Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2   >>

[Rp fermé] Les trois soudards.

--Malika



Malika se lève de la table familiale, écarte en souriant la main de Rodrigo posée sur sa cuisse, et un baiser aussi léger qu’une aile de papillon se pose sur les lèvres du jeune homme.

Amorré, je suis lasse, je vous laisse tous les deux, je veux voirr ce que nous emporterrrons dans nos bagages !

Elle dépose un baiser dans la crinière blanchie du patriarche.

Pèrre, excusez moi, j’ai besoin d’êtrrre un peu seule, je monte me coucher …

La gitane ramasse ensuite la feuille de papier où est dessiné le bijou.

Je vais le rranger précieusement, je crrrois que c’est vrrraiment très rressemblant !

La blonde fille de Bohème sort de la grande salle à manger. Pensive, elle monte lentement les escaliers de pierres ouvragées qui ornent le patio de l’hacienda et qui mènent aux chambres.

Les domestiques sont déjà passé par là, les draps de lin blanc sont ouverts, la courtepointe est abaissée, les bougies allumées répandent un halo doré dans la vaste chambre. Sur la coiffeuse, un bouquet de roses odorantes a été déposé dans un vase d’émaux délicats. Quitter ce paradis qui est devenu le sien sera un déchirement.

Tout est en ordre, paisible. La nuit est douce, un croissant de lune éclaire les allées du jardin. Le ciel est suffisamment clair et pur pour qu’elle puisse discerner les étoiles qui brillent d’un éclat de diamant.

Ses pensées sont embrouillées, allant de la douleur à la vengeance, en passant par la joie d’être soutenue et la peur de perdre ceux qu’elle aime
.
Est-il bien utile de quitter tout cela pour pourchasser les ombres qui l’empêchent de vivre ?

Et si le résultat final allait à l’encontre de son bonheur ? Si par sa faute il arrivait quelque chose à Rodrigo, au vieux lion ou à Sajarra? Jamais elle ne s’en remettrait. Elle porterait toujours sur sa conscience de leur avoir demandé de l’aider à se venger.

Accoudée sur la rambarde de pierre, elle aperçoit Rolio, son petit singe Capucin, compagnon des bons et des mauvais jours, joueur, voleur et tellement facétieux, livré à lui-même, et qui s’amuse à sauter de branche en branche. Il y a bien longtemps qu’elle ne s’est plus occupée de lui.

Tsssssss ! Tssssssss ! Rrrolio? Viens !

Malika croit voir un sourire se dessiner sur la mine renfrognée de Rolio. Non, elle ne le croit pas, elle en est sûre.
Avec allégresse son petit compagnon grimpe le long des bougainvilliers qui couvrent le mur, et saute sur son épaule, puis sur sa tête.

En riant elle s’assied sur le lit, Rolio accroché à son cou comme un bébé. Son regard vif cherche le sien, elle lui parle doucement, il l’écoute avec attention.

Ecoute-moi mon Rolio! Nous allons rrepartir, et tu viens avec nous. Terra est trrop vieux pour le voyage et Igorr aussi, ils resteront tous les deux ici, ils ont bien mérrité de se rreposer.

Le petit singe saute sur une table, prend un petit livret de poèmes agrémenté d’enluminures et le tend a sa maîtresse.
Malika repense au jour où Rodrigo le lui avait offert lorsqu’ils étaient encore à Paris. Elle le feuillette, songeuse. Sur la table de nuit est posé le dessin qu’elle a fait du bijou maudit.

Pour conjurer le sort elle le glisse entre deux pages de ces sonnets d’Amour. Demain elle le mettra dans son réticule pour que le précieux ouvrage la suive partout.
Demain … Il y a tellement de choses à penser pour demain …

Elle laisse glisser ses vêtements sur le sol, rince son corps à l’eau fraîche et se glisse dans les draps parfumés, laissant les rideaux de lit ouverts pour profiter de la douceur de la nuit. Rolio a pris possession d’un coussin confortable posé sur une cathèdre sculptée.

Plus tard, bien plus tard, elle sent que Rodrigo se glisse à ses côtés, elle se retourne et niche son nez dans le cou de l’homme qu’elle aime, un bras posé sur son torse.
--Joaquim



Voilà, c’est donc pour ce voyage, cette mission…
Cela devait arriver, le tocsin s’est mis à sonner de plus en plus souvent et de plus en plus fort aux oreilles du grand Arminho.

