Edern
HRP : RP bien évidemment ouvert à tous, n'hésitez pas à vous amuser un peu !
Partout, la vie est de retour : les oiseaux gazouillent de plaisir, les arbres verdoient de bonheur, les rivières coulent allègrement vers la mer. Même le blanc des nuages le dispute en éclat au bleu du ciel. Les paysans regardent avec amour l'action bienfaitrice de l'astre solaire sur leur terre nourricière. Les vents joyeux administrent la communauté humaine. En trois mots comme en cent : les royaumes renaissent.
Partout ? Non, car un esprit irréductible résiste encore et toujours à l'envahisseur doucereux. Le monde ne lui est pas hostile : il ne lui est qu'indifférent, ce qui est bien pire. Il n'y a plus de spectacle. Plus de scène. Plus d'acteurs, plus de publics. Tout cela a disparu pour lui, car...
... les mots fuient le monde. Fuient le Fou ! Déjà deux mois... le temps qui ne comptait pas fait désormais sens. Les grains s'écrasent inexorablement au fond du sablier. Combien sont-ils ? Quel est le délai qui lui a été accordé ? Déjà soixante jours, soixante nuits d'une angoisse sourde sans cesse grandissante. Il doit avoir failli à sa mission, quelle qu'elle soit... il a dû perdre le combat. Oh, pour le savoir, il a bien essayé de s'abandonner totalement, de se retirer d'une réalité déjà bien éloignée. Rien. Rien, si ce n'est ces rêves. Ces cauchemars ! Récurrents, jamais tout à fait écartés. Là où les mots s'alignaient harmonieusement, là où prose et vers jaillissaient autrefois sans effort, des visions du néant font plus que le narguer : elles l'écrasent sans vergogne. Il est piétiné par le rien. Chaque combat est un peu plus violent et imprévisible que le précédent et il le sait. Réduit à une inhabituelle impuissance, le Fou ne peut que surveiller à la lisière de sa conscience ce qui le terrifie.
Que faire ? Chercher. Quoi ? Une réponse. Lui qui aime tant les questions...
~~~~~~~
Le Mans. Une taverne, n'importe laquelle. Non qu'elles constituent un refuge pour le trouvère déchu ; il n'est à l'abri nulle part. Depuis le début de la Fuite, aucun endroit ne lui a permis de retrouver ce qui lui manque. Ni les contrées du sud, ni le Périgord, ni le Limousin, ni le Berry, ni la Touraine, ni rien. Les tavernes demeurent pourtant un de ses lieux de prédilection, ultime parcelle survivante de son activité passée. On peut y écrire au chaud. Y rencontrer l'âme salvatrice, peut-être ? L'espoir est pourtant déçu depuis fort longtemps. Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui, alors que tout va mal ? Non, les raisons de sa présence ici sont purement matérielles.
Et d'ailleurs, la pêche aux renseignements est ouverte en toute saison, qui plus est dans une zone aussi stratégique que la capitale mainoise : s'ils ne guériront pas son mal, ils pourront toujours lui être utiles un jour. S'il survit... et si la survie en vaut la peine.
Table isolée au coin de la pièce. Chaise de bois. Du chêne. Écritoire en place, plume à la main, encre sagement liquide dans son fragile récipient. Feuille blanche ! Le Fou est désespéré, mais patient. La guerre est d'usure, il ne rendra pas les armes facilement. L'établissement est presque désert. Ça, il en a l'habitude ! Choisir sa solitude a toujours été un plaisir. Malgré les conflits, les maladies et les famines, on est vite perturbé, de nos jours. Pas de pitié pour les faibles.
Quelque chose qui s'agite, là-bas. Soudain, la douleur. Un voile passe devant les yeux d'Edern, qui fixent maintenant le mur poussiéreux d'en face. Le Fou n'a pas bougé, sa main continue de tenir l'instrument de sa gloire passée, son corps reste conforme à la position que le siège exige de lui. En lui, les images défilent, impitoyables. Des lettres d'acier labourent sa peau, arrachent ses os, déchirent ses organes. Le soleil est bleu, la mer est jaune. L'océan ! Il se rapproche en hurlant, l'engloutit. Il s'enflamme. Le glace.
Suffocation, suffocation, suffoc...
