Daresha de Jeneffe
Poligny- Ryes.
Combien de jours? Trop à n'en pas douter. Et combien de nuits? Tout autant. Mais de leur nombre exact elle n'a aucune idée. Même la raison de sa chevauchée infernale lui échappe à l'instant même où se dresse devant ses yeux l'imposante forteresse de l'Ordre Royal de la Licorne; Ryes. Loin remonte la dernière fois et la toute première fois d'ailleurs, où ses pieds ont foulé le sol normand. Il fut un chapitre de l'Ordre, bien morne à ses yeux. Pourquoi y était elle venue alors? Tant de raisons et d'irraisons. Et la plus folle était Lui. Son seul regard d'azur suffisait à soulager sa peine et une partie de la douleur de son coeur. Le temps avait ensuite passé, égal à lui même et avec les facéties nombreuses qui le caractérisent, et les perles de mer pure étaient devenues son plus précieux miroir lorsqu'ils étaient réunis. Mais le destin avait repris ses oeuvres destructrices, art dans lequel il excelle avec magnificence. Son dernier chef d'oeuvre? Une sublime tragédie en plusieurs actes, une ode à la douleur, une satyre contre la pauvre nature humaine : sur la route de l'enfer, quand les coeurs se brisent en sacrifice à la folie, sont les deux premiers chapitres d'une probable longue série, pathétique succès dans un monde en déperdition.
Et elle, elle se dresse et se dessine, moqueuse et indifférente, la belle forteresse licorneuse, sur fond d'un paysage qui commence à se couvrir de son beau manteau d'automne. Sait elle seulement? Mais qu'en aurait elle à faire de toute façon. Ce n'est qu'une immense bâtisse de pierres vides de toute vie, même si y rôdent peut-être les âmes des nombreux chevaliers tombés au cours de divers combats. Les mystères de la mort peuvent donner naissance à de biens étranges légendes qui attisent chez les gens de bien contradictoires sentiments comme la peur et la fascination. Mais la mort a cet avantage d'être concrète et effective, de faire ressentir des sentiments réels même s'ils n'en sont pas moins douloureux. Alors que la disparition, elle... Enfin passons. Ou alors peut être pas finalement. Balance affligeante des impressions, espoir et désespoir, mauvais pressentiment. Et son instinct ne la trompe jamais. Il reste toutefois cette espérance malgré tout qui picote dans son ventre tordu d'une angoisse nauséeuse.
Dans un mouvement incontrôlé, ses mollets dont la forme galbée est épousée par un cuir noir de première qualité transformé habilement en bottes par un artisan flamand, se resserrent contre les flancs foncés et trempés de sueur du jeune frison qui lui sert de monture. Le geste aurait pu n'avoir qu'une faible conséquence, qu'une allure rallongée raisonnablement. Il aurait pu. Mais aux talons ont été passés des éperons d'argent dont les pointes rondes sont venues s'enfoncer dans les côtes mouillées de l'animal, qui s'entraine dans un galop retentissant, sous ses sabots s'élevant des petites mottes de terre et d'herbe.
C'est là bas qu'elle veut aller. C'est au fief de l'animal chimérique qu'elle veut se rendre mais dans quel but? Attirance curieuse, fascination injustifiée exacerbée. Aller là bas et puis c'est tout. Parce que... Parce qu'il le faut. Dans son esprit fatigué les questions s'amoncèlent, se superposent, se choquent et s'entrechoquent, se contredisent alimentées par la plus grande de ses peurs: celle de le perdre. Et à cet instant où est-il? Une lettre juste une lettre froissée avec une écriture baveuse et souillée. Une lettre pleine d'incompréhension, de mots devenus confus et flous, sans aucun sens. Du moins, n'a-t-elle pas voulu le comprendre ce sens car après tout, est-ce chose là réellement possible ce qu'il s'est passé dans les bois de leurs terres vicomtales? Non, cela n'a pu. Et pourtant, pourtant... Et si finalement ce n'était qu'une manigance artificielle, qu'une intrigue de sa part pour la quitter.
