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L'écart des âges ne dresse pas de barrières

Clémence de l'Epine
Le Vicomte prit grand soin de lui assurer qu’elle avait encore tout le temps pour apprendre davantage et bien qu’elle le sache, elle lui fut reconnaissante de l’attention qu’il portait à ses inquiétudes. Elle n’avait pas l’habitude de s’épancher ainsi auprès d’un homme qu’elle ne connaissait qu’à peine, mais elle avait toujours eu plus de facilité à parler aux adultes qu’aux personnes de son âge. Et elle avait toujours un peu tendance à s’emballer lorsqu’elle se retrouvait en présence d’un homme qui aurait pu être son père. C’est ainsi qu’elle avait voulu s’accrocher à son parrain, Anthony de Massigny, pensant sans doute qu’il pouvait jouer ce rôle de paternel qu’elle regrettait tant. Puis il y avait eu le Prince di Juliani, envers qui elle éprouverait toujours une certaine gratitude puisqu’il s’était chargé de sa sauvegarde alors qu’elle ne marchait ni ne parlait encore. Elle avait manqué de figure masculine, mais plus que tout de figure paternelle dans son enfance, et cela lui avait toujours manqué. Voilà sans doute pourquoi elle avait voulu tisser un lien particulier avec Louis, même si bien entendu, il faisait davantage office de grand frère que de père. Parce qu’en plus, oui, le sort avait décidé de la priver du frère qu’elle aurait pu avoir. Tout aurait été plus simple, sans doute, si elle avait eu un frère… Mais depuis, elle avait appris à vivre sans « si », justement, et à ne compter que sur elle-même.

Et aujourd’hui elle se retrouvait face au père de Louis, qui lui semblait si las sans lui paraître vieux. Elle ne trouvait personne trop vieux, elle les jugeait juste plus sages. Et elle se reprenait à éprouver un certain sentiment de sécurité auprès de lui, à vouloir croire tout ce qu’il lui disait sans se poser de questions, à se sentir enfant, dans son ombre, et simplement à se laisser porter par ce sentiment de sérénité.


J’espère, oui, faire une bonne épouse. Je ne souhaite qu’une chose : satisfaire mes parents. Et encore, le mot est bien faible. Je veux qu’ils soient fiers de moi, je veux qu’ils me jugent digne de porter leur nom, je veux faire honneur à leur sang. Je crois que ma mère le pense, je crois qu’elle est satisfaite de ce que je suis devenu, mais en ce qui concerne mon père je ne sais pas. Je ne le vois que rarement et j’ai l’impression d’avoir encore tout à lui prouver. Il a perdu un fils et sa fille ne devra pas le décevoir.

Si elle croyait bien en une chose, c’était en ça. En ces mots, prononcés avec ferveur et conviction. Le but de sa vie, le chemin qu’elle s’efforçait de suivre, guidée par Dieu et la parole d’Aristote. « Je crois en Dieu, le Très-Haut tout puissant, et en Aristote son prophète, je crois aussi en Christos, je crois en l’Action Divine, en la Sainte Eglise Aristotelicienne Romaine, Une et Indivisible, en la communion des Saints, en la rémission des péchés, en la Vie Eternelle… et en moi, en ma volonté de satisfaire mes parents et de les rendre fiers de leur progéniture, bien qu’il ne soit qu’orgueil de ma part de m’inclure à ce Credo Divin. Amen »

Vous ne radotez pas. Poursuivit-elle en appliquant sur son visage un sourire amusé. Vous ne faites que vous excuser depuis tout à l’heure, de trop parler pour ne rien dire, mais permettez-moi de vous rassurer : vous ne m’ennuyez pas et votre conversation me distrait autant qu’elle m’intéresse. Je ne suis pas venue ici pour parler toute seule mais bien pour avoir une conversation avec vous, un échange d’idées et de pensées. Vous accueillez les miennes, je peux bien accueillir les vôtres. Cela me fait plaisir, croyez moi, il m’est devenu trop rare d’écouter des paroles sensées.

Rien de transcendant. Et pourtant rien de plus vrai.
SanAntonio d'Appérault
Il continuait d'écouter avec attention, ravi, finalement, d'un peu de conversation. D'autant que pour une fois, on l'écoutait. Ca changeait. Elle parla de son frère, mort né. Pour des jumeaux, il n'y avait rien d'étonnant, mais si la disparition d'une créature du Très Haut était toujours dure. En effet, sur elle reposait tout l'avenir de la lignée du marquis. Elle aurait besoin d'être plus protégée que d'autres. Mais comment faire, sans père ? Les couloirs du palais du Louvre se trouvaient peut être finalement pleins de confort.

Enfin, alors qu'il pensait à ce qu'elle disait, elle continua, fit avancer la conversation. Ainsi elle semblait satisfaite de sa visite. Son ton, son visage, son attitude, tout montrait qu'elle était sincère, et qu'elle ne cherchait rien à gagner. Mais plus que tout, elle apportait de bonnes nouvelles du Sud. Bientôt, peut être, un héritier arriverait. Un nouveau vicomte...

Enfin, quand elle eut terminé de parlé, et que le silence du jardin de l'hôtel reprit ses droits, il le brisa à nouveau, sans avoir à se forcer.


- Vos paroles me vont droit au coeur, damoiselle. Mais vous êtes bien l'une des rares à apprécier ma conversation. Et puis, il faut avouer que votre compagnie est plaisante, et apporte un peu de fraîcheur au domaine. Sans compter qu'elle égaie grandement ma journée. Vous savez, ou peut être pas après tout, mais la vie de seigneur n'est pas une sinécure. Raison, sans doute, pour laquelle la plupart la fuient. Mais, si cette vie n'est pas simple, au vue des contraintes qu'il faut pouvoir remplir, elle est la seule qui permette de se sentir avoir accomplit son devoir le soir, lorsqu'on émet une dernière prière au Très-Haut avant de dormir.

Mais une question me vient à l'esprit. Je me permet de vous la poser mais répondre ne dépend que de vous. Votre père étant...ailleurs, votre mère étant souffrante, si j'ai bien retenu du moins, il ne reste personne pour veiller sur vous, sur votre éducation, même si vous avez l'âge de savoir tout ce qu'il convient pour commencer. A quoi peut ressembler votre quotidien ? Si cela vous gène d'en parler, dîtes le simplement, je comprendrai.

Disant ces derniers mots, son visage se détendit, pas autant que 10 années auparavant, mais juste assez pour montrer, un peu, à des yeux attentifs, qu'il appréciait le moment.[/i]
Clémence de l'Epine
A quoi ressemblait son quotidien ? Clémence fronça les sourcils, se préparant à répondre, mais elle retint ses mots au dernier moment. Elle eut une petite moue embarrassée, ne sachant en fait ce qu'elle pouvait dire et ce qu'elle devait cacher. Non pas qu'elle s'adonnait à des activités gênantes, pas du tout, mais elle gardait une once de pudeur et elle ne pouvait pas révéler qu'en fait, son quotidien ne ressemblait à rien. Rien. Elle devenait sauvage, renfermée, solitaire...invisible. Mais cela elle ne pouvait le dire et ne le voulait, de toute façon. Il y avait des choses qu'elle préférait garder pour elle, parce que les dévoiler ne la mènerait nulle part et qu'elle ne voulait se compromettre. Elle avait besoin de passer pour une damoiselle sensée, alerte, sage, saine d'esprit et de corps. Tant de choses...

