Karolinger
Craon libérée.
La vieille cité morne et passive a vécu d'intenses journées.
Elle a connu les affres de l'occupation, l'horreur de la défaite, mais connait maintenant la joie de la libération.
A nouveau, un peu de solitude. Karolinger, une nouvelle fois, s'éloigne.
Il découvre les chemins de traverse, car il n'est plus chez lui.
A quelques minutes de marche, à l'autre extrémité des vergers, commence le royaume de la paix.
Un havre de sérénité que personne ne vient troubler, et qu'il a découvert au cours de ses promenades en solitaire.
Otto aime bien, le soir, découvrir les espaces qui l'entourent.
Il s'assied, s'adosse à un arbre. Un poirier.
Il sait, quelqu'un lui a dit, il ne sait plus qui, que c'est René d'Anjou qui a introduit en Anjou les poiriers, avant de mourir.
René d'Anjou... Otto entend souvent parler de ce seigneur illustre.
Un modèle ? Un symbole ? Même pas. Il n'en reste reste plus que de la culture générale.
Otto, lui, n'a jamais reçu la moindre éducation. Sa vie ne le destine pas à en recevoir.
Il restera toujours illettré, ignorant de ces grands hommes qui précédèrent cette époque.
L'envie lui prend de hurler, à nouveau. Pas à mort, cette fois-ci, mais à la joie. La victoire.
Des chiens, peut-être, lui répondraient une nouvelle fois. Mais à quoi bon ?
Il se tâte, mais abandonne l'idée. Il fait jour. Ce serait ridicule.
Tout comme il est déjà ridicule d'être entouré de gamins, de les envoyer se battre comme s'ils savaient le faire.
Comme s'ils y étaient prêts, déjà, malgré leur âge.
Il arrache une touffe d'herbe, qui se déracine toute entière.
Il la secoue un peu, machinalement, perdu dans ses pensées. La terre tombe.
Un brin d'herbe se désolidarise des autres, tombe. Otto le ramasse, un souvenir en mémoire.
Souvenir de môme. Il le perce dans la longueur, l'examine, puis souffle dedans.
Le petit sifflement étouffé fait sourire le soudard.
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Otto von Karolinger,
Évêque de l'Église Angeviniste,
Limier fidèle d'Aurélien de Penthièvre.
Karolinger
Un froufrou et des cailloux qui roulent.
Un non-dit assourdissant qui couvre le sifflement.
Des jambes qui apparaissent devant sa tête penchée.
La gamine, en chair et en os ainsi qu'en vêtements, apparaît devant lui.
Otto ! Han v'marchez vite dites...
Otto lève la tête. La gamine.
Elle est jolie, il le reconnait volontiers.
Mais la bêtise et l'idiotie la rendent horrible.
Dommage.
Ce qu'elle fait là ? Il l'ignore. Elle fouine. Les chiens n'aiment pas les fouines.
Il la regarde, d'un air mauvais qui veut dire "Pourquoi tu viens m'faiche, toi ?".
Il se retient de grimacer, de grogner, mais la fixe des yeux.
Un reniflement, puis il lâche le brin d'herbe.
Vous m'apprenez dîtes hein ?
La gamine s'assied face à lui, bien décidée à lui faire boire la Calyce jusqu'à la lie.
Et vous savez grimper aux arbres ? Et puis vous croyez que c'est vrai qu'il y a des lutins qui vivent dans les branches et qui sortent la nuit vous ?
Il hausse les épaules. Il ne sera pas tranquille, autant faire avec.
Chez moi c'sont des "Kobolds", ils creusent des mines d'cobalt.
Si j'mais t'en vois un jour, et qu'ils se mettent à danser, cass'toi en courant.
Maintenant, va voir ailleurs si y'a des lutins.
Son plus long discours de la journée.
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Otto von Karolinger,
Évêque de l'Église Angeviniste,
Limier fidèle d'Aurélien de Penthièvre.
Karolinger
Ahahahaha j'ai vot'nez !
Otto regarde la gamine, sidéré, atterré. Elle est allée trop loin.
Qu'on le prenne pour un chien, qu'on le traite comme tel, normal. Il est là pour ça.
Qu'on l'insulte, le bafoue, le traine dans la boue, pourquoi pas ?
Mais qu'on le touche ! Qu'on se joue de son nez ! Non.