Tu sais au fond de toi que c'est une hypothèse à ne pas négliger, douce Rose. Oui, tu le sais... Ton premier époux t'a offert le mariage sans te donner la fidélité. Crois-tu sincèrement qu'il en fut autrement pour lui? Ouvre les yeux, Comtesse. Il n'est jamais là, ton chevalier au collier d'or. Vos vies sont différentes, même si tu persistes à croire le contraire. Belle comptine pour enfants que celle dans laquelle tu te perds stupidement : la plume et l'épée pour défendre les mêmes idéaux; à chacun sa manière de défendre une pensée commune. Mais réalise que ça ne vaut rien. Et que lui aussi, c'est un homme avant d'être un chevalier avec ses envies et ses désirs et qu'avec toi, il a du apprendre à les maîtriser, à les renier. Je pense pour ma part qu'il s'est enfin décidé à te quitter. Il aura mis du temps mais il y sera enfin arrivé!
La revoilà la Foëne, si longtemps partie et si longtemps oubliée. La voilà à nouveau répandant son verbe acéré et blessant au fond de l'esprit comtal usé par les affres de la peur. Non, il ne peut, impossible, parce qu'il l'aime et que jusqu'à la fin des temps leurs âmes seront liées par l'amour qu'ils se portent. Il ne peut il ne peut... Les larmes ruissèlent sur ses joues et s'envolent emportées par la bise forte qui claque sur le visage de la Comtesse qui continue malgré tout son chemin, distançant sans peine les deux gardes qui avaient réussis à s'embarquer dans sa folie naissante.
Ryes...
A la fois toujours plus proche et toujours plus loin. Est-ce possible? Lourde impression qu'elle s'échappe à son approche. Quel est donc ce maléfice, ce tour de la vue qui ne fait qu'accroître son énervement et sa détresse? Elle s'en rapproche elle le sait, elle éperonne toujours plus dans l'excès les flancs du pauvre destrier qui se couvrent d'un peu de son sang, teintant la sueur dégoulinante et lui donnant une couleur de vin délié. Mais il ne se plaint pas et se plie à la tâche, fidèle quil est à sa cavalière éperdue. Il galope toujours plus vite, tempête endiablée à lallure excessive, volant au dessus du chemin emprunté. Jusquau bout, il ira ; jusquau bout sans faillir il lamènera. Il la suit dans ses délires démentiels, animal soumis, obéissant, docile. Ou peut être comprend-il sa détresse, mais quimporte après tout.
Ryes...
Là, juste là, à quelques pas, à quelques foulées. A portée de main se trouve son espoir, du moins un espoir, sûrement futile et inutile. Et change de note le son des sabots, passant dun son sourd et absorbé aux claquements expressifs du fer sur les pavés. Les pavés signe quelle arrive enfin. Ils défilent sous elle en une longue bande à la couleur salie par les jeux dune météo changeante et imprévisible. Juste là, plus que... Plus que?
Comme muées par une force extérieure, ses mains gantées se referment sur les rênes jusque là laissées lâches pour que le cheval ne soit pas empêché dans son allure, et les tirent en arrière dans un mouvement empreint d'une sècheresse digne d'un été sans eau. Surprise d'être déjà arrivée à destination, elle sort de cette étrange rêverie dans laquelle elle était plongée pour réalisée que son but est atteint. L'entrée... Mais cette fois le pauvre destrier n'a pas vraiment aimé d'être ainsi coupé dans son élan et se cabre à maintes reprise, les naseaux grands ouverts et tournés vers les cieux. Hennissant d'énervement, ses postérieurs se pliant et glissant sur les dalles, il entraine une peur éprouvante dans le coeur de sa cavalière qui tente vainement de retrouver sa maitrise et un calme certain. Longues et nombreuses sont les minutes qui s'écoulent. Ou peut-être n'est qu'une impression? Mais l'impression d'avoir mal au coeur, elle, est bien là. A nouveau cette douleur déjà connu lors d'une chevauchée solitaire dans les bois de Marchiennes. A nouveau cette sensation que l'on vous arrache votre précieux organe vital déjà bien altéré par les folies de votre vie.
-Comtesse!
Il piaffe le beau noir, d'impatience et de nervosité. Il piaffe, ses oreilles tournées vers l'arrière, entendant le bruit de ses congénères. Il piaffe de retrouver son calme alors que les voix des gardes se rapprochent. Qui...
-Etes vous sûre que ça va aller?
Mais ne pas répondre alors qu'on lui prend les rênes des mains et qu'elle ne peut y résister. Fatigue, grande fatigue. Tête qui tourne, paysage flou.
Ou est il....
