[Dans les tribunes]
Après avoir quitté sa tente, Ingeburge s'était directement dirigée vers le panneau faisant état des affrontements du tour préliminaire, solidement escortée par des Lombards et des Morvandiaux qui ne pouvaient se souffrir, les premiers trouvant les seconds rustres et mal dégrossis, les seconds imaginant davantage leurs homologues transalpins dans un salon que sur un champ de bataille. La Prinzessin elle, n'entendait rien de leur persiflage mettant en lutte dialetto milanese contre patois du Morvan. Non, elle était trop occupée à prendre connaissance du programme et ce qu'elle voyait n'était pas sans lui déplaire : tous ceux qu'elle avait pressés de venir jouter entreraient en lice dès les éliminatoires et si certains duels semblaient tout à fait ouverts, d'autres en revanche portaient déjà en eux les graines de la défaite. C'est donc mi-figue, mi-raisin, qu'elle alla ensuite prendre place dans les tribunes, laissant au pied des gradins sa garde hétéroclite. Elle avait néanmoins hâte de voir les concurrents faire leur entrée.
Citation:Tour préliminaire, opposant Sebbe de Valrose à Asdrubael de la Louveterie
Il avait fallu que les joutes commencent ainsi. Le Pair de France était réputé pour son habileté dans le domaine et elle savait que le Duc d'Amboise quant à lui manquait de pratique suite à son retrait du monde. L'affrontement était donc déséquilibré, d'entrée, malgré les grandes qualités de deux ducs. Et ces passes à venir qui lui faisaient battre le cur revêtait une importance toute particulière pour elle, son « ennami » lui ayant courtoisement demandé quelques jours plus tôt de lui accorder de jouter sous ses couleurs. Tout d'abord quelque peu hésitante, elle s'était finalement laissée convaincre et avait fait réponse positive à la requête. C'est que la question était délicate, le seul homme à avoir jouté pour elle par le passé ayant été celui qui était ensuite devenu son époux. Cet octroi de couleurs était peut-être au final plus douloureux qu'elle ne l'aurait cru car là où elle voyait déjà les mauvaises langues se mettre à marcher, elle percevait en sus l'ombre étouffante de son défunt mari.
Elle assista donc à la passe dans un état mitigé, oscillant entre réminiscences et présent et ce fut l'éclat des lames soudainement apportées aux ducs qui l'extirpèrent de son malaise. Passer à l'épée était l'usage, les deux jouteurs ayant chu mais la vue de ces lames porteuses de mort la rendirent anxieuses. Un à un, elle compta les coups, soupirant de soulagement quand ceux portés ne causaient pas de blessure. C'est pourquoi elle eut du mal à retenir un mouvement quand le pair érafla de son arme le genou d'Asdrubael. Le combat était remporté par Sebbe et Ingeburge inquiète, fit signe à l'un de ses hommes pour qu'il aille aux nouvelles.
Citation:Tour préliminaire, opposant Argael Devirieux à Natale Adriano Dario d'Ibelin
L'affrontement suivant lui permit de reprendre ses esprits, elle connaissait les deux vicomtes et les regarda évoluer avec un il dénué d'anxiété, elle n'avait pas avec eux les mêmes liens qu'avec le Duc d'Amboise. Et puis, il fallait le signaler, Ingeburge avait pu se requinquer avec un gobelet de vin d'Auxerre que l'un de ses gens était venu lui apporter et elle dégustait présentement du maïs merveilleusement soufflé au sucre, plongeant avec délices une main dégantée dans le sachet empli de merveilles. Quand elle n'aurait plus rien à grignoter, elle irait embêter le Devirieux afin qu'il lui offrît ce nougat qu'il lui avait fait connaître lors d'une séance du Conseil des Grands Feudataires. Et elle irait plutôt deux fois qu'une car le Dauphinois venait d'emporter la victoire sur chute de son adversaire, il lui faudrait donc aller le féliciter. Ensuite, elle irait saluer son ami Vicomte de Rabat et le réconforterait, lui indiquant qu'il valait mieux être défait sur la lice Saint-Antoine que dans le cloaque provençal.
Citation:Tour préliminaire, opposant Lady Antlia Kennedy à Mallory, Dame de St Martin des Champs
Nouvel instant d'angoisse car l'aimable Mallory entrait en piste. Ingeburge avait été positivement ravie de ce que la Dame de Saint-Martin-des-Champs informât le Collège de la Noblesse de Bourgogne de sa participation aux joutes nuptiales pour lesquelles la Duchesse d'Auxerre avait effectué une solide propagande.
C'est donc l'il inquiet mais encourageant qu'Ingeburge suivit la partie mettant aux prises son amie mâconnaise à une autre Dauphinoise. Et elle ne se départit pas de son anxiété rapidement car il était dit que les deux adversaires ne parviendraient pas à se départager! Après s'être manquées pas moins de trois fois, elles avaient en effet touché et chu toutes deux, nouveau duel à l'épée donc et qui vit hélas Mallory perdre. La Bourguignonne se retira d'ailleurs assez dépitée de sa prestation et Ingeburge se promit d'aller la réconforter à l'issue du premier tour.