Au moins le rachat de ces fautes est achevé… Il est lavé de ces souillures…

C’est donc pour cette fois, oui, il le sent…

En face de son fils bien-aimé… il ne lui dira pas les réveils difficiles, le mal dans sa poitrine qui le ronge, les cailllots de sang qu’il recrache chaque matin, les courbatures, la difficulté toujours plus présente à se lever à chaque nouvelle aurore, l’envie de ne plus se réveiller…

L’envie de s’éteindre ; la bougie s’est consumée, elle n’a plus de cire…
Le vieux seigneur est las.

Mais pour lui, il n’est pas question de mourir dans son lit, non…
C’est au combat…
C’était sa vie, ce sera sa mort, il en a décidé ainsi.

On ira venger la petite ; ensuite le couple seigneurial vivra sans les ombres du passé…
… et d’une pierre deux coups, le vieux lion aura terminé sa mission…

C’est ainsi, c’est écrit…

La dernière mission, salvatrice des âmes pour les uns, salvatrice du corps pour l’autre.

Depuis le temps que cette satanée faucheuse rode, il lui a fait la nique bien trop longtemps.
Il est temps…

Oui ! La dernière mission !

Rodolfo ne devrait plus tarder à revenir de sa mission diplomatique, espérons qu’il ramène les documents, faisant de Rodrigo le légataire officiel de toutes ces terres des Almirante.

Tout va pour le mieux, c’est bien… Une plénitude envahit le corps du vieux guerrier.

- Tout ira pour le mieux mon fils… dit Arminho d’une voix claire et rassurante.

Debout, faisant le tour de la grande table en chêne, il se posta devant Rodrigo :

- Sajara, nous accompagnera, il a des picotements dans les doigts. Et tu connais son penchant pour ce genre d’aventure. Encore une fois la vieille garde sera au rendez-vous. Un sourire vint illuminer sa face de vieux soudards.
- Rodolfo qui était parti régler ce petit, cet infime désagrément de droit foncier, sera de retour d’un moment à l’autre… Je lui laisserai des instructions pour le domaine…
Il fixa son fils, le nouveau seigneur, attendant un signe d’approbation, pour effacer son empressement d’avoir encore une fois donné un ordre.
Il faut qu’il se fasse à l’idée qu’il n’est plus le seigneur de ces terres.
Un instant de flottement, un rictus aux coins des lèvres…
Il reprit :
- Oh ! Sur que ça ne va pas lui plaire, mais que ne ferait il pas pour toi.
Un éclat de rire et une accolade plus tard, Arminho quittait la pièce.
--Rodrigo




Voilà voilà. Les dés sont jetés. Tout s’organise, tout se met en place. Sous l’œil vigilant du précieux Rodolfo, l’hacienda sera bien gardée. Bien sûr, ça ne l’enchantera pas trop, mais il ne leur refusera pas ce service. Mais surtout, et c’est là l’essentiel, l’équipe est désormais au grand complet pour aborder cette périlleuse expédition en terre lointaine. Une équipe de choc. Oui, l’heure de la vendetta a sonné. Bientôt trois misérables cloportes crèveront dans d’atroces souffrances, si la chance conduit leurs bourreaux sur leurs traces.

Joaquim s’est levé et quitte la pièce après une vigoureuse accolade avec son fils. Une accolade d’hommes. Rodrigo a tout juste le temps de lui lancer quelques mots en le regardant franchir la porte.

Merci, père. Merci du fond du cœur. Avec ton concours, avec ta bonne humeur, tout me semble déjà plus facile. Tu as raison, mille fois raison, la vieille garde est irremplaçable. Salue pour moi Sajara et Rodolfo, et dis leur que Malika et moi nous leur serons éternellement reconnaissants de leur aide. Bonne nuit, père, je vais aussi aller me coucher dans trois minutes. Demain j’irai au port avec Malika, j’espère que nous pourrons tous embarquer bientôt.

Un dernier regard affectueux entre le patriarche et l’héritier, et la porte se referme dans un claquement discret. Rodrigo se retrouve seul. Pensif, il se ressert un verre de vin, et se plante face à la fenêtre. Sous ses yeux, son hacienda s’endort dans la douceur du soir, sous un fourmillement d’étoiles illuminant la tranquillité mélancolique du crépuscule. Tout est si beau ici. Si pur. Même la tristesse est belle. Même le silence est une musique enchanteresse venue du ciel. On pourrait être si heureux ici. Mais soit. Bientôt le vent nous portera vers la France, même si, en réalité, un bijou, un prénom, ne constituent que de minces indices. Y ont-ils suffisamment réfléchi ? Et Paris ? Paris est une fourmilière immense. La cour des miracles regorge de malfrats et de coupe-jarrets. D’ailleurs les trois bêtes malfaisantes y rodent-elles encore aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr.

