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Info:
De retour d'Aix la Chapelle, un courrier alarmant l'intercepte alors qu'elle s'en revient vers le Limousin -terre d'exil, alors qu'elle fuit la Champagne et surtout, sa mère, malade et dont les yeux ne se posent plus sur sa fille mais sur une inconnue. Il lui faut alors rentrer vite, pour échapper à la culpabilité de voir celle que l'on aime plus que tout rejoindre l'Ailleurs, seule, sans sa fille qui l'a abandonnée dans sa démence.

[RP] Du crépuscule jusqu'à l'aurore

Clemence.de.lepine
Une simple lettre avait suffit pour que l’univers complet de la jeune de l’Epine soit remis en question. Et alors que la voiture la menait à vive allure vers la Champagne, vers ces terres qu’elle n’aurait jamais dû quitter et qu’elle se maudissait maintenant d’avoir laissées derrière elle, elle ne pouvait s’empêcher de lire et relire cette missive alarmante qu’elle avait reçue quelques heures plus tôt. Ses lèvres tremblantes s’agitaient muettement, fébriles. Ses mains ne cessaient d’aller et venir, tantôt du vélin à ses joues empourprées, tantôt de ses jupes rouges -qu’elle froissait toujours plus dans des gestes nerveux, à son front brûlant qu’elle ne pouvait rafraîchir. Ses yeux… ses yeux… sans doute étaient-ils le meilleur reflet de son âme, comme cela était si souvent le cas. Cette âme perdue en ces temps si sombres, pour elle, cette âme désespérée que tout espoir semblait alors avoir fui pour de bon et surtout, pour ne jamais revenir. Oh… ce bleu si fluide que les larmes venaient troubler. Ce regard perdu, éperdu, allant et venant au gré des lignes noires encrées sur un parchemin d’une pâleur aussi triste que celle du masque porté par la demoiselle. Pourquoi ? Mais pourquoi l’avait-elle quittée ? Au profit de quoi ? Cette fuite de la maladie, de cette mère qui ne la reconnaissait plus qu’à peine, cette fuite de la peur qui alors lui avait étreint le cœur quand elle avait compris qu’elle ne retrouverait jamais plus la mère qu’elle avait chérie pendant tant d’années. Qu’elle avait tellement voulu honorer et respecter, au point de tout faire pour lui ressembler. Car n’était-elle pas, finalement, le portrait exact de ce que Matthilde avait pu être à son âge ? Peut-être manquait-il encore à Clémence cette force de caractère que sa mère possédait il y avait encore quelques mois. Quelques longs mois auparavant… Il lui fallait vraiment tenter de faire abstraction de ce qui pouvait la tourmenter. Il lui fallait y faire face. Il lui fallait se défaire de ses peurs, de ses angoisses d’enfant, parce-que la voilà qui entrait définitivement, peu à peu, contre son gré, dans le monde adulte. Elle le savait. Mais elle s’en sentait si peu capable que c’en était accablant. Sans elle… cela la briserait. Ce serait l’épreuve de trop, celle qu’elle ne pourrait surmonter. Elle n’aurait jamais dû l’abandonner, ça n’avait été qu’une stupide réaction égoïste.

Clémence osa lever son regard humide vers la jeune femme qui l’accompagnait et qui ne disait mot, respectant religieusement le silence dans lequel elle s’était murée depuis leur départ. Beulbeul, compagne de tous les instants, pouvait être une des rares personnes à comprendre les émotions et les sentiments qui, en ce moment, assaillaient sa raison, sa lucidité. Dans quoi allait-elle sombrer, désormais…

Il faisait encore jour, au dehors. Les rayons faiblards de l’astre solaire jouaient nonchalamment avec les boucles blondes de Clémence, les animant fugacement d’une délicate lueur quasiment imperceptible. S’ils étaient censé lui redonner un peu de courage, ces rayons, en frôlant ainsi sa peau claire et en réchauffant distraitement ses mains pâles, l’effet n’en était pourtant pas vraiment concluant. Oh, elle les sentait. Elle les appréciait, les remerciait de leur présence quelque peu réconfortante. Elle les suppliait presque, même, de rester encore un peu. De retarder le crépuscule, qui inévitablement, précéderait la pénombre. Mais comme pour bien des choses, elle n’avait pas ce pouvoir de retenir le jour. Alors, dans un soupir las et empreint d’une peine qui aurait attendri le plus insensible des hommes, elle tendit le vélin à Beulbeul. Cette dernière avait plus ou moins connaissance de la raison qui les poussait maintenant vers la Champagne. Elle avait eu la visite de Clémence, en pleurs, qui n’avait pas même eu besoin de lui demander de l’accompagner. Il suffisait de la voir, pour saisir la teneur bouleversante de la lettre. Rien, ni personne, n’avait encore jamais réussi à rendre aussi explicite la vulnérabilité de la demoiselle.
Beulbeul
Premier arrêt, et recherche de compagnons de route, pour renforcer le groupe, pour être plus nombreux, et avoir aussi un peu de compagnie. L'ambiance était morose,et le coeur n'était pas à la gaieté. Clémence avait reçu une lettre des plus douloureuses.

Voilà ce qu'on pouvait y lire.


Citation:
Damoiselle Clémence,

Sans vouloir vous dicter votre conduite, ni vous paraître irrespectueux en quoique ce soit, je crois qu’il serait préférable que vous rentriez le plus rapidement possible à l’Epine. J’ai de graves nouvelles à vous annoncer. Et si, bien entendu, ces nouvelles pourraient être plus funestes, elles n’en restent pas moins préoccupantes.

Ma Damoiselle. L’état de votre mère nécessite votre présence à ses côtés. Il ne cesse de s’aggraver d’heures en heures et ici, à l’Epine, nous prions déjà tous pour la sauvegarde de son âme. Je ne voudrais surtout pas vous inquiéter sans motifs sérieux. Aussi, soyez consciente que la santé de Madame la Marquise, votre mère, est passée d’un état stable à un état de déclin pour le moins alarmant, selon le constat des médecins.

En anticipant vos questions, Damoiselle, sachez que non, votre mère ne vous a point mandée. Elle n’a pas repris sa lucidité depuis votre départ il y a quelques mois. Mais nous espérons que votre présence calmera les battements affolés de son cœur et que vous saurez mieux que nous comment améliorer son état. Dans le cas contraire, votre voix ne sera pas de trop pour accompagner nos prières.

Que Dieu vous garde, Damoiselle de l’Epine. Soyez prudente sur la route. Nous ne saurions accepter un malheur de plus au sein de votre famille.