Ou est il....?
Guillaume!!! Guillaume!!!
Son âme gronde et sa colère teintée de désespoir se fait enfin jour. Elle crie, s'agite, se laisse glisser à terre et manque de s'effondrer sous le poids de sa souffrance. Tout juste sait elle se rattraper comme elle le peut au pommeau saillant de sa selle. Direction tout droit, vers les gardes. Eux ils sauront. Eux ils sauront... C'est sur.
Ou est il?
Dites moi où il est?!
Ô rage! Ô désespoir ! Ô destin machiavélique!
N'a-t-elle donc vécue que pour une vie tragique?
Et n'a t-elle, avec lui, beaux idéaux, partagé
Que pour voir ses pétales flétrir à une ombre embrumée?
Ses bras, qu'avec respect toute sa tendresse admire,
Ses bras qui tant de fois ont sauvé son empire,
Tant de fois affermi le trône de son étincelle,
Trahit donc son âme et ne fait rien pour elle?
Ô cruel souvenir de son amour passé!
Oeuvre de tant d'espoirs et d'échanges inégalés!
Nouvelle abjection fatale à son bonheur!
Précipice élevé d'où monte son malheur!
Faut-il dans cette affliction voir triompher le tourment,
Et mourir sans certitude ou vivre dans le déchirement?
Comte, tu fus son prince à présent disparu;
Ce haut rang n'admettant point un homme perdu;
Et le destin moqueur, de cet amour digne,
Malgré le choix des rois, a su se rendre indigne.
Et toi, de ses exploits, glorieux instrument,
Il t'a pris à elle, de son coeur, précieux ornement,
Fer, porté haut, longtemps votre défense,
Leur a servi de parade, pour commettre leur offense,
Ainsi, quitte désormais cette futile vie mortelle,
Revient pour la venger ou lui briser les ailes.*
Et à qui demander que Lumière s'illumine sur son âme damnée? Grand est le vide, l'angoisse, la douleur. Et coule la souffrance comme une tempete magistrale. Tout est vide, tout. Peut-être... Espoir ou faux espoir, lequel peut être semblable à une infecte meurtrissure?
- Cerridween...
* Inspiré du Cid, extrait acte I, scène 4
Combien de jours? Trop à n'en pas douter. Et combien de nuits? Tout autant. Mais de leur nombre exact elle n'a aucune idée. Même la raison de sa chevauchée infernale lui échappe à l'instant même où se dresse devant ses yeux l'imposante forteresse de l'Ordre Royal de la Licorne; Ryes. Loin remonte la dernière fois et la toute première fois d'ailleurs, où ses pieds ont foulé le sol normand. Il fut un chapitre de l'Ordre, bien morne à ses yeux. Pourquoi y était elle venue alors? Tant de raisons et d'irraisons. Et la plus folle était Lui. Son seul regard d'azur suffisait à soulager sa peine et une partie de la douleur de son coeur. Le temps avait ensuite passé, égal à lui même et avec les facéties nombreuses qui le caractérisent, et les perles de mer pure étaient devenues son plus précieux miroir lorsqu'ils étaient réunis. Mais le destin avait repris ses oeuvres destructrices, art dans lequel il excelle avec magnificence. Son dernier chef d'oeuvre? Une sublime tragédie en plusieurs actes, une ode à la douleur, une satyre contre la pauvre nature humaine : sur la route de l'enfer, quand les coeurs se brisent en sacrifice à la folie, sont les deux premiers chapitres d'une probable longue série, pathétique succès dans un monde en déperdition.
Et elle, elle se dresse et se dessine, moqueuse et indifférente, la belle forteresse licorneuse, sur fond d'un paysage qui commence à se couvrir de son beau manteau d'automne. Sait elle seulement? Mais qu'en aurait elle à faire de toute façon. Ce n'est qu'une immense bâtisse de pierres vides de toute vie, même si y rôdent peut-être les âmes des nombreux chevaliers tombés au cours de divers combats. Les mystères de la mort peuvent donner naissance à de biens étranges légendes qui attisent chez les gens de bien contradictoires sentiments comme la peur et la fascination. Mais la mort a cet avantage d'être concrète et effective, de faire ressentir des sentiments réels même s'ils n'en sont pas moins douloureux. Alors que la disparition, elle... Enfin passons. Ou alors peut être pas finalement. Balance affligeante des impressions, espoir et désespoir, mauvais pressentiment. Et son instinct ne la trompe jamais. Il reste toutefois cette espérance malgré tout qui picote dans son ventre tordu d'une angoisse nauséeuse.
