Ceerd ! On part c'soir alors ?
Non, c'est annulé.
Annulé. Elle avait dit annulé. Une blague, sans doute. Ça n'pouvait qu'être ça, non, ça ne devait qu'être ça. Les bras ballants et la bouche entr'ouverte, non pas pour imiter Cerdanne dans une tentative de drague, ou bien pour reproduire la bouche en coeur de Lilo. Non. Plutôt la mâchoire qui s'était alourdie d'elle même, brusquement. Annulé ? Chefs ? Pourquoi annulé ? L'incompréhension règne et ça se voit sur son minois. Elle se faisait une joie de prendre sa première vraie leçon de brigandage. Vraie leçon, car en avait déjà eu une. Du moins.. Disons qu'elle avait avait appris comment se fourrer dans un fossé, bien qu'elle sache déjà le faire, ça. Louise est une enfant, quel enfant ne s'amuse pas à visiter les endroits trop étroits pour n'importe quel autre adulte ? Se faire souris l'espace d'un instant, on court, on glisse, on se recroqueville quand il le faut. Les entrebâillements de porte, les murs dont certaines pierres se sont écroulées, petites issues. Tout passage étroit. Rien, rien ne lui résiste. Et de se sentir invincible. Un courant d'air. Insaisissable.
Faute d'apprendre un art qu'elle maîtrisait déjà. Ce fut la patience qu'elle dut apprendre. Patience. Louise. Voyez comme ça fait deux. Louise n'attend pas, ce qu'elle veut, elle l'obtient. A coup de menaces, de chantage, d'oeillades, qu'importe. Elle n'attend pas. Et pourtant, ce jour précis, elle avait dû s'y faire, mettre sa patience à l'épreuve. Et quelle épreuve. Une attente qui paraissait interminablement longue. Une attente qui devait conduire à l'amusement d'une part, à l'enrichissement de l'autre. Une attente qui fut finalement vaine. C'est bredouille qu'ils étaient rentrés. Juste une certitude en tête. Quand il s'agit de se trouver un bon endroit à champignons, sa Blonde de mère, elle est à la ramasse totale.
Alors la priver de sa vraie leçon, pas possible. Pas possible.. Ça l'était vraiment devenu lorsque Sadnezz avait annoncé que l'on n'annule pas une sortie dont elle a envie. C'est vrai ça, ça n'se fait pas. Une Louise qui forcément, abonde dans son sens. Qui parvient à la convaincre d'attendre un jour de plus, afin que Cerdanne et elle puissent la suivre. Oui, une sortie ça ne s'annule pas. Surtout ce genre de sorties. Sortie plus que désirée. Le désir d'apprendre, de se dégourdir les jambes, de n'plus voir ces mêmes personnes, encore et toujours. Elle a envie de prendre l'air, la gamine. Le soir tant attendu, les trois fugueuses s'en vont. Tant pis pour les chefs. Un ordre est fait pour être outrepassé, qu'on lui a dit, un beau jour. Ou peut-être que ça n'était pas vraiment tourné comme ça.. Et n'avait pas non plus la même signification ? Mais Louise elle là, tourne les choses à son avantage et nous pond un bel argument. Merci Louise.
Retour de promenade. Elles s'étaient partagées le butin. Plutôt Cerdanne et Sadnezz qui avaient partagé, à vrai dire. Louise les avait regardé faire, trier les écus, les compter, et lui en filer. Partie du butin qu'elle avait accueilli avec un large sourire. Fière qu'elle était la gamine. Elle avait joué son rôle d'appât à merveille. Rôle qui la rebutait, mais faute d'avoir le choix, elle l'avait accepté. Ça n'était pourtant pas faute d'avoir essayé de refiler le rôle à Cerdanne. Oui, Cerdanne aurait été parfaite en appât. Louise en était convaincue. Et d'imaginer Cerdanne se trémousser sur le chemin, lèvres entrouvertes, regard de braise qui se porterait sur les environs, à la recherche d'un passant à détrousser. Dés qu'elle imaginait la scène, un sourire amusé venait inévitablement habiter les lèvres de Louise. La prochaine fois, c'est ainsi que ça se passera. Elle l'a décidé et trouvera bien un moyen pour faire accepter cette décision. Jamais à court d'imagination. Déjà, elle prépare le pourquoi du comment. C'est qu'elle y tient, à voir Cerdanne en appât. Puis ça sera Sadnezz. Pas de raisons qu'il n'y ait qu'elle. Si se fut elle, c'est uniquement parce qu'elle est une enfant, elle le sait. Et bam, et de se reprendre sa condition d'enfant en pleine poire. Un jour, elle grandira ! Ouais d'abord ! .. Ah ben oui, pas de doutes là-dessus. Mais en attendant, elle cherchera un moyen de pression. L'est expérimentée la gamine, pour ce qui est du chantage. L'habitude. Ils la pensent petite dans tous les sens du terme. Petite ! Grande ! Petiiite ! Groumpf ! Grande j'te dis ! Haute comme trois pommes ! Toi, t'bête comme tes pieds ! Minuscule ! J'suis grande dans la tête !