Citation:Tour préliminaire, opposant Estienne Morkar à Snell du Quai Baudon, Infâme Borgne de Bourgogne
Décidément... un autre Bourguignon et opposé au Maître de la Ligue qui plus est! Le tirage était décidément peu favorable à la délégation burgonde et notamment à ceux qui comme Snell joutaient pour la première fois. Ce fut un nouvel échec pour les vilains du Grand Duché d'Occident et la Duchesse d'Auxerre espéra que cette première tentative qui s'était révélée malheureuse ne découragerait pas l'Infâme Borgne de Bourgogne pour les prochains tournois à venir.
Citation:Tour préliminaire, Theudbald de Malhuys affronte Adrian Fauconnier de Riddermark
Que d'émotions. La Duchesse d'Auxerre, toujours froide en apparence malgré les quelques gestes de dépit ou d'inquiétude qui lui échappaient, bouillonnait littéralement à l'intérieur. Après avoir vu des amis quitter la lice en perdants, c'était au Seigneur d'Irancy de faire son entrée. C'était là le jour des premières : premières joutes de Theudbald, premières joutes pour un vassal d'Auxerre, première fois qu'elle voyait l'un de ses vassaux jouter. Il ne faudrait donc pas beaucoup d'efforts pour Ingeburge pour se focaliser sur l'affrontement qui s'annonçait prometteur, elle était tous sens attentive : yeux fixés sur son vassal, oreilles grandes ouvertes.
La première passe se révéla malheureuse pour Theudbald et elle refusa de voir en cette lance brisée contre son écu un mauvais augure tout comme elle ne préféra pas s'arrêter sur l'étrange comportement de la monture du héraut. Las, cette passe fut en fait annonciatrice de la défaite à venir car les deux suivantes ne donnèrent rien.
Dépitée, la Duchesse d'Auxerre plongea à nouveau sa main dégantée dans le sachet aux merveilles et constata avec humeur que celui-ci était vide, elle ne pourrait même pas se consoler avec des sucreries.
Citation:
Tour préliminaire, opposant Maeve Alterac à Hâkon von Ahlefeldt-Oldenbourg
Le moral de la Duchesse d'Auxerre n'était pas au beau fixe, sur tous les concurrents qu'elle avait soutenus jusque lors, aucun n'avait passé le premier tour. Elle était portée à croire, morose, qu'elle portait la guigne à tous ses favoris et c'est donc d'un regard morne qu'elle assista à l'apparition de son neveu à l'une des extrémités de la lice. D'ailleurs, hormis tous ces résultats défavorables, elle douta des chances d'Håkon, celui-ci n'avait--il pas récemment changé de choix de carrière? Depuis des années, il s'était consacré à l'étude, à la prière, aux jeûnes et aux retraites, projetant jusqu'à embrasser la voie de la prêtrise. Le changement de plans n'était apparu que récemment et Ingeburge n'était pas convaincue que ses nouvelles habitudes aient modifié significativement son expérience dans le combat et sa constitution physique. Le fait qu'il fut confronté à une jeune fille ne la décida d'ailleurs pas à tempérer son opinion. Il s'agissait de Maeve Alterac, rousse cadette de la Pairesse Marie Alice. Elle l'avait rencontrée à Paris, en la Chapelle Saint-Antoine, où elle s'était rendue en compagnie de son aînée, Aleanore toujours pourvue de l'espèce de choses à poils si irritante qu'elle traînait partout.
La Dame de Concèze se trouvait d'ailleurs dans les tribunes, elle était arrivée après elle et se trouvait en compagnie de sa mère. Ingeburge n'avait pas encore eu l'occasion d'aller les saluer ne souhaitant pas les déranger en venant troubler la réunion de famille. Mal lui en prit, elle aurait peut-être dû faire fi de ses craintes d'être discourtoise et se lever pour aller présenter son bonjour aux deux brunes. Oui, assurément, elle aurait-elle dû car les circonstances auraient été plus favorables, nettement plus favorables que celles actuelles : après deux premières lances qui n'avaient strictement rien donné les deux jeunes gens profanes dans le domaine ne s'étaient pas touchés Håkon avait envoyé sans ménagement Maeve au sol.
La Prinzessin fit la moue, tout ceci se révélait des plus fâcheux car après des hurlements jaillis de la poitrine d'une mère légitimement angoissée, elle avait eu le droit à la cavalcade de la même mère jusqu'à la barrière séparant les tribunes de la lice, sa fille plus âgée sur les talons. C'était le jeu, c'était la joute, c'était même ce qui était attendu : faire chuter son adversaire et s'arroger ainsi une victoire éclatante. Néanmoins, elle croisa les bras, résignée, se prenant à tout de même penser qu'à une mère angoissée et à une sur en colère, elle préférait de loin se trouver face à un brigand, surtout que Aleanore lui paraissait un brin exaltée. Elle jeta donc en conséquence un coup d'il vers l'adolescente coincée dans son armure, tentant d'apercevoir un quelconque mouvement de ce côté-là, si Maeve bougeait rapidement, l'orage s'éloignerait assez vite de la jolie petite tête ducale.
Petit signe pour qu'on lui emplisse à nouveau son gobelet de vin, après tout, Håkon avait remporté l'affrontement et il convenait de le fêter, en toute élégance mais avec retenue eu égard au contexte et au voisinage et avec un de ses crus d'Auxerre bien sûr.
EDIT = Relecture_________________