Avec ma plus grande considération,

Guenther, intendant du domaine




Beulbeul avait lu et relu cette lettre des dizaines de fois, n'osant croire ce qui était écrit, ne pouvant l'accepter. Tout d'abord simple demoiselle de compagnie, puis confidente et amie sincère, Beulbeul ne pourrait jamais remercié ainsi la Marquise de Beaugency.
Les chemins les avaient éloignés. Beulbeul s'était occupé de Clémence, fille de la marquise, puis avait du rejoindre son père. Elle la savait malade, souffrante, mais n'aurait jamais pensé à cette destinée.

Le coeur empli d'angoisse, elle gardait la tête froide. Deux jeunes femmes voyageant en carosse pouvait succité de nombreuses convoitises. Elles abandonnérent donc le carosse pour deux chevaux, plus discret et surtout plus rapide. Deux jeunes hommes purent même les accompagner dans leur périple : Jacks et Williams.
Beulbeul se devait de conduire Clémence au domaine de l'épine, pour qu'elle puisse dire un dernier adieu à sa mère. Et elle ferait cela du mieux qu'elle pourrait...
Clemence.de.lepine
Et bien, donc, elles avaient laissé le carrosse quelque part, en ville. Ça n’était qu’un carrosse, un amas de bois, de métal et de voilages. Elle le retrouverait bien un jour. Et si elle ne le retrouvait pas, elle ne le regretterait pas. Comment pouvait-on déplorer la perte d’une chose sans âme, sans vie ? C’était, à dire vrai, un détail qui ne la préoccupait que trop peu. Ses pensées étaient tournées vers l’Epine. Vers celle qui l’y attendait. Ou peut-être pas, tout compte fait, d’après ce que disait la lettre. Peu importait. Si elle ne l’y attendait pas, Clémence, elle, avait une conscience à soulager et c’était en se rendant au château de la Motte qu’elle pourrait peut-être apaiser ses sens. Ah… si seulement il n’y avait pas cet Amour presque destructeur qui la liait à cette mère prévenante –qui l’avait été, du moins. La culpabilité en serait peut-être moins douloureuse.

Les chevaux étaient trop lents. Si elle avait pu les mener au galop tout le long, elle ne s’en serait pas privée. Seulement… on n’épuise pas les chevaux. Et ses cuisses, son dos, son assise, son cou, tous plus délicats les uns que les autres, n’auraient jamais pu supporter une allure trop soutenue sur autant de distance. Elle en serait tombée d’épuisement, de douleur, aussi. Donc, les chevaux étaient lents, mais elle n’y pouvait rien, et elle se contentait d’observer d’un œil presque hautain, y dissimulant le mieux possible sa méfiance, les deux cavaliers qui les accompagnaient. Jacks et Williams. Des noms anglois qui ne faisaient qu’alimenter sa crainte. Cette appréhension de l’inconnu, encore. Pourtant, elle n’avait pas eu le choix. N’ayant pas eu le temps de se construire une escorte digne de confiance –et encore, les doutes auraient toujours subsisté, elle s’était contentée de deux voyageurs semblant prendre la même route qu’elles. Quelques mots échangés avaient révélé la morosité de l’un, le fameux Jacks, ce qui lui avait étonnement apporté davantage de crédit que s’il avait été volubile, enthousiaste et pire, heureux. Clémence n’en avait alors pas éprouvé une réelle sécurité, mais cela l’avait un peu rassurée. Pourquoi ? Aucune idée. Il était taciturne, ce qui ne le rendait pas franchement agréable au premier regard, mais il était respectueux, poli et de toute évidence, l’argent ne le motivait pas –ce qui, à bien y réfléchir, aurait pu effrayer la demoiselle. Depuis quand les hommes n’avaient-ils pas besoin d’argent ? Mais las, elle n’avait pas le temps de se poser autant de questions. Advienne ce qu’il faudra, ou devra : l’heure n’était plus à la réflexion.

Les champs, hameaux et autres bois se succédaient. Une étrange sensation lui étreignait le cœur. Une intuition singulière. Par deux fois, même, elle eut l’impression que quelqu’un les suivait et par deux fois, elle se retourna. Et pourtant, si alors l’anxiété aurait dû se faire jour, c’était davantage une agréable curiosité qui animait ses sens. Que lui arrivait-il ? Etait-ce la proximité croissante de sa mère, qui lui faisait ressentir de nouveaux sentiments ? Etait-ce l’appréhension ? Etait-ce cette peur qui ne la quittait plus depuis leur départ, cette peur d’arriver trop tard, qui faisait naître cette douce impression d’être surveillée ? Douce, oui, car alors elle ne risquait rien. Surveillée, et non observée. Il y avait une différence. On surveille son enfant, on garde un œil sur lui pour s’assurer de sa sécurité. On observe sa proie, ses gestes, ses habitudes, pour mieux la piéger ensuite.

Clémence se risqua alors à s’adresser à Jacks, se portant pour ce faire à sa hauteur, à senestre. Elle leva un regard clair vers son visage sombre que la noirceur de la chevelure venait accentuer et ses yeux tombèrent à nouveau sur cette cicatrice qu’on ne pouvait manquer. Mais elle n’allait pas l’interroger sur celle-ci. Il y avait, pour l’heure, des choses bien plus importantes que ce qu’un individu inconnu quelques jours plus tôt avait pu traverser au cours de sa vie. Il y avait sa propre vie, à elle, et celle d’une autre, bien plus importante encore.


« Jacks… Permettez que je vous appelle ainsi puisque c’est votre nom… Vous savez, si vous nous menez saines et sauves à bon port, je vous en serai reconnaissante. Je vous le répète. » Sa voix avait pris une note presque enfantine. Presque intimidée. C’était pourtant rarement le cas. Mais elle devait s’avouer que sa survie et la bonne poursuite des événements, dans cette situation, dépendait de ces deux comparses. Et il ne servait à rien de tenter de leur faire croire le contraire... Après une brève inspiration, elle reprit :