Et bien... Je suis heureuse d'entendre que ma présence vous distraie, cela me rassure un peu.

Elle ne précisa pas en quoi cela pouvait bien la rassurer. Peut-être comprendrait-il de lui même, et si tel n'était pas le cas, ce n'était pas bien important. Les choses vraiment importantes étaient tellement rares, de toute façon, car elle le savait, tout -ou presque- n'était que futilité.

Quant à ce à quoi ressemble mon quotidien ... Elle haussa les épaules, légèrement désemparée, ne sachant toujours pas quoi répondre. Disons que j'ai connu des périodes plus gaies lorsque j'étais enfant et que l'insouciance ne m'avait pas encore tout à fait désertée. Maintenant, je contemple d'en haut les gens de l'Epine s'activer, je parcours les couloirs du castel, je prie, je me consacre à la parole d'Aristote et aux saintes vertus... Je lis, donc, et j'observe.

Si Clémence avait pu traduire réellement ce qu'elle pensait, cela aurait plutôt donné cela : « Maintenant, je contemple d'un regard vide la vie continuer autour de moi, fatiguée par tout ce remue-ménage, j'erre dans les couloirs toujours trop sombres et toujours trop froids et je me perds parfois, car ce sont mes pas qui me mènent et non moi qui mènent mes pas. Je prie, je prie, je prie, j'apprends les passages du Livre des Vertus que je ne connais pas encore. Je dors, aussi, beaucoup, car tout cela m'épuise alors que je ne fais rien. »

Rien de tout à fait intéressant, n'est-ce pas ? Mais que pourrais-je donc faire d'autre, en fait ? Je suis un peu déboussolée... Elle lâcha ces derniers mots sans s'en rendre compte, alors que sans doute aurait-elle voulu les garder pour elle. Qu'avait-on besoin de savoir ce qu'elle pouvait ressentir ? Elle se retrouvait seule -sans tout à fait l'être au sens propre car quand on possède son sang et son héritage l'on n'est jamais tout à fait seul- et cela la déconcertait parce qu'elle ne savait pas quoi faire : elle n'était rien, pour le moment, sans ses parents.

Mais je ne doute pas que ma mère se remettra rapidement. Je l'espère de tout mon coeur et je prie continuellement le Très-Haut, afin qu'il lui redonne force, vitalité et santé. Je ne pourrais vivre sans elle... Conclut-elle avec un égoïsme affiché qui la surprit. Mais sa mère était la personne qui occupait la plus grande partie de son coeur et c'était vrai, que deviendrait-elle s'il lui arrivait malheur ?
SanAntonio d'Appérault
Depuis longtemps, il limitait ses sorties au strict nécessaire. Finies, les parties de chasse, de pêche, les joutes, les promenades à cheval. Il ne s'en sentait plus la force. Même marcher un peu l'ennuyait profondément. Et pourtant, à marcher, dans l'ambiance paisible du jardin, en compagnie d'une damoiselle, qui aurait put être sa fille, voire même sa petite fille, à discuter un peu, il sentait quelques forces revenir, comme si l'inaction dans laquelle il se réfugiait n'avait qu'un seul effet, le faire vieillir prématurément. Assurément, Gabriel avait eut une bonne idée, il passait une douce journée. Pour une fois.

Mais, trêve de considérations personnelles, si lui se sentait un peu mieux, il sentait aussi que ce n'était pas spécialement le cas de sa compagne de promenade. N'avait-elle pas utilisé le mot "déboussolée" ? En même temps, privée de ses parents, il ne pouvait en être qu'ainsi. Au moins restait-elle sage, à étudier le Livre Saint, plutôt que de partir vadrouiller dans les villes et villages du royaume à jouter comme un homme... Il osa donc une question.


- Il est doux d'entendre que vous vous consacrez grandement au Livre Saint. Ce ne sont pas là choses futiles, bien au contraire. Mais une question me brûle les lèvres, et je vous prie par avance d'excuser ma curiosité. Mais, vous me dîtes être un peu perdue, comment cela peut-il se faire ? Vous avez, en attendant votre mariage, encore quelques temps, enfin je suppose, de calme.

Une fois mariée, votre vie va changer. Il vous reste un peu de temps encore pour profiter de votre enfance. Vous êtes en âge de vous marier, certes, mais vous ne l'êtes pas encore. Il sera temps alors de vous consacrer à votre rôle de femme. Garder votre fraîcheur pour l'heure. C'est le meilleur avis que je puisse vous donner.
Clémence de l'Epine
Clémence songea longuement à la question du Vicomte et aux paroles qui suivaient. Elle aurait voulu répondre, avec toute la sincérité dont elle était capable, mais il lui semblait alors impossible d'avouer ses craintes alors que le vieil homme s'efforçait de la persuader qu'il valait mieux pour elle de laisser de côté ses peurs, de cesser de se préoccuper prématurément. Elle se sentit sotte, à ce moment, de se tourmenter pour des choses qui n'étaient pas encore arrivées et dont elle ne connaissait pas même la teneur ni l'ampleur. La question annoncée ne lui donnait pas vraiment l'impression d'attendre une réponse, d'ailleurs. Car venait ensuite le conseil, exprimé comme si le châtelain avait deviné le ressenti de la demoiselle.

Oubliez donc mes lamentations. Elles ne siéent pas à une damoiselle de mon rang, surtout en votre présence. Prononça-t-elle d'une voix ferme. C'est vous qui avez raison, vous avez l'expérience pour vous et je ne peux que vous croire, vous écouter et vous suivre dans votre jugement. Alors que moi je n'ai rien vécu et je commets l'erreur de bâtir mes craintes sur des suppositions.

Elle eut un léger sourire, consciente qu'elle ne pourrait cependant changer tout ce qu'elle était, la façon dont elle pensait, son tempérament et ses angoisses.

On ne devrait s'inquiéter que de ce qu'on vit ou de ce qu'on a vécu, pas de ce qui n'est pas encore arrivé, n'est-ce pas ? La question, à son tour, n'en était pas tout à fait une. Elle attendait un assentiment, rien d'autre. Car tant que l'on ne sait pas ce que Dieu nous a réservé pour l'avenir, à quoi bon se torturer l'esprit à essayer de deviner, à quoi bon s'infliger des souffrances quant à l'issue de notre existence ? Malheureusement, si je le sais, il m'est moins facile d'appliquer ce principe. Alors je m'évertue à penser que tout ce que je ferai servira l'intérêt de ma famille et que je devrais m'en réjouir. Ce n'est pas toujours simple. Et croyez-moi, je sais que je devrais cesser toutes mes interrogations, mais au risque de vous contrarier, et c'est ce qui me contrarie moi même, j'ai bien peur d'avoir perdu en grande partie cette fraîcheur dont vous parlez, malgré moi. Cela me désole...

Elle releva le menton brusquement.


Mais je vous avais dit d'oublier mes lamentations et voilà que je me reprends à parler de choses futiles. Je redeviens bavarde, en votre compagnie.