Rodrigo soupire longuement … luttant contre ce malaise étrange qui le trouble et l’envahit. Ce n’est pas de la peur, non, c’est de la confusion. Un désarroi profond. Mais non ! Dix mille fois non ! Il ne faut pas que son bel enthousiasme se détricote. Pourquoi ces doutes si malvenus ? Allez, bon sang, secoue-toi un peu, ta gitane compte sur toi. Elle a besoin de ta force. Tu ne peux pas flancher. Tu n’as même pas le droit d’hésiter.

Le jeune homme s’arrache à la contemplation de la nuit. Sa belle dort sans doute depuis longtemps, si les trois fripouilles ne se sont pas immiscées dans son rêve, avec leur rire cruel et leur sexe dressé. Rodrigo regagne sa chambre et s’allonge auprès de sa princesse endormie. Elle vient se pelotonner entre ses bras, douce, chaude, fragile, et toujours profondément assoupie. Son souffle est régulier. Ses traits délicats sont paisibles. Les trois soudards honnis sont absents du rendez-vous nocturne. Rodrigo incline lentement le visage vers celui de sa blonde gitane, pose les lèvres sur les siennes en un baiser infiniment tendre. Ses doigts jouent un instant dans la chevelure dorée, roulent et déroulent les boucles d’or, mais avec mille précautions pour ne pas réveiller son ange qui semble si serein. Dors ma princesse de Bohème, je veille sur toi, et je t’aime.

Et bientôt leurs deux respirations se conjuguent, elles n’en font plus qu’une, qui se mêle à la quiétude des ténèbres, au bruissement familier du feuillage caressé par le vent du sud, jusqu’au retour du petit matin baigné de soleil.

--Malika


Un rayon de soleil se glisse au travers des rideaux de lit tirés et vient caresser les paupières closes de Malika.
Elle pousse un mignon grognement qui ne tarde pas à se transformer en sourire en sentant les bras de Rodrigo qui entourent sa taille fine et son souffle tiède soulevant ses cheveux blonds.
Elle se retourne, s’appuie sur le coude et, d’un doigt léger, caresse le visage du jeune homme, puis elle suit les angles de sa mâchoire, son nez droit, sa bouche bien ourlée, sur laquelle elle dépose un baiser léger.

Le coq s’est mis de la partie, et au troisième cocorico tonitruant Rodrigo se réveille et ouvre les yeux.
Les deux amants se dévisagent avec tendresse, le regard rempli d’amour.

Bien dorrrmi mon amourrrr ? Tu as parrrlé longtemps avec ton pèrrre? Et Sajara, tu l’as vu ?

De bon matin, le cœur léger, elle babille sans arrêt, même si le regard un peu voilé de son amour lui donne l’impression que ses paroles se perdent dans un brouillard matinal encore épais.

En riant elle le secoue, glisse ses doigts le long de ses hanches, le chatouille un peu, l’embrasse beaucoup, se fait capturer et mordiller le nez par son amant déjà en forme ascendante. Mais la belle est impatiente.

Amorre ! Vite, il faut se préparrer, nous devons aller au porrrt pourr voirr si des bateaux sont en parrtance pour la Frrance ! Alllez, rrréveille toi, lève toi parresseux !


Malika se dégage après le plus long baiser de l’histoire du Portugal. Près de la cheminée, sur la table, un plateau a été déposé par la servante des cuisines, qui est entrée en douce, sans les éveiller.
Une montagne de brioches encore tièdes répand ses arômes sucrés dans la chambre, chatouillant agréablement l’odorat des jeunes gens.
Ils dévorent avec un appétit d’ogre, se donnent la becquée comme des oiseaux turbulents, se disputent en riant pour la dernière brioche, leurs yeux se croisent, leurs mains se caressent, leurs lèvres se joignent encore …
Dans le cabinet de toilette attenant à la chambre, le baquet d’eau tiède les attend. Ils s’y précipitent ensemble, déclenchant une marée matinale et se taquinent comme deux chenapans bien plus qu’ils ne se débarbouillent, Rodrigo se montrant moins pressé que sa blondinette.