« Êtes-vous certain que nous n’avons pas été suivis ? Ou que nous ne le sommes pas maintenant ? J’ai une impression étrange. Peut-être n’est-ce dû qu’à mon imagination fertile, me direz-vous… » Non, sans doute ne dirait-il pas cela, mais mieux valait avancer l’hypothèse. Un regard vers Beulbeul, pour s'assurer de sa présence, non loin, et pour l'inciter à la rejoindre à l'avant. Elle se sentirait mieux avec elle à ses côtés.
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---Bannière en reconstruction---
Jacks
Depuis ce fameux départ, là où tout a finit, là où il fallait tout oublier.Mais comment faire quand vous vous sentez rongé par la culpabilité?. C'est se que Jacks se disait depuis qu'il avait quitté sa ville. Mais il le fallait,s'était une question de survie maintenant.
Cela faisait un peu plus d'un mois qu'il arpentait les douces campagnes de France en compagnie de son ami Williams. Traversant les villes, se faufilant toujours plus au nord là où le froid régnait, Jacks ne se décourageait pas malgré la distance, son fidèle destrier était là pour le soutenir moralement et physiquement...
Seulement, un détail vint troubler la monotonie de ce périple.En effet, alors qu'il faisait escale à Bourganeuf qu'il reçu une missive.Ces mots était ceux d'une femme et à lire ses phrases Jacks se dit qu'elle devait être pressée du fait est qu'elle s'adresse si vite à un inconnu.Mais l'inconscience de cet homme fut plus grande que les mots provenant de cette lettre puisqu'il accepta la requête sans l'ombre d'un doute.

La route , toujours de la route à perte de vue mais s'était nécessaire. Seulement le groupe s'agrandit au nombre de quatre et qui plus est deux femmes étaient présente.
Les chevaux filaient au galop à travers les campagne du Limousin et de la marche.
La main sur son chapeaux, le corps collé contre son destrier, Jacks fit face au vent.L'air sérieux, il ne parlait pas beaucoup.Il était perdu dans ses pensées à refouler le passé comme à son habitude.Seulement il analysait son entourage et s'est à la vue de la dame -qui avait rejoint son groupe-qu'il emmena son regard dans sa direction. Il remarqua furtivement l'état de la jeune femme au teint clair , elle était mal à l'aise.Il jeta un rapide coup d'oeil sur son visage.Elle avait les yeux d'un blond comme les blé seulement ils étaient bouclé.Il admira aussi la couleur de ses yeux, il étaient bleu clair.Mais cette vision agréable de la jeune femme s'effaça lorsqu'elle se retourna par deux fois. Jacks se senti à son tour malmené par le doute.En effet il avait sentit lui aussi comme une présence, étrangère au groupe mais il n'avait pas plus porté d'attention que cela.Les deux femmes suffisait bien pour poser le doute sur Jacks.Et si ces mots portés dans cette missive étaient seulement là pour profiter de l'état fébrile de Jacks par rapport à se qui s'était passé auparavant.Et si se n'était qu'un piège qui pourrait se refermer sur eux au croisement de se sentier...Que de questions qui parcouraient Jacks.
Néanmoins les doutes tombèrent lorsque la jeune fille lui décrocha quelques mots.
C'est mots si doux, si calme résonnait dans la tête de Jacks alors il lui répondit d'une voix tranquille.En effet Jacks voulait mettre à l'aise ses compagnons malgré la première approche qui pouvait laisser paraitre.


Dame Clémence ne vous en faites point, je vous le répète je ferais en sorte pour que nous arrivons tous sain et sauf en Champagne.Je comprend que cela soit dur à comprendre de la bouche d'un inconnus mais je ferai le nécessaire pour que cela se concrétise par mes actes.
Et ne vous inquiétez pas, je pense que nous sommes les seuls à emprunter se chemin en ce moment.Mais vous faites bien de le souligner, on ne sait pas se qu'il peut se passer dans ces campagnes.


Jacks espérait que ses mots rassureront Clémence.Seulement au fond de lui il savait que quelque chose ne tournait pas rond, il l'avait senti. Son entrainement par son passé lui avait servi pour la traque et cela lui était utile pour vivre.Et aussi pour voyager...seul où même en présence de femmes...
Clemence.de.lepine
Elle n’était pas dupe. Les regards que lui lançait Jacks parlaient pour lui. Il était sceptique, peut-être même inquiet. Alors… la question était : Etait-ce elle, qui avait réussi, par son attitude et sa question, à lui insinuer le doute ? Ou bien pensait-il réellement, comme le suggérait son malaise, que quelque chose n’allait pas ?

Pourtant, Clémence ne ressentait aucun danger. Au contraire. Cette vague impression d’être surveillée ne l’inquiétait pas. C’était plutôt une sensation curieuse. Inattendue. Alors ? Jacks avait-il capté autre chose ? Quelque chose de différent ? Quelque chose qui devrait réellement l’effrayer ? Aux aguets, la demoiselle choisit de reprendre le trot.

Les heures qui suivirent furent désagréables. Elle ne cessait de couler des regards aux deux jeunes hommes afin de mesurer leur degré d’alerte. Ils ne semblaient pas plus alarmés que ça. Mais Clémence… en avait oublié son intuition réconfortante. Sa méfiance s’était faite plus persistante, tant et si bien qu’elle avait désormais du mal à garder les yeux rivés devant elle. Plus d’une dizaine de fois, elle avait tourné le cou de toute part pour évaluer son environnement. Ça n’était pas tant la peur de se retrouver face à des inconnus mal intentionnés, qui lui nouait le ventre. C’était davantage l’angoisse de se voir retardée, arrêtée, et qu’alors elle n’arrive que trop tard –ou jamais, à destination. Trop tard pour pouvoir recevoir l’absolution de la part de sa mère. Si elle en était encore capable. Et si elle en avait l’envie…

Une fois de trop, elle se retourna sur sa selle. Et elle les vit. Ces silhouettes, au loin. Elle n’aurait pu deviner leur nombre, ils étaient encore trop loin. Deux, ou trois, peut-être davantage. Mais ils devaient voyager à vive allure, pour ainsi parvenir à rattraper la distance qui séparait les deux groupes. Et ce simple constat suffit à angoisser la jeune fille.