Clémence se prit à rire doucement en pensant aux remontrances essuyées pendant sa jeune enfance, de la part de sa mère et de la demoiselle de compagnie de cette dernière, quant à sa langue trop agile.

Je me souviens d'un jour, je ne sais plus bien quand ni à quelle occasion mais il y a déjà quelques temps, je vous avais maudit silencieusement parce que vous aviez fait chuter mon père lors de joutes, et j'ai ensuite vigoureusement souhaité votre défaite pour cette offense. Je m'en suis voulue immédiatement, parce que vous étiez Champenois, père de deux enfants auxquels je suis liée et ami de ma famille. Je me suis dit, alors, que je devais vous apprécier et apprécier votre victoire, même si elle se faisait aux dépens de mon père. J'étais plus jeune, à l'époque, j'étais vive et emportée et je ne réfléchissais pas beaucoup. Je ne voyais que par mon père, et qu'il faillisse m'a mise en colère. Mais par la suite, il m'a semblé honteux de vouloir votre défaite. L'anecdote avait fusé sans qu'elle s'en rende tout à fait compte, mais le fait de le voir marcher avec une canne lui avait rappelé ce moment, elle ne savait pas vraiment pourquoi. J'espère ne pas vous peiner en vous remémorant une époque qui semble...révolue. Fit-elle confuse. Et j'espère également que ma fougue de jeunesse à votre égard ne vous contrarie pas. Ce temps est révolu, en effet, et mon jugement sur les gens ne se limite désormais plus à une victoire ou une défaite contre mon père.
SanAntonio d'Appérault
Décidément, pour lui qui n’avait plus l’habitude de longs discours, il fallait s’accrocher, la demoiselle, un des plus jolis partis de France sans aucun doute possible, n’était pas sotte et avait soif de parler. Comme si deux personnes se trouvaient en une. L’une qui avait tant et tant de choses à dire. L’autre qui se rappelait à son éducation, et tentait de faire taire la première.
Elle semblait approuver ses avis, mais lui même les appliquait-il ? Pas vraiment, à continuellement penser aux malheurs du royaume. Une des raisons pour laquelle il s’enfermait, se plongeant dans des lectures de vieux textes, des registres pour la plupart, afin de s’occuper l’esprit. Partagerait-il cette expérience ? Après tout, cela pourrait l’aider.


- Vous songez trop, damoiselle. Et trop négativement. Penser n’est pas un mal en soit, sauf lorsqu’on le laisse nous dominer. Il suffit, même s’il est plus facile de le dire, d’occuper ses pensées. Vous ne pouvez vous empêcher d’y songer ? C’est que votre esprit en a besoin. Il vous faut donc contrôler les cheminements de vos pensées. En les occupant à une tâche que vous choisissez.

Je n’ai pas la prétention de croire être parfait, et je pourrais moi aussi me laisser aller à des errances en pensées. Mon salut, passe par des recherches. Des recherches de quoi me direz-vous ? De la généalogie. Reconstituer le passé est présentement mon occupation privilégiée, plutôt que de nourrir de mauvaises pensées. Reconstituer le passé, son passé, pour savoir.

Ces pensées qui pourraient me hanter sont différentes des vôtres. Vous songez à votre avenir. J’aurais tendance à songer au passé, et à ce que j’aurais dut faire pour changer le présent. Inutile, car il ne changera pas, quoi qu’il arrive. L’avenir s’en chargera, peut être, même si j’en doute, le Très Haut m’en est témoin.

J’ai trouvé ce salut dans la recherche du passé, mais pour vous il en sera forcément autrement. A vous de trouver comment utiliser au mieux votre esprit. Cela je ne puis vous y aider.

Il prit quelques instants de pause. Il ne pouvait continuer, certain de se répéter s’il persistait. Il revint donc sur les derniers mots de Clémence, et sur cet aveu. Des joutes face au seigneur Albert ? Cela devait remonter à loin en effet. Si loin…

- Quand à votre histoire, et ce jour de joute, et bien, je ne me contrarie guère pour ce genre de détail. Il est naturel de voir en son père un modèle, et un modèle ne saurait être imparfait. Oh, je n’ai pas eut la chance de pouvoir prendre exemple sur le mien. Cela a coûté son héritage à Ricoh, et m’a fait sortir d’une voie qui m’était tracée, comme cadet de seigneur, même si je ne regrette pas ce que cela m’a permit de faire par la suite. Finalement, ce vil Amro s’en est le mieux sorti : protégé par ses frères, qui ont préféré assumer ses erreurs à lui, pour lui éviter de graves ennuis, il a récupéré un titre qu’il n’était pas destiné à avoir. Je me demande parfois si nous n’aurions pas dut le laisser en face de ses actes, il en aurait été plus responsable, une fois adulte.

Enfin… le passé est le passé. Mais qu’importe, pour ce que vous me racontez, je n’éprouve nulle contrariété et vous comprend. Pour le reste, le temps passe, et l’on n’y peut rien. Je déplore juste qu’avec le temps les tournois aient perdu leur vocation première et qu’il regroupe à présent toute une caste de gens n’ayant aucun sens d’honneur, et ne joutant que pour se faire bien voir et gagner quelques points dans une ligue faite pour contrôler encore un peu la noblesse et ses activités. Et puis, si cela peut rassurer l’enfant que vous étiez, que vous êtes toujours d’ailleurs, étant non mariée, et bien ce bon vieil Albert m’a fait chuter quelques fois aussi.

Je parle, vous parlez, nous parlons tous deux. Cette promenade est fort agréable, et j’ose espérer que vous reviendrez me rendre visite, vous serez en tous cas la bienvenue. Cependant, à parler ma gorge se dessèche, et peut être la vôtre aussi. Vous siérait-il de boire quelque chose, ou même prendre une petite collation ?
Clémence de l'Epine
De la généalogie ? Voilà un sujet qui retint toute son attention sur l'instant. Cela devait être passionnant, elle n'en doutait pas. En ce qui concernait sa famille, il se trouvait déjà, dans la bibliothèque du castel de la Motte, un registre généalogique tenu par son père qu'elle avait parcouru avec intérêt lorsque, dans sa soif d'apprendre, elle avait voulu lire et assimiler le plus de choses possible. Pour elle, qui ne jurait que par sa famille, connaître ses origines, son passé, était indispensable. Les recherches du Vicomte devaient être longues et fastidieuses mais non dénuées d'un intérêt certain. Cela devait lui occuper bien des après-midi...

Et puis il évoqua le passé, donc, qui semblait lui tenir à coeur et être à l'origine de quelques rancunes et désillusions, comme la demoiselle avait déjà pu le constater plusieurs fois depuis le début de la conversation. Elle eut une ombre de sourire, se demandant si quelque chose était encore bien dans ce Royaume, aux yeux du châtelain, ou si tout était définitivement gangrené et perverti, pour lui. Il avait dû connaître bien des déceptions pour en venir à ces sinistres conclusions. Était-ce le lot, le sort des personnes de son âge ? Il y avait ceux qui regrettaient le passé et ceux qui espéraient ou craignaient le futur, comme il l'avait si bien dit. Tout cela n'était qu'une question de génération, il y aurait toujours quelque chose qui viendrait nous contrarier l'âme...


Je reviendrai, si cela vous fait plaisir, la route n'est pas si longue et un peu de compagnie agréable ne pourra que m'être bénéfique également.

A l'évocation d'une éventuelle collation Clémence se rendit compte que oui, il lui semblait bien que le creux, là, tout au fond de son estomac, lui signifiait qu'elle avait faim. C'était bien la première fois depuis de nombreux jours qu'elle éprouvait cette sensation d'appétit, alors même qu'elle se savait gourmande et toujours encline à accepter bonne chère. Mais la lassitude qu'elle entretenait à l'Epine, lui coupant toute envie de manger, semblait ici s'être dissipée. Et à nouveau elle se prenait à vouloir goûter quelque chose de bon, qui viendrait la rassasier. Elle s'en trouvait ravie.

J'accepte votre proposition, je crois que manger me ferait du bien. Ajouta-t-elle avec entrain, les joues déjà un peu plus roses que lors de son arrivée.
SanAntonio d'Appérault
Il écouta la demoiselle. « Compagnie bénéfique ». Ca avait au moins le mérite d’être clair. Quelque part, au fond de lui, il ressentit une petite joie, très éphémère. Après tout, il n’était guère d’humeur joyeuse. Alors, qu’elle puisse trouver sa compagnie bénéfique, cela était presque un miracle divin. Et puis, un peu de visite, surtout de qualité, ne ferait pas de mal. Il ajouta quelques mots :

- Et bien, il est un moyen simple d’arranger cela. Les cuisines sont toutes proches, il y aura bien quelques restes à manger.

Joignant le geste à la parole, il prit la direction des cuisines seigneuriales. Habituellement il prenait ses repas dans sa chambre, comme de coutume. Parfois, en quelques rares occasions, il prenait un repas improvisé aux cuisines. Du moins l’avait-il fait par le passé.

A toute heure de la journée, l’agitation y régnait. A la fois les gens des cuisines, affairés à préparer les repas du seigneur, des gens de maison, des quelques mendiants qui venaient faire aumône. Mais aussi par les allées-venues des gens de la maison, qui venaient aux cuisines lors de leurs moments de pause, venaient reprendre quelques forces. Les cuisines étaient le lieu sociable privilégie du château. Et l’ambiance y était bonne, et bruyante. Lorsque le seigneur des lieux entra, les conversations se firent plus discrète. Une table, à l’écart, était montée. Elle était destinée aux occasions de marque, lorsqu’une personne de passage ne saurait se mêler au bas peuple. C’est là qu’il amena sa visiteuse, manifestant au passage aux gens des cuisines qu’il venait se remplir un peu la panse.

Alors, tandis qu’il s’installait sur le banc, dos au mur, tirait un couteau de sa ceinture, et invitait la damoiselle à faire de même et à prendre place à ses côtés, les gens des cuisines s’affairèrent. Il fallait toujours tout prévoir, au cas où, et aujourd’hui le cas de figure se présentait. Alors, on bougea, on oublia un temps de servir les gens de maison, pour s’occuper de la table du seigneur, on ressortit l’attirail nécessaire à un repas improvisé.

Ainsi, en quelques minutes, une nappe de tissu fut posée sur la table qui commença à se couvrir de plats de toutes sortes. Le valet chargé du vin, il n’y avait pas d’échanson, pas encore, à Meaux, s’occuper de mélanger le vin de pays avec de l’eau, au bon goût du maître des lieux et apporta le tout, ainsi que d’autres boissons. Le repas ne serait pas un festin, mais il y avait de quoi nourrir plusieurs bouches affamées de façon fort convenable : la table du seigneur devait être de qualité, même simple. Et puis, les restes ne seraient pas jetés, de toutes manières, les cuisiniers trouvant mille et une façon de réaccomoder ce qui n’avait pas été consommé. Des serviteurs apportèrent aussi des écuelles remplies d'eau, afin qu'il et son invitée puisse se laver les mains.

Le ballet des gens de cuisine cessa bientôt, lorsque la table fut assez fournie. Tranches de pain du matin, fromage de brie, fruits de saison (fraises et framboises des bois), fruits confits, gâteaux à l’anis et à la cannelle, pâtés de cerf en croûte, charcuteries diverses, tourte de saumon aux amandes, épaule d’agneau (morceau noble) au miel et aux amandes, gaufres, pain d’épices pour l’alimentaire. Vin local, vin d’anis, vin d’hypocras, eau de fraise, pour la boisson. Tout ceci se mêlait sur la tablée, mêlant les saveurs, mêlant les goûts, sucré et salé. Il sembla comme renaître. Après tout, pour une fois, il partageait son repas avec une noble compagnie. Chose qui n'était plus arrivé depuis longtemps. Et ayant toujours été un grand mangeur, cela ne pouvait que le ravir... Se retenant de déjà commencer son repas, même si étant le chef de maison il devait en toute logique entamer les hostilités gastronomiques, il se tourna vers Clémence :


- Et bien, j'espère que ce menu frugal, improvisé, saura combler votre faim, étancher votre soif, et vous ôter vos tourments. Damoiselle, faîtes comme chez vous, ne vous privez point. J'espère que tout ceci saura être à votre goût.









NB : Je me suis sevré sur la liste des plats ; j’aurais bien aimé en mettre plus mais ça n’aurait plus été après.
Clémence de l'Epine
Frugal ? De toute évidence, le Vicomte n'avait pas idée de ce que pouvait être pour elle un menu frugal. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas humé toutes ces odeurs, qu'elle n'avait vu tous ces mets divers et variés, et surtout, il semblait qu'une éternité s'était écoulée depuis la dernière fois où elle s'était attablée dans le but de goûter de telles saveurs.

Vous me gâtez. Lui répondit-elle. C'est bien plus que ce que j'avais pu espérer.

L'œil gourmand, elle observait un à un les plats disposés sur la table, savourant déjà intellectuellement ce qui fondrait bientôt sur son palais. Mais elle n'osait tendre la main, légèrement intimidée soudainement. Que faire ? Se jeter sur cette nourriture, comme son ventre le réclamait, ou se servir délicatement, comme la bienséance le lui imposait ? Ou même attendre, encore, de voir ce que le maître des lieux ferait, qu'il donne le départ en se servant enfin. Mais ses derniers mots sonnaient comme une invitation, aussi se sentit-elle moins coupable lorsqu'elle indiqua vers quoi son choix se tournerait d'abord.

J'ai toujours aimé le miel.
Confia-t-elle un sourire au coin des lèvres. Et pour cause, c'était son père qui l'y avait initiée. Ce morceau de viande, là, me donne l'impression d'en être parfumé.

Et en moins de temps qu'il le faut pour le dire le plat fut approché et la chère goûtée. La damoiselle picorait, ou plutôt savourait, sans voracité aucune, elle savait se tenir et malgré la faim qui la tenaillait et l'odeur qui la faisait chavirer, son maintien restait droit et ses gestes raffinés.

On lui servit, à sa demande, un peu de vin pour son gosier sec d'avoir tant parlé dans le jardin et de cette eau aromatisée qui la rafraîchit. Elle ne pipait mot, se contentant d'apprécier ce qu'elle dégustait et de tourner de temps à autres un regard pétillant vers son hôte.

Elle termina silencieusement, religieusement sa portion de viande et se permet enfin un commentaire.


C'était délicieux. Et ce qui me réjouis, c'est de voir que devant moi se trouve encore de quoi combler ma gourmandise. Vous pouvez donc découvrir un de mes points faibles, un de mes défauts peut être, je ne sais pas... cela ne me semble pas trop déplacé d'apprécier ce genre de choses. J'essaie de résister à beaucoup de tentations mais face à la bonne chère je suis, à mon avis, bien démunie. Et la cuisine est ici délectable.


Elle eut un léger soupir de satisfaction, point trop n'en faut comme qui dirait, réfléchissant déjà sur quel plat son choix se porterait ensuite.
SanAntonio d'Appérault
Clémence fut bientôt servie aussi , il s'attarda à se servir à son tour. Clémence se contentait d'un plat pour commencer. Lui préfèrait les mélanges. Aussi, il se servit plus largement. Une part de tourte au saumon, une copieuse tranche de pâté en croûte, accompagné de pain, et de quelques gâteaux. Et l'inévitable tranche de fromage briard pour finir. Et un peu de vin, pour arrosé le tout, bien sûr. Assez pour nourir un ou deux paysans pour une journée complète.

Une fois qu'il se fut servit, il s'appliqua à faire honneur à la table, à sa table, en dégustant avalant ce qu'il avait devant lui. Enfin, pas non plus à la façon gloutonne d'un pourceau bourguignon, il fallait apprécier les plats, se tenir correctement devant une damoiselle, tout en les consommant suffisamment vite pour satisfaire sa faim, s'aidant du vin pour faire descendre le tout.

Elle ne s'était guère servie, elle eut donc tout de même finit avant lui. Et elle avait apprécié. Il faut dire, le morceau qu'elle avait prit était une pièce de choix, et la préparation était fort réussie. Alors, elle prit un peu la parole, pour se juger. Mal se juger. Une dernière gorgée de vin pour purger sa bouche, et il répondit, amusé :


- Défaut ? Allons, damoiselle, n'exagérez rien. Vous aimez la bonne chiere* ? Qui pourrait vous en blâmer ? Certainement pas moi. C'est l'un des rares plaisir que je m'accorde. Tout le reste... et bien, je me consacre à mes devoirs de seigneur. Vous n'aurez donc de ma part, en appréciant les bonnes choses, que de bienveillantes remarques. Goûtez à tout ce qu'il vous plaira, ne vous privez de rien sous prétexte que je suis là : au contraire. C'est mieux que de ne manger que des graines...non ? Et puis, vous ne pourrez pas dire que vous ne faîtes pas honneur à votre hôte, et ça c'est assez rare alors soyez en fière.

Une fois qu'il eut finit, rattrapé par sa faim, il se renfila une pleine bouchée de pâté de cerf en croûte, ce qui lui donnait presque envie de repartir chasser... s'il n'était pas si âgé...


* : expression d'époque ; oui oui je suis soucieux du moindre détail :p
Clémence de l'Epine
Du coin de l'œil, Clémence regardait le Vicomte manger et se resservir. Elle avait rarement vu quelqu'un d'un tel appétit. Si tant est qu'elle ait déjà eu l'occasion d'en rencontrer avant... Observer, elle savait faire. Elle était devenue reine dans l'art de la discrétion, et elle savait tout voir d'un coup d'oeil sans pour autant paraître indiscrète. C'était ça, d'avoir vécu seule enfant au milieu d'adultes : mieux valait se taire, malgré les mots qui ne demandaient qu'à jaillir, et se contenter d'épier chaque geste et chaque réaction. Vraiment intéressant...

Oui, je vois bien que vous savez apprécier toutes ces saveurs... Vous ne me l'auriez pas dit, je l'aurais sans doute deviné par moi-même. Ravie que nous trouvions là un terrain d'entente. Même s'il me semble que...vous prenez tout de même plus de cœur à l'ouvrage que moi.


Le ton n'était pas moqueur, simplement teinté d'une légère ironie. Sur ces mots, Clémence coula à nouveau un regard amusé vers son voisin, et si la pensée qu'elle ait pu le froisser par ses dernières paroles l'effleura un instant, étrangement, elle n'en tint pas rigueur et préféra l'imiter en goûtant à son tour le pâté de cerf. Beaucoup plus subtilement que son hôte, il fallait le dire, mais elle était une demoiselle, lui un homme déjà mûr, ceci expliquant sans doute cela...


Et pour votre gouverne, sachez que je n'en suis tout de même pas réduite à ne manger que des graines.
Dit-elle d'un air faussement indigné. On cuisine aussi très bien, à l'Epine.

C'était étrange, à y penser, de se retrouver là, à la table d'un Seigneur qu'elle ne connaissait pas, ou si peu, quelques heures encore auparavant. Aurait-elle pu songer, en partant tout à l'heure, qu'elle aurait pu trouver à Meaux une quelconque source de réconfort ? Non. Au départ, elle venait dans l'unique but de renseigner un père à propos de ses enfants. Par devoir, en quelques sortes. Par amitié envers Louis et Marguerite. Et maintenant qu'elle se trouvait attablée à ses côtés, la situation prenait une dimension différente. Ce n'était plus pour Louis, pour Marguerite, ou pour le Vicomte, qu'elle restait ici. C'était pour elle, parce qu'elle se sentait à l'aise, à cet instant. Que la compagnie du châtelain lui était plus agréable qu'elle ne l'aurait pensé, et que la visite se faisait alors moins formelle que prévue.


Très bon également...
fit-elle d'un ton désinvolte, signe qu'elle se sentait désormais assez à l'aise pour ne pas utiliser de simagrés, en désignant son plat.
SanAntonio d'Appérault
Il continuait de profiter de la tablée, se resservant dans un flot presque continu un peu de tout, qu'il se chargeait ensuite de faire glisser à l'intérieur de son estomac. Enfin, il avait un peu ralenti l'allure. Car s'il n'avait jamais été un homme de cour, il était en compagnie d'une demoiselle et il fallait rester courtois. Donc il se restreignait un peu. Tant pis : il se rattraperait bien le soir.

Même s'il mangeait, il restait attentif à la conversation. Il fallait remarquer une chose, c'est qu'elle n'était pas timide, bien au contraire. Il n'avait plus l'habitude de côtoyer des gens de qualité, mais cela ne semblait pas gêner la demoiselle, qui parlait de façon naturelle. Enfin, il lui semblait bien. Etait-elle toujours ainsi ? Un petit changement s'était manifesté en se mettant à table, sans qu'il put dire de quoi il s'agissait. Peut être était-ce simplement une fausse impression.

Finalement, cela lui occupait l'esprit, comme une façon de se l'ouvrir un peu [l'esprit]. Etait-elle naturelle ici ? Jouait-elle un rôle ? Dans le jardin, lorsqu'ils marchaient, il aurait put se le demander. A présent qu'il la voyait manger, un des gestes les plus simples de la journée, il sentait que là, ce jour, à Meaux, elle semblait être elle-même. Tellement elle même qu'elle en venait même à le plaisanter un peu. Peu avaient osé se montrer sous cet aspect. Il n'inspirait pas l'envie de se conduire ainsi, d'ordinaire. Et puis, cela faisait du bien de temps en temps de parler à une personne ne relevant pas de sa Maison, et qui ne passait pas son temps à vouloir lui nuire d'une façon ou d'une autre. Mais vu sa naissance, il n'aurait pu en être autrement venant d'elle. Quoi que, naissance ne préjugeait de rien, ne restait qu'à regarder un peu l'état des familles champenoises pour s'en apercevoir.

Tout en continuant son repas, et pour ne pas laisser un silence s'installer, il reprit la conversation :


- Il est quelques peu regrettable de vous accueillir dans un lieu qui ne respire plus guère la vie, comme un huis clos dans lequel le Très Haut me confine en attendant de me rappeler à Lui. Cela n'est pas ainsi que j'envisagerais les choses.

Mais il faut dire aussi que le château est bien vide. Quelques domestiques, le nécessaire pour que cette maison tourne correctement. Quelques gardes. Mais, ça reste des serviteurs. Mon épouse est décédée. Mes enfants sont partis vivre leur vie, après que je les ai marié. Je reste là, seul. Il reste bien Gabriel, qui gère la garde de la ville et de l'hôtel. Vous l'avez rencontré, d'ailleurs.

La vie est bien morne lorsqu'il manque les cris d'enfants, la gestion maternelle d'une dame. Enfin, ainsi va la vie. Que puis-je y faire ? Il y a quelques temps, poussé par une envie de rendre meilleure la noblesse de ce monde, j'avais fait savoir de part le pays de Champagne que damoiseaux et damoiselles seraient les bienvenus à Meaux, pour leur transmettre les valeurs qu'une noble personne doit avoir. Aucun n'est venu. Oh, je ne me faisais guère d'illusion sur cet élan de générosité : on veut la noblesse pour avoir un titre, mais on refuse ce que cela implique. Et on ne forme pas les enfants à leur rôle futur. On se contente de les noyer dans une mentalité qui tend à toujours vouloir écraser les autres. Heureusement ce n'est pas votre cas. Vous serez l'une des quelques exceptions qui persistent.

Vous pourriez penser, à m'entendre, et vous n'auriez pas tord, que je suis un peu rabat-joie. Et aussi que je vois d'un mauvais œil ma situation. Ce n'est pas totalement faux, je me suis résigné, je crois, et Meaux est mon refuge, ma retraite, mon ermitage. Devrais-je retrouver une épouse ? Cela aurait au moins le mérite de remettre une dame ici même, au château, pour veiller sur la mesnie. Je ne côtoie plus assez la noblesse, j'ignore donc quels partis seraient libres. Mais plus encore, je doute qu'il se trouve encore des familles pour souhaiter s'unir à la mienne. Grand père du Dauphin, après tout, ce n'est rien.

Son discours lui ayant donné soif, il s'interrompit un instant, but une gorgée de vin, et reprit :

- Enfin, mieux vaut ne pas y songer. Et puis, j'ai bien de quoi m'occuper avec tous les registres que j'ai récupéré de ci de là. Il y en a des documents à trier. La plupart sont inutiles. Trop vieux, trop effacés, ou concernant d'autres sujets que ce qui m'intéresse. Et pour chercher quoi ? De vieilles histoires. J'en trouve moins que je ne le voudrais, mais enfin... Cela m'occupe, au moins. Chercher qui était Suzanne. Car après tout, je ne sais presque rien d'elle, hormis qu'elle me donna vie, à moi et mon frère. Et qu'elle est morte en couche. Pour le reste, je dois le découvrir par moi même. Fort heureusement, j'ai du temps pour m'y consacrer, même si cela est un travail fastidueux à faire seul. Mais à qui puis-je demander de m'aider à tri ses vieux papiers, ses archives, je ne vois pas. Il faut avoir confiance en ses aides pour cela.

Il parlait, il s'ouvrait, il disait des choses qu'il gardait le plus souvent pour lui. Parler de ses occupations du moment - même Sevria n'avait pas été mise pleinement dans la confidence. Mais quel mal pourrait-elle lui faire suite à cette discussion ? Ce n'étaient que des papiers de famille, après tout. De vieux papiers.
Clémence de l'Epine
La demoiselle déglutit, les yeux rivés sur le pâté que finalement, elle peinait à terminer. Ce n'était pas qu'elle n'écoutait pas et qu'elle n'en avait cure, mais elle se sentait un peu gênée d'être l'oreille dans laquelle le Vicomte déversait ses confidences. Elle le laissa parler, se disant que sans doute il avait besoin de parler de cette façon, se demandant cependant pourquoi il avait fait d'elle sa dépositaire. Elle n'était qu'une gamine, à côté de lui, comment pouvait-elle être de bon conseil ? Car elle aurait pu juste écouter et hocher la tête à ses paroles, mais elle n'était pas ainsi. On lui parlait, elle répondait, c'était dans l'ordre des choses. Elle n'était pas là pour simplement écouter, ça n'était pas son rôle de juste faire tapisserie, alors même s'il ne fallait pas, elle donnerait son avis.

Elle prit le temps d'avaler une dernière bouchée avant de prendre à son tour la parole, d'un ton un peu plus réservé que précédemment. Il fallait dire qu'elle ne s'attendait pas à tant de confessions.

Pardonnez-moi, peut-être n'attendiez vous pas forcément de commentaires de ma part, mais il va cependant falloir faire avec. Mes mots ne seront sans doute pas si justes ni tout à fait sensés, mais je réponds avec la fraîcheur de mes treize printemps. Elle prit une légère inspiration et apposa sur ses lèvres un petit sourire contrit.

Vous devriez reprendre femme, si une présence féminine manque tant que ça à Meaux. Cependant, il y a des choses que l'on peut certes aisément remplacer, mais malheureusement je pense qu'une bonne épouse, une nouvelle épouse, ne peut se trouver en claquant simplement des doigts. Vous le savez autant que moi, je ne fais qu'énoncer une certitude. Je ne pourrais être bonne conseillère à ce sujet, vous vous en doutez, mais si réellement l'absence d'une femme vous préoccupe, il ne tient qu'à vous d'au moins chercher au lieu de rester à vous lamenter sur les tours cruels que le destin vous joue. Clémence se rendit compte de sa maladresse et tenta de se rattraper tant bien que mal. Je ne dis cela que pour votre bien, il va de soi que je ne puis en aucun cas prétendre vous donner une quelconque leçon. Ce serait fort inconvenant de ma part...

Elle ne voulait absolument pas paraître discourtoise, parfois elle parlait un peu trop vite et s'en mordait immédiatement les doigts. La demoiselle préféra changer prestement de sujet et passer à celui que le châtelain avait plus qu'évoqué.

Vous savez, si cela peut vous être utile et si vous m'accordez assez de votre confiance, peut être pourrais-je, moi, vous aider dans vos recherches ? Elle avait dit cela à peu près sans réfléchir, bien contente de détourner la discussion et ainsi de faire oublier, si c'était possible, la gaucherie dont elle avait fait preuve en se permettant de sermonner son hôte. Son esprit vif lui permit cependant de se rendre rapidement compte qu'elle ne pourrait qu'en tirer avantage. Elle-même aurait ainsi la possibilité de se trouver là un divertissement qui l'empêcherait de trop se morfondre. Sans doute y trouverait-elle un quelconque intérêt, qui plus est, et cela serait sans doute l'occasion, pour elle, d'apprendre encore davantage auprès du Vicomte. S'il avait proposé à de jeunes nobles de venir ici à Meaux pour leur dispenser quelque enseignement, c'est qu'il avait bien quelque chose d'instructif à offrir. Et s'il lui était possible d'apprendre encore plus, cela la comblerait d'aise. Encore fallait-il que le Vicomte ne trouve pas sa proposition trop incongrue...


Edit ortho
SanAntonio d'Appérault
Les longues années passées au service de son suzerain, le Duc Lion d'abord, puis le Roi normand, et au service de l'Ordre Hospitalier, lui avaient fait rencontrer beaucoup de personnes de tous bords. Et il avait apprit à ne plus se surprendre des réactions des gens. Du moins, ne pas manifester une surprise trop grande. Bon, le plus souvent les gens se trouvaient désespérément là où on les attendait, les coups de théâtres lui étaient donc rares. Mais, il en avait un présentement à gérer.

Les premiers mots de Clémence lui firent plisser les yeux, attentif à la suite. Ce qu'elle disait n'était pas dénué de sens. Mais, encore fallait-il osé le dire. Une autre qu'elle aurait put prendre le plat à gigot sur le sommet du crâne. Mais là il ne pouvait pas se le permettre, rapport au sang qui coulait dans ses veines. Et puis, elle valait mieux que ça.

Les remarques de la damoiselle résonnèrent dans son esprit. Non, il ne pouvait lui tenir rigueur de ce qu'elle disait. Sur le fond, elle avait raison. Sur le fond. Mais, il fallait replacer cela dans le contexte. Cela, elle ne le pouvait pas, elle n'avait pas vécut les mêmes choses. Et si sur le papier ce qu'elle disait avait un sens, le passage aux faits posait souci. Chercher une nouvelle femme, oui, il le pouvait. Il l'avait bien fait pour Louis, il serait bien capable de juger de la pertinence des prétendantes. Le soucis était ailleurs.

Pouvait-elle comprendre cela ? Elle n'avait pas l'air sotte, mais il lui manquait beaucoup d'éléments pour juger. Et, il n'avait guère envie de lui raconter tout cela. Pour une part de ce qu'il pourrait dire, cela risquerait d'aller contre son éducation. Elle avait été éduqué en sachant que l'amour était une chimère, et qu'elle se marierait par raison. Comme une demoiselle se devait de faire. Comment lui dire alors que beaucoup se mariaient par "amour". Enfin, de ce qu'ils appelaient ainsi. Le premier ou la première venu(e) à qui on donnait généreusement une seigneurie faisait souvent l'affaire et on se retrouvait avec dans les lignages nobles des pécores nouveaux riches et devenus nobles. Comme celle qui se disait sa belle sœur. Qu'elle soit neuf fois maudite, cette catin qui avait ensorcelé Ricoh.

Il y avait une autre catégorie de gens. Ceux qui se mariaient pour un titre, sans penser au reste. Il n'y avait pas que le rang de noblesse qui compte, mais aussi la valeur. Valait-il mieux une comtesse aux moeurs paysannes, ou une baronne de bonne naissance, et de lignée ancienne ? Pour tous, ou presque, le choix se porterait sur la comtesse, même si elle n'avait aucune noblesse.
Deux façons de se marier. De mal se marier. Un mariage n'était pas une question de couronne ou d'amour, mais d'alliance de maisons, de renforcement des amitiés.

Et ensuite, qui choisir ? Une jeune damoiselle de bonne famille ? Les bons partis n'étaient pas nombreux. Il n'en avait qu'un seul en tête, elle se trouvait à ses côtés, mais elle avait sans doute meilleur avenir destiné par ses parents. Une de celles qui se séparaient de leur époux ? Elles reniaient un serment passé devant le Très Haut, elle ne méritaient que des crachas à la figure. Une veuve alors ? Il n'en connaissait guère. Guère de viables, du moins. Ou alors une qui soit encore dans une autre catégorie, qui avait passé l'âge de se marier, mais restait célibataire. La plupart des possibilités avaient acquis la noblesse, sans qu'on sache trop quels procédés avaient été employés. Le mérite, disaient certains. La séduction, plutôt, dans bon nombre de cas. Et en tant que célibataires, que faisaient-elles ? Joutaient-elles ? Se répandaient-elles dans des activités aux mœurs légères ? Quelle vertu pouvait leur être attribuée ? Elles avaient les titres, rarement la naissance, et peu souvent les valeurs qu'une noble dame se devait d'avoir.

Et puis, il avait été gentiment remercié de tous les lieux où il était passé. Il avait donné une reine au royaume, et les pairs, son propre traître de frère parmi eux, en avaient profité pour s'accaparer le pouvoir. Qui s'allierait aujourd'hui avec lui ? Ils lui avaient prit tout ce qu'ils pouvaient, et en prendraient encore s'ils le pouvaient. Caedes avait raison, des masques étaient tombés, et il s'était retrouvé seul, brisé par les nouveaux visages de personnes qu'il estimait, avant. Non, personne ne verrait d'un bon œil un mariage avec lui.

Il y avait bien une personne si. Mais, elle semblait s'être cloîtrée dans un couvent sans donner de nouvelles. Et Sevria ? S'il l'avait épousé, serait-elle partie tout de même à Compiègne pour y tomber ? Son trépas lui permettrait peut être de la retrouver et d'en savoir plus. Enfin, il arrivait au bout des possibilités et la suggestion de Clémence tombait à l'eau.

Quelques instants de réflexion avait permit à Clémence de changer de sujet. Son aide, pour les recherches qu'il menait ? La proposition était généreuse. Avait-il manqué tellement de conversation, entre les cruels tours du destin et la proposition d'aide ? Il lui manquait le fil conducteur, mais il ne pouvait guère avouer qu'il s'était perdu dans ses pensées. Il commença par répondre à sa suggestion première :


- Damoiselle Clémence, votre avis sur un éventuel remariage est censé. Enfin, pour l'approche théorique. Mais, pour des raisons qui nous dépassent, cela ne se fera pas aisément. Epouser la première venue ? Je m'y refuse. Epouser une de ces femmes qui trainent dans les couloirs des palais en quête de gloire, sans moralité aucune, oubliant ses devoirs de dame ? Je m'y refuse. Mes ennemis sont nombreux, mes amis beaucoup moins. Et ceux que je peux encore appeler ami n'offrent guère de partis libres. Il en est un, mais je le suppose destiné à quelqu'un déjà. J'apprécie votre franchise, et je suis de votre avis, mais cela ne donnera rien.

Puis, il en revint à la dernière affaire, souhaitant qu'il n'y ait rien eut entre les deux. Il y songea un instant. Les documents étaient divers et variés, il fallait faire le tri, puis en tirer des informations intéressantes. Parfois. N'importe qui pouvait s'en charger pour peu qu'il lise. Cela ne poserait a priori pas de soucis à son invitée. Accepterait-il d'un bon œil qu'une personne vienne y mettre le nez ? Cela lui ferait de la compagnie. Qu'en diraient ses parents ? Il supposait qu'ils gardaient une bonne amitié pour lui, et si aucun d'eux ne pouvait s'occuper d'elle convenablement pour des raisons naturelles et justes, peut être pourrait-il veiller un peu sur elle. Il l'avait un peu fait pour Marguerite, il ne serait pas perdu. Mais il allait aussi falloir accepter l'idée qu'elle mette le nez là dedans. Cela concernait des personnes toutes mortes et enterrées depuis longtemps. Les seuls secrets qui s'y trouvaient lui étaient à lui même inconnus. Pouvait-elle les découvrir en même temps que lui ?

Après tout, pour consulter l'ensemble des archives de Meaux, il était démuni, seul. Il ne se rappelait pas qu'il l'avait évoqué un peu plus tôt, qu'il en avait parlé à la demoiselle, qui rebondissait dessus. Il ne s'en rappelait pas, pas de l'avoir demandé du moins, mais l'idée d'être aidé lui paraissait cohérente. Lui faire confiance ? A dire vrai, il avait parfois le réflexe de ne faire confiance à personne. Mais, si elle avait reçu l'éducation de Matthilde, il pouvait être rassuré. A moins que le Massigny, ou d'autres, n'aient eut une influence sur elle, néfaste nécessairement. Après tout...

Quelques instants de pesage de pour et de contre, puis il vida le gobelet qu'il avait devant lui, et accepta l'offre, sous éserve :


- Et bien, c'est là une proposition fort généreuse. Mais, je ne voudrais pas que cela aille contre une volonté de vos parents. Cependant, s'ils sont d'accord, cela pourrait se faire. Oh, le travail n'est pas toujours agréable, il faut parfois déchiffrer les lettres une à une, recouper les documents ensembles. Cela occupe mes journées. Vous sentez vous capable de faire cela, sachant que vous n'aurez pas forcément un résultat à chaque occasion ? Si cela vous convient à vous et à vos parents, alors pourquoi pas. Vous seriez mon invitée. On devrait réussir à vous trouver un lit où dormir. Et puis, une bonne relation se basant sur un échange, je trouverai bien matière à vous apporter aussi quelque chose. Qu'en dîtes-vous ?

En parlant, il s'était resservi à boire -c'est que ça manquait d'écuyers ici. Il leva le gobelet, puis le vida, manière de sceller la conversation, de sceller l'accord oral d'un gentilhomme et d'une damoiselle. Et pour fêter cela, il se resservit à nouveau, mais changea de cible : laissant les quelques restes de pâtés, viande, et tout le reste, il se servit quelques gâteaux croustillants et du pain aux épices, et opta pour un vin d'hypocras pour faire passer le tout. C'est que parler mettant en appétit, et donnait soif.
Clémence de l'Epine
Clémence frissonna aux primes paroles du Vicomte. Elle n'avait pas perçu la situation sous cet angle : pour elle, le Royaume regorgeait de partis à marier, elle pensait qu'il n'aurait que l'embarras du choix. C'était sans compter le côté exigeant de son hôte. De plus, le tableau morose qu'il dressait de la noblesse féminine, s'il était vrai, restreignait en effet les possibilités. La damoiselle s'interrogea : et elle, comment la percevait-il ? Il lui avait déjà dit qu'elle ferait sans aucun doute une bonne épouse. Son lignage était noble, purement noble, son ascendance prestigieuse et en tant que fille unique, elle hériterait en plus de titres alléchants pour bien du monde. Sans aucun doute, ça n'était pas rien. C'était même beaucoup. Un fardeau, avant d'être un chance. C'était du moins ainsi qu'elle le ressentait. Elle se demanda, également, question qu'elle ne s'était pas posée depuis un certain temps, à qui ses parents la destinaient. S'ils avaient fait leur choix, s'ils étaient parvenus à un accord, malgré le fait qu'ils ne se voyaient que rarement, elle n'en avait pas eu vent. Elle appréhendait le choix, mais elle savait que ses parents lui trouveraient le meilleur parti possible. Mais lequel ? Aucun nom ne lui venait directement à l'esprit, aucun qui pouvait en tout cas satisfaire sa mère, sans doute aussi exigeante que l'était le Vicomte.

Je n'avais pas réfléchi... murmura-t-elle pour elle même alors que son hôte reprenait sur sa proposition quant à une éventuelle aide dans ses recherches généalogiques. Elle songea assez longuement à l'offre qu'il venait de lui faire, notamment à l'avis ou la réserve que pourraient émettre ses parents à ce propos. Elle ne savait pas vraiment ce qu'ils en penseraient, elle ne savait même pas s'il lui était possible de leur en toucher un mot. Sa mère, peut-être, puisqu'elle restait à l'Epine. Mais son père... si elle lui envoyait missive, la recevrait-il, ou bien s'égarerait-elle sans parvenir à trouver son destinataire ? De frustration, Clémence mordit à belles dents dans un épais morceau de pain blanc à portée.

C'est seulement après avoir pensé à ses parents qu'elle se mit à réfléchir à la tâche difficile que le Seigneur de Meaux lui dépeignait. Mais Clémence n'était pas de celles qui prenaient peur à la moindre complication. Le travail intellectuel ne l'effrayait pas, au contraire, elle le réclamait. S'il fallait déchiffrer des lettres, comme il le lui disait, s'il fallait user de patience et y passer des heures, elle le ferait. Oh, elle pourrait bien s'en trouver agacée quelques fois, elle pourrait, un jour, envoyer tout voler de dépit, mais la force de caractère qu'elle possédait, et la contenance, la tempérance dont elle s'efforçait de faire preuve lui permettaient de reculer toujours les excès de fougue qui parfois l'assaillaient.


Je suis capable de bien des choses dont on ne pourrait se douter en me voyant aussi jeune et chétive. Répondit-elle d'un ton fier, plantant son regard clair dans celui du vieil homme. Elle le mettait, sans intention maligne, au défi de remettre en question ses capacités. Vous connaissez ma mère, vous avez devant vous sa fille. Je ne pourrais sans doute me montrer tout à fait à la hauteur de ceux qui m'ont donné de leur sang, mais au moins en ai-je l'ambition : la force du Lion m'habite et si j'ai parfois tendance à l'oublier, à m'oublier, je ne peux pourtant pas le renier. J'ai hérité, je pense, de certaines qualités qui continueront à se transmettre de générations en générations. Je suis plus tenace que l'on pourrait le croire au premier regard...

A son tour, Clémence porta la coupe à ses lèvres.

Oui, je puis vous seconder dans votre tâche, si en échange vous me dispensez d'un enseignement qui pourrait m'être utile dans les années futures. Vous avez fait une Reyne, vous devriez bien être capable d'apprendre deux ou trois choses à une simple Damoiselle comme moi. Ces derniers mots étaient dits avec toute l'innocence dont elle était parfois capable. Je repartirai à l'Epine tout à l'heure, et si ma mère accepte de me recevoir, je lui parlerai de cette idée que nous avons eue. Je tâcherai également de faire parvenir à mon père un courrier concernant ce même projet. Peut-être daignera-t-il y répondre ? Mais je ne vous cache pas qu'il puisse être difficile pour moi de tirer de mes parents un assentiment ou même un refus. Ils ne sont pas très disponibles en ce moment. Pourtant, je ne peux me détacher de leur autorité. Que faire, dans le cas où il me serait impossible d'obtenir leur avis ?
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