de ceux qui lui sont chers. La question se pose... Veut elle gagner?
[b]- Commençons alors!"
répond la silhouette de ténèbres pour tout commentaire.
Vassilissa
La blonde, songeuse, ramasse le père osselet entre ses longs doigts fins. Elle prend son temps, cogite. Le jeu vaut la chandelle.
Le spectre glousse un peu, savourant le tourment qu’il sème dans son âme. La partie est jouée. Il le sait, il le sent.

L’osselet s’élève dans les airs, le temps se fige.

- Alors, Vassilissa… Qui ?

- La ferme, Dode, voyez pas qu’j’me concentre ? Et pis j’en sais rien, qui ! Personne compte assez pour que j’veuille son billet pour l’spectacle à Tristote…
- Réfléchis, c’est une chance… Enduril ? la Shaggash ?
- J’fais plus de politique !

Elle attrape d’un geste vif un osselet sur la table, avant que ne retombe le père dans sa main. Et un. Elle lance de nouveau.

- Attila, Labaronne ? Tes dernières attaches…
- Vous rigolez ? Et ne rester que pour vos ricann’ments séniles ? On irait bien plus vite à lui donner mon nom !

Le deuxième osselet rejoint le premier, elle rejoue aussitôt.

- Nenuphar, ou Drannoc… ? Ils sont quand même partis du jour au lendemain.
- Les souv’nirs ne crèvent pas, le Dode, les erreurs encore moins. Où qu’ils soient ils ne m’ennuient plus.

Sa main ne tremble pas. Elle a pris le troisième, il reste le dernier.

- Fernand ? Allez, Fernand…

- Quoi, Fernand ? Vous voudriez couper la deuxième tête à l’Hydre ? C’est pas une bonne idée. Not’ serpent est pas fait pour la pensée unique.
- Vassilissa, tu penses de trop, et de travers. Tais-toi, de temps en temps.

Elle sursaute, et son geste dérape. La fin du tour se gagne de justesse. Mais les cinq osselets finissent dans sa main, et c'est un sourire au coin des lèvres qu'elle les tend à l’Ankou.


- C’est à vous. Ça va êt’difficile, je crois qu’Il est fâché.

Ris, ô Vassilissa, toi qui te crois intouchable. Profite de ce moment où tu penses gagner, où tu ignores tout de celui ou de celle qui va ce soir mourir…
--_ankou_


Les yeux pâles comme des neiges tardives ont suivi toute la manche. Rien sur le visage parcheminé ne vient troubler la tranquille désolation qu'il dégage, pas même un tressaillement des lèvres quand les osselets se retrouvent parfaitement alignés devant lui.
Au bout d'un long battement de coeur qui sonne dans la poitrine de la jeune femme comme un glas sinistre, la main racornie saisit prestement les os, comme une vipère à l'attaque.


- C'était facile non? Le Dodécalogue te donne l'aisance. Il veut te voir gagner. Et choisir une vie. Ca ne te damnera pas, tu n'y crois plus de toute façon. Alors... la partie va être passionnante. Après tout, tu n'as qu'a perdre pour te décharger de ce nom sur moi. Je l'ai en lettres d'argent derriere ce front. Il luit et m'attire....


La main noueuse dispose les osselets en une figure bien connue des garnements et des soldats en service: la Tête de Mort, la Grande, celle qui oblige à de grands coups de râteau de la paume, sans en faire choir ou laisser échapper. Le coup de faux en somme!

- Voyons si le Dodécalogue a pouvoir sur moi?

Le Père osselet s'envole et la respiration de Vassilissa/Crochette se fige. Sa tête suit la lente ascension, l'instant ténu où le projectile hésite entre monter encore et commencer la chute vers la table mortelle.
La vipère surgit de la manche de sable, trop rapide pour que l'oeil de Vassilissa, captif de la dégringolade du Père osselet, ne puisse la discerner.
Lorsque l'osselet retombe, c'est au creux de la paume tavelée, au milieu de ses fils sagement réunis.
La main ne tremble pas quand elle laisse glisser son butin devant Vassilissa.


- On dirait que non. Tête de Mort? La Grande bien sûr. Use de ta magie. Et choisis un nom. Je repartirai.
Perds, et c'est moi qui planterai ma lame. Ce sera douloureux. Et peu charitable. je ne le suis pas.