Songes d'un soir de printemps. L'esprit du Fou est en sang.
Partout, la vie est de retour : les oiseaux gazouillent de plaisir, les arbres verdoient de bonheur, les rivières coulent allègrement vers la mer. Même le blanc des nuages le dispute en éclat au bleu du ciel. Les paysans regardent avec amour l'action bienfaitrice de l'astre solaire sur leur terre nourricière. Les vents joyeux administrent la communauté humaine. En trois mots comme en cent : les royaumes renaissent.
Partout ? Non, car un esprit irréductible résiste encore et toujours à l'envahisseur doucereux. Le monde ne lui est pas hostile : il ne lui est qu'indifférent, ce qui est bien pire. Il n'y a plus de spectacle. Plus de scène. Plus d'acteurs, plus de publics. Tout cela a disparu pour lui, car...
... les mots fuient le monde. Fuient le Fou ! Déjà deux mois... le temps qui ne comptait pas fait désormais sens. Les grains s'écrasent inexorablement au fond du sablier. Combien sont-ils ? Quel est le délai qui lui a été accordé ? Déjà soixante jours, soixante nuits d'une angoisse sourde sans cesse grandissante. Il doit avoir failli à sa mission, quelle qu'elle soit... il a dû perdre le combat. Oh, pour le savoir, il a bien essayé de s'abandonner totalement, de se retirer d'une réalité déjà bien éloignée. Rien. Rien, si ce n'est ces rêves. Ces cauchemars ! Récurrents, jamais tout à fait écartés. Là où les mots s'alignaient harmonieusement, là où prose et vers jaillissaient autrefois sans effort, des visions du néant font plus que le narguer : elles l'écrasent sans vergogne. Il est piétiné par le rien. Chaque combat est un peu plus violent et imprévisible que le précédent et il le sait. Réduit à une inhabituelle impuissance, le Fou ne peut que surveiller à la lisière de sa conscience ce qui le terrifie.
Que faire ? Chercher. Quoi ? Une réponse. Lui qui aime tant les questions...
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Le Mans. Une taverne, n'importe laquelle. Non qu'elles constituent un refuge pour le trouvère déchu ; il n'est à l'abri nulle part. Depuis le début de la Fuite, aucun endroit ne lui a permis de retrouver ce qui lui manque. Ni les contrées du sud, ni le Périgord, ni le Limousin, ni le Berry, ni la Touraine, ni rien. Les tavernes demeurent pourtant un de ses lieux de prédilection, ultime parcelle survivante de son activité passée. On peut y écrire au chaud. Y rencontrer l'âme salvatrice, peut-être ? L'espoir est pourtant déçu depuis fort longtemps. Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui, alors que tout va mal ? Non, les raisons de sa présence ici sont purement matérielles.
Et d'ailleurs, la pêche aux renseignements est ouverte en toute saison, qui plus est dans une zone aussi stratégique que la capitale mainoise : s'ils ne guériront pas son mal, ils pourront toujours lui être utiles un jour. S'il survit... et si la survie en vaut la peine.
Table isolée au coin de la pièce. Chaise de bois. Du chêne. Écritoire en place, plume à la main, encre sagement liquide dans son fragile récipient. Feuille blanche ! Le Fou est désespéré, mais patient. La guerre est d'usure, il ne rendra pas les armes facilement. L'établissement est presque désert. Ça, il en a l'habitude ! Choisir sa solitude a toujours été un plaisir. Malgré les conflits, les maladies et les famines, on est vite perturbé, de nos jours. Pas de pitié pour les faibles.
Quelque chose qui s'agite, là-bas. Soudain, la douleur. Un voile passe devant les yeux d'Edern, qui fixent maintenant le mur poussiéreux d'en face. Le Fou n'a pas bougé, sa main continue de tenir l'instrument de sa gloire passée, son corps reste conforme à la position que le siège exige de lui. En lui, les images défilent, impitoyables. Des lettres d'acier labourent sa peau, arrachent ses os, déchirent ses organes. Le soleil est bleu, la mer est jaune. L'océan ! Il se rapproche en hurlant, l'engloutit. Il s'enflamme. Le glace.
Suffocation, suffocation, suffoc...
Songes d'un soir de printemps. L'esprit du Fou est en sang.