Infortune... destinée... le dernier baiser de la vie... depuis que ses malheurs prenaient ampleur dans le quotidien de son existence, la belle italienne ne se berçait plus d'illusion sur son avenir...
La voix de l'homme se faisait plus douce, compréhensive et sa main libérait l'étreinte sur sa cuisse fébrile où il avait laissé les traces de ses caresses enjouées...
Il se servait en la servant, se voulant rassurant... elle, dispersée et envoûtante par ses gestes maladroits et craintifs, mangeait à petites bouchées et buvait du bout des lèvres trempées dans le nectar aux senteurs divines qui chatouillait son palais et ses narines...
Tu es chez moi. Dans ma chambre.
Elle s'en serait doutée, cela ne saurait être une auberge de choix, ni une chambre aux couleurs de noblesse, cependant malgré son rang elle avait connu bien pire comme lieu de repos... à ses débuts, sa paillasse était bien plus sale et miséreuse...
Ce fut comme pour la rassurer, ou bien pour l'inquiéter plus encore qu'il ajouta :
Tu n'as pas peur de moi j'espère?
Peur ? par tous les Dieux.... non... enfin........... oui ! mais cela elle ne le lui dirait pas, son regard cherchait son épée qu'elle avait dû laisser tomber quelque part, la belle ne sentait plus la froideur de la lame sur elle, malgré que son griffon soit encore logé au dos de son molet...
Peur ? devrais je avoir peur de toi ? ton masque intrigue, il est certain que cela serait plus rassurant de voir le visage de celui qui s'avance devant moi... aurais tu peur............ toi... de le montrer ? tu dis être Satan, mais j'aurais mal entendu ! ce nom familier des enfers, n'est point un nom coutumiers de là où je viens...
Se rasseyant près d'elle il pose sa main sur son genoux, tel un confesseur, un ami de confiance, mais alors que la belle brune au regard effrayé, tente d'esquiver la présence chaude de cette chair sur sa chair, ce contact brûlant jusque dans son corps, celui-ci se veut attentif, tel l'oreille attendrie d'une amie intime...
J'attends toujours que tu me racontes.
Que je te raconte ?
La question semblait sans appel, et la réponse interrogative...
Mais elle reprit sur elle, le poids qui s'alourdissait, les heures n'étaient pas en sa faveur... ses yeux de bois tendre aux reflets d'émeraudes baissés, étaient plongés dans des pensées profondes, comme si soudain elle cherchait à se remémorrer là où tout avait commencé !
Ma vie n'est qu'un sinistre cirque d'infortune... que puis je dire ? je ne sais même pas pourquoi je suis venue ici ! ma seule présence en ces lieux de débauche, me vaut un divorce... alors que je n'étais venue ici que pour libérer mon âme de mille blessures qui s'y sont incrustées !
Sa voix se gorgeait de larmes, alors que sa tête basculée en arrière contre ce mur délavé... le visage penché de côté, qui cherchait dans le vide, l'image... une pensée... un reflet de ces souvenirs...
j'ai perdu ma fille à sa naissance... la froideur de son corps me retourna le sang, alors que je dû me hâter à la tâche avec le jumeau qui était en second... nous dûmes le faire garder par une nourrice dans une contrée voisine, alors que prise de désespoir, je ne cherchais qu'à le revoir... le poignard dans le cur, je partis à sa rencontre pour enfin le retrouver, alors qu'une idiote prise de folie... le blessa en voulant me tuer !
La rage avait emplit son regard mais sa voix se perdait à n'en plus finir, une fois commencé, Ati n'arrêtait plus le récit...
Je sais que je perds la tête... je sens mon âme perdue sur les chemins, mais j'ai peur à chaque pas de ce qui m'attend derrière ! aujourd'hui mon fils à treize ans et il se meurt sous une tente d'infortune, j'ai quitté mon époux, pour la honte que je lui ai fait en venant icelieu, une Dame digne n'inflige pas ce déshonneur à son mari, mon corps n'a jamais été à un autre et il me traite déjà de catin... je n'ai pas peur de mourir... je suivrais mon destin, Aristote ne voudra plus de moi, mais je forcerais la porte au trépas pour retrouver les miens... mon premier enfant s'y repose, ma fille et mes parents...
Elle sanglote quelque peu, essuie une larme trop importante, cache sa bouche de ses doigts en voyant ce passé si noir...
J'étais l'ombre de Ghent à mon arrivée sur le royaume des Flandres, je le fut encore des années durant, je crus en cet époux que je pensais me défendre, et qui me délaissait à chaque jour suivant, des obligations de la plus haute importance, occupaient son esprit et à chaque instant, mon ami Hypocras fut de bonne compagnie, moi qui du goût de vivre, en avait perdu toute envie ! l'envie............ ce sentiment avait quitté mon corps et éteint toute flamme... me voilà pleine de remords et j'ai baissé les armes... je deviens l'infidèle sans avoir d'amant, le coeur à l'agonie et perdant tout mon sang... pourquoi le malheur sur moi s'acharne ? je croyais enfin au bonheur et me voilà sans armes !!!
Elle n'avait pas parlé ainsi depuis bien des mois... comment un inconnu pouvait délier sa langue ? elle ne le voyait plus, les yeux dans le vague voulaient pleurer encore, et retenaient ses larmes... sa main sur le drap aux couleurs douteuses, semblait se déchirer sous les ongles serrés, crispant le poing et par sa gorge sèche, sa voix enrouée finissait en murmure...
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