« Nous sommes suivis… » Souffla-t-elle à Beulbeul. Question ou affirmation, on ne savait pas bien. Ils ne pouvaient très bien qu’être de simples voyageurs, empruntant la même route qu’eux. Mais Clémence ne voyait pas les choses aussi sereinement. Son cœur s’emballant, elle jeta un dernier regard derrière son épaule, fronça les sourcils en direction de Beulbeul, et sans prévenir, lança son cheval au galop. Il ne fallait pas prendre de risque. Mieux valait mettre le plus de lieues entre elle et… les autres. Elle souffrirait, lors de leur prochaine halte en ville, de cet excès de zèle. Elle n'était pas mauvaise cavalière, mais en fait, elle n’avait jamais eu à tenir un rythme soutenu en dehors des maigres parties de chasse dont elle avait l’expérience. L’endurance, donc, n’était pas un de ses points forts. Et alors ? Le principal, c’était d’aller rapidement. Le plus longtemps possible.
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---Bannière en reconstruction---
Beulbeul
Citation:
Nous sommes suivis…


Beulbeul jeta un regard en arrière, et ne vit personne. Elle n'avait vu personne les suivre depuis leur départ, et pourtant elle regardait souvent. Elle se devait de protéger Clémence, elle ne pouvait pas se laisser surprendre.
Lorsqu'elle était à reims, elle avait appris à se défendre, à écoute, à épier, à voir les choses. Là, elle en était sure, personne ne les suivait.
Quelques personnes avaient bien pris la même route, mais elles avaient bifurqués il y a déjà quelques lieues.
D'autres les avaient remplacés, mais leur accent étaient tout à fait différent. Rien ne présager pour Beulbeul à une quelconque poursuite.

S'enfuir à cette endroit serait pire que mieux. Ils étaient au milieu de nul part, loin d'une prochaine ville et donc de la sécurité. Il faudrait que les chevaux galopent vite et longtemps. Ils étaient déjà fatigués par la longue route effectuée. Il valait donc mieux continuer tant que rien n'était sur. Beulbeul se proit de redoubler d'attention, et voulut prévenir damoiselle Clémence.
Elle n'eut pas le dire quoique ce soit, que Clémence était déjà partie au galop.

"Oh non" eut juste le temps de dire Beulbeul. Elle donna un coup de talon sur les flancs de son cheval, qui se mit aussitôt à galoper. L'objectif était de rattrapper Clémence et de la rassurer. La poursuite commençat
Clemence.de.lepine
5 jours plus tard.


A Gien, un membre supplémentaire s’était ajouté au groupe. L’escorte s’était alors faite plus sécuritaire, d’autant plus que ce nouveau membre était quelqu’un de confiance, qui avait déjà offert ses services à Clémence. Une femme, qui plus est, et il était bien connu que pour la jeune de l’Epine, mieux valait une femme plutôt qu’un homme pour instaurer un climat de confiance.

Il avait ensuite fallu passer par Montargis pour rejoindre Troyes, en Champagne. Et alors, Jacks et Williams s’y étaient arrêtés, les laissant continuer seules, parce que cela faisait partie du contrat initial. Une fois à Montargis, il ne restait plus que la frontière à traverser. Et Clémence pourrait alors se considérer chez elle. En sécurité. Plus ou moins. Jusqu’à ce qu’elle entrât dans la chambre de la Marquise où là… où là quoi ? Pouvait-on vraiment se sentir vulnérable aux côtés de sa mère ?

Oh oui. Oui, auprès d’une mère malade et mourante, dont le sort était entre les mains du Très-Haut. Pour qui elle ne pouvait sans doute plus grand-chose, si même les médecins ne savaient plus quoi faire. Vulnérable, face à ce que l’on ne peut changer. Face à soi-même. Car s’il advenait quelque chose... Mais il advient toujours fatalement quelque chose, non ?


Et donc, Châlons après Troyes. Et un soupir de plus. Une terre, ô par trop familière, mais sur laquelle on ne pourra jamais plus avoir de droit. Sans doute.

Et de Châlons, déjà, Clémence pouvait presque deviner les contours de l’Epine. Il suffisait de fermer les yeux. C’était étrange, en fait, cette volonté d’arriver le plus vite possible sur le lieu de sa… sentence. Quoique. Maintenant, si près du but, la demoiselle menait davantage sa monture au pas plutôt qu’au trot et moins encore au galop. L’appréhension, sans nul doute. D’affronter un visage défait, de s’affronter elle-même, également.


Le bourg. L’Epine. Des odeurs de pain chaud, les échos caractéristiques du métal martelé dans la forge… Il était difficile de se persuader que la vie continuait son cours quand pour soi, elle commençait à perdre tout son sens. Les rares habitants dont elle pouvait croiser le regard l’observaient d’un air curieux. Voilà longtemps qu’elle n’était pas revenue. Et puis, on ne connaissait que trop peu son visage, tout compte fait. Poliment, elle les saluait tout de même, s’autorisant un mince sourire. Parfois, il lui semblait qu’on la reconnaissait : sans doute l’évidence frappait-elle aux yeux. Mêmes cheveux blonds ondulés, mêmes grands yeux bleus innocents, même port de tête fier et un peu exagéré, même nez droit et fin, même teint clair… même impression de fragilité, qui pourtant pouvait disparaitre en un froncement de sourcils, un regard, une phrase.

Le clocher de la collégiale Notre-Dame de l’Epine, dressé vers les nues. Elle la savait majestueuse, à la hauteur de bien des cathédrales sans doute, mais aujourd’hui, elle ne se sentait pas l’envie de s’y arrêter. L’idée qu’elle la reverrait peut-être plus tôt qu’elle ne l’aurait voulu ne parvenait pas à quitter ses pensées.

La plaine champenoise, morne et vide. Dont on devinait que progressivement la neige puis le givre avaient fondu, tant la terre, par endroit, s’était changée en bourbier. La brise était fraîche, presque froide, point trop glaciale mais suffisante pour parfois éveiller l’échine de la demoiselle d’un frisson agressif. Les vignes dormaient encore mais bientôt, alors qu’arriverait le printemps –symbole de bien des renaissances, la sève affluerait, annonçant qu’il était enfin temps d’entamer le premier labour. Premiers éveils printaniers. Que cela lui semblait loin, encore.

L’enceinte du château. Comme ils étaient difficiles, ces derniers pas.



Halte là ! Qui êtes-vous ?
Le ton était abrupt, sans appel. L’intonation était différente que dans ses souvenirs. Sans doute était-il délicat de garder un château quasiment vide, où son Seigneur n’apparaissait plus, dans lequel sa Dame n’était plus qu’une ombre.

Fauchevent ? Clémence s’avança un peu, rabattit son capuchon pour mieux se dévoiler et offrit un sourire rassurant au garde.

Damoiselle Clémence ! Mams’elle… M’dame Beulbeul ! On n’vous… J’ne vous… vous avez fait vite ![Bredouilla-t-il, confus de ne l’avoir reconnue immédiatement. On m’avait dit qu’vous s’rez là bientôt. Mais bon… bientôt… ça veut pas dire grand’ chose.