- Dode! Ce n'est pas drôle du tout!!!!

- Ta'-t-il promis... de mourir de rire? Il a menti.
Vassilissa
La tête de mort, la grande. Parle-t-il de la sienne, qui ricane et qui grince ? Non, bien sûr. Elle prend les osselets, les soupèse, les caresse. Il doit être avec elle, il doit la faire gagner.

- Qui a-t-il choisi ? Tu en as une idée ?
- Qu'est-c'que voulez qu'j'en sache ? C'est vous qu'lisez dans les têtes, pas moi !
- La sienne est de vent pleine, je n'y vois goutte.- Alors réfléchissez, ça vous chang'ra, au moins. Et vous me laiss'rez jouer !
- Tu vas perdre.

Elle sursaute. Dans sa main les osselets tremblent avec un petit bruit de biscuits qu'on écrase, et son cœur s'arrête.

- Pourquoi voulez que j'perde ?
- Parce que c'est ton destin.
- Mais c'est vous qui le faites, mon destin !
- Justement. J'ai réfléchi. Je ne sais qui il a choisi… Mais il ne peut m'atteindre. Mes soldats sont légions, nul n'est irremplaçable. C'est à toi qu'il en veut.
- Mais, Dode !

Le silence dans la roulotte commence à peser. Les yeux vides du spectre la regardent douter, tandis que ses mâchoires n'arrêtent pas de sourire. A-elle compris, enfin, qu'elle va la perdre, cette partie maudite ?

Non. Elle ne veut pas comprendre. Elle a trop peur, soudain. Les choses deviennent sérieuses, et ce n'est jamais bon. Il a l'air d'y tenir, à son âme, ce mort. Qui a-t-il pu choisir ?
Et le Dode qui s'enfuit…


- Je ne m'enfuie pas, Vassilissa, mais tu m'ennuies. Joue, et tu verras bien si tu n'as rien à perdre… Tu es toujours si forte…

Le ricanement du vieux résonne et puis s'éteint, laissant son esprit vide, et soudain épuisé. Alors, presque mécaniquement, ses doigts se manifestent. Un à un, les osselets glissent, se disposent, s'alignent. C'est la tête de mort.

Ses yeux s'enfoncent dans ceux de l'adversaire, deux vrilles puissantes dans un puits de misère sans fond. Le père s'élance dans les airs.


- Alors là, c'est le défi le plus stupide que je t'ai vu relever ! Il t'a promis un homme, que tu te lances dedans à écoutilles fermées ?
- Tristote ? C'est toi ?
- Et bien, c'est moi que tu viens d'appeler, non ?
- Ah euh… Oui, sans doute. Tu peux m'aider ?
- Je ne sais pas. Depuis combien de temps ne m'as-tu pas prié ?
- Miséricorde…

Le Très Haut ne répond pas.
Le Père osselet entame son ellipse, deux de ses fils sont déjà rattrapés. Elle a le temps, elle peut le faire. Un troisième les rejoint, et c'est presque joué.

Il y a du vacarme, dehors. Des voix. Attila ?
Elle jette à la fenêtre un regard fatal. On entend le bruit sec du Père osselet qui tombe, et le silence retombe. Un silence glacial. La pluie s'est arrêtée, le vent ne souffle plus. Mais de quelque part dans les dunes, on entend le coucou chanter.
Attila_caligula
Cavalcade!
La haquenée n'en peut plus. Elle a déjà fait le chemin aller à un train d'enfer, cruellement éperonnée par un Bourgogne férocement inquiet, parti quérir le Vicomte et le ramener à la roulotte, empêcher ce qui s'y trame d'arriver à son terme.
Le vicomte n'était nulle part.
Comme tout le monde du reste. A part quelques coupe gorges où il ne se risquait pas sous sa défroque de noble françoys, souhaitant mort plus glorieuse qu'une saignée dans une ruelle nauséabonde.
Bourgogne avait suivi la rumeur et la piste de son maître jusqu'au Théâtre, le convaincre de le suivre n'avait pas été aisé, mais une fois en selle, la course folle avait repris, vers un tournant de leur histoire peut être.

