Clemence.de.lepine

Une simple lettre avait suffit pour que l’univers complet de la jeune de l’Epine soit remis en question. Et alors que la voiture la menait à vive allure vers la Champagne, vers ces terres qu’elle n’aurait jamais dû quitter et qu’elle se maudissait maintenant d’avoir laissées derrière elle, elle ne pouvait s’empêcher de lire et relire cette missive alarmante qu’elle avait reçue quelques heures plus tôt. Ses lèvres tremblantes s’agitaient muettement, fébriles. Ses mains ne cessaient d’aller et venir, tantôt du vélin à ses joues empourprées, tantôt de ses jupes rouges -qu’elle froissait toujours plus dans des gestes nerveux, à son front brûlant qu’elle ne pouvait rafraîchir. Ses yeux… ses yeux… sans doute étaient-ils le meilleur reflet de son âme, comme cela était si souvent le cas. Cette âme perdue en ces temps si sombres, pour elle, cette âme désespérée que tout espoir semblait alors avoir fui pour de bon et surtout, pour ne jamais revenir. Oh… ce bleu si fluide que les larmes venaient troubler. Ce regard perdu, éperdu, allant et venant au gré des lignes noires encrées sur un parchemin d’une pâleur aussi triste que celle du masque porté par la demoiselle. Pourquoi ? Mais pourquoi l’avait-elle quittée ? Au profit de quoi ? Cette fuite de la maladie, de cette mère qui ne la reconnaissait plus qu’à peine, cette fuite de la peur qui alors lui avait étreint le cœur quand elle avait compris qu’elle ne retrouverait jamais plus la mère qu’elle avait chérie pendant tant d’années. Qu’elle avait tellement voulu honorer et respecter, au point de tout faire pour lui ressembler. Car n’était-elle pas, finalement, le portrait exact de ce que Matthilde avait pu être à son âge ? Peut-être manquait-il encore à Clémence cette force de caractère que sa mère possédait il y avait encore quelques mois. Quelques longs mois auparavant… Il lui fallait vraiment tenter de faire abstraction de ce qui pouvait la tourmenter. Il lui fallait y faire face. Il lui fallait se défaire de ses peurs, de ses angoisses d’enfant, parce-que la voilà qui entrait définitivement, peu à peu, contre son gré, dans le monde adulte. Elle le savait. Mais elle s’en sentait si peu capable que c’en était accablant. Sans elle… cela la briserait. Ce serait l’épreuve de trop, celle qu’elle ne pourrait surmonter. Elle n’aurait jamais dû l’abandonner, ça n’avait été qu’une stupide réaction égoïste.
Clémence osa lever son regard humide vers la jeune femme qui l’accompagnait et qui ne disait mot, respectant religieusement le silence dans lequel elle s’était murée depuis leur départ. Beulbeul, compagne de tous les instants, pouvait être une des rares personnes à comprendre les émotions et les sentiments qui, en ce moment, assaillaient sa raison, sa lucidité. Dans quoi allait-elle sombrer, désormais…
Il faisait encore jour, au dehors. Les rayons faiblards de l’astre solaire jouaient nonchalamment avec les boucles blondes de Clémence, les animant fugacement d’une délicate lueur quasiment imperceptible. S’ils étaient censé lui redonner un peu de courage, ces rayons, en frôlant ainsi sa peau claire et en réchauffant distraitement ses mains pâles, l’effet n’en était pourtant pas vraiment concluant. Oh, elle les sentait. Elle les appréciait, les remerciait de leur présence quelque peu réconfortante. Elle les suppliait presque, même, de rester encore un peu. De retarder le crépuscule, qui inévitablement, précéderait la pénombre. Mais comme pour bien des choses, elle n’avait pas ce pouvoir de retenir le jour. Alors, dans un soupir las et empreint d’une peine qui aurait attendri le plus insensible des hommes, elle tendit le vélin à Beulbeul. Cette dernière avait plus ou moins connaissance de la raison qui les poussait maintenant vers la Champagne. Elle avait eu la visite de Clémence, en pleurs, qui n’avait pas même eu besoin de lui demander de l’accompagner. Il suffisait de la voir, pour saisir la teneur bouleversante de la lettre. Rien, ni personne, n’avait encore jamais réussi à rendre aussi explicite la vulnérabilité de la demoiselle.
Clémence osa lever son regard humide vers la jeune femme qui l’accompagnait et qui ne disait mot, respectant religieusement le silence dans lequel elle s’était murée depuis leur départ. Beulbeul, compagne de tous les instants, pouvait être une des rares personnes à comprendre les émotions et les sentiments qui, en ce moment, assaillaient sa raison, sa lucidité. Dans quoi allait-elle sombrer, désormais…
Il faisait encore jour, au dehors. Les rayons faiblards de l’astre solaire jouaient nonchalamment avec les boucles blondes de Clémence, les animant fugacement d’une délicate lueur quasiment imperceptible. S’ils étaient censé lui redonner un peu de courage, ces rayons, en frôlant ainsi sa peau claire et en réchauffant distraitement ses mains pâles, l’effet n’en était pourtant pas vraiment concluant. Oh, elle les sentait. Elle les appréciait, les remerciait de leur présence quelque peu réconfortante. Elle les suppliait presque, même, de rester encore un peu. De retarder le crépuscule, qui inévitablement, précéderait la pénombre. Mais comme pour bien des choses, elle n’avait pas ce pouvoir de retenir le jour. Alors, dans un soupir las et empreint d’une peine qui aurait attendri le plus insensible des hommes, elle tendit le vélin à Beulbeul. Cette dernière avait plus ou moins connaissance de la raison qui les poussait maintenant vers la Champagne. Elle avait eu la visite de Clémence, en pleurs, qui n’avait pas même eu besoin de lui demander de l’accompagner. Il suffisait de la voir, pour saisir la teneur bouleversante de la lettre. Rien, ni personne, n’avait encore jamais réussi à rendre aussi explicite la vulnérabilité de la demoiselle.