Les deux femmes furent introduites dans la cour, leurs chevaux emmenés, et là encore, Fauchevent rechigna à les laisser continuer plus avant, préoccupé. Il osa reprendre la parole, alors que Clémence s’apprêtait à passer la porte du donjon :

Damoiselle… J’voudrais pas être trop curieux mais… parce que j’suis qu’le garde mais… qu'est-ce qui s’passe ici en c’moment ? C’est comme qui dirait… comme si y’avait quelque chose de pas banal. Tout est un peu sans d’ssus d’ssous. Et pis vous vlà… M’dame la Marquise… Not’ Seigneur vot’ père… ça va ? Sa mine réellement inquiète suffit à déstabiliser Clémence.

Me voilà, oui. Et alors ? Je suis ici chez moi, il est normal que vous m’y voyiez ! Si l’on ne vous a rien dit, c’est qu’il n’y a sans doute rien à dire. Retournez à votre poste. Et tandis que sa voix se brisait dans un sanglot nerveux, Clémence attaqua vigoureusement les degrés menant aux appartements de sa mère. Elle ne prit même pas garde à l’intendant qui vint se porter à ses côtés, tout en la saluant avec respect. Il eut assez de tact pour éviter toute question ou autre remarque. Elle balaya du regard sans tout à fait la voir la jeune Marieke, fidèle domestique, qui vint s’immiscer dans leur sillage.

...

La chambre était là. Derrière cette porte. Encore fallait-il trouver la force de la pousser.



Dehors, le crépuscule commençait à poindre.

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---Bannière en reconstruction---
--Raphael.de.lepine
De la lumière changeante du crépuscule naissent des formes indistinctes et déracinées, qui prennent peu à peu corps dans l'épaisseur de la nuit et la langueur des sens assoupis. Le royaume des rêves s'ouvre, et nul besoin alors d'être endormi.

Un nuage au-dessus de l'Epine s'étendit comme deux grandes ailes léonines. Les premières étoiles naissaient, les yeux de Saint Marc, et Clémence demeurait devant la porte de la chambre. Dans les limbes célestes, en cortège au soleil couchant, les bonnes étoiles qui veillaient sur la jeune, la belle, triste et seule héritière.
Sur les rayons de la plus brillante, une ombre se laissa glisser, glisser, et descendre jusqu'à la Terre.
Mais était-ce une ombre ou une lumière ? Ç'aurait pu être, aisément, un beau jeune homme, diaphane, impalpable, aux cheveux clairs de Bianca la Sicilienne.
Le rayon de l'étoile s'était glissé jusque dans le château de l'Epine. Il donnait sur les cheveux de Clémence... À moins qu'il n'en partît ?

Et dans l'air, un souffle...


-« Allons-y... »

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Clemence.de.lepine
Une impression. Un souffle. Un frisson. La perception de l’imperceptible. Encore.

L’indigo de ses yeux se voile. Ses sens exacerbés aux aguets. Mais elle reste immobile. Silencieuse.



Il lui semble que…

Mais derrière elle, un mouvement rompt le charme : le froissement reconnaissable de jupes qui se tordent sous des doigts nerveux. Le grain à nouveau s’écoule dans le sablier. Clémence tourne la tête, à droite, où il lui semblait que…

Tout n’est que jeu de contrastes, là où s’impose peu à peu et de manière effrontée le règne de l’ombre sur la lumière. Distingue-t-elle vraiment une ombre parmi les ombres ? Des contours formant une silhouette qui timidement recule pour se fondre complètement dans l’obscurité nébuleuse. Échappant ainsi au regard inquisiteur. Froncement de sourcil sceptique. Mais finalement, la main blanche se pose sur la poignée si rêche…


« Allons-y. » Annonce-t-elle de sa voix frêle. Et ces mots résonnent curieusement, alors. Comme si… Comme si elle acquiesçait plutôt qu’elle ne décidait d'elle même.


Et la pénombre, à nouveau. Qui enveloppe, enserre, jusqu’à l’étouffement. L’atmosphère est oppressante. Tout cela empeste la mort…

Jetant un œil courroucé au médecin qui se lève à son entrée, Clémence s’élance vers les lourds rideaux et découvre les fenêtres. La lumière crépusculaire inonde la chambre.


Elle n’est pas encore passée. Siffle-t-elle à l'adresse du médecin. Et comme chacun, elle a besoin de lumière.

Pas encore morte, non. Mais lorsque ses yeux rencontrent les paupières closes de sa mère, blanches, presque translucides, son front perlé, ses cheveux ternes, ses pommettes saillantes… Le doute est permis, alors. D’un bond, la voilà à ses côtés, et elle saisit sa main, si chaude, malgré sa pâleur évidente.


Et alors, rien n’a plus d’importance que de la faire vivre. La faire vivre à nouveau, la faire rire, la voir pleurer même, la sentir heureuse, l’entendre dire combien elle l’aime, à quel point elle la rend fière et qu’elle ne lui en veut pas.


Oh… Mère... Je suis désolée. Tellement désolée. Les larmes coulent, ces larmes brûlantes, acides, qui attaquent sa peau tendre. Elles coulent comme elles n’ont jamais coulé, ces larmes coupables, ces larmes de désespoir, de rage, de tendresse, de solitude, de rancœur, de douleur. D’amour.

Regarde-moi. Murmure-t-elle. Ouvre les yeux.


Mais les yeux ne s’ouvrent pas.

Les cloches annoncent vêpres. Clémence sursaute sous l’assaut de ce qui lui paraît être vacarme. Elle tourne des yeux affolés, accroche un à un les regards. Puis, rassurée : non, ça n’est pas le glas funèbre. Pitié. Faites qu’il ne sonne jamais.

Fugacement, il lui semble encore que… parmi les regards qu’elle vient de croiser… l’un lui a semblé étranger et pourtant… familier. Craintivement, elle vérifie. Quatre paires d’yeux. Beulbeul, Marieke, Guenther et le médecin dont elle ne connaît le nom. Pas une de plus.

Étrangement, au lieu de s’en sentir soulagée, c’est une déception chagrine, qui vient lui étreindre le cœur.


Le rêve vaut parfois mieux que la réalité.

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--Raphael.de.lepine
Et une idée, insidieuse, qui peu à peu se formait, une volute qu'on disciplinait, doucement, sûrement. Non Clémence, ce n'est pas un regard étranger ! Clémence... Clémence... Ce regard, tu l'as toujours vu. Les yeux de ta mère étaient là bas... Clémence, Clémence... Ce regard ne t'es pas étranger, il n'est qu'endormi au fond de toi.
Depuis combien de temps ne l'as-tu vu ? Depuis combien de temps, Clémence, vis-tu sans regarder en arrière, sans regarder d'où tu viens ?
Bien sûr, on ne peut vivre replié sur le passé. Bien sûr, tu dois construire ton avenir, en dépit de la solitude, en dépit de la jeunesse. Bien sûr, il faut aller de l'avant, Clémence ! Mais ces regards, on ne doit pas les oublier.
Souviens-toi, Clémence... Souviens-toi quel est ce regard. Il est resté de si nombreux mois posé sur toi, et le tien sur lui...

