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[RP] Mais où est donc Ornicar ?

Lilo-akao
[Quand souffle le vent de la colère, la tornade n'est pas loin...] Sémur


- « Ma Dame ! Ouvrez je vous en prie ! »

Les coups pleuvaient avec vigueur sur la porte close derrière laquelle l'éclopée en furie s'était cloitrée après avoir mis la maisonnée sans dessus dessous, la laissant dans un état tel qu’on s’imaginait aisément qu’un troupeau de sangliers y avait élu domicile depuis des décennies. Un vrai carnage ! Et cela n’était pas près de cesser ! Le pan en bois massif frémissait dans ses gonds sous le choc des poings fermés, qui le heurtaient avec violence. Verrouillé de l'intérieur, il constituait un obstacle infranchissable pour la domestique désespérée, qui ne pouvait qu'imaginer avec horreur la scène se déroulant dans la chambre, de l'autre coté du battant. La voix de la brune rugissait de rage et lançait des cris de haine qui résonnaient bruyamment dans le couloir.

- « Je vais le tuer ce troufion puant ! Vous m'entendez ? Je vais le tuer ! »

« Schkling! » Les éclats de cristaux explosèrent en une myriade d'étincelles, projetant des gouttelettes ambrées sur la somptueuse tapisserie qui recouvrait le mur. Les étoiles miroitantes s'égrainèrent sur le plancher et crissèrent sous les bottes en cuir lorsque la jeune noble se dirigea à grands pas vers les morceaux de parchemin qui jonchaient le sol devant la fenêtre. Elle se baissa pour en ramasser un au hasard et parcourut du regard les mots qui y étaient tracés d'une écriture sec et cassante: «...s’est donné la mort dans la chambre d'auberge où il avait pris... »

- «...ses quartiers à Toul, dans le Grand Duché de Lorraine... Cet idiot croit-il que je ne sais pas où se trouve Toul ?»

Ses doigts agrippèrent un nouveau bout de vélin qu'elle assembla au premier, en vain. Elle se redressa et jeta rageusement les fragments froissés. Aucune importance! De toute façon elle connaissait par cœur le contenu de la lettre!

- « Et qu'est-ce-qu'il foutait là-bas d'abord ? Aurore, vous m'entendez ?» Ses pas se dirigèrent vers la porte, sur laquelle elle prit appui.
- « Je vous entends ma Dame. Ouvrez s'il vous plait! »La voix était suppliante, mais la brune colérique était imperturbable.
- « Il ne peut s’agir que d’un vil mensonge ! Hermès est fourbe ! Il veut me voir souffrir ! Ce n'est qu'un manipulateur ! Il ne m'a jamais inspiré confiance. Je le haïs ! Il ment comme il respire ! »

Rassurée de savoir que sa suivante était toujours attentive à ses propos, la jeune noble s'écarta à nouveau du battant en bois et se mit à faire les cent pas dans la chambre. Ses doigts glissèrent dans ses cheveux en bataille pour écarter une mèche ébène qui lui barrait le visage. Une fureur destructrice coulait dans ses veines sans qu'elle ne parvienne à la canaliser. Son regard perçant se posa sur la table dressée où les mets intactes avaient eu le temps de refroidir. Un brusque revers de main balaya la surface polie, provoquant un fracas de vaisselles brisées. Les claquements de bottes reprirent, rayant le plancher lorsqu'ils passaient sur les débris acérés.

- « Mon frère n’aurait jamais commis un tel acte ! Jamais ! Pourquoi aurait-il fait une chose pareil ? Pourquoi ? C'est insensé ! »

L'éclopée rageuse s'arrêta pour observer son reflet dans le miroir de la coiffeuse, transformée pour l'occasion en tablette d'écriture où trainaient plume, vélins et pot d'encre. Le visage qui se mirait dans la glace avait les traits tirés et les cernes qui soulignaient ses yeux rehaussaient la pâleur de sa peau. Glissant ses doigts dans sa chevelure ébène, elle remit de l'ordre dans sa coiffure avant de se saisir de sa dague posée là et de se diriger à grand pas vers la porte qu'elle ouvrit brusquement, faisant sursauter d'effroi la malheureuse domestique qui se trouvait là.

