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L'écart des âges ne dresse pas de barrières

SanAntonio d'Appérault
Pendant qu'elle parlait, lui écouta, tout en grignotant quelques gâteaux, et buvant régulièrement du vin d'hypocras pour faire descendre les miettes qui restaient coincées dans sa bouche.

Il l'écouta donc parler de son lignage. La façon dont elle en parlait le fit sourire. Elle avait elle aussi du caractère, ce qui la distinguerait aussi nettement de tous ces gens fades qui ne pensaient jamais rien par eux mêmes mais pensaient de la façon qui plaisait au plus grand nombre. Ce n'était pas son cas : son caractère était affirmé, elle savait d'où elle venait, elle savait aussi où elle allait, même si elle ne s'en rendrait pas forcément compte tout de suite. Matthilde avait bien remplit sa tâche : il avait eut bon goût en lui confiant l'éducation de Louis. Il faudrait juste apporter quelques précisions à la demoiselle, pou ce qui concernait les héritages de famille, pour éviter qu'elle n'aille dans le monde, plus tard, avec une certitude faussée quelques peu.

Elle revint ensuite sur l'idée de venir démêler les liens délicats qui relient les archives, pour l'aider à trouver un dénouement à ces recherches qui duraient qui duraient. En même temps, chercher l'occupait, et toute trouvaille amenait forcément d'autres questions. Chercher était une occupation qui n'avait pas de fin. Jamais. L'homme devait lâcher prise, en payant sa dernière dette, à ce qu'il avait cherché, et qu'il ne trouverait jamais. La quête éternelle, que chacun a en lui. Son seul problème semblait tenir dans l'accord de ses parents. Au moins connaissait-elle ses devoirs...


- Vous disiez être l'héritière du Grand Caedes, et de la Belle Matthilde. Et en effet, vous êtes de bonne naissance. Vous êtes une vraie demoiselle, comme il en existe peu à présent. Et j'imagine que votre future dot fait de vous le meilleur parti de France. Cela dit, ne vous fiez pas uniquement à la naissance car elle ne donne pas tout. Une mauvaise éducation enlève tout le crédit d'une bonne naissance. Connaissant Matthilde vous n'êtes pas dans ce cas là. Mais, n'oubliez jamais que le sang, la naissance, ne fait pas tout. Il faut juger les gens sur leurs actes, non uniquement sur le fait qu'ils soient fils ou fille d'untel ou d'untel. C'est aussi pour cela que la chevalerie s'acquiert avec le temps. Ce que quelques personnes mal intentionnées ont détourné, profitant des absences du Roi. Il n'y a qu'à voir l'Ordre de Saint-Ouen : tout y a été fait pour le seul profit de quelques pais désireux d'obtenir du prestige à moindre frais. Enfin, cela ne vous concerne en rien pour l'heure.

Une gorgée d'hypocras pour humidifier sa gorge et il repart :

- Et pour le conseil que vous me demandez, je ne suis sans doute pas la meilleure personne, ayant moi même, en un temps bien autre, désobéi à un père tyrannique et profondément abruti.

Votre remarque me laisse du moins entendre que vous vous en êtes passée pour venir ici, et peut être aussi pour vous rendre en Languedoc auprès de Louis -brave petit. Peut être mon entendement est-il faux. Ma demande n'avait qu'un but : être certain que votre présence ici ne les gênerait en rien. Mais je ne doute pas que votre mère parvienne à vous trouver un peu de temps.
Clémence de l'Epine
Le sang ne fait sans doute pas tout, mais il me semble pourtant que bien des familles aimeraient marier leur fils à ma personne non pour l'éducation que j'ai reçue, pour le caractère que je me suis forgé, ou pour les actes que j'ai effectués -aussi maigres soient-ils à mon âge- puisqu'ils ne me connaitraient pas et qu'il leur importerait sans doute peu de me connaître, mais pour le nom que je porte... Je crois que bien des gens n'auraient cure de voir leur enfant marié à une sotte, pourvu qu'elle ait l'héritage. Peut être me trompé-je, peut-être que votre pessimisme et votre vision sinistre du monde a réussi à m'atteindre, je ne sais. Un sourire espiègle appuya ces mots. J'ai souvent l'impression de me faire des idées fausses, ou plutôt en ai-je peur, parce que j'ai toujours tendance à juger rapidement les personnes que je rencontre, sur un regard ou une parole, et à croire ensuite que je connais tout d'elles. Il ne me vient qu'après à l'esprit que mon jugement puisse être faux. Sans que j'arrive cependant à le modifier tout de suite. Il existe des catégories de personnes et moi, je m'occupe de placer mes rencontres dans les bonnes cases. En général, les personnes dignes d'intérêt possèdent leur propre case, c'est ce qui les distingue des gens banals qui eux sont bien souvent regroupés à plusieurs dans le même compartiment.