Dans la chambre, dans le silence gênant, on apporte quelques bougies pour veiller la fiévreuse. Tuer la lumière, ne serait-ce pas tuer la vie ? Dans le noir, quelle place demeure pour l'espoir ?
Si les cœurs sont étreints, si les regards sont éteints, il y en a un, là, de l'autre côté du lit, qui vit et scintille. Deux petites prunelles, du côté sombre du lit, à l'opposé de la table de chevet. Les voyez-vous ?

Clémence, relève la tête... Les yeux que ta mère a donnés à ton frère brillent là bas... Les vois-tu ?
Ces yeux pourraient bien dire que jamais tu n'as été seule. Tu n'avances pas seule vers l'avenir... Quel qu'il dût être !

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Beulbeul
LA route avait été longue et fatigante. Beulbeul aurait aimé se reposer avant d'atteindre le domaine de L'épine. Elle savait d'avance que là bas, les choses ne seraient pas simples.
Mais Clémence avait souhaité arriver le plus tôt.

Elles entrèrent dans la pièce, et Beulbeul se retint de pleurer. Elle ne reconnut pas la marquise tellement elle s'était vidé de toute vie.
Elle semblait ailleurs, presque inconsciente.
Beulbeul serra le poing, s'obligeant à relever la tête, elle se devait d'être présente pour Clémence, elle se devait d'être forte.

Clémense lui semblait fébrile, ailleurs. La jeune fille présentait des signes de fatigue. Beulbeul la voyait tourner la tête comme si elle entendait une autre personne. Beulbeul surveillerait la jeune femme. La fatigue, le chagrin, ...pouvait engendrer une sorte de démence, de folie passagére.

Elle aurait voulu s'approcher de la Marquise, mais s'y refusa. Ce moment devait appartenir à Clémence. Elle aurait voulu dire à Matthilde de se reveiller, de sourire à nouveau, mais elle savait que tout cela était peine perdue.

C'est dans une impuissance totale qu'elle assistait à ces drôles de retrouvailles.
Beulbeul se tint sur le côté, prête à recueillir Clémence lorsque celle ci serait prête à accepter la terrible vérité.
Clemence.de.lepine
Et peu à peu, quelque chose se faisait jour. Un sentiment accablant. Une réalité dévastatrice.

Ce qui arrivait était déjà arrivé. Ce qu’elle ressentait elle l’avait déjà ressenti. Elle le ressentait toujours et peut être en serait-il toujours ainsi.

Cette culpabilité, elle la portait depuis qu’il lui était possible de penser par elle-même et de tirer ses propres conclusions. Aujourd’hui, elle se reprochait d’avoir abandonné celle pour qui elle s’était toujours efforcée de vivre. Hier… elle s’en était voulue d’avoir survécu à un autre.

Son frère.

Pourquoi elle et non lui ? Pourquoi pas ensemble ? S’il avait été là, les choses auraient été différentes. Mais le fait était que ce frère, ce jumeau, celui qui aurait dû être elle et qu’elle aurait pu être lui, celui sur qui elle aurait pu compter et avec qui elle aurait pu se construire, celui avec qui elle aurait tout partagé, de son nom à son âge, de ses traits à son sang, de ses rires à ses pleurs, celui qui l’aurait comprise, simplement parce que pendant neuf mois, ils avaient occupé le même monde… Ce jumeau, donc, elle l’avait tué. Elle lui avait pris sa place ; la vie qu’il aurait dû avoir, c’était elle qui la vivait. Si elle n’avait pas été là, avec lui, dans le ventre de sa mère, sans doute serait-il ici aujourd’hui, car de toute évidence, il n’y avait pas eu de place pour deux ici bas. Et alors, Matthilde serait en bonne santé. Car lui n’aurait pas fui : il aurait affronté, en digne héritier du Lion. Il l’aurait portée à la force de ses bras, il se serait battu pour lui offrir tout le bonheur qu’elle méritait. Il aurait possédé la fougue du Lionceau, la force du Lion, la sagesse du vieux Fauve. Il aurait tout eu, parce qu’il aurait été là, fier et beau, vivant, tellement vivant qu’on l’aurait alors cru capable de vivre deux fois.

Raphaël… Ce prénom qui lui semblait maudit alors qu’il fut porté par un homme dont le souvenir valait cent fois le sien. Ce prénom, qui ne cessait de résonner cruellement à ses oreilles sous toutes ses formes et qu'elle évitait obstinément de prononcer.


Raffaello de la Francesca
Raphaël de l’Epine
Louis-Raphaël d’Appérault
Jehanne Elissa Raphaëlle de Volpilhat
Rafaella Wagner


Des hommages, pour un homme qui fut un mentor, un ami, un modèle, un parent… Mais pour Clémence, il lui suffisait d’entendre ce prénom pour qu’elle s’en trouve bouleversée. Par l’image de ce frère qui aurait dû être et qui n’était pas. Quel étrange paradoxe, en vérité. Ce grand-père, dont elle était si fière bien qu’elle ne l’ait jamais connu, face à ce frère à qui elle ne pouvait penser sans s’en trouver anéantie. Deux prénoms identiques, deux ressentis différents.

Et aujourd’hui, la culpabilité de cette mort, de cette non-existence, lui revenait en pleine face. Alors qu’elle veillait sa mère qu’elle avait laissée seule, et de qui elle ne pourrait sans doute jamais plus recevoir un sourire.


Plongée dans ses tristes pensées, le cœur ravagé par les remords et le doute, le temps avait passé trop vite. Une main la tira de son trouble. Ses yeux quittèrent alors les ombres dansant sur le mur qui lui faisait face, de l’autre côté du lit, celles créées par la leur vacillante des chandelles que l’on avait apportées et qui prenaient des formes aux contours presque humains. Son regard vide se porta sur le médecin qui venait de s’emparer fermement de son épaule.


Damoiselle… Je vous suggère de faire mander un clerc.