Son nez est disgracieux. Une partie de son visage est brûlée.
Il est laid, il le sait. Cette blessure là n'est pas refermée, et ne le sera jamais.
Son nez tordu, il le doit à quelques facéties de la Nature.
Son visage brûlée, à de cruels évènements de son enfance.
Tout son caractère, toute sa vie, son acceptation du titre "Chien"... il doit tout à sa laideur.
Mais là, non. Elle est allée trop loin, pense-t-il une seconde fois.
Il ramasse l'épée à son côté. Offerte par Aurélien.
L'épée est bâtarde, comme lui, comme son statut. Le pommeau représente une tête de chien.
Il attrape Calyce par le bras, fermement, puis la plaque contre lui avec violence en lui agrippant la tête.
Il lève l'épée, regarde Calyce une dernière fois dans les yeux, puis abat l'épée.
Une fraction de secondes passe, l'épée tranche, puis il la laisse tomber à terre.
Un sourire cruel se fige sur le visage d'Otto, qui exhibe devant la petite un morceau de chair sanglante.
Ahahah, et moi, j'ai ton oreille !
Qu'elle sache, maintenant, que tout en lui est laid. Pas seulement le physique.
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Otto von Karolinger,
Évêque de l'Église Angeviniste,
Limier fidèle d'Aurélien de Penthièvre.
Otissette
[ Vicomté de Blou quelques jours plus tard ]
Des jours que la gamine avait perdu son oreille maintenant, tous les jours la Vicomtesse la soignait, enfin jetait un il dessus serait plus juste. A chaque fois que la mèche de cheveux de la gosse découvrait lesgourde, avec grâce et discrétion elle la lui remettait en place (la mèche pas loreille !!! )
Puis elle le voyait, Calyce allait pas super bien depuis ce regrettable ACCIDENT, mouais accident quelle disait la gamine, ly croyait pas vraiment la Vicomtesse à son histoire de prétendant qui se meurt damour pour elle et qui voulait un morceau de la gosse.
Vu létat de la gamine, Tiss faisait semblant de croire ce quelle lui disait, elle buvait même ses paroles sans moufter, mais depuis tout ce temps la gamine devrait retrouver le sourire, et rien.
Le brune tournait en rond dans son château, fort bruyant depuis linstallation de Leandre faut lavouer, réfléchissant comment faire pour que Calyce redevienne Calyce ! La gamine insouciante et marrante, quelle adorait, là elle lui faisait mal au cur à errer lâme en peine.
Puis le flash, lidée lumineuse ou pas, mais idée quand même et à défaut de mieux on fera avec. Pour résumé ce qui trotte dans la tête de Tiss est simple. La gosse à pas fait le deuil de son oreille et cest pour ça quelle va pas bien. Et comment on fait son deuil ? Avec un enterrement pardi !
Et vla notre Vicomtesse qui se déguise en grande organisatrice de funérailles. Déjà elle pense au superbe banquet qui sen suivra, les victuailles de luxe dont elle raffole tant et quAurélien presque généreusement lui offre, mouais presque ça cest une autre histoire quune autre fois nous vous compterons. ( Mais très intéressante somme toute ! )
Menfin manque le plus important dans tout ça, cest bien beau de festoyer mais avant
donc après avoir ordonné la préparation du repas gargantuesque daprès cérémonie penchons nous sur le problème cérémonial.
Premier soucis Calyce lest spino, pfff les spino, elle y connait rien la Tiss puis elle a même entendu dire quils les brulent eux leur morts, un peu comme ce quon fait avec les sorciers en fait. Faut appeler lad machin chose mais en fait non parce que pour sur le vioc va lenvoyer sur les roses, quel ingrat celui là quand même.
De toute façon la Vicomtesse en est certaine, la gosse doit pas y connaitre grand-chose au spinosisme, elle sy est faite trainer par Finam, qui pour sur ne lui enseigne pas grand-chose. A la manière Aristotélicienne elle fera épicétou !
Faudra donc un cercueil, oui oui une boite en bois ! Un charpentier pour le façonner ! Leandreeeeeeee, ah mais comme à son habitude il est JAMAIS là quand on a besoin de lui, il se débrouille toujours pour éviter les tâches ingrate !