Dans un mouvement incontrôlé, ses mollets dont la forme galbée est épousée par un cuir noir de première qualité transformé habilement en bottes par un artisan flamand, se resserrent contre les flancs foncés et trempés de sueur du jeune frison qui lui sert de monture. Le geste aurait pu n'avoir qu'une faible conséquence, qu'une allure rallongée raisonnablement. Il aurait pu. Mais aux talons ont été passés des éperons d'argent dont les pointes rondes sont venues s'enfoncer dans les côtes mouillées de l'animal, qui s'entraine dans un galop retentissant, sous ses sabots s'élevant des petites mottes de terre et d'herbe.
C'est là bas qu'elle veut aller. C'est au fief de l'animal chimérique qu'elle veut se rendre mais dans quel but? Attirance curieuse, fascination injustifiée exacerbée. Aller là bas et puis c'est tout. Parce que... Parce qu'il le faut. Dans son esprit fatigué les questions s'amoncèlent, se superposent, se choquent et s'entrechoquent, se contredisent alimentées par la plus grande de ses peurs: celle de le perdre. Et à cet instant où est-il? Une lettre juste une lettre froissée avec une écriture baveuse et souillée. Une lettre pleine d'incompréhension, de mots devenus confus et flous, sans aucun sens. Du moins, n'a-t-elle pas voulu le comprendre ce sens car après tout, est-ce chose là réellement possible ce qu'il s'est passé dans les bois de leurs terres vicomtales? Non, cela n'a pu. Et pourtant, pourtant... Et si finalement ce n'était qu'une manigance artificielle, qu'une intrigue de sa part pour la quitter.
Tu sais au fond de toi que c'est une hypothèse à ne pas négliger, douce Rose. Oui, tu le sais... Ton premier époux t'a offert le mariage sans te donner la fidélité. Crois-tu sincèrement qu'il en fut autrement pour lui? Ouvre les yeux, Comtesse. Il n'est jamais là, ton chevalier au collier d'or. Vos vies sont différentes, même si tu persistes à croire le contraire. Belle comptine pour enfants que celle dans laquelle tu te perds stupidement : la plume et l'épée pour défendre les mêmes idéaux; à chacun sa manière de défendre une pensée commune. Mais réalise que ça ne vaut rien. Et que lui aussi, c'est un homme avant d'être un chevalier avec ses envies et ses désirs et qu'avec toi, il a du apprendre à les maîtriser, à les renier. Je pense pour ma part qu'il s'est enfin décidé à te quitter. Il aura mis du temps mais il y sera enfin arrivé!
La revoilà la Foëne, si longtemps partie et si longtemps oubliée. La voilà à nouveau répandant son verbe acéré et blessant au fond de l'esprit comtal usé par les affres de la peur. Non, il ne peut, impossible, parce qu'il l'aime et que jusqu'à la fin des temps leurs âmes seront liées par l'amour qu'ils se portent. Il ne peut il ne peut... Les larmes ruissèlent sur ses joues et s'envolent emportées par la bise forte qui claque sur le visage de la Comtesse qui continue malgré tout son chemin, distançant sans peine les deux gardes qui avaient réussis à s'embarquer dans sa folie naissante.
Ryes...
A la fois toujours plus proche et toujours plus loin. Est-ce possible? Lourde impression qu'elle s'échappe à son approche. Quel est donc ce maléfice, ce tour de la vue qui ne fait qu'accroître son énervement et sa détresse? Elle s'en rapproche elle le sait, elle éperonne toujours plus dans l'excès les flancs du pauvre destrier qui se couvrent d'un peu de son sang, teintant la sueur dégoulinante et lui donnant une couleur de vin délié. Mais il ne se plaint pas et se plie à la tâche, fidèle quil est à sa cavalière éperdue. Il galope toujours plus vite, tempête endiablée à lallure excessive, volant au dessus du chemin emprunté. Jusquau bout, il ira ; jusquau bout sans faillir il lamènera. Il la suit dans ses délires démentiels, animal soumis, obéissant, docile. Ou peut être comprend-il sa détresse, mais quimporte après tout.
Ryes...