Pourquoi ? gémit-elle alors. Pourquoi le faudrait-il ? Regardez : elle respire, elle vit encore, elle s’accroche ! Pourquoi devrait-on mander un clerc ? Sa voix n’était que supplique. Cela signifierait que pour nous, elle est déjà loin. Trop loin. Termina-t-elle dans un souffle.


Machinalement, elle reporta son regard bleu sur cet imbroglio de lumière mêlée d’ombre. Dans ces formes tremblantes, elle avait déjà vu une silhouette. Maintenant, cette silhouette avait un visage. Le visage de la culpabilité.

C’était Raphaël, qui la regardait, de ces yeux tellement bleus qu’elle aurait aimé y plonger et s’y perdre. Comment avait-elle pu l’ignorer si longtemps ? C’était comme une présence qu’elle portait avec elle depuis sa naissance. Une présence à qui elle pouvait donner un visage, si elle le voulait. Il veillait avec elle, ce frère à qui elle avait survécu mais qu’elle pouvait faire revivre, par sa simple volonté. Il était là. Mais elle ne savait si cet éclat, au fond de ses iris identiques aux siens, identiques à ceux de leur mère –leur mère !, elle ne savait s’il disait
« Bats-toi, tu n’es pas seule » ou si au contraire il lui martelait « Regarde ce que tu as fait ».


Raphaël… Pensa-t-elle alors. Raphaël je suis désolée. Dis lui que je le suis. Dis lui qu’il lui faut vivre encore, que j’ai tant besoin d’elle. Dis lui que je ne peux pas la perdre. Que je ne pourrais pas vivre avec l’idée que je l’ai laissée mourir.

Et aussi.

J’aurais eu besoin de toi plus tôt. J’aurais eu besoin de toi dès notre naissance.


Sonnèrent complies. Dehors, la nuit avait complètement pris possession du domaine.
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---Bannière en reconstruction---
Clemence.de.lepine
Damoiselle… Je… j’avais pris la liberté de faire appeler un clerc tantôt. Il est maintenant ici. Elle l’est, plutôt. Elle attend. Elle attend que vous acceptiez sa présence. Votre mère a besoin d’un clerc : son état me paraît critique. J’ai tout essayé mais…

Elle ne l’écoutait plus. Elle le haïssait de plus en plus. C’était si facile, la haine.

Devait-elle le blâmer de cette prévenance pleine de zèle ? De cette initiative personnelle ? Non. Puisqu’elle était incapable de prendre en charge la responsabilité qui lui incombait –celle de veiller sur sa mère, il était normal qu’on le fasse à sa place. Si au moins elle parvenait à se persuader de ce qu’elle savait raisonnable… Bien sûr que non, elle ne pouvait légitimement désapprouver ce que l’on faisait à sa place. N’avait-elle pas été absente ces derniers mois ? N’avait-elle pas alors laissé la Marquise aux mains seules des médicastres, sans manifeste soutien familial ? Si. Malgré cela, elle ne pouvait supporter l’idée que même ici, elle n’était d’aucune utilité. Elle n’était pas capable de se montrer courageuse, à la hauteur de ce qu’on attendait d’elle. Mais elle n’était pas prête, voilà où se situait le problème. Pas prête à relever ce cruel défi. Et encore moins préparée à la laisser s’en aller sans avoir pu croiser à nouveau son regard pur.

Respire, Matthilde. Respire, Clémence. Tu le sais. Sa mort ne doit pas conduire à ta perte. Souviens-toi des principes sur lesquels repose ta Foi. Des vertus vers lesquelles tu dois t'efforcer de tendre. Des vices desquels tu dois t’éloigner. Souviens-toi de ce que l’on t’a appris, de ce que tu as lu. Souviens-toi de Sylphaël mais souviens-toi surtout de Lucifer. Vertu contre vice. Le Plaisir contre l’Acédie. Ne t’abandonne pas, ne te laisse pas aller, ne néglige pas le Spirituel, ne te détourne pas de Dieu. Lui-seul peut t’aider. Souviens-toi de ce que dit Sylphaël : « Dieu nous donna les sens pour goûter le plaisir et parce que l'amour de la vie reste l'Amour ». Alors force-toi à vivre et à le vouloir : il te faut tendre vers la vertu plutôt que vers le vice. Cela a toujours été ta croyance. Et le plaisir est vertu, tu en as le droit, tu en as l’obligation.


Raphaël… Sylphaël… Cela est plutôt similaire, non ? murmura-t-elle aux ombres blondes. Ce constat lui allégea le cœur. Un peu. Suffisamment pour qu’elle ne laisse pas la rancune s’échapper de ses lèvres alors qu'elle répondait à la demande pressante.

Faites la donc entrer. Peut-être saura-t-elle la soulager mieux que je ne l’ai fait jusqu’à présent.

Elle posa sur le front fiévreux de sa mère un baiser. Si ses larmes continuaient de couler, elle n’y prêtait plus attention, désormais. Une autre étape était en train d’être franchie. Celle de l’acceptation. Il ne fallait pas croire que ç’en était moins douloureux. Non. Il y a des choses qu’on ne pouvait empêcher. Maintenant, c’était trop tard. Il fallait se remettre entièrement entre les mains de Dieu. Lui-seul était capable de décider de ce qui pouvait advenir. Et quoique pense Clémence, quoiqu’elle désire, elle ne pourrait rien changer à Sa volonté.
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Au pas lent de sa mule, l'abbesse de Sainte-Menehould s'en retournait de Châlons, où elle avait visité sa consoeur la Mère Supérieure du couvent des petites Soeurs de Saint-Bardamu, patron des voyageurs nocturnes. En chemin vers son diocèse, elle avait passé l'entrée monumentale du château de l'Epine lorsque elle fut rattrapée par un valet, dont la livrée indiquait qu'il servait une haute lignée.

Ma Mère, Ma Mère, lui dit-il au bord de l'essoufflement, on mande un clerc au château, il vous faut venir donner des Sacrements, c'est pressant ...

Soit, le rôle d'une abbesse, aussi humble soit-elle, est de s'occuper des âmes, quelles qu'elles soient et où qu'elles fussent. Elle fit faire volte à sa mule, qui, docile, pointa ses oreilles en direction du castel.

Si elle fut impressionnée par le luxe de la demeure, elle n'en laissa rien paraître. Les biens matériels, la richesse temporelle, ce sont là futilités dont les morts n'auront point besoin de s'encombrer au Jour de comparaître devant le Trés-Haut. Elle délaissa bien vite la contemplation des tableaux et des bibelots de l'antichambre où on la fit attendre, pour se plonger dans l'étude d'un petit opuscule qu'elle gardait sur elle, contenant la Vita de Christos, ainsy que les 21 Logions, car à la vérité, et quoi que Monseigneur l'Archevêque tint pour que l'on prêcha à Reims la Raison d'Aristote, l'abbesse professait en secret un amour éperdu pour Christos et Sa Foy.