Malika enfile ensuite des braies de cuir, une jupe de monte, ses bottes de peau et une chemise de coton blanc. Elle noue un lien de cuir pour tenir ses cheveux fous et encore humides.
D’un regard appréciateur, elle détaille Rodrigo qui s’habille en vitesse. Même sans son uniforme d’officier, qui l’avait tant séduite lors de leur rencontre, son amant est d’une élégance naturelle rare.

Les joues de Malika rosissent, son cœur bat plus vite, mais….elle se contente de lui prendre la main et le tire vers la porte.

L’hacienda dort encore, ils descendent en silence le grand escalier, et, lorsque les gonds de la monumentale porte de noyer sculpté grincent et gémissent, Malika éclate de rire en appliquant vivement une main sur sa bouche pour essayer de le contenir.

Arrivés à l’écurie, Rodrigo selle rapidement Tempête, tandis que la jeune gitane parle doucement à l’oreille de Terra, tout en le caressant sur son nez tiède et duveteux, avant de serrer les sangles de la selle de cuir cirée.

Encorre un voyage, mon beau Terra, nous allons vers la merrr, cette fois ci. Ce serra plus facile pourr toi que les monts Pyrrénnéens !

La blondinette émet sifflement léger, tel un chant d‘oiseau, et son petit singe Rolio saute sur son épaule, prêt au départ. Le trio des temps anciens est réuni.
Le regard de Malika se durcit soudain. Les lâches qui ont abusé de sa fraîcheur et de sa jeunesse devront vendre chèrement leur peau, Rodrigo, son père le vieux lion, Sajarrra seront là maintenant, et plus personne ne lui fera de mal, plus personne ne la salira. Une fois morts les trois soldats ne la hanteront plus. Ils seront à leur place, en enfer !

Tout en chevauchant d’un galop léger, bottes contre bottes, ils suivent les méandres du Minho pour rejoindre le port de Viano do Castello.

L’esprit de Malika s’envole un instant vers les rives larges et sinueuses du Danube. Elle se souvient de la chaleur du campement, de ses années de bonheur tranquille, avant qu’elle ne le quitte pour fuir un mariage arrangé contre son gré.
Elle repense à son beau cousin, presque son grand frère, son compagnon de jeux préféré, à leurs fous rires et à leurs larmes lorsqu’ils recevaient une correction pour avoir commis mille bêtises. Jamais ils ne se plaignaient, ils étaient de la graine de fiers Tziganes, déjà.
Il l’avait initiée au combat au couteau, à manier le fouet sans rater sa cible, à réussir ses premiers larcins, à jouer quelques accords de violon.

Elle devait le rejoindre au campement réservé aux fils du vent, à la cour des miracles, mais elle ne l’a jamais retrouvé. Il ne restait que des cendres de sa roulotte, et pas âme qui vive.

Elle est prise de nostalgie, et les larmes d’un violon se glissent dans sa tête. Elle a perdu sa voix lorsque les mains d’Isabella se sont refermées autour de son cou, lorsque sa rivale a été à deux doigts de l’étrangler, mais, dans la douceur du matin, sous le regard amoureux de Rodrigo, la fille de l’air et du vent, la fille du désert et des steppes, entame un chant mélancolique de son enfance, de sa voix rauque et envoûtante.
Son amant l’accompagne en écorchant les mots, et ils rient de bon cœur.

Leurs chevaux filent à présent comme le vent, et, dans deux heures, ils arriveront au port.
--Rodrigo




Le port de Viano do Castello, niché au centre d’une crique aux reflets turquoises. Un éperon rocheux le domine de toute sa hauteur, couronné d’un halo couleur de topaze, suspendu entre l’azur incandescent et les eaux cristallines. De minuscules voiles blanches oscillent lentement à l’horizon, là où le ciel s’engouffre dans les vagues. Il est près de midi, et le soleil est à son apogée lorsque les deux cavaliers arrivent au galop sur l’immense jetée endormie par la moiteur épaisse de l’air. Décor de rêve pour un départ en guerre.

Un jeune singe capucin accompagne le couple, poussant de petits cris stridents, bondissant nerveusement du cou de la jolie blonde aux épaules solides du grand brun. Les chevaux se sont arrêtés côte à côte, face à une goélette à la coque fuselée, aux larges voiles triangulaires. Des odeurs entêtantes d’épices et de cannelle se mêlent aux délicieux parfums des fruits mûrs et envahissent le débarcadère.