- « Ne me tuer pas ! Je… je ne voulais pas vous offenser. Je ferais ce que vous voudrez, mais ne me faites pas de mal ! Je vous en conjure… »

La brune secoua la tête devant l'air paniqué de la jeune femme avant de soulever légèrement un pan de sa robe pour glisser la lame dans sa botte droite. La chose faite, elle se redressa et toisa la domestique de haut en bas avant de lâcher d'un ton sec :

- « Commencez par vous ôter de mon chemin, sombre sotte ! Et trouvez moi un oignon, ainsi qu'un chapelet. Je vais chez le notaire. »

C'est ainsi qu'une heure plus tard, elle se retrouva à se tenir bien droite, l'allure hautaine face à la porte du notaire. Elle y frappa trois grands coups du pommeau de sa canne et attendit en silence qu'on vienne lui ouvrir, un air exacerbé assombrissant sa mine.
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--Le_notaire


[Tard le soir, cabinet de Maître Sanlessou, Sémur]


"Rhaaa arrêtez donc de trembler lorsque vous écrivez ! Regardez vos lettres sont de travers, comment voulez-vous recopier convenablement un testament si on ne peut pas relire derrière vous ?!"

Le vieux notaire infligea une tape derrière la tête de son assistant, témoignant de son mécontentement. Lui, le jeune homme sortit tout droit de l’université de Paris, ne faisait qu’encaisser une remontrance de plus et des heures supplémentaires comme tous les soirs. Il s’essaya cependant à une remarque :

"Il faut dire, maître, que la flamme du cierge commence à faiblir… la qualité de la cire laisse à désirer et je ne vois plus où je pose ma plume et…"

"Comment ça vous ne voyez plus ?! Je vois très bien moi ! J’ai fait ça pendant des années, alors faites-en autant. Et la cire est très bien comme elle est, ne discutez pas ! Tant que vous n’aurez pas terminé cette copie, vous ne bougerez pas de votre chaise !"

Bien qu’il reconnaissait en son for intérieur qu’elle était de très mauvaise qualité, il était cependant hors de question de dépenser quelques écus de plus pour avoir une cire correcte. Il était bien plus occupé à compter ses piécettes tous les jours, à vérifier qu’il n’en manque aucune, et à reprendre sans cesse son assistant – qu’il sous-payait - pour son bon plaisir de faire passer sa mauvaise humeur sur lui.


"Rhaaa, je me demande à quoi vous servez parfois… Il faut toujours être derrière vous !"

Le vieux regagna son bureau lentement, prit place sur sa confortable chaise, et recommença son passe-temps favori, empilant les écus les uns sur les autres. La concentration se lisant sur son visage ridé par des années de travail et de sommeil manqué, il n’aurait jamais admis un quelconque dérangement à cet instant et pourtant...

BOUM, BOUM, BOUM.


L’assistant releva la tête de ses écritures et regarda en direction de la porte du cabinet. Devait-il y aller ou pas ? Bien qu’il continuait à travailler, le cabinet était fermé aux clients…


"Eh bien qu’attendez-vous ?! Que la porte s’ouvre toute seule ?! Rhaaa mais levez-vous donc !"


L’œil gris du vieux notaire manquait de sortir de son orbite alors qu’il regardait méchamment son assistant et lui lançait déjà en sa direction, la petite sacoche vide, gardienne des piécettes, que l'assistant eut juste le temps d'esquiver. Comprenant le message, ce dernier quitta sa chaise usée sur le champ et se rua vers la porte. Il déverrouilla les trois verrous installés, et tira sur le loquet. Il entr'ouvrit lentement la porte, prudent, craignant un voleur par une heure si tardive.
Et c'est une jeune femme qu'il découvrit derrière. Il l'observa un instant, se demandant si elle était déjà venue, puis sourit poliment en ouvrant davantage la porte.


"Bonsoir Mademoiselle, que pouvons-nous pour vous ?"

Lilo-akao
[Ô rage ! Ô désespoir !... Elle monte un traquenard !]


Vite ! Vite ! Pressons ! La brune devait mettre à profit les derniers instants qui lui restaient avant que la porte ne s’ouvre et qu’elle n’ait à affronter le vilain notaire pas beau, aux longues dents pointues et aux griffes acérées.