Mais de quoi parlait-elle ? Elle se sentait redevenir petite fille, à raconter des choses dénuées de sens juste pour attirer l'attention. La différence était que là, elle ne le faisait pas pour attirer l'attention, simplement parce que sa conversation l'avait amenée à cette idée. Mal à l'aise d'avoir ainsi dévoilé quelque chose qui oralement passait pour ridicule et insensé, elle choisit sa bonne vieille méthode et passa du coq à l'âne aussi aisément que si on lui avait demandé de réciter le crédo de mémoire.

Quand je suis descendue vers Cauvisson j'étais déjà au beau milieu du Limousin, accompagnée de ma mère et elle était avertie de mon voyage.
Elle eut un sourire satisfait, ravie de pouvoir démontrer au Vicomte qu'elle n'avait pas agi sur un coup de tête sans en informer personne. Elle n'aurait jamais eu l'intention de partir aussi loin sans demander l'avis parental. Mais il est vrai que je n'ai pas attendu l'accord de ma mère pour rejoindre Meaux aujourd'hui. Je n'y voyais en fait rien de déplacé et la route n'était pas si longue. Je me suis sentie capable de prendre la décision de moi-même, parce que j'ai pensé que de toute façon mes parents ne verraient pas cette visite d'un mauvais œil. Le fait de devoir loger ici, par contre, me paraît un peu plus délicat, je ne sais trop comment le prendrait ma mère. Enfin, rien ne sert de trop tergiverser, je verrai comment cela se présente et vous en tiendrai informé. Vous pouvez compter sur moi.
SanAntonio d'Appérault
Plus il l'écoutait parler et plus il l'appréciait. Elle n'était pas sotte, chose toujours appréciable. Elle avait même la petite pointe de piquant dans la voix pour répondre à son interlocuteur. Et elle avait déjà conscience du monde dans lequel elle vivait. Il mûrit un peu sa réponse avant de reprendre la parole :

- Je ne le sais que trop bien. Seul compte la perspective du rang de noblesse de la personne qu'on va épouser. C'est ainsi que vit ce monde. Je l'avoue, il est important de bien choisir le parti que l'on destine à ses enfants. Beaucoup ne pense qu'à la dot. C'est un point non négligeable, en effet. Mais, la dot ne doit pas être la seule chose considérée.

Quand j'ai proposé au comte Jehan de marier Louis à Marguerite, ce n'était pas pour la dot, qui consistait en une vicomté. Mes raisons étaient d'autre ordre. Unir par mariage deux familles amies. Si le Goupil fut disgracié par le Roi de France, qu'il en garde rancœur contre son administration, nous sommes restés en bons termes. Et puis, je connaissais Marguerite, je m'étais prit d'affection pour elle, devenant même un second père pour elle, en devenant son parrain. Connaissant ses parents, un peu comme pour vous, je savais que son éducation était sans reproche, et elle m'est apparut comme une personne intelligente, qui serait la meilleure des épouses.

Ainsi, ce mariage unissait devant le Très Haut nos familles, amies de longue date. Il donnait à Louis une épouse qui saurait remplir tous ses devoirs. La dot n'était pas négligeable. Et puis, le fait que le Goupil soit dans la lignée de succession des Roi d'Aragon rendait cette alliance encore plus belle. Vous savez sans doute tout cela. J'essaye juste de dire que les critères sont multiples et qu'il ne faut pas s'intéresser uniquement aux titres. Bien que cela soit la priorité de nombre de personnes. Enfin, je vais finir par vous ôter tout espoir dans la vie...

Il se tut un instant, resongeant à ce qu'il avait dit, concernant Marguerite. Une évidence lui vient, et il la partagea :

- D'ailleurs, d'une certaine façon, vous lui ressemblez par bien des points. Tant par la naissance, que par l'éducation, que par le caractère et l'intelligence. A ceci près qu'elle est une cadette, et que vous êtes l'unique et donc seule héritière. Je disais d'elle qu'elle faisait, à mon sens, la meilleure des épouses, aussi me dois-je de vous dire que vous feriez vous aussi la meilleure épouse. je ne sais qui vos parents vous destinent, mais il pourra n'être que satisfait. J'espère juste qu'il saura s'en montrer digne et être un bon époux. Je ne peux que vus le souhaiter, il serait regrettable que vous soyez mariée à l'un de ces idiots qui fleurissent de partout. Vous méritez mieux.

Il avait parlé, beaucoup, et avait oublié les dernières phrases de la demoiselle. De quoi avaient-ils parlé avant ? De ses parents, du fait qu'il lui fallait lui accord pour venir quelques temps ici pour l'assister dans ses recherches. Elle avait dut revenir à ce sujet. Enfin, ça paraissait plausible. Il y revint donc.

- Enfin, je parle beaucoup. A trop rester isolé du monde, j'en oublie de me taire lorsqu'il m'arrive d'en côtoyer. J'espère que vos parents vous laisseront revenir me voir, peut être ne trouverez-vous rien de plus que moi, mais cela importe peu finalement, vous serez d'agréable compagnie.

Il avait eut deux filles. L'une partie très tôt, trop tôt, à Paris, mariée au roi de France, dