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Info:
Clémence a 13 ou 14 ans, ce RP se passe donc antérieurement à tout ce que peut vivre actuellement le personnage ("vieux" rp sorti de sous les fagots)

L'écart des âges ne dresse pas de barrières

Gabriel de Pierrefonds
[Initiative personnelle : l'entrevu entre Clémence et Sana pourrait avoir lieu dans le jardin. Comme je ne sais pas de quoi vous allez parler, le titre du sujet est neutre. Si ça ne vous convient pas je vous laisse gérer et je m'adapte, comme d'hab ;)]

Gabriel s’apprêtait à accompagner Clémence à l’intérieur de l’hôtel, mais il se ravisa et l’invita d’un sourire satisfait à prendre une autre direction :

Il me vient une idée. Si cela vous agrée, le vicomte pourrait vous recevoir dans le parc du château. Le ciel est plutôt clément et il a besoin de prendre l’air … Prenez donc un peu d’avance, le parc est par là ... Je fais mander le vicomte puis je reviens vous tenir compagnie.

Il laissa la jeune femme prendre la direction du jardin et se mit en quête d'un laquais.
Clémence de l'Epine
La voilà qui se retrouvait seule, encore. Celui lui fit un effet étrange. Elle sentit son cœur s’accélérer, sa peau frémir, ses mains se mettre à trembler, son ventre se nouer. Pourquoi ? Ah, mais elle savait pourquoi. Elle avait osé parler, elle avait osé, oui, violer son serment, et cela lui avait plu. Elle était en train de réaliser que la solitude ne pouvait, à terme, que la mener vers des souffrances plus dures encore que l’angoisse qu’elle pouvait ressentir en société. Elle avait réalisé, aussi, combien elle aimait juste parler, combien cela lui avait fait du bien de simplement échanger ces mots, simples, avec ce Capitaine. Mais elle réalisait, dans un même temps, que la trêve allait s’achever et que ses démons allaient renaître, sans doute. Et la voilà, alors, qui s’effrayait. Il fallait de toute façon qu’elle songe un jour à affronter les choses et non pas à les fuir. Et s’il était une chose impossible c’était bien de se fuir soi même.

Un soupir, rien qu’un, vint chasser son malaise. Elle y était, dans le parc, et elle resta figée devant ces quelques boutons d’or qui fleurissaient, épars, au milieu d’un massif de pervenches. Ces fleurs de l’enfance mélangées à celles de la mélancolie. Cet or de noblesse et de foi associé à l’azur de la sagesse. Azur et or donnent sinople: jeunesse et beauté, désordre et folie.

Sinople. Voilà ce qu’elle était. L’ambre délicat de ses cheveux, le bleu profond de ses prunelles. Et les symboliques contradictoires de ce vert émeraude, dont elle aimait se parer.



Ou comment se perdre dans de vaines pensées.
Gabriel de Pierrefonds
Gabriel n’attendit pas vraiment la réponse de la jeune femme ; il avait décidé que le vicomte devait sortir un peu, leur invité s’en accommoderait. Il était conscient que son accueil avait laissé à désirer, mais ce genre de chose n’était pas vraiment sa spécialité. Il trouva rapidement un valet et lui ordonna de prévenir le vicomte de l’arrivée de la Damoiselle de Villorceau.

Et surtout débrouille-toi pour le déloger de sa tanière sans trop l’énerver.

La capitaine revint ensuite le plus vite possible auprès de la jeune femme. Il la trouva en contemplation devant un parterre de fleurs. Elle semblait perdue dans ses pensées et Gabriel s’approcha d’un pas plus calme pour ne pas la brusquer.

Me revoilà, pardonnez moi de vous avoir abandonnée mais ... nous manquons de personnel ces temps-ci et je cumule les fonctions. Le vicomte ne devrait plus tarder.

Ses yeux des posèrent sur les fleurs qui s’épanouissaient devant eux.

Vous connaissez le langage des fleurs ? Le bouton d’or pour la joie de vivre, la pervenche pour la mélancolie. Il constata que les boutons d'or fleurissaient tant bien que mal dans le massif de pervenches. A croire que ces lieux sont plus emplies de mélancolie que de joie de vivre. Si je devais vous en offrir une, laquelle choisiriez-vous ?

Le capitaine s’aperçut un peu tard de son audace. Il avait cherché à sonder les pensées de la jeune femme, mais sa question inconvenante risquait de la choquer. Tant pis le mal était fait. Il faudrait à l’avenir qu’il apprenne à se contenir.
Clémence de l'Epine
Clémence se retourna vers Gabriel, qui revenait déjà. Elle accueillit d’un sourire reconnaissant son annonce quant à l’arrivée prochaine du Vicomte. Les traits paisibles, elle l’écouta lui conter l’histoire de ces fleurs. Oui, elle connaissait un peu leur langage, même si souvent elle se prenait à leur donner sa propre interprétation.

Je n’aurais pas la prétention de dire que je connais chaque fleur et sa symbolique mais oui, il y en a quelques unes dont je connais la signification. Pour vous, le bouton d’or représente la joie de vivre. Et sans doute avez-vous raison. Moi, je vois dans cette petite chose fragile et dorée l’innocence de l’enfance. Mais il est vrai que l’enfance s’accompagne souvent de cette joie de vivre que vous évoquez. Petit pincement au cœur, à cette pensée.

Nous sommes d’accord pour la pervenche. J’ai souvent entendu dire qu’elle était synonyme d’amertume et de mélancolie.

La question, alors, la surprit. Elle leva un regard interloqué vers le Capitaine. Se moquait-il d’elle ? Essayait-il de l’amadouer, de l’apprivoiser, pour mieux la tromper, comme tant d’autres ? Que voyait-il, là, devant lui ? Voyait-il une damoiselle esseulée ou une fille de Marquis ? Encore ces questions… comme à chaque fois qu’un homme semblait s’intéresser d’un peu trop près à elle. Mais on l’avait prévenue si tôt, déjà, de se méfier de ces vautours qui tenteraient de lui subtiliser son cœur pur, dans l’espoir d’en retirer un quelconque avantage... Parce qu’elle était fille de haute naissance. Et elle avait pris cet avertissement avec un tel sérieux qu’elle ne pouvait maintenant plus voir les autres avec candeur et innocence. Il y avait toujours cette défiance…

Et pour la première fois, elle trouva cela dommage. A trop se préserver, à trop se méfier, elle en deviendrait farouche et désagréable. Peut-être qu’il existait des personnes sans arrière-pensées, peut-être que Gabriel était ainsi et que sa question certes maladroite n’était pas mal attentionnée.

Clémence l’étudia rapidement et remarqua l’embarras qu’il tâchait de dissimuler. N’était-ce pas là un signe de sa sincérité ? Aussi se décida-t-elle à répondre, d’une voix troublée, cependant.


Si vous deviez m’offrir une de ces fleurs, sans doute ne pourrais-je choisir. Il me faudrait un bouton d’or, pour garder le souvenir de ce que je fus. Mais il me faudrait aussi une pervenche, pour ne pas oublier ce à quoi je suis destinée.

Elle se rendit alors compte que ses mots sonnaient bien amers. Quelle piètre compagnie elle faisait là… Elle tenta de se rattrapa en glissant une dernière phrase, qu’elle voulut légère, prononcée d’un ton plus avenant.

J’accepterais* un bouquet les rassemblant toutes deux, je pense, de façon à trouver le juste équilibre entre ces deux sentiments par trop opposés.

Et parce qu’un bouquet vaut mieux qu’une fleur solitaire.


*Edit : Oups j'avais oublié un "s" au verbe ce qui changeait un peu le sens de la phrase... Mais bon normalement, la distinction ne s'entend pas à l'oral alors pas d'incidence sur la suite du RP normalement. Même si c'est ta dernière phrase qui m'a fait prendre conscience de cette faute. Désolée, mais bon rien de grave tout de même ^^
Gabriel de Pierrefonds
Le bouton d’or pour le passé et la pervenche pour l’avenir. La réponse de la jeune femme surprit le capitaine. A son âge, elle devrait attendre plus de choses de la vie. Puis il comprit d’où venait la différence dans leur façon de penser. Ils n’étaient pas du même monde. Depuis sa naissance, sa voie était tracée, et elle ne devait pas décevoir. Sans en connaître les détails, elle savait de quoi son existence serait faîte. Pas de choix, peu de surprises, beaucoup d’attentes extérieures. Etre de lignage noble confère des privilèges, mais il y a un prix à payer. Et elle était assez mature pour comprendre cela.

Soit, optons pour un bouquet bigarré.


Gabriel s’accroupit et s’exécuta. Il se sentit un peu ridicule, là, dans son accoutrement guerrier, à cueillir des fleurs ; mais puisqu’elle était prête à accepter un bouquet, il la prit au mot : il rassembla les fleurs en un panachage de jaune et bleu. Puis il se releva face à elle. Il osa lui saisir la main droite et déposa le bouquet dans sa paume :

Veuillez accepter ce bouquet, je vous l’offre sans prétention aucune. Je vous souhaite de vivre des instants dorés dans votre avenir d'azur
... sourire gêné … et si le vicomte vous interroge à propos de ces fleurs, oubliez quelques instants qui vous devez être … dites lui simplement que je vous les ai offertes.

Il attendit qu’elle referme ses doigts sur les tiges fraichement coupées en signe d’assentiment ; il n’était pas encore certain que les mots de Clémence - "J’accepterai un bouquet" - n’étaient pas uniquement de la rhétorique ou de la politesse.
SanAntonio d'Appérault
Il était, comme chaque jour, dans sa chambre. Lieu qui servait habituellement aux entretiens privés, mais par l'absence d'un chambellan, en devenait un simple lieu de repos et de repas, et non plus un lieu de pouvoir, symbole de la puissance seigneuriale, comme la salle d'audience, le château en lui même, la lice, ou les bois...

C'est là qu'on vint le chercher. Un valet qui le prévenait que damoiselle Clémence était arrivée. Elle lui avait écrit quelques temps auparavant. Elle semblait avoir des nouvelles de Louis, des nouvelles de Marguerite, aussi l'avait-il conviée à venir. Et puis, elle était la dernière damoiselle* de Champagne, fille de Matthilde, petite fille du Lion. Il était donc prévu qu'elle soit reçue dans ses appartements à lui. Mais, le valet lui dit que la damoiselle l'attendrait dans le jardin. Après tout, peut être avait-elle voulu profiter des senteurs printanières. Alors, las, déjà, il se leva, se saisit d'une belle canne en bois dur, quasiment entièrement recouverte de métal, et finement décorée par deivers motifs de chevalerie, de noblesse, de vertu, de foi. Il avait voulut y mettre ses idéaux.

Muni de cette canne il descendit, pas à pas, l'escallier qui menait de la grande salle au rez-de-chaussée du logis. Et de là, il se dirigea vers le jardin, sans dire un mot, entendant juste le claquement du métal sur les pavés lorsque sa canne heurtait le sol. Lorsqu'il entra dans le petit jardin, qui servait surtout à cultiver quelques plantes pour les cuisines sises justes à côté, mais agrémentées de quelques fleurs aussi, conséquences des quelques mois de vie à Meaux de Sevria, lorsqu'il entra dans le jardin donc, il vit la demoiselle son invitée. Et son capitaine, Gabriel. Et elle tenait un bouquet de fleurs en ses mains. Il avait eut la délicatesse de lui tenir un peu compagnie le temps qu'il n'arrive. Il repensa qu'il fallait vraiment le convoquer dans les jours à venir, à propos de son office de capitaine de la garde. Mais pour l'instant, la petite lioncelle** primait. Alors il s'approcha, lentement :


- Bien le bonjour, damoiselle Clémence. Je suis heureux de vous accueillir ici, en mon domaine, par cette belle journée. J'ose espérer que vous avez fait bonne route depuis la demeure de vos parents. J'espère aussi qu'ils se portent bien tous les deux. Ce bon vieux Albert, notre cher connétable. Et bien sûr Matthilde.



* : damoiselle prit dans le sens de fille de naissance noble, qu'elle soit mariée ou pas

** : apparement ça n'existe pas dans le dictionnaire, mais je n'ai pas envie de dire "lionceau" pour une fille, aussi je l'invente ; et puis, ça marque sa rareté, na
Clémence de l'Epine
Voilà qu’elle s’affolait encore… Elle n’avait absolument pas prévu que Gabriel la prenne ainsi au mot, et le voir rassembler ces quelques fleurs dans le but de lui offrir la mettait dans l’embarras. Si elle avait su rougir, sans doute serait-elle écarlate, mais tout comme elle ne savait pleurer, s’empourprer lui était impossible. Clémence, interdite, une nouvelle fois, le laissa déposer au creux de sa main le bouquet coloré. Ses doigts, dans un réflexe incontrôlé, se crispèrent sur les tiges. Elle tenait là, dans sa paume, tout le symbole de sa vie et elle n’avait qu’une envie, l’étouffer, le broyer, parce que ces couleurs étaient trop chatoyantes pour réellement illustrer son humeur, ses pensées, son destin.

Les paroles du Capitaine lui semblèrent naïves et ne trouvèrent pas vraiment de résonance à son oreille, mais ses mots la touchèrent, cependant. Elle n’était pas émue, juste touchée de l’attention, du geste, du message qu’il voulait lui faire passer, de cette naïveté, justement. Il essayait de comprendre, sans doute, mais il ne le pourrait jamais réellement. De cela elle ne pouvait lui en vouloir.

Un léger bruit métallique la tira de ses songes et elle observa le Vicomte rogner la distance qui le séparait d’eux. Elle eut un ultime sourire pour Gabriel et se concentra à nouveau sur l’homme qui s’avançait. Elle avait eu l’occasion de le voir lors de joutes ou de pas d’arme et elle lui avait toujours trouvé fière allure. Maintenant, elle le trouvait vieilli, et sombre. Et cette canne… Il lui semblait que, pour le peu qu’elle l’avait aperçu au mariage de Louis, il ne s’encombrait à l’époque pas encore de cet accessoire. Cela lui fit prendre conscience du fait qu’elle n’était pas la seule à changer. Le temps passait et apposait sa marque sur tout un chacun. Sans exception.

Lorsqu’il parvint à leurs côtés, Clémence se fendit d’une révérence gracieuse, marque de salut et manifestation du respect que lui imposait le port de son titre. Pas seulement le titre, d’ailleurs, se corrigea-t-elle en pensées. Elle le respectait pour bien d’autres choses que pour le seul fait qu’il possédât ce titre de Vicomte.


Bonjour, Vicomte. Lui répondit-elle d’une voix polie. Permettez-moi de vous remercier pour votre invitation, c’est un plaisir pour moi que de me trouver ici. Comme je le disais à votre capitaine, j’ai connu voyages plus difficiles.

Elle hésita un court instant avant de continuer.


Quant à mes parents… Tout comme vous, j’espère que mon père se porte bien. Les dernières nouvelles que j’ai reçues de lui ne m’ont pas laissée soucieuse, en tout cas. Je ne sais ce qu’il fait, et il n’est que rarement à l’Epine. Ma mère… a toujours eu la santé fragile et elle garde souvent la chambre. Ce qui fait que je n’ai pas souvent l’occasion de la voir, ces derniers temps. Elle se repose.

Et vous-même… je… j’ai appris que votre épouse fut rappelée auprès du Très-Haut et je n’ai pas eu l’opportunité de vous adresser toute ma sollicitude. Acceptez donc mes plus sincères condoléances.


Elle n’osa pas inclure le nom de cette Dame de Marbeuil dans ses condoléances : sans doute cela aurait-il semblé un peu déplacé, alors que cette dernière n’entretenait aucun lien de parenté avec le Vicomte. Même si, d’après les dires de Louis, le Chambellan du Domaine cultivait avec son père une certaine complicité. Elle aurait peut-être l’occasion de revenir sur ce sujet un peu plus tard, mais pour l’heure, il lui paraissait plus judicieux de n’évoquer que feue la Vicomtesse.
Gabriel de Pierrefonds
Les doigts de Clémence se refermèrent les tiges, le geste était plus nerveux que délicat. La jeune femme ne laissa pas transparaître ses émotions, à peine avait-elle l'air embarrassée. Elle resta pensive, sans un mot pour le capitaine. Un léger malaise s'installa en lui. A quoi pensait-elle ? L'avait-il offensée ? Il avait voulu lui être d'une compagnie la plus agréable possible, mais elle conservait sur son visage un masque de mélancolie et de résignation.

Gabriel fut soulagé de voir apparaître le vicomte. Il avait envie d'en savoir plus sur la damoiselle et sur son mal-être apparent mais il ne savait pas comment lui montrer son intérêt sans lui paraître indiscret. L'arrivée sonore du vicomte le sauva de toute tentative maladroite.

Le seigneur des lieux et son hôte échangèrent des salutations cordiales, le capitaine en profita pour s'éclipser.
SanAntonio d'Appérault
[Interlude : du vieillissement soudain du vicomte]

Il avait été en quelques mois à peine rattrapé par le temps. La perte de son épouse, bien qu'il ait vécu séparé pendant de longues années. Presque depuis la naissance de Louis. Il y avait eut aussi le sentiment de trahison, d'abandon, occasionné par la distance marquée par sa propre fille, chair de sa chair, comme si elle avait voulut renier son propre sang. Cette trahison, il l'avait aussi ressenti. Venue de son propre frère, le dernier, qui avait sacrifié pour son intérêt personnel la cause léonide et ses liens de famille. Venue de celui qui se disait fils de Caedes, qui en avait pourtant renié tous les idéaux pour son intérêt aussi. Il y en avait tant qui changeaient.
Il y avait eut ensuite ces évenements, la prise, par la force -du moins, en théorie, la garde ayant été levée- du château de Reims, devenu château royal, et siège du conseil des gouverneurs. Conseil composé à l'époque de gens tout autant avides de titres que les autres, mais qui en plus se permettaient de parler de se rebeller contre le Duc légitime. Il avait fait partie de ceux qui avaient agit pour les faire comparaître à Paris, devant les institutions du Roi. Mais les pairs n'avaient pas tenu à bouger. Condamner un traître, voilà qui était trop difficile. Et dans ce cas là, comme il n'y avait pas de traître, alors les vassaux auraient dut être poursuivit à leur tour. Mais même celà ils en étaient incapables, tous trop occupé à chauffer leur place et accroître leur nombre de titres.
Il y avait eut aussi la hérauderie et le comportement népotique du roi d'armes, ainsi que l'absence de réaction de tous les hérauts. Approuvaient-ils le roi d'armes ? Ou bien était-ce simplement par peur d'être viré ? Complicité active ou passive ? Approbation totale ou juste se tenir à l'écart ?
Il y avait eut l'Hospital, qui était passé d'un ordre chevaleresque à un ordre mort, avant de devenir un ordre de népotisme, où la chevalerie n'existait plus, et où les amis du grand maître pouvaient espérer des titres très facilement.
Il y avait eut aussi Ricoh, qui avait épousé l'autre bouseuse. Elle avait reçut des titres, elle en était ravie, mais elle n'avait pas de valeur noble. Comme bien d'autres, cela dit.
Et puis, il y avait eut la disparition subite de Sevria. Le plus cruel, sans doute, car cela n'affectait pas son engagement public, mais sa propre personne, sa maison.

Ces évenements mis bout à bout avaient fait vieillir prématurément le chevalier. Il en avait l'âge, mais il avait longtemps sut aller au delà. A présent, cela n'était plus possible, et il se sentait glisser petit à petit vers sa propre tombe, ce qui en réjouirait tellement de part le royaume. Mais au moins, là où il irait, après, il retrouverait ses glorieux aînés. Suzanne. Caedes. Elissa. Sevria...


[Retour au monde réel]

Il était arrivé en face de la demoiselle son invitée. Et quand il eut finit de parler, elle avait répondu. Saluer son hôte, des remerciements. Cela faisait partie du protocole, étape obligée avant de passer à autre chose. Mais, il n'aurait sut dire quoi, mais la présence de la demoiselle était rafraîchissante, comme si elle avait comblé, simplement en arrivant, un vide. Devenait-il sentimental ? L'âge avait-il donc aussi un impact sur sa façon de penser, d'être, et de faire ? Peut-être pas, non. Juste qu'il manquait à l'hôtel un peu de famille, les cris des enfants, un peu de vie, quoi. Pas l'ermitage d'un vieux chevalier qui attendait sa fin.

Ensuite, quelques nouvelles de ses glorieux parents. Matthilde qui restait cloîtrée ? C'était là bien mauvaise nouvelle. Il pourrait tenter d'aller la voir, un jour. Cela lui ferait sans doute plaisir. Enfin, s'il avait la force d'aller jusque là et si elle en avait assez pour le recevoir. Non, décidément, il ne faisait pas bon vieillir.

Et puis, elle présenta ses condoléances. Il était encore temps, les bannières restaient encore en berne, signe que le deuil n'était pas terminé. Il se convainquait qu'il faisait le deuil de son épouse, il fallait s'en convaincre, mais il avait plus le sentiment de pleurer la perte de sa concubine. Et rien n'y changeait. Mais, il n'avait pas convié la demoiselle à venir pour qu'il puisse, en la regardant, explorer ce qu'il ressentait au fond de lui. Alors, il répondit, d'une voix grave, de celle qui a beaucoup été utilisée, la voix d'un homme fatigué, las des absurdités du monde dans lequel il vit.


- Ne me remerciez pas pour mon invitation, ce n'était que naturel, vous vouliez me voir et me parler de mon fils, mon propre sang, et mon successeur. J'aurais préféré venir vous voir moi même, mais voyez-vous, je ne supporte plus guère les voyages dès lors qu'ils durent un peu.

J'aimerais vous confier un message pour vos parents. Votre mère, surtout, pour qui j'ai depuis longtemps une amitié sincère, même si nous ne nous voyons plus guère depuis des années, les aléas de la vie nous ayant séparé. Lorsque vous la verrez, si vous aviez l'occasion de lui dire combien je pense à elle, et que j'espère qu'elle se porte au mieux, ce serait pour moi un ravissement.

Ma demeure est bien triste, depuis longtemps maintenant. Mais, je ne puis la quitter, et je puis compter sur des serviteurs loyaux. Le domaine reste en deuil, je n'arrive pas à le lever. Mon épouse fut rappelée à Lui par le Très-Haut -je ne peux imaginer autre sort pour elle- avant que ma maison ne subisse fortement la bétise, la malhonneteté, la trahison de ces pourceaux artésiens. Deux de mes gens y sont morts. Et pour quoi ? Parce qu'une incapable a trouvé amusant de venir spolier le roi, son suzerain, d'une partie de ses terres ?

Mais je ne voudrais point vous alourdir le coeur et l'esprit par mes pensées de vieillard. Vous disiez dans votre lettre, lettre qui fut un peu un évenement ici. Vous n'imaginez pas comme tous ceux à qui vous tendez la main un jour savent oublier de la rendre. La plupart sont trop occupés, à Paris ou à Reims, ou même ailleurs, à tenter d'acquérir, via des moyens que je rejette, de part mon éducation, titres et fortune. Noblesse ? Non, ce n'est pas de la noblesse que de se comporter ainsi. La noblesse doit rester près de ses gens, pour les protéger, en échange des banalités, et des impôts.

Vous veniez donc me parler de Louis. Cela fait longtemps que je n'ai plus de nouvelles, et j'avoue ne pas prendre le temps d'en demander. J'ai été attristé de le voir quitter Melun, sa terre, où il gérait le domaine pour moi, pour vivre à Cauvisson. Il avait ses raisons, et je ne saurais lui en tenir rigueur. Après tout, il avait des terres à gérer lui aussi. Mais cela l'a éloigné, ainsi que ma bru. Mais, il est majeur, il est marié, c'est un seigneur, un grand. Il a ses obligations envers ses suzerains, envers son épouse, envers l'Eglise. Mais envers moi en tant que père, il est émancipé. Et il devait donc partir. Mais enfin.

Vous disiez avoir des nouvelles, peut-être avez vous reçu une lettre de lui ? A moins que vous n'ayez voyagé jusqu'en terre occitane. Vous l'avez connu aussi, sans doute. Il a résidé à l'Epine plusieurs années et je n'ai pas souvenir que vos parents vous aient placée ailleurs pour votre éducation. Alors donc, quelles nouvelles pouvez-vous apporter à un père de son fils ?

Il avait parlé. Beaucoup. Pas vraiment de façon claire, et ordonnée. Il avait été dominé par les moults pensées qui envahissaient en permanence son esprit. Ce n'était certes pas un exemple à montrer, mais de cela il ne s'en rendait pas compte, emporté par sa fougue d'orateur. Alors il finit quand même par se taire et, tout en invitant de la main libre, Clémence à se mettre en marche, juste histoire de ne pas rester plantés debout au milieu du jardin, mais de marcher un peu, en faire le tour, il étira un peu ses lèvres. Une personne normale aurait juste sourit. Il devait, lui, s'efforcer de ne pas paraître trop ours, même si ce sourire était un peu forcé. Enfin, si l'on pouvait parler d'un sourire...
Clémence de l'Epine
En même temps qu’il parlait, Clémence retenait son souffle, de peur, peut être, de ne pas pouvoir saisir chaque mot, chaque phrase dans leur ensemble, si jamais elle osait respirer trop fort. Et puis aussi sans doute parce que voilà longtemps qu’elle n’avait pas entendu un discours d’une telle ampleur et que cela l’étourdissait. Il régnait un lourd silence au castel de la Motte, non pas que cela la dérangeât, mais elle avait vite perdu l’habitude de parler et surtout d’écouter. Voilà pourquoi, toute ouïe, elle effectuait un gros effort de concentration. Ce n’était pas désagréable en soit, il fallait juste qu’elle en reprenne l’habitude, elle qui n’écoutait plus que son silence, depuis quelques semaines.

En fait, elle était plutôt ravie. Si le Vicomte était plutôt loquace, c’était qu’il avait sans doute besoin de l’être. Par conséquent, c’était que sa présence n’était pas inopportune, et peut être même qu’elle lui faisait plaisir.

Lorsqu’il s’arrêta, l’invitant à lui emboîter le pas, Clémence ne répondit pas tout de suite. Elle tenta de rassembler ses idées, soigneusement, se voulant la plus claire possible. Elle se savait impulsive, parfois, vive dans ses paroles, emportée quand elle connaissait le sujet dont elle parlait. Elle voulait, alors, épargner son hôte de bourdonnements désaccordés qui ne parviendraient qu’à l’embrouiller. Elle avait beaucoup à dire, mais elle dirait les choses progressivement, préférant privilégier le dialogue plutôt que la tirade. Cela ennuierait sans doute moins le Vicomte. Sa prévenance la fit sourire. Et c’est donc un visage lumineux qu’elle dirigea vers le Chevalier.


En fait, je reviens du pays d’Oc. Une simple lettre de Louis ne m’aurait pas poussée à vous demander un entretien.

Elle retint un instant ses mots : elle n’était pas bien sûre de pouvoir dire ce qu’elle comptait ajouter. Cela pouvait passer pour un conseil, ou pis, une leçon de morale, et qui était-elle, pour se le permettre ? Mais finalement, elle se persuada qu’il n’y avait pas grand-chose de déplacé et reprit :

Ses raisons pour quitter Melun étaient tout à fait honorables. Vous avez raison de ne pas lui en tenir rigueur. Vous avez un fils qui porte dans son coeur de nobles valeurs. Il lui paraissait normal d’effectuer ce sacrifice pour Marguerite, qui ne pouvait souffrir la Champagne et qui portait leur enfant. Vous savez, il se sent bien seul, là bas. C’est pour ça qu’il m’a invitée à Cauvisson. Avec moi, c’était un bout de Champagne que je lui amenais.

Pour répondre à une remarque du Vicomte, Clémence marqua un temps. Elle aurait eu beaucoup à dire sur l’affection qu’elle portait à Louis, mais elle ne pouvait pas parler ainsi à un homme qui aurait pu être son père. A n’importe qui d’autre également, d’ailleurs. Elle était trop pudique pour cela.

Oui, j’ai bien connu Louis, lorsqu’il était à l’Epine. Et moi aussi, cela me chagrine, qu’il soit maintenant si loin de nous.
Fit-elle alors.

Comment traduire la peine qui avait tordu son cœur, lorsqu’elle avait reçu sa lettre, dans laquelle il énonçait son malaise, qui le forçait à garder le lit ? Comment exprimer cet élan d’amour fraternel qui l’avait prise, lorsqu’elle l’avait revu là bas, enveloppé dans sa délicate torpeur ? Comment expliquer ce sentiment de satisfaction qui l’avait étreinte quand, apaisée, elle avait quitté Cauvisson pour rejoindre la Champagne ?

Celui lui demanderait trop d’efforts, et cela serait inutile. Les mots qu’elle ne pouvait dire se lisaient dans ses yeux. Pour qui savaient les comprendre.
SanAntonio d'Appérault
Il écouta. Il n'avait rien d'autre à faire de toutes manières. Et puis, il n'était pas encore rendu au point de devoir se concentrer pour marcher. Alors il écouta. Son invitée parla de Louis. Pas de ses propres parents, dont elle aurait put donner des nouvelles. Pas d'elle non plus. Juste de Louis. Elle était venue dans ce but et le respectait. Il apprit donc qu'elle avait été le voir dans le Sud, là où lui n'avait pas encore été. Il n'y était plus retourné depuis l'enterrement d'Elissa, à dire vrai. Ah si, il y avait aussi le baptème de Marguerite.

Et puis, les raisons honorables. Oui, pour Marguerite, lui changer les idées. Il n'avait rien à critiquer. Il avait promit de veiller sur son épouse, il le faisait, c'était là tout à son honneur, et signe d'une éducation de jeune noble parfaitement réussie. Qu'il ne soit pas réjouit de se trouver en terre occitane par contre, cela était plus ennuyeux. Comment pourrait-il être un bon seigneur s'il n'aimait pas sa seigneurie ? Enfin, il trouverait bien. Il était né pour assumer ce rôle, il avait été éduqué pour ce rôle, il y parviendrait.

Cette discussion lui rappela que son invitée avait cotoyée Louis un moment, durant sa jeunesse, lorsqu'il l'avait retiré de Melun et d'un vieux précepteur parfois farfelu pour l'envoyer faire une bonne éducation dans la maison de l'Epine. Elle conclut en quelques mots. Ainsi donc une petite complicité, même lointaine, unissait Louis et Clémence. Il aurait put s'en douter, un peu. Louis était d'un naturel timide, effacé, trop parfois même, lorsqu'il s'agissait d'une vie publique. La petite fille qu'elle devait être à cette époque aurait put être une compagne de jeu tout ce qu'il y a de plus respectable.
Quant à elle. Elle qui n'avait jamais connut son frère, mort né. Sans doute le drame qui avait précipité le retrait définitif de sa mère, Matthilde, fille du Lion, des affaires. Louis avait manqué d'attention dans son enfance. Du moins, de l'attention de jeune de sa condition et de son âge. Et à l'Epine il avait sans doute put se rattraper un peu. Du moins c'était à souhaiter. C'est que les amitiés sincères se faisaient rares en ce monde, trop souvent gâchées par les ambitions personnelles. Alors, si l'héritier des vicomtes de Meaux et de Melun n'était pas aussi seul, alors ce n'était que bonne grâce du Très Haut.

Il s'était plongé, profitant du silence, dans quelques pensées. Mais il se raisonna, il ne pouvait rester muet éternellement. Alors il reprit.


- Les lieux nous séparent, mais il est un peu là. Car cette terre est sienne, déjà un peu. Et le sera totalement lorsque je... ne serai plus là. Mais vous dîtes avoir été le voir en ses terres d'Oc ? Comment se porte-il ? Y fait-il honneur à son rang, vis à vis de son suzerain le comte, de ses sujets et de son épouse ? Et omment se porte ma bru, et l'enfant qu'elle porte ?

Enfin, je crois que je parle un peu trop. Mais j'ai peu souvent l'occasion, à présent, de cotoyer des personnes de bonne naissance. Il faut reconnaître qu'elles se font rares en ce monde.
Clémence de l'Epine
Le fatalisme dont faisait preuve le Vicomte la fit frissonner. Et pourtant, il avait raison. Un jour, il faudrait qu’il laisse à Louis la charge de Meaux et de Melun. Parce qu’irrémédiablement, l’homme est rappelé auprès de son Créateur. C’était ainsi, la vie ne réservait pas de réelles surprises.

Allons, ne dites pas cela, vous avez encore quelques belles années devant vous, peut-être pas les plus belles, mais sait-on jamais… Elle fit celle qui y croyait, autant pour le Vicomte que pour elle-même. Car au fond, elle tentait de se persuader, toujours, qu’elle n’attendait rien d’exceptionnel de la vie, que c’était au destin qu’elle était liée, et pas à l’aventure, mais elle ne pouvait se le cacher, elle conservait en son âme une note de fraîche innocence, qui faisait scintiller en elle une petite étincelle d’espérance. Peut-être, oui, peut-être qu’elle serait heureuse, peut-être trouverait-elle quelque bonheur à épouser cette vie toute tracée, ou presque.

Louis… prend soin de son épouse et fait ce qu’il peut pour lui être agréable. Il fait de son mieux, il essaie d’apprendre à aimer ces terres qu’il ne connaît pas, je crois. Et qui lui appartiennent, désormais. Sans doute n’y parviendra-t-il jamais vraiment, mais il s’y attache, et il prend à cœur la gestion de Cauvisson. Même si… même si les débuts ont été difficiles. D’après ce qu’il m’a dit, il a eu quelque mal à s’acclimater à la région et a dû prendre soin de sa santé, quelques temps. Le temps que je parvienne en Languedoc, cependant, il paraissait aller mieux. Alors oui, je vous rassure, si vous avez besoin d’être rassuré sur l’attitude de votre fils. Il fait honneur à son rang, à son éducation, je puis vous l’assurer.

Elle tendit un sourire timide au Vicomte, ne sachant si elle devait poursuivre ainsi sur Louis ou s’il en savait désormais assez.


Marguerite et Louis ne s’aimeront sans doute jamais de cet amour que l’on conte seulement dans les chansons, mais il me semble qu’ils pourront se vouer une affection tout à fait louable. C’est en tout cas ce que j’ai cru remarquer. Je peux cependant me tromper. Mais Louis est prévenant, envers son épouse, et elle, de retour en pays d’Oc, ne peut qu’être reconnaissante de ce que son mari a accepté de vivre pour elle.
Osa-t-elle ajouter.

Quant à Marguerite… Ma foi, elle se porte bien. Ce n’est pas la Marguerite que j’ai pu apercevoir ici même, non. Elle est tout à fait changée, la grossesse lui va bien. Elle me l’a dit elle-même, après avoir connu des moments difficiles, elle se sent mieux désormais. La délivrance ne devrait plus tarder, je suppose. Quand je les ai quittés, voilà un peu plus d’une lune, il lui restait deux mois, m’a-t-elle confié. Pour l’enfant, j’espère qu’il se porte bien. Il se trouve qu’ils m’ont proposé d’en être la marraine.* Un sourire mitigé naquit sur ses lèvres. Elle était heureuse et honorée de cette marque de confiance, mais saurait-elle se montrer à la hauteur de leurs attentes ?



[*Je n’en dirai pas davantage à ce sujet, ne pouvant trop expliciter la question… en effet, la proposition aurait dû être jouée et ne l’a pas encore été, par faute de temps des joueurs. Au cas où elle doive être jouée par la suite, le RP en Languedoc n’étant officiellement pas terminé, je préfère rester réservée sur le sujet afin de ne pas fausser la cohérence du jeu.]
SanAntonio d'Appérault
De nouveau -chose stupéfiante n'est-ce pas ?-, il écouta. Après tout, il l'avait fait venir pour l'écouter, et pas se contenter de l'entendre. Et puis, la conversation n'était pas désagréable après tout. Ni la compagnie de cette jeune dame, cette demoiselle. Elle semblait si frêle. Elle n'était pas encore mariée, donc encore sous la protection de son père. Enfin, lorsqu'il le pouvait, le bon vieux Albert étant pair de France il devait plus souvent être retenu à Paris. Mais pouvait-il l'en blâmer ? Après tout, n'avait-il pas lui même laisser Louis à Melun pour vivre à Reims, comme il l'avait fait encore avant avec Catherine ? C'était là le lot de tout enfant de bon lignage.

Enfin, écouter la damoiselle lui apportait de bonnes nouvelles du Sud, des pays d'Oc. Et puis, un enfant naîtrait bientôt. Un mâle, il fallait l'espérer. Un Jacques Ier, comme le prévoyait le contrat de mariage. En souhaitant que le Très Haut lui accorde santé et une longue existence. Et ainsi, la lignée serait assurée. Et il pourrait mourir en paix. Aussi il répondit, réjouit de ces nouvelles. Car si la mère se portait bien et si elle était épanouie, l'accouchement ne pourrait que bien se passer. Non ? Il prierait le Très Haut de toutes manière encore longtemps pour que tout se déroule bien...


- Fort bien. Voilà des nouvelles qu'il est doux d'entendre. Un petit héritier naîtra pour perpétuer la lignée. Et si Louis a put, en allant vivre dans le Sud, rendre pleinement le sourire, si du moins elle l'eut un jour, alors j'en suis ravi.

Savez-vous, damoiselle, quand j'ai pour la première fois rencontré celle qui est devenue ma fille ? Et bien, l'occasion n'était guère réjouissante. Il s'agissait des funérailles de sa mère. La nouvelle s'était répendue dans le Royaume, pensez donc, l'épouse du comte d'Urgel, prétendant à la succession des Rois d'Aragon, ancien Pair de France, qui décédait, cela fit grand bruit.
L'un comme l'autre, via le Parti de feu votre illustre grand père, étaient de mes connaissances, et je peux même aller plus loin en parlant d'amitié. Raison de ce mariage entre Louis et Marguerite d'ailleurs, l'union sanguine de deux maisons amies. En l'honneur de cette amitié donc, j'ai fait le déplacement jusqu'en Languedoc, pour y participer, et rendre un dernier hommage à la belle Elissa.

C'est là, arrivant en avance, que j'ai rencontré pour la première fois Marguerite. Elle était seule, dans la cathédrale, attendant que l'on enterre sa mère, attendant son père, mais ne sachant guère s'il allait arriver ou non. Même chose pour son frère. Elle semblait perdue, mais déjà résignée à son sort, et montrant tout de même déjà une certaine assurance.

L'on dit que je suis sans coeur, que je n'aime personne et tout plein d'autres choses. Mais, c'est juste que je pense à mes devoirs avant de penser à moi. Or, là, dans cette cathédrale, je n'étais tenu à aucun devoir en dehors d'un hommage à la défunte, et d'une amitié pour son époux. Et ce jour là, je l'ai prit en affection. Je crois que cela fut réciproque. Elle me demanda quelques temps plus tard d'être son parrain, ses parents ne l'ayant pas encore baptisée. Ce jour là, elle n'avait plus sa mère, son père n'était pas là. J'ai tâché, pour l'amitié que je porte à ses parents, de les remplacer un tant soit peu. D'être là un peu comme un soutien. Ce qu'elle en a pensé, je ne le sais pas exactement. J'imagine que cela l'a un peu aidé. Enfin, j'ose l'espérer.

Mais voyez-vous, dès ce jour, je ne l'ai jamais vu rayonner. Il faut dire que les deuils ne l'ont pas épargnée. Lorsqu'elle est venue en Champagne, j'ai crut qu'elle n'allait pas y résister, comme si notre pays la rendait malade. Mais je mettrais cela sur d'autres raisons qui ne concernent pas la Champagne en elle même. Mais enfin, si cela change, alors je ne puis qu'en être heureux, pour elle. Elle est ma filleule, et ma fille par mariage, mais je l'aime autant que si elle était de mon sang.

Il se tut un instant, avant de reprendre, changeant de sujet :

Quant à l'amour que l'on lit dans les contes. Et bien. Cela peut fonctionner, un temps. Mais certainement pas toute une vie comme certains se plaisent à le croire. D'ailleurs, dans les valeurs de la chevalerie, même si la plupart sont aujourd'hui bafouées mais cela ne dérange que moi donc bref, il est cité l'amour. L'amour courtois. Mais il y est dit très explicitement que cet amour ne saurait naître dans le cadre d'un mariage et qu'il ne peut être qu'adultère. Et un mariage basé sur des choses fortes, et pas sur de vagues sentiments, ira plus facilement à son terme, à savoir le décès d'un des époux, qu'un mariage dit d'amour, où à la première dispute les gens implorent l'Eglise de casser le mariage, reniant ainsi le serment qu'ils ont fait devant le Très Haut.

Et puis il réalisa que, au lieu d'écouter son invitée, il l'abreuvait de paroles. Censées, certes, mais elle n'était pas là pour ça.

- Mais enfin, vous devez savoir tout ceci, de part votre éducation. Et je me perd dans de longs discours, j'espère ne pas vous importuner. Ce serait bien mal venu de ma part, de traiter ainsi mes invités. Alors je vous rend la parole, aureiz-vous d'autres nouvelles de mes enfants ?


[ Je respecte le truc sur le marrainage (ça se dit ?) et n'en parlerai pas non plus. ]
Clémence de l'Epine
La demoiselle buvait ses paroles. L’histoire l’intéressait. Comme toutes les histoires, d’ailleurs. Mais celle-ci d’autant plus, puisqu’elle évoquait la jeune Fleur d’Oc, comme on l’appelait dans son pays. Et Marguerite lui inspirait une sorte de crainte respectueuse mêlée à un sentiment d’admiration. Rien que ça… Il y avait dans cette jeune femme une telle puissance, une telle détresse, presque palpable, qui avait bouleversé Clémence lorsqu’elle avait pu la voir pour la première fois, à ses noces. C’était sans doute à ce moment là, d’ailleurs, que quelque chose s’était cassé en elle. Quand elle avait regardé ce visage, à peine plus âgé qu’elle mais déjà tellement résigné, ce corps frêle, duquel émanait pourtant une force fébrile, et ces yeux, ces yeux si tristes, de ceux qui ont déjà tout vu, tout regretter et qui n’espèrent alors plus rien. C’était presque un sacrilège, pour Clémence, d’afficher un masque aussi terne, désabusé, accablé dans la maison du Très-Haut. Qu’avait-elle bien pu vivre, pour en être résolue à se montrer ainsi aux yeux de tous ? La douleur de Marguerite l’avait ébranlée. Bien plus qu’elle n’aurait pu le penser à l’époque, sans doute. La rupture avait été brutale : en quelques instants, elle avait laissé derrière elle son âme d’enfant pour commencer à se vêtir de son enveloppe de femme.

Parce qu’elle avait cherché les similitudes. Et elle en avait trouvé quelques unes. Leur jeunesse, leur noblesse, leur sexe, le prestige de leur sang. Alors Clémence s’était dit que s’il lui fallait souffrir comme Marguerite semblait souffrir là, devant l’autel, autant qu’elle s’y prépare. Peu à peu, alors, elle s’était résignée, avait appris à tempérer sa fougue enfantine, à maîtriser ses sentiments afin de paraître la plus neutre possible le jour où elle aussi elle devrait suivre le chemin que lui tracerait ses parents. Elle ne ressemblerait pas à Marguerite, non, elle serait prête, elle. Si c’était possible.

Et aujourd’hui… quel bilan tirait-elle de cet apprentissage personnel ? Elle avait vieilli. Mûri. Changé. Du tout au tout. Cette trop brusque métamorphose avait laissé des marques profondes, peut être même indélébiles. A force de trop se contenir, de trop se retenir, à force de réprimer sa vraie nature elle avait ouvert la voie à d’autres choses. Des choses terribles, lui semblait-il, des choses qui lui faisait peur. A s’entraver de liens solides, serrés si fort, trop fort, elle en devenait folle, parfois. Et incontrôlable. Il arrivait que soudain, les cordes claquent, la précipitant dans un abyme noir de colère où le Léviathan devenait son maître. Alors, elle s’était enfermée à l’Epine, terrifiée de ce qu’elle pouvait faire et ressentir, lorsqu’elle était en proie à de telles crises. Elle s’était réfugiée dans le silence et la solitude, se punissant, évitant ainsi tout ce qui pourrait la plonger dans cet état qui lui faisait honte, qui la répugnait.


Vous ne parlez pas trop !
s’exclama-t-elle dans un sursaut. Non, vous ne m’importunez pas. Reprit-elle d’une voix plus paisible, regrettant, déjà, de s’être laissée emportée.

Oui, comme vous dites, j’ai été éduquée. Mais j’ai toujours cette impression désagréable de ne rien savoir, malgré ça. J’aimerais tout connaître, n’importe quel savoir, je voudrais qu’il soit mien. Vous allez peut-être penser que je suis bien exigeante, mais c’est ainsi. Je crois, oui, qu’il m’en faut toujours trop. Apprendre est devenu un besoin, comme si c’était la seule solution. La solution à quoi, en fait ? Mais Clémence n’en ajouta pas plus.

Mais voilà que je me perds à mon tour. Je suis ici pour vous parler de ceux qui vous sont chers et qui sont loin de vous.

Sachez qu’il reste à Marguerite cette mélancolie que vous lui connaissez. J’ai assisté avec elle au transfert de titre du Baron, enfin ex Baron Rekkared à son fils Cristòl. Elle s’est un instant perdue dans des pensées lointaines et m’est apparue si fragile, alors… C’était étrange. Elle passe si vite d’un sentiment à l’autre que cela en est déroutant.

Clémence, tout en songeant à ce moment passé, fronçait les sourcils, interrogative. Il y avait des personnes qui ne laissaient pas indifférent. On pouvait les aimer, ou les haïr, mais on ne pouvait les ignorer. Marguerite, par ce mystère qui l’enveloppait, intriguait Clémence. Elle aurait alors tout donné pour investir ses pensées et comprendre…
SanAntonio d'Appérault
Elle avait haussé la voix, il s'en était montré surprit, mais sans le laisser paraître. Après tout, elle avait encore une fougie de jeunesse, c'était bon signe. Et puis, accessoirement, il aurait été un bien mauvais exemple de personne ne s'emportant jamais. Alors bon, un peu de tolérance ne faisait jamais de mal.

Elle continua sur son éducation. Elle ne savait rien ? C'était bien normal après tout, aurait-il put prétendre avoir tout le savoir qu'il avait à présent lorsqu'il avait le même âge que la damoiselle.

Et puis, elle évoqua à nouveau Marguerite, en même temps que Cristol. Il l'avait prit comme écuyer, décelant chez lui des vertus qui manquaient à l'Ordre Hospitalier. Mais il n'en avait eut aucune nouvelle depuis des lustres, envoyant quelques lettres qui n'avaient jamais eut de réponses. S'étaient-elles perdues en route ? Ou bien celui qui était alors seigneur avaient-ils d'autres projets que celui de servir un chevalier à la retraite ? Mais au moins, cela voulait dire qu'il était encore bien vivant.
En revanche, cela satisfaisait donc enfin le baron de Saint-Félix. Il était encore héraut quand le baron avait demandé à la hérauderie de se pencher sur le cas d'une abdication de ses titres en faveur de son héritier légitime. Ainsi donc, après des mois et des mois de débats stériles, une décision avait enfin été prise. Ce n'était que temps.

La principale inquiétude de son invitée semblait être ses connaissances. Il tenta de la rassurer :


- Ne vous inquiétez donc pas, damoiselle, de ne pas savoir tout ce que vous voudriez savoir. L'éducation d'une jeune fille de bonne famille comprend certaines connaissances indispensables à sa vie future, de la même manière que pour les jeunes garçons.

Mais, cette éducation ne saurait tout apporter. Si j'avais dut me contenter de celà, croyez bien que je ne serais pas ici ce jour, mais dans une église, ou dans un monastère. Mais la vie apprend terriblement de choses. Parfois, elles permettent d'avancer. D'autres fois, la vie vous apprend que vous ne pourrez de toutes façons, même avec la plus forte des volontés, jamais rien voir de bon se faire. Mais vous êtes encore jeune, il vous reste à apprendre. Vous avez tout, je pense, j'espère, pour faire une bonne épouse. Le forgeron ne réussit pas une épée parfaitement équilibrée du premier coup. Il en est de même pour chacun d'entre nous.

Si je puis me permettre un conseil, il ne sert à rien de vouloir tout savoir trop vite. Il faut aussi prendre le temps de bien saisir les subtilités de son savoir, et de le maîtriser comme il se doit. Et puis... et puis, parfois, il est des choses qu'il vaut mieux ne pas savoir. Veuillez me croire sur parole.

Il se tut un instant, et reprit, se sentant coupable :

- Mais vous êtes jeune et encore innocente, et je vous raconte mes histoires, celles d'un homme durci par la bêtise des uns et l'avidité des autres. Vous allez penser que je radote, à force. Veuillez m'en excuser.

Il baissa le regard. Cela faisait longtemps qu'il gardait tout ceci pour lui, et là, aujourd'hui, il déballait tout, alors qu'elle n'avait sans doute pas besoin de voir d'une façon si noire le bien morne royaume de France et le duché de Champagne. Elle aurait toute sa vie pour s'en apercevoir. Ou de se boucher les yeux, comme tant d'autres.

Du coup, il ne savait plus que dire pour changer de sujet. Il n'avait que ça en tête, pour l'heure. Triste vie.
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