Amor, je pense que Rolio a les narines qui palpitent. Regarde là, sur le pont, des paniers remplis d’abricots et de melons de Madère. Crois-tu que j’oserais aller me servir en douce ? Je ne vois personne qui rôde dans les environs. Viens, on s’approche …

Rodrigo prend sa belle par la taille et la pose délicatement sur le quai d’embarquement désert, mais jonché de rouleaux de cordage et de caisses extraites du ventre des bateaux. Il la serre tendrement contre lui, caresse les boucles blondes qui s’échappent du lien de cuir destiné à les maintenir en place. Distraction fatale … Déjà Rolio a pris la poudre d’escampette et sautille vers le trois-mâts. La planche servant de passerelle n’est pas installée, mais les haubans fixés au mât d’artimon sont à la portée de l’agile chenapan. Et c’est un jeu d’une simplicité enfantine pour le capucin que de s’agripper à un câble et de survoler allègrement les vaguelettes blanchâtres qui clapotent entre la coque et la jetée en soulevant de fragiles crêtes d’écume d’argent.

Ohh le filou ! Tu as vu, mon cœur, la gourmandise lui a donné des ailes ! Allez, Rolio, reviens ici tout de suite ! Cornegidouille, tu n’en fais jamais qu’à ta tête, vilain voleur !


Car bien-sûr ce n’est pas une balade touristique qu’entreprend le coquin ! Il s’est installé devant un cageot débordant d’abricots et se sert sans aucun complexe.

Eh bien mon ange, c’est du joli ! Que fait-on maintenant ? Ahh c’est vraiment une bonne idée d’avoir amené ce voyou !


Un large sourire se dessine sur les lèvres de Rodrigo. Il dévisage sa gitane, plutôt amusé par la situation.

--_lola


Etre seule, livrée à soi-même c’est dur ;
Etre seule, femme, avec le regard de braise d’une gitane, c’était un défi. Depuis plusieurs mois elle trainait dans le coin.
Le cœur emplit de haine et de douleur.
Les siens, anéantis par une populace peureuse et pieuse...
Elle courrait vite…Se fut la seule raison plausible à sa survie.
Mais là…elle sentait bien, la fille du vent qu’elle n’irait pas plus loin.
Elle s’épuisait.
Elle n’avait pas croisé un seul regard ami depuis sa fuite.
A vingt ans, on est solide mais ses limites étaient atteintes
.

Au pire, -se disait-elle quand la nuit noire la laissait frissonnante derrière un vague muret-
…Au pire, je brulerais leur village avant de rejoindre l’enfer.

Pour l’instant, on peut dire qu’elle avait encore la vie chevillée au corps et l’instinct de survie la poussait encore à agir..
Et Lola avait bien calculé son coup.
Depuis l’aube, elle flânait le long de la jetée.
Cherchant la faille…le bon moment pour chaparder…pour trouver de quoi remplir l’énorme creux de son estomac…

La goélette avait fière allure et Lola, les yeux plissés n’ l’avait pas lâché du regard.
Les manœuvres de l’équipage pour s’amarrer, les rires gras des hommes qui enfin posaient le pas sur le sol ferme et la lueur lubrique dans leurs yeux chafouins.


Ouais, ouais ouais…
Allez courir la catin et la bourgeoise qui s’ennuie. Allez vite vous vautrer dans les tavernes et les bordels.
Magnez vous…J’ai faim...


Le compte de matelots n’étaient peut-être pas juste mais suffisant pour que la chatte silencieuse qu’elle était se faufile en douce sur le bateau.
Accroupit entre les caisses de fruits, elle dévora silencieusement-la force de l’habitude.-Manger à la hâte et sans bruit-

Au fur et à mesure que les vestiges de son festin s’amoncelaient à ses pieds, son visage retrouvait un semblant d’éclat et un sourire fugace le traversait par moment.
L’estomac ne criait plus famine.
Il était temps pour elle de faire quelques réserves pour les jours à venir…

Le bruit incongru lui arracha un grognement.
Le regard mauvais, elle aperçut alors un minuscule singe, semblable à celui du Tio Pedro.
Son premier reflexe, tout droit venu de l’enfance, fut d’avancer une main amicale vers l’animal.
Le premier vrai sourire pour la gitane depuis bien longtemps.
La dure réalité de sa vie eut vite fait de retirer les doigts agiles et d’un mouvement brusque elle se leva et bondit…