Bien que ne l’ayant jamais rencontré par le passé, l’éclopée se faisait une idée très précise du genre d’homme sur lequel elle allait tomber quand le battant en bois pivoterait pour lui livrer passage et la laisser entrer dans le nid du vautour affamé. Il ne pouvait s’agir que d’un vieil ancêtre ridé, à la mine acariâtre et à l’œil brillant d’avidité. Il serait de ceux qui vous sucent le sang jusqu’à la moelle pour ne pas avoir à vous céder le moindre quart de terrain. Vous savez, elle s’attend à tomber sur ce genre d’homme face auxquels il faut déployer tous ses moyens et faire preuve d’une imagination débordante pour parvenir à grappiller ne serait-ce qu’une miette de pain.

Fort heureusement pour elle, de l’imagination, la brune en avait à revendre ! Plongeant rapidement la main droite dans sa poche, elle en sortit un mouchoir en dentelle, soigneusement plié, qu’elle ouvrit doucement en prenant garde à ne pas faire tomber son contenu. Le bout d'étoffe brodée contenait des tranches d’oignon, coupés en lamelles, qu’elle approcha à hauteur de son visage avant de s'en appliquer deux sur les yeux, qu'elle s'efforça de maintenir ouverts, envers et contre tout ! Un picotement intense se fit immédiatement sentir, la faisant larmoyer de plus belle tandis qu’une grimace de douleur se peignait sur ses lèvres. Serrant les dents, elle retira les deux lamelles de ses yeux embués pour les replacer dans le mouchoir, qu’elle serra vigoureusement dans sa main afin d’imprégner le tissu de jus d’oignon. La chose faite, elle jeta au loin les tranches de la piquante bulbe, avant de glisser rapidement son mouchoir dans sa poche, au moment même où la porte s’entrebâillait devant elle pour laisser apparaitre un jeune homme à le tenue bien mise et la mine polie, donnant l’impression à la brune qu’il avait un balai coincé dans l'arrière-train. De toute évidence, il ne pouvait s’agir du notaire, puisqu’elle se l’imaginait bien plus vieux et un peu moins avenant.


- « Bonsoir Messire, j’ai rendez-vous avec Maitre Sanlessou, mais à la vue de votre mine étonnée, je devine que je n’étais point attendue. Il a probablement oublié que je devais lui rendre visite. Je savais bien que cet homme est sénile ! Et dire qu’il gère nos affaires familiales ! Me voila dans de beaux draps… »
Et de secouer légèrement la tête, en affichant un air exaspéré, avant de reprendre d'un ton plus clame et larmoyant : « Laissez-moi entrer, je vous en prie !»

La brune renifla bruyamment et lança un regard désespéré à l’homme qui se tenait toujours dans l’encadrement de la porte. N’attendant pas sur sa réponse, elle lui balança soudain trois coups de canne dans les cotes, juste de quoi le faire reculer pour lui livrer passage. S’engouffrant dans la bâtisse tel un coup de vent, sans prendre la peine de jeter un regard derrière elle, pour ne pas laisser au jeune homme, le temps de protester, elle s'avança d’un pas déterminé jusqu'au bureau derrière lequel siégeait un vieux rabougri à l'air revêche.

« Le bonsoir, Maitre. Il semble que vous m’ayez oublié. Je ne sais que penser face à ce laisser-aller… Je suis Luna Wolback de Chambertin. Nous devions nous voir pour une affaire urgente au sujet du testament de mon frère, décédé il y a peu… »


Au culot ! Elle y va au culot ! Non seulement, elle n’avait pas rendez-vous avec le notaire, mais en plus de cela, elle ne savait fichtrement pas si son frère avait rédigé un testament ou non. L’essentiel était de paraitre à la fois sure de soi, furieuse et attristée, pour parvenir à désarçonner le vieil homme par ses humeurs changeantes. Étant donnée la mine coriace qu’il affichait, l’affaire ne serait pas aisée, mais la brune savait se montrer aussi têtue qu’une mule. Elle ne lâcherait pas le morceau avant d'avoir obtenu ce qu'elle était venue chercher !
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--Le_notaire



[Du mensonge, de la comédie, en veux-tu, en voilà]



Quarante-sept, quarante-huit…

"Bonsoir Messire, j’ai rendez-vous avec Maitre Sanlessou, mais à la vue de votre mine étonnée"

*Ben voyons…*
Quarante-neuf, cinquante…

"…cet homme est sénile ! Et dire qu’il gère nos affaires familiales !"