- Bourgogne... Pourquoi ne l'as tu pas empêchée!
- Mon vicomte, donnez moi autant de coupes jarrets à réduire en pulpe sanglante.... mais ça...
- Le Dode te protège nigaud!
- le connais pas moi, vot'Dode. pas sûr qu'il se soucie de moi.

Les bribes de phrases sont hachées par le galop impétueux, l'haleine courte des cavaliers et les brusques rafales de vent qui semble vouloir les forcer a rebrousser chemin.

La roulotte enfin... Le "Port Salhydre", leur hâvre, apparait dans la lande. Tous feux éteins, sauf un éclat blafard et vacillant dans la roulotte.
Le fracas des sabots ne s'est pas encore tu que déjà le Leu est sur le sol.


- CROCHETTE ! VASSILISSA!

_________________
Vicomte de St Pardoux, Baron de La Roche Canilhac
Vassilissa
Attila est dehors, on entend le cheval. Dans une fraction de seconde, il défoncera la porte. Sa voix ne trompe pas, ni ce nom qu’il appelle. Il n’y a plus qu’le Dode pour l’appeler comme ça.
Elle regarde l’Ankou, et c’est une prière qu’on peut lire dans ses yeux. Elle ne sait pas encore qui va mourir, cette nuit, mais elle sait bien déjà qu’il ne doit pas voir ça. Elle a joué la partie qu’elle n’aurait pas du jouer, et c’est seulement là qu’elle réalise vraiment. Elle a perdu. C’est fait. Et c’est irrattrapable. Et l’angoisse de choisir qui devra succomber se transforme soudain en une terreur folle… Elle ne choisira pas. Il va choisir pour elle.
Ce sera douloureux. Il n’est là que pour ça, elle comprend maintenant. Il ne veut pas son bien, ne l’a jamais voulu. C’est l’enfer maintenant qu’elle attend qu’il lui dise.
Elle voudrait être seule, pour savoir ce qu’elle perd. Elle ne veut pas qu’il la voit s’effondrer, surtout. Elle ne voudrait pas qu’il sache que c’est à cause d’elle, si demain quelqu’un meurt qu’ils aiment tous les deux. Elle tente de deviner, n’y arrive pas, s’énerve :

- Vite ! Il va arriver ! Dites-moi qui…

Le spectre la regarde en souriant largement. Ses yeux, bien que vidés, pétillent de malice. Il ne ressent plus rien, ce fantôme de mort, mais à cet instant là, bien sûr il est heureux. Cette âme déchirée, cette main qui tremble et voudrait le cacher, ce doute et cette terreur qui rôdent dans l’air confiné… Il va prendre son temps. Il veut qu’il entende ça, ce jugement qu’il rendra pour l’erreur de la Blonde. Il savoure déjà, et l’on devine presque une langue spectrale glisser sur ses deux lèvres que pourtant il n’a plus. Il jouit de sa douleur. La mort et son cortège de chaos et de bruit.

La roulotte résonne sous l’urgence de la charge Ysengrine. La porte s’ouvre en claquant, et un vicomte en nage écarquille les yeux. C’est vrai, elle l’a fait. Elle est là, toute assise, en face de la mort qui sourit benoîtement. Il roule des yeux. Veut parler, mais s’étrangle. La blonde ne dit rien. Qu’y aurait-il à dire ?


- Elle m’a donné une vie, Vicomte d’Ysengrin… Je pourrais prendre la tienne, tu vois, elle n’en a cure. Mais bien sûr le Grincheux me chercherait des noises, si je touchais à un des cheveux de vos têtes… Alors je vais faire pire.
--_ankou_


- [...]Alors je vais faire pire.
L'image ténébreuse qui fait face à Crochette n'a pas bronché. La voix semble venir de nulle part. Déçue de devoir choisir, ou jubilant, bien malin qui saurait le dire. Probablement pas le vicomte qui s'est figé dans un étonnement glacé. Les joies et les peines de cette vapeur mortifère, si elle en a, restent son secret impénétrable.
Dans la roulotte, l'air a cessé de vibrer. Dans les pâles yeux de poisson mort qui fixent les deux compagnons, la vision fugitive d'un monde glacé où rien ne se meut, rien ne s'émeut, où tout s'effrite et tournoie en trombes pulvérulentes surgit violemment, implacablement.
Le Vicomte en est quasiment hypnotisé, attiré par son désir de fin apocalyptique.
La menotte chaude et palpitante de Crochette l'arrime à ce monde, encore un peu, ancre solide dans sa farouche résolution à vivre tout, même l'insupportable.
La Chose voit le manège et sa bouche s'ouvre comme un gouffre, avalant la vision morbide d'un monde entièrement mort.