Cherchant déjà à fuir …loin, loin, le plus loin possible…
Se faufiler entre les badauds..et disparaître…
--Jacinto_salvador




C’est une idée de génie, ce hamac suspendu entre deux crochets, dans la fraîcheur et la tranquillité de sa cabine, nichée sous le pont du bateau encombré de marchandises. Le capitaine Jacinto Salvador se balance doucement, les yeux mi-clos, s’abandonnant à une somnolence bien agréable, percevant à peine les ondulations légères de la houle qui caresse les flancs allongés de sa goélette, laquelle tangue avec nonchalance dans l’enceinte du port.

Faveur inhabituelle, donc très appréciée, il a donné quartier libre à son équipage pour la journée, en prévision du déchargement prochain des tonnes de fruits qui dorment sur le pont ensoleillé, en parvenant lentement à maturation. Ensuite, ils entreprendront ce long voyage devenu nécessaire, vers les côtes françaises, afin d’y faire rafistoler sur un chantier le carénage du rafiot, soumis ces derniers mois à la rude épreuve des tempêtes océanes.

Jacinto Salvador, seul maître à bord après dieu, et encore, porte à ses lèvres la bouteille de liqueur forte de Madère, au goût exquis de canne à sucre, de prune noire et de raisin sec. Il en engloutit une longue rasade, constate avec regret qu’il n’en reste plus une goutte, et envoie rouler la bouteille vide sur le plancher de bois exotique. Elle y ricoche contre deux de ses sœurs. Jacinto se pourlèche les babines comme un jeune chat assis devant un bol de lait, mais, tout-à-coup, il fronce les sourcils. Une moue de contrariété apparaît sur sa face cuivrée et tannée par le vent du large. Non, il n’a pas rêvé, et ce n’est pas le résultat de toute cette gnole ingurgitée depuis l’aube, non, c’est la seconde fois en quelques minutes qu’il entend trottiner au-dessus de sa tête, alors que tous les marins ont quitté le bateau. Qui donc a osé s’introduire sur le bâtiment ? Palsambleu ! Ca ne va pas se passer comme ça. Il se redresse vivement, titube un peu, empoigne son sabre. Ses bottes de cuir produisent un vacarme d’enfer dans l’escalier étroit qui le hisse sur le gaillard d’arrière. Là ! Il avait raison ! Une silhouette féminine se profile sur le pont, entre les caisses et les cordages.

Mortecouille ! Viens là, toi, la musaraigne !

Il happe au passage, entre ses gros doigts velus, le poignet de la donzelle qui tentait de quitter le trois-mâts, et il la secoue comme une poupée de chiffons. Il la dévisage de ses yeux sévères. La frimousse de la vaurienne est barbouillée de pulpe de fruits, et, derrière elle, gisent par terre des vestiges de son casse-croûte, noyaux, pépins, épluchures … Il resserre un peu sa grosse paluche sur l’avant-bras de la jeune inconnue.

Eh bien, petite chapardeuse, tu ne manques pas de culot ! Tu vas immédiatement me rembourser tout ce que tu as mangé, sinon je te fais cirer le pont entier, de la poupe à la proue, tu m’entends !

Les yeux fureteurs du capitaine explorent la scène, et il aperçoit cette fois le jeune capucin occupé à ripailler également.

Ca c’est un peu fort ! Tu as amené ton singe ! Et qui d’autre encore ? Tu es dans de sales draps, gamine !

Les rugissements et les menaces de Jacinto Salvador bondissent de quai en quai, et quelques badauds lèvent vers lui leurs regards étonnés.

--_lola


C’était trop beau !
Elle trouve l’étal idéal pour faire ses emplettes et un singe fureteur s’invite à sa table.
D’ordinaire, elle les aime ces petits monstres.
Mais là ! Il l’oblige à se barrer vite fait.
Il doit bien être à quelqu’un et, c’est sur, va y avoir du monde sur le pont très vite.

Pas un seul jour qui se lève pour elle sans que ce soit la pagaille.
Elle en a tellement sa claque de courir et de fuir au moindre signe de danger potentiel, qu’elle en perd sa prudence habituelle.
Les pas sont plus lourds et la fuite plus lente…


Tchak !!!