*Hé hé… comme elle y va* Cinquante-trois, cinquante-quatre.

Il interrompit son activité et se pencha de côté dans le vide pour observer qui se trouvait derrière la porte. Humpff… Jamais vu. Et elle voulait entrer en plus. Maître Sanlessou rangea soigneusement dans son tiroir secret, les précieuses piécettes, avant de se lever maladroitement à l’aide de sa canne.
La mine grimaçante, il observa la jeune femme débouler devant lui, s’invitant de tout son être au milieu de la pièce, l’œil larmoyant et les traits du visage faussement tirés par le chagrin imaginaire. Des comme ça, il en avait vu passer pendant ses quarante-deux ans de carrière : des futures veuves qui venaient réclamer l’héritage avant même que leur mari ne succombe au poison administré le matin même, des filles de « soi-disant » seigneurs faisant croire qu’elle devait hériter d’une part de testament, des femmes qui… Rhaa et puis à quoi bon lister tout cela… ? C’était toujours des cas différents, c’était toujours la même histoire cependant, et bien trop souvent de la comédie. Le vieux notaire avait appris à déceler les vrais des faux comportements, mais celui qui se présentait ce soir était des plus… renversants.
C’est qu’elle avait prévu son coup la demoiselle, c’est qu’elle savait bien mentir, c’est qu’elle sentait l’oignon aussi. Toujours la même recette pour pleurer rapidement. Cela faisait ricaner le vieux de l’intérieur mais la grimace accrocheuse et méfiante se dessinait toujours sur son visage dans la profondeur de ses rides. Tout en s’approchant d’elle, il souleva sa canne du sol et vint la cogner dans celle de la petite jeune, et ricana un instant après avoir écouté son discours de petite fille riche. Sorte de provocation.


"Wolback de Chambertin dites-vous… ? Hmm… Nous n’avions pas de rendez-vous ensemble Demoiselle. Mais puisque vous êtes là, je ne vais pas vous renvoyer hein…"


Il la toisa du regard, la dévisageant de son air aigri, trouvant qu’elle était plutôt bien habillée, sans doute de bonne noblesse – le nom en disant déjà long – et l’évidence de quelques piécettes de plus se profilait déjà à l’horizon. Le visage du notaire s’éclaira alors, l’œil gris malicieux cherchant à rassurer la demoiselle, et la canne guidant déjà une place confortable à son bureau.


"Asseyez-vous donc…"

Il passa derrière la jeune femme et remarqua que son assistant était toujours resté planté, hagard, devant la porte ouverte. Agacé de son inactivité, il lui écrasa le pied au passage, grinçant entre ses dents un « Bougez-vous », avant de revenir devant la demoiselle, tout sourire. Il s’installa confortablement à sa table de travail.

"Votre nom ne m’est pas inconnu… J’ai récemment traité un dossier du nom de Wolback de Chambertin, dont j’ai dû recopier moi-même des exemplaires, hein n’est-ce pas mon cher assistant ?!"


Il jeta un regard méchant en direction du jeune homme, puis revint vers la demoiselle, sourire aux lèvres.

"Dites-moi, si vous me dites que votre frère n’est plus de notre monde, vous devez très certainement avoir un acte de décès, hm ?"

Sur ce point, Sanlessou était très pointilleux et exigeait toujours des documents sérieux lorsqu’il s’agissait de son travail. Toutes les larmes du monde et les rondelles d’oignon pouvaient être réunies, rien ne ferait entorse à cette règle.
Lilo-akao
[Sanlessou, donnez-moi tout !]


Pas de rendez-vous. Pas de rendez-vous… Et alors ? Il devrait s’estimer heureux qu’elle daigne lui accorder quelques instants de son précieux temps, voila ce qu’elle avait envie de lui répondre, au vieux aigri, pas si sénile que ça, à sa grande déception. L’affaire en aurait été bien simplifiée, mais il fallait s’attendre à ce que son frère ait choisi son notaire avec grands soins et que l’homme soit des plus compétent. Eriadan n’accordait pas sa confiance à la légère et l’âge avancé de Maitre Sanlessou, loin de lui faire perdre la boule, ne pouvait qu’être gage de son expérience et de ses capacités de gestion de toute cette fichue paperasse à laquelle la jeune femme avait, habituellement, bien du mal à accorder un semblant d’intérêt.