Et la boucle est bouclée. Simplement.
Et vlam, qu'elle se prend Cerdanne de plein fouet à cause de l'arrêt brutal de cette dernière. Pensées qui s'envolent subitement tandis que l'attention est attirée par.. Un campement. Désert, le campement. La mine étonnée, grands yeux écarquillés, alors que ceux-ci étaient préparés à voir une Blonde et son Brun arriver en trombe, colériques. Louise avait tout imaginé, des cris, des engueulades méritées qui se heurteraient au répondant des fugueuses. Un regard emplit de reproches qui se planterait sans ses prunelles noires. Des reproches, beaucoup de reproches. Un tas de reproches. Des excuses inventées à la dernière minute. Pas compliqué. Clamer son envie d'apprendre. Pourquoi pas. Reprocher aux chefs de n'pas laisser de libertés. A éviter.
Mais non, personne, le calme plat.. Si l'on oublie les braillements de Sadnezz. Louisette s'avance de quelques pas, assez pour se retrouver au milieu, près du feu éteint. Plus de doutes possibles. Ils se sont barrés. Les ont laissé. Triste sort.. Ou peut-être est-c'mieux ainsi, finalement. Surprise, oui. Déçue ? Non.
M'ont laissée avec les mioooooooooooches!!!
Quels mioches ??
Y a pas de mioches ici !!!
Tas vu un mioche ici toi ??
Y a que nous, Bordel
y a que Nous !!!
Zont pas pu faire ça, hein Sad
Elle fait volte face la gamine, regard peu amène dirigé vers La Brailleuse number one. Les sourcils se froncent, le nez suit le mouvement. Parc'que y'en a marre, qu'on lui dise que c'est une mioche. La vieille, elle va en découdre !
Mais groumpf ! On est pas des mioches ! Pis t'façon, ç'fait rien du tout qu'sont plus là. Même si z'étaient restés, c'pas parc'que t'es vieille qu'ils t'auraient portée, hein. Pis trop d'charrette.. Ben t'finis par marcher trop lent'ment.
Et voilà Cerdanne qui s'y met.. Ah, 'sont beaux les adultes. Mais Louise profite de l'occasion. Forcément, puisque les adultes décident de pleurnicher. L'enfant prendra le rôle de l'adulte. Et que ça se hisse sur la pointe des pieds, histoire de. Elle se déride la Louisette. Nez et sourcils reprennent leur forme initiale.
Et pis on a à manger, alors on marche et voilà ! En plus que p'tete qu'en voyageant, y f'ront moins la gueule, et du coup, ça va faire qu'on va moins s'faire engueuler. Vouep !
Elle est belle la jeunesse, toute en naïveté. Mais elle y croit la gamine. Après tout, la colère et la tristesse s'envolent sur les ailes du temps. Il suffira de marcher lentement. Super lentement. Voyager avec seulement Cerdanne et Sadnezz ne la dérange pas vraiment. Elle apprend doucement à les connaître. Et puis, elle les aime bien. Fait qu'il faut préciser, rare, ça l'est. Elle est difficile notre gosse.
Évidemment, que les autres ne les aient pas attendu implique qu'elles vont devoir marcher, Ça n'embêtera pas Louise. Marcher, elle s'y est habituée à force de voyager en solitaire. Autrefois habituée aux voyages en charrette, elle s'est surprise à apprécier la marche. Ça lui permet d'évacuer, de flâner.
Et puis, ça lui évite d'avoir à se farcir Agnia pour le voyage. Goût amer qui la laissera en paix le temps de cette promenade à trois.
L'ignorer qu'ils disent.
Ignorer ? Cette gouge tarée qu'personne il veut la voir ? Ignorer, oui. Ne plus s'attirer d'ennuis. C't'un ennui à elle toute seule ! Pis t'façon, si elle m'dit des trucs, j'lui en r'dis d'autres qu'ça la fera dev'nir toute rouge, et triste. Ça n'est pas faire preuve d'intelligence. M'en fous, j'me défends moi !
Et, il faut l'avouer, elle se défend plutôt bien la gosse. Ce qui ne fait qu'envenimer les choses. Et aux autres de lui dire d'ignorer, encore et encore. Et Louisette qui repousse cette idée, encore et encore. Elle n'ignore pas, non, jamais. Ignorer c'est être faible, c'est ne plus rien avoir à dire face aux provocations. Louise a toujours quelque chose à dire, même si elle doit l'inventer de toutes pièces, elle ne se tait pas. Non, elle n'est pas faible. Ne veut pas l'être. Jamais. Elle le prouvera, coûte que coûte. A ses dépens.
Heeey, c'est quoi ça ! R'gardez !
Du doigt elle indique le parchemin non loin d'elle, air étonné sur la trogne.