- Il est temps pour moi de reprendre ma route. Je dois inviter quelqu'un à monter dans ma charrette.
Sourire sibyllin.
- J'espère ne pas mettre trop de temps. Elle est pleine de vie cette petite. Je vais devoir être convaincant, et persévérant. Par bonheur, je le suis!
- Qui es tu vieux débris?
tonne le vicomte. La lame de Tolède luit faiblement et se tend assoiffée vers une gorge noueuse et sans vie.
- Qui sait? Un nom, un esprit, un dieu ou un démon? Un maître ou un esclave. J'ai oublié. Je suis, c'est tout. Même ton Dodécalogue n'a pas de réponse pour moi.
L'ombre lève son chapeau vers Crochette, adversaire doublement affligée; puis, ignorant la lame qui refuse de pénétrer son gosier aride, passe devant le Leu pour sortir dans la nuit.
Le son d'os écrasé de sa charrette s"élève bientôt, s'éloigne et s'évanouit comme un mauvais rêve qui laisse un âpre souvenir.
Vassilissa
La lanterne macabre qui brûle sur la charrette répend une lumière trouble, mais ils n’ont pas le temps de la voir disparaître. Le grincement sinistre s’éloigne dans la brume, et le rire du spectre s’éteint. Le silence règne de nouveau sur la plage, où le vent est tombé.

Dans la roulotte, le silence pèse lourd. La blonde ne sait pas ce qu’il convient de dire. Si elle parle, il explose. Si elle se tait...


- CROCHETTE ! BORDEL ! Je te laisse une seconde et tout ce que tu trouves à faire c’est… ça ???? C’est qui, ce type, d’abord ? Tu l’as rencontré où ? Et qu’est-ce que vous faisiez, ici, seuls tous les deux, hein ? Je peux savoir ?
- On jouait aux osselets.

Elle se ferme comme une huître. C’est déjà assez dur d’avoir perdu une vie, si en plus il s’y met…
Et il y a quand même cet épineux problème, qu’les hurlements du Leu ne sauront trop résoudre. Qui l’effroyable spectre est-il allé chercher ?
Et tandis qu’Attila tourne comme un lion en cage, refusant d’mesurer toute l’ampleur du souci, elle pense.

« Elle est pleine de vie, cette petite »… Qui cela peut-il bien être ? Leur vie en est remplie, de femelles sautillantes… Elle cherche, elle farfouille. Ne peut s’empêcher de penser que c’est tout d’même moins grave que s’il s’en était pris à un brun ténébreux…
Les visages défilent. Les blondes, les rousses, les brunes, toutes dansant gaiement autour de son vicomte. Car c’est là qu’on les trouve, les fraîches et les pimpantes…

Les yeux de Vass s’écarquillent de terreur. Par Tristote, et s’il s’agissait de…


- Mon Vicomte ? Nul intention pour moi de vous déranger dans vos sympathiques discours sur les blondes sans cervelles, que vous mimez très bien, mais… Sauriez-vous par hasard ou se trouve vot’promise ?

Il la regarde sans comprendre, vexé d’avoir été coupé au milieu de sa tirade.

- Euh… Au théâtre mais… pourquoi Blanche, ma Crochette ? Je sais ton enthousiasme, mais… Es-tu vraiment sûre qu’elle aime autant que toi les fins d’soirée à trois ?

Elle rougit d’un coup des pieds jusqu’aux oreilles, hésite à le giffler mais se reprend bien vite… Si elle avait raison, elle mérit’rait bien plus que cette vanne fortuite.


- Attila ! C’n’est pas l’heure de la plaisanterie ! Il ne plaisantait pas, je parie !

Les yeux du vicomte aussitôt convulsent. Il ouvre la gueule, essaye de dire quelque chose et n'y parvient pas.
Finalement, il grogne, bondit, attrape sa main et l'entraine en courant. Il n'est plus temps d'causer, mais d'agir.


- BOURGOGNE ! Au théâtre !!!!
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