Il y a toutefois des événements exceptionnels, qui vous font déroger à certaines règles. L’annonce du décès de son frère en était un pour la brune, bien décidée à mettre la main sur l’acte de propriété de la demeure de son défunt jumeau, ainsi que de la cave à vin qu’il avait récemment acquise. Il était hors de question qu’elles soient laissées à l’abandon alors que la jeune femme pourrait en tirer profit en revendant la maison à bon prix et en continuant à exploiter la cave, dont le vin produit lui assurerait une source de revenus supplémentaire pour arrondir ses fins de mois. Et oui ! N’allez pas croire que la jeune noble roulait sur l’or ! Bien que sa bonne mise et ses vêtements aux étoffes soyeuses laissaient supposer une richesse qu’elle était loin de posséder, il ne s’agissait que d’un leurre destiné à tromper le notaire et à donner à la brune un peu plus d’importance qu’elle n’en avait réellement, subterfuge auquel elle avait recourt à chaque fois que cela l’arrangeait ou qu’elle devait faire une apparition en haute société. Les apparences sont trompeuses, n'est-ce-pas ?


- « Vous me voyez flattée de ne point être mise à la porte telle une vulgaire roturière », ironisa-t-elle d’un ton hautain, avant de prendre place sur le siège que le vieil homme lui indiquait du bout de sa canne.

Tandis que le notaire contournait le bureau pour s’installer en face d’elle, la jeune noble s’apprêta à caller sa propre canne en appui contre la table, puis changea d’avis et se tourna vers l’assistant qui semblait s’être enfin décidé à refermer la porte derrière lui.


- « Jeune homme, maintenant que vous avez fini de faire des courants d’air, pourriez-vous me garder ceci je vous prie ? Je vous remercie. »
Et de lui coller d’office sa canne entre les mains - oh, et puis son col aussi, tant qu’à faire ! - avant de se tourner à nouveau vers le vieil homme pour lui signifier qu’il avait enfin toute son attention.

Ainsi, il avait bien traité un dossier récent appartement à un Wolback de Chambertin. Les personnes portant se nom ne courant pas les rues, il ne pouvait s’agir que d’une affaire concernant son frère. Pourquoi était-il passé chez le notaire ? Lui avait-il confiés les documents relatifs à la cave à vin qu’il avait nouvellement acquise ? A moins qu’il ne s’agisse d’un texte officiel tout autre… Son testament peut-être ? Avait-il vraiment planifiée sa mort ? Dans ce cas, qu’elles étaient les raisons l’ayant poussées à commettre un tel acte, et pourquoi ne pas en avoir avisée sa sœur ? Autant de questions qui se bousculaient dans la tête de la jeune femme, jusqu’à ce qu’elles s’évaporent en fumée lorsque le notaire lui demanda un document attestant du décès d’Eriadan.


- « L’acte de décès de mon frère ?... Il a trouvé la mort en Lorraine, loin de sa famille. Comment voulez-vous que je me procure un tel document alors que j’étais à des lieues et des lieues des dernières terres qu’il aura foulées ?»

Hermès possédait-il un document officiel faisant acte du décès d’Eriadan ? Si c’était le cas, pourquoi ne pas l’avoir signalé à sa sœur ou le lui avoir fait parvenir avec la missive lui annonçant la nouvelle de sa mort ? Et pourquoi ne s’était-elle pas rendue compte plus tôt de l’absence de ce document ? Elle n’avait aucune preuve du décès de son frère et c’était bien ce qui la dérangeait depuis le début. Dès qu’elle aurait quitté le bureau du notaire, elle écrirait à ce valet malveillant pour exiger une preuve de ce qu’il avançait. Elle aurait du le faire bien plus tôt. Elle écrirait à Loulianne également. Celle-ci avait accompagné son frère durant son voyage. Peut-être en saurait-elle un peu plus. Ce manipulateur d’Hermès aurait très bien pu inventer toute cette histoire, mais dans quel but ?

- « Vous m’avez dit que vous aviez eu affaire à lui récemment. Est-il venu vous voir pour rédiger son testament ? Savait-il qu’il allait mourir ? »

Le vieil homme était en possession des derniers documents officiels qu’Eriadan avait rédigés avant sa mort. Et si à travers cette paperasse, le notaire possédait les réponses à toutes les questions qui chamboulaient l’esprit de la jeune femme ?