Là, juste là, à quelques pas, à quelques foulées. A portée de main se trouve son espoir, du moins un espoir, sûrement futile et inutile. Et change de note le son des sabots, passant dun son sourd et absorbé aux claquements expressifs du fer sur les pavés. Les pavés signe quelle arrive enfin. Ils défilent sous elle en une longue bande à la couleur salie par les jeux dune météo changeante et imprévisible. Juste là, plus que... Plus que?
Comme muées par une force extérieure, ses mains gantées se referment sur les rênes jusque là laissées lâches pour que le cheval ne soit pas empêché dans son allure, et les tirent en arrière dans un mouvement empreint d'une sècheresse digne d'un été sans eau. Surprise d'être déjà arrivée à destination, elle sort de cette étrange rêverie dans laquelle elle était plongée pour réalisée que son but est atteint. L'entrée... Mais cette fois le pauvre destrier n'a pas vraiment aimé d'être ainsi coupé dans son élan et se cabre à maintes reprise, les naseaux grands ouverts et tournés vers les cieux. Hennissant d'énervement, ses postérieurs se pliant et glissant sur les dalles, il entraine une peur éprouvante dans le coeur de sa cavalière qui tente vainement de retrouver sa maitrise et un calme certain. Longues et nombreuses sont les minutes qui s'écoulent. Ou peut-être n'est qu'une impression? Mais l'impression d'avoir mal au coeur, elle, est bien là. A nouveau cette douleur déjà connu lors d'une chevauchée solitaire dans les bois de Marchiennes. A nouveau cette sensation que l'on vous arrache votre précieux organe vital déjà bien altéré par les folies de votre vie.
-Comtesse!
Il piaffe le beau noir, d'impatience et de nervosité. Il piaffe, ses oreilles tournées vers l'arrière, entendant le bruit de ses congénères. Il piaffe de retrouver son calme alors que les voix des gardes se rapprochent. Qui...
-Etes vous sûre que ça va aller?
Mais ne pas répondre alors qu'on lui prend les rênes des mains et qu'elle ne peut y résister. Fatigue, grande fatigue. Tête qui tourne, paysage flou.
Ou est il....
Ou est il....?
Guillaume!!! Guillaume!!!
Son âme gronde et sa colère teintée de désespoir se fait enfin jour. Elle crie, s'agite, se laisse glisser à terre et manque de s'effondrer sous le poids de sa souffrance. Tout juste sait elle se rattraper comme elle le peut au pommeau saillant de sa selle. Direction tout droit, vers les gardes. Eux ils sauront. Eux ils sauront... C'est sur.
Ou est il?
Dites moi où il est?!
Ô rage! Ô désespoir ! Ô destin machiavélique!
N'a-t-elle donc vécue que pour une vie tragique?
Et n'a t-elle, avec lui, beaux idéaux, partagé
Que pour voir ses pétales flétrir à une ombre embrumée?
Ses bras, qu'avec respect toute sa tendresse admire,
Ses bras qui tant de fois ont sauvé son empire,
Tant de fois affermi le trône de son étincelle,
Trahit donc son âme et ne fait rien pour elle?
Ô cruel souvenir de son amour passé!
Oeuvre de tant d'espoirs et d'échanges inégalés!
Nouvelle abjection fatale à son bonheur!
Précipice élevé d'où monte son malheur!
Faut-il dans cette affliction voir triompher le tourment,
Et mourir sans certitude ou vivre dans le déchirement?
Comte, tu fus son prince à présent disparu;
Ce haut rang n'admettant point un homme perdu;
Et le destin moqueur, de cet amour digne,
Malgré le choix des rois, a su se rendre indigne.
Et toi, de ses exploits, glorieux instrument,
Il t'a pris à elle, de son coeur, précieux ornement,
Fer, porté haut, longtemps votre défense,
Leur a servi de parade, pour commettre leur offense,
Ainsi, quitte désormais cette futile vie mortelle,
Revient pour la venger ou lui briser les ailes.*
Et à qui demander que Lumière s'illumine sur son âme damnée? Grand est le vide, l'angoisse, la douleur. Et coule la souffrance comme une tempete magistrale. Tout est vide, tout. Peut-être... Espoir ou faux espoir, lequel peut être semblable à une infecte meurtrissure?
- Cerridween...
* Inspiré du Cid, extrait acte I, scène 4