Passé un long moment, et après qu'on lui eût servi une collation légère et délicate, dont elle n'avait point idée que celà pût exister, elle entendit un fort remue-ménage, hennissements de chevaux, claquement de portes, pas dans l'escalier. Peu après, on vint la quérir et on la mena dans une vaste chambre, à demi plongée dans la pénombre.

Elle connaissait bien cette ambiance, celle des chambres de mourants, à mi-chemin entre deux mondes, où l'on se meut avec lenteur, où l'on parle à demi-voix, comme si l'on avait peur de déranger quelque esprit maléfique, et de se faire emporter par lui. Saluant rapidement l'assistance d'un signe de tête à la ronde - les vivants attendraient, elle s'approcha du lit.

Le femme qui était allongée là était au plus mal, de toute évidence. Cappa saisit sa main, encore bien chaude. La vie était encore là, mais l'esprit semblait déjà avoir fait ses préparatifs pour le Voyage. Les yeux étaient clos, le soufle court, les lèvres pincées. L'abbesse ne pourrait point la confesser de vive-voix. Elle retira la patenôstre de grosses billes du buis qu'elle portait autour de son cou, et en glissa l'extrêmité en forme de croix sous les mains jointes de la femme. Puis elle s'agenouilla, et souffla à son oreille :

Je confesse à Dieu tout puissant,
A tous les Saints,
Et à vous aussi, mes amis,
Parce que j'ai beaucoup péché,
En pensée, en parole, en action.
Je supplie tous les Saints,
Et vous, mes amis,
De prier le Créateur pour moi.
Que le Seigneur nous accorde le pardon,
L'absolution et la rémission de tous nos péchés.
Ainsy Soit-Il


L'abbesse prit une fiole qu'elle tenait serrée sous sa bure, l'ouvrit, et humecta son pouce droit d'un peu d'eau qu'elle avait puisée au bénitier de sa chère église de Sainte-Menehould. Puis elle apposa son pouce sur le front de la Marquise, et lui donna la Bénédiction.

Au nom du Seigneur, de Christos et d’Aristote,
Que la Grâce du Très-Haut tout puissant et des Prophètes soit toujours avec toi
Et avec ton esprit,
Amen


Ce qu'elle pouvait faire en ce moment avait été fait. Le médicastre avait fait son oeuvre, et il ne pouvait plus rien. Il en était de même pour elle. Il était à craindre que les prochains à oeuvrer ne fussent les croque-morts, lorsqu'ils viendraient parer le corps. Il restait maintenant à s'occuper des vivants. L'abbesse se releva et fit face à l'assistance ...
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Croyez en Dieu, car hors de Dieu, point de vérité n’existe. En revanche, son existence est gratuite, donc, croyez en lui et arrêtez de me les casser menu. Chr. Log. XIV
Clemence.de.lepine
Elle avait vu entrer l’abbesse, elle l’avait vue œuvrer auprès de sa mère et elle avait presque pu deviner sans la voir ni l’entendre ce qu’elle lui avait murmuré à l’oreille. Clémence était suffisamment au fait, elle avait été élevée dans la Foi, initiée au Dogme de la Sainte Eglise Aristotélicienne et si elle n’en saisissait toutes les subtilités et que quelques idées lui échappaient encore, elle s’efforçait chaque jour de s’élever un peu plus dans sa compréhension des Dialogues, des Logions ou même des Doctrines.

Et c’est alors qu’elle observait l’abbesse qu’elle en vint à penser que jamais autant qu’elle, elle ne pourrait se trouver aussi proche de Dieu. Et malgré tout ce qu’elle pouvait croire, malgré ce dont elle voulait se convaincre, elle était encore bien loin de Lui. Trop loin, pour pouvoir prétendre à être absolue de tous les pêchés dont elle se pensait à l’origine. Mais qui ne l’était pas ? Alors, une question lui vint : pourrait-elle se sentir assez bien pour vouloir vivre, une fois que sa mère aurait… rejoint ceux qui avant elle étaient partis ? Pourrait-elle vivre avec l’idée qu’elle avait elle seule détruit tout plaisir dont elle aurait pu s’entourer ? Cela lui semblait maintenant au-dessus de ses forces. Si bien, qu’elle en arrivait à la conclusion que la seule façon de pouvoir espérer à nouveau une place au Paradis, -aux côtés de sa mère Matthilde, de son frère Raphaël, de son grand-père Raffello, de ses oncles Alessandro et Kurt, de ses cousins Gabriel et Richard, de sa marraine Catherine-Victoire, de son parrain Anthony, de Juliano, de Marguerite, de Lothaire, d’Olaf et de tant d’autres qui avaient compté à leur façon-, pour espérer cette place il lui faudrait retrouver la Paix de l’âme et obtenir la rémission de ses pêchés. Ne devrait-elle pas, alors, se tourner vers les Ordres et s’abandonner complètement au Spirituel ? Peut-être y trouverait-elle enfin la sérénité qu’elle recherchait depuis si longtemps. L’air réprobateur de Raphaël lui fit pourtant douter de la légitimité de cette volonté soudaine.
« C’est une réaction égoïste. Encore. », pensait-il à son attention. Pourtant, elle se fit la promesse d’y réfléchir sérieusement, parce qu’il lui semblait que cela en valait la peine.

Ma Mère… sa voix n’était que murmure et cependant, elle déchira le silence qui s’était installé après l’intervention de l’abbesse. S’approchant un peu de cette dernière pour qu’elle saisisse correctement chacun de ses mots, Clémence reprit sur la même intonation.

Je vous remercie d’être là. Et… je ne sais si ma requête sera tout à fait appropriée pour l’heure mais… pourriez-vous entendre ma confession ? S’il vous plait. Sa mine troublée n’était pas feinte, alors même qu’elle était tiraillée entre son désir de rester jusqu’au bout en soutien invisible aux côtés de sa mère, et son besoin de soulager son cœur et son âme afin de se trouver plus ou moins apaisée lorsque viendrait… le moment.

Et toute à sa détresse, elle n'avait pas même imaginé se présenter à l'abbesse. Quelle utilité ? Il n'était plus rien qui n'avait encore réelle importance dans cette chambre, hormis sa mère et de façon égoïste il était vrai, elle-même et son chaos cérébral.

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