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--Le_notaire



[Les vieux aussi sont tombés de la dernière pluie]



Tic, tac, tic, tac. D'habitude, les petites jeunes femmes dans son genre sont plus directes, sortent les grands mouchoirs, et inondent le bureau du vieux notaire pour obtenir ce qu'elles veulent. Mais Sanlessou connaissait bien leur langage, et celle qui se trouvait en face de lui, savait y jouer parfaitement mais elle connaissait aussi l'art de manier les mots. Il savait bien qu'elle n'était pas venu ici pour compter les bouts de chandelles bas de gamme, hein, qu'on se le dise ! Le patrimoine de son frère devait bien plus l'intéresser, pour sûr. Et on n'allait pas le rouler comme ça le notaire !
Quoiqu'il en était, la jeune demoiselle ne semblait pas sûre d'elle, elle n'avait pas même d'acte de décès dudit frère !
Sanlessou resta un instant silencieux, sondant le comportement de la jeune femme, puis se décida à ouvrir la bouche :


"Je suis au regret de vous annoncer Demoiselle que sans acte de décès, un certificat dument attesté par un médicastre constatant la mort de votre frère, je ne peux rien entreprendre... On ne badine pas avec le Droit ! Et jusqu'à présent je n'ai jamais dérogé à cette règle."

Oui Sanlessou était un homme de Droit, droit et pointilleux. Il aimait que son travail soit correctement effectué du début à la toute fin, et quand bien même la soi-disant mort du Messire Wolback de Chambertin était réelle, il en demanderait coûte que coûte, une preuve.


"J'ai eu affaire avec lui oui en effet... Je peux vous renseigner et vous donner des réponses, moyennant la somme de cinq écus. Bien entendu, je vous fais un prix d'ami..."

Sans doute aurait-elle une mine déconfite à cet instant. Personne n'aime parler d'argent, mais tout travail mérite salaire, d'autant plus qu'il se faisait tard et la demoiselle était venu sans rendez-vous.
Toujours un sourire accrocheur aux lèvres, Sanlessou tapota deux fois de l'index sur le bois de son bureau, significatif d'une attente pressante de piécettes dorées, puis se leva à l'aide de sa canne, pour se diriger vers des étagères remplis de différents dossiers.


"Alors, voyons voir..."


Plissant des yeux pour se lancer dans une lecture soignée, le doigt du vieux notaire parcourait les différents noms de dossiers :

"Vau... Vi... Vol...Wi..Wol...Wolback ! Ah, le voici !"

Il attrapa le dossier, qu'il accueillit au creux du bras et revint vers son bureau, en regardant les précieux documents dénués de poussière :


"Héhé... Wolback, Wolback, Wolback... Ah je me souviens bien du jour où votre frère a franchit cette porte... il avait plein de..."


Sanlessou avait repris place à son bureau et le regard cherchait les 5 piécettes dorées : une mimique quelque peu impatiente se lisait sur son visage alors que l'index tapotait de nouveau sur la table. Pas de piécettes, pas d'ouverture de dossier.
Lilo-akao
[C’est pas à la Castafiore qu’on apprend à chanter !]


Du chantage ! Le vieux crouton lui faisait du chantage ! En voila une bonne ! Comme si la brune allait céder à ce vil profiteur ! On aura tout vu ! Avait-il seulement des informations intéressantes à lui donner ? Elle n’en savait fichtrement rien ! Il était hors de question qu’elle se laisse marcher sur les pieds ! C’était bien mal la connaitre que de s’imaginer qu’elle allait lui lécher les bottes pour obtenir ce qu’elle voulait. Il voulait la faire chanter, elle allait lui apprendre à pousser des vocalises, tiens ! Ça lui apprendra, à ce scélérat !

- « Oui, mais tu risques d'avoir encore besoin de lui. Ce serait pas très malin de lui taper dessus… »

Foutue voix de la raison ! Pour le coup, elle n'avait pas tord...
Mâchoire serrée pour ne pas envoyer une réplique cinglante à l'homme qui lui faisait face, la brune posa sur lui un œil mauvais lorsqu’il se leva de son siège et se dirigea vers les étagères, où il commença à chercher les documents concernant la famille Wolback. Détournant son regard, la jeune femme desserra les liens qui retenaient sa bourse à sa ceinture. Elle attendit que le notaire ait repris place pour en sortir une à une, avec une lenteur contrôlée, les cinq piécettes en or, qu’elle déposa sur le bord du bureau, devant elle, hors de portée des mains avides du vieil homme.