La main énooorme, la serre plutôt, se referme sur son poignet et Lola danse encore et encore contre sa volonté.
Ballotée, tête à droite, tête à gauche.
Les longs cheveux auburn flottent autour d’elle, balayant au passage ses joues collées de sucre et de pulpe.
La stupeur laisse vite place à la peur qui se transforme vite en rage…
La poigne crochue et velue tiens fermement la gitane. Mais elle se débat et gigote en tout sens.
Grommelant d’une voix sourde et crachant comme une chatte en colère.

Hijo de puta ! Dejame tranquilla..

Son regard brillant de fureur se plante dans celui de son geôlier et elle grimace.
L’haleine tiède et empesée de vapeurs de vin s’échappent autant que ces cris.


J’ai rien fait ! Lâche- moi !!
Il est pas à moi l’animal...Alors je paierais pas pour lui.
J’ai rien volé …
En plus tu empestes l’alcool, matelot..
T’es même pas capable de voir qu’un singe te vole !!Et du coup, tu te venges sur moi.
T’es bien un gadjo pour t’attaquer à une femme.
Et moi qui venais juste pour demander un renseignement.


Sans cesser de gigoter une seule seconde, elle tente désespérément de se dégager de cette main qui serre …qui serre.
Un coup d’œil vers les quais et elle comprend.
Il va finir par rameuter la patrouille ce diable d’homme.

Alors, contre toute attente, elle devient sage, statue immobile et se colle au bonhomme.
De loin, qui va penser à une voleuse…ptet à une dispute d’amoureux tout simplement.
Il faut que ça marche et que de surprise il la lâche…
Et elle pourra enfin espérer filer...
--Jacinto_salvador




Ventre-saint-gris ! Voilà que la bougresse se tord et se cabre comme une mule effrayée par la foudre ! Mais Jacinto tient bon, il l’a agrippée par une aile et ne la lâche pas, même si l’alcool de Madère mélangé à son sang ne l’aide ni à conserver l’équilibre, ni à bien assimiler tout ce qui se passe sur le pont. Mais foutre-dieu, ce n’est quand même pas cet asticot qui va faire la loi sur son bateau et lui donner des ordres ! La maigrichonne a beau gigoter et l’abreuver d’injures, – son père doit sûrement être charretier, se dit-il – elle ne réussit qu’à l’énerver davantage.

Et Jacinto Salvador, qui domine l’insolente d’une demi-tête au moins, se met à son tour à lui postillonner à la face un chapelet d’obscénités à faire rougir une mère-maquerelle dans l’exercice de ses fonctions.

Dis donc, petite vipère, tu veux que je te botte le cul jusqu’à ce qu’il soit aussi mou et aussi rouge que les tomates que tu viens de bouffer ? Un bon conseil, ne joue pas à la sainte nitouche avec moi, vilain morpion ! Je t’ai prise la main dans le sac, et tu me rembourseras jusqu’au dernier cruzado !

Le vieux loup de mer roule des yeux effrayants. Il s’étrangle à force de tempêter. Un abominable rictus de colère laisse apparaître une demi-douzaine d’affreux chicots jaunis par le tabac bon marché. Et soudain, est-ce un effet de sa fureur ? L’avorton s’est calmé, la voilà douce comme une brise marine. Elle a enfin compris que ça ne servait à rien de discutailler, c’est évident.

Bon, voilà déjà un problème à moitié réglé. La grosse patte aux doigts boudinés de Jacinto desserre son étreinte. Il jette à la gitane une dernière menace … « Toi tu ne bouges pas d’un cil sinon je t’arrache les guiboles ! » et sa colère se dirige cette fois vers le singe minuscule qui n’a pas interrompu son gueuleton. Jacinto Salvador fait deux pas en direction du pique-assiette. « Vas tu fiche le camp, sale bête ! ». La semelle de sa botte cogne lourdement le plancher pour effaroucher la bestiole, et la manœuvre fonctionne au delà de toute espérance. Le capucin déguerpit en poussant des braillements aigus et se jette dans les haubans.

Les yeux mauvais du capitaine se posent sur la donzelle puis sur l’attroupement qui se forme à quelques enjambées de la goélette. Tous ces enquiquineurs l’exaspèrent. Et puis, il est bien à quelqu’un, ce maudit animal, non ? Jacinto grogne à nouveau, apostrophant les curieux.

Elle est à qui, cette guenon, morbleu ? Va falloir que son propriétaire me rembourse tout ce qu'elle a dévoré !

See the RP information <<   <   1, 2   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)