Lancêtre, tsss il stationne depuis des mois à Angers, jamais là non plus quand on a besoin, et les autres charpentiers de Saumur, cest lArwin qui lui a piqué. Quelle idée de construire un bateau aussi ! Toussa pour trimbaler le prince, peut pas venir à cheval comme tout le monde celui là.
Auré ? Hum pas certaine quil serait dune grande aide sur ce coup là. Bon bah tant pis elle va sy coller elle-même. Après un rapide tour au marché pour se fournir en bois, bois quelle aura dailleurs payé un prix dor, 4.50 le stère si ça cest pas abusé ! Et je vous le donne en mille qui est lescroc qui lui a vendu ça ? Môsieur Aurélien de Penthièvre en personne !
Une honte je vous dis ! Quatre écus et cinquante deniers.
Citation:08-05-2010 09:30 : Vous avez acheté à Aurelien. 10 stères de bois pour 4,50 écus.
Et le pire cest que comme elle est pas douée mais très prévoyante, des stères elle en a acheté une bonne dizaine ! Sait-on jamais.
Voilà quau bout de quatre loooooongues heures à manier divers outils ramassés par ci par là, outils que Tiss serait incapable de nommer si quelquun avait lidée saugrenue de lui demander. Bref elle se retrouve avec un tite boite, un peu grande pour loreille, mais qui ferait laffaire tout de même.
Un joli tissu déposé à lintérieur et notre Vicomtesse pas peu fière de son uvre, en extase même reste à ladmirer pendant un moment. Cest pas tout fallait encore faire part de la chose à tout le monde, fin des festivités quoi.
On rameute tous le personnel de Blou et les voilà qui partent prévenir tout le monde, entendait par là, les amis de Calyce prêt à laider à surmonter son chagrin immense. Et oui ça arrive !
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Clelie.
Culpabilité quand tu nous tiens !
Les enterrements c'est un peu comme les mariages plein de gens et de la bouffe, plein de bouffe. Avec une cérémonie qu'on écoute que d'une oreille pour se ruer vers le buffet à la sortie.
Généralement on y retrouve la vieille tante Germaine qu'on sort que pour les grandes occasions et qu'on colle devant le buffet mais surtout ça permet d'avoir des nouvelles de la famille ou de jaser tout dépend de quel point de vue on se place.
Par exemple, l'oncle machin qu'a eu deux bâtards avec sa cuisinière aux jupons légers, de la petite dernière qu'on a du mal à caser, le neveu qu'a finit au presbytère non pas parce qu'il avait la foi mais parce qu'il avait un visage si ingrat que de toute manière on aurait rien pu en tirer sans compter la cousine du troisième degré qui y a dix gosses dont pas un qui ressemblent au cousin Arthur.
Tout ça avec une mine de circonstance : larmichette ou sourire béat c'est selon...
Bien que la mioche exècre ce genre de manifestation, là elle pouvait pas faire l'impasse, c'était quand même l'oreille de sa moitié qu'on allait filer comme repas aux vers de Blou et tout ça par sa faute à elle !
Parce qu'elle était pas là quand Caly avait eu besoin d'elle. Notons qu'elle se pose même pas la question si elle aurait pu vraiment lui être utile face au chien dont elle avait fait connaissance apprenant par la même occasion qu'il avait délesté sa surette de son oreille. Un grand très grand et très moche qui faisait peur et que s'il faut elle serait ressortie elle aussi avec une oreille en moins.
Mais devant la mine défraichie de Calyce, Clélie n'avait pas cherché ni a argumenter ni à se défiler, elle assumait sa part de responsabilité si ça faisait plaisir à Calyce et lui promis d'assister à l'enterrement.
Pourtant avec Leandre, ils avaient bien tenter de remettre un brin de symétrie au minois de Calyce mais cette dernière n'avait pas paru convaincue du bien fonder de l'idée de devenir une tirelire vivante...
Mise à part ce détail, une fois la culpabilité de Clélie établie dans cette sombre histoire, les retrouvailles c'étaient passées comme si elles ne s'étaient jamais quittées, des éclats de rire et un débit de connerie à la minute digne de tenir tête au plus grand alcoolique du royaume !
Les épaules basses et les grelots qui sonnent le glas, Clélie armée de la carte que lui a refilé Calyce passe le guet pour rejoindre le petit attroupement aux cotés de la malheureuse...veuve ?
Petite main qui vient naturellement enserrer celle de sa moitié.
B'jour !