Les yeux ambrés le scindèrent un instant, attentifs au moindre de ses mouvements. Les traits ridés masquaient bien mal son impatience et l’étincelle de désir qui s’était allumée à la vue des écus sonnants et trébuchants, provoqua un sourire moqueur au coin des lèvres de la jeune noble. Se penchant au dessus du bureau, elle poussa doucement les piécettes vers le vieux radin, interrompant son geste lorsque sa main recouvrant les écus d'or se trouva au centre de la table.


- « J’espère que vos informations en valent le coût… », siffla-t-elle entre ses dents.

Sans le quitter des yeux, elle s'adossa à nouveau contre le dossier de son siège, ses mains se crispant légèrement sur les accoudoir pour contenir la rage qui bouillonnait en elle. Attentive aux propos qu'il allait lui tenir, elle attendit qu'il reprenne la parole et lui donne les explications qu'elle était venue chercher. Il avait plutôt intérêt à lui apprendre des choses qu'elle ne savait pas déjà, sinon, elle allait le lui faire payer. Oh, ça oui ! Elle prenait déjà sur elle pour céder à son chantage. Si en plus de ça, il avait le toupet de la mener en bateau, il risquait bien d'avoir une très mauvaise surprise !
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--Le_notaire




[La famille d'abord !... Euh non... raboule les piécettes avant !]



Il remarqua un point commun entre lui et la jeune demoiselle : elle aussi visiblement avait beaucoup de mal à lâcher les piécettes ! C'est toujours comme ça : les gens viennent pleurer sur vos épaules, mais dès qu'il s'agit d'argent, il n'y a plus personne, ou presque. Sanlessou remarquait déjà que la demoiselle Wolback ne semblait plus si triste que cela de la soi-disant disparition de son frère. Enfin ! Chacun son métier ! Et Sanlessou avait déjà posé la main sur les cinq piécettes dorées et les faisait glisser sur la table juste sous nez. Il choisit une d'entre elles, et la porta à sa bouche, testant le métal sous la dent, pour vérifier de la véracité de l'or.
Un petit sourire se dessina au coin des lèvres, puis ramassa l'ensemble des écus qu'il rangea soigneusement dans une petite bourse.


"Bien... passons aux choses qui vous intéressent..."


Il détacha le petit noeud du lien fermant le dossier du frère Wolback, et l'ouvrit avec soin sous les yeux de la jeune demoiselle. Il commença à feuilleter les différents documents, s'arrêtant sur un parchemin qu'il lut brièvement, puis jugeant inintéressant pour la jeune femme certainement, il poursuivit son feuilletage.


"Ah ! Voilà quelque chose qui devrait vous intéresser..."


Il venait de mettre la main sur un acte de propriété :

"Bien, alors, votre frère possède une maison à Sémur, maison appartenant également à Mademoiselle Loulianne d'Eldrid, 13 rue des remparts : maison qu'ils partageaient..."


Il trouva un autre acte de propriété :

"Il possédait également un appartement à Dijon, une sorte de seconde résidence à la grande ville, si vous voyez ce que je veux dire... "

Il ricana un moment à cette idée. Bien souvent, ceux qui possédaient des appartements, étaient les personnes riches, les nobles qui aimaient avoir leur petit chez-soi dans la capitale... Enfin qu'importe...
Le regard de la demoiselle le ramena à la réalité :


"Votre frère désirait mettre ses affaires en ordre, il me semble que peu de personnes savaient qu'il possédait une propriété à Dijon à ce qu'il m'en avait dit... "


Puis il referma doucement le dossier, au regret de ne pouvoir en apprendre davantage à la demoiselle.

"Votre frère est un homme très mystérieux. Voyez-vous, il n'a même pas souhaité mentionner l'adresse exacte de son habitation à Dijon. Sans doute qu'il y avait quelque à y cacher !"


Il éclata de rire, au point de s'étouffer, puis se calma de nouveau, avant de reprendre son souffle. Il observa la jeune femme devant lui, dont le visage reflétait l'expression de son frère, puis il porta son regard sur son assistant, et lui fit un signe de main :

"Ramenez donc les vêtements de mademoiselle Wolback de Chambertin" puis regardant de nouveau la jeune femme " Sans acte de décès prouvant la mort de votre frère, je ne peux malheureusement engager la procédure de succession, qui vous reviendrait de plein droit puisque vous êtes son unique proche parente. Je ne peux donc que vous inviter à me faire parvenir cet acte mademoiselle..."
Lilo-akao
[Après avoir joué à cache-cache pendant quelques jours] Dijon


Pas facile d'obtenir cette foutue adresse ! Mais elle y était finalement parvenue, après avoir fourré une énième fois son nez dans le bureau de son frère à Sémur. Quand on sait précisément ce qu'on cherche, tout de suite, on trouve plus facilement...

Alors comme ça, Eriadan possédait un appartement dans la capitale bourguignonne. Sa sœur n'était pas au courant. La visite chez le notaire n'aura pas été si inutile que ça finalement, bien que la brune ne soit pas parvenue à mettre la main sur les actes de propriétés des biens immobiliers qu'elle convoitait, mais elle ne se faisait pas de soucis pour cela. Tout vient à point à qui sait attendre. Pour l'instant, elle n'avait qu'une préoccupation en tête : comprendre les circonstances de la disparition de son frère et trouver la preuve qu'il soit bien mort, comme cet imbécile d'Hermès l'avançait. La brune flottait "dans le flou artistique". Elle avait besoin de réponses et les seules personnes à pouvoir lui en donner étaient le sinistre homme de main de son frère ou Loulianne, amie ayant accompagné Eriadan lors de son dernier voyage. A choisir entre les deux, la décision était vite prise ! La brune venait d'achever la lettre qu'elle allait faire parvenir à l'Eldrid.




A Loulianne d'Eldrid,

Je ne sais si tu te trouves toujours en Lorraine au près de mon frère, mais j'ose espérer que c'est toujours le cas. Figures-toi que j'ai reçue une lettre provenant de son valet, Hermès. Dans sa missive, celui-ci m'a annoncé qu'Eriadan s'était donné la mort dans la chambre d'auberge qu'il louait alors qu'il était de passage à Toul. Étais-tu avec mon frère dans cette ville de malheur ? Comment une chose pareil a-t-elle pu arriver ? Je n'ose le croire. Je n'arrive pas à le croire. Je suis persuadée qu'Eriadan n'aurait jamais commis un tel acte. La dernière fois que je l'ai vu, quand nous nous sommes quitté à Châteauroux, il semblait pourtant bien portant, malgré son altercation avec Alleaume de Niraco. Eriadan s'apprétait à rentrer en Bourgogne, des projets plein la tête. Pourquoi aurait-il attenté à sa vie, sans explication aucune ?

Quel était le but de votre voyage en Lorraine ? Je ne savais pas que vous aviez quitté la Bourgogne, jusqu'à ce que je rentre et que je trouve une maisonnée vide. J'ai été fort étonnée de ne pas avoir été prévenue de cette absence. Moi qui pensait revoir mon frère et m'inquiétais de sa réaction quand j'allais lui annoncer que j'ai interrompu notre pèlerinage, je me suis vue remettre une lettre m'annonçant son décès. Je n'arrive toujours pas à réaliser la chose...

Donnes-moi rapidement des nouvelles, je t'en prie.

Luna Wolback de Chambertin

La lettre fut confiée à un coursier, auprès du quel la brune insista pour qu'il remette la missive en main propre à sa destinataire, lui promettant quelques écus supplémentaire s'il lui apportait rapidement une réponse.

Quittant la table d'auberge à laquelle elle était installée, elle sortit de l'établissement à la suite du cavalier. Ils se séparèrent dans la rue mal éclairée en cette soirée déjà bien avancée. La jeune femme remonta la capuche de sa cape sur ses cheveux ébènes, s'emmitouflant dans le vêtement en prenant la direction de la bâtisse qu'elle avait repérée un peu plus tôt dans la journée. Marchant dans les ombres, ses pas claquant sur les pavés, elle arriva bien vite devant l'appartement de son frère où le rendez-vous avait été fixé. Elle était en avance. Ne lui restait plus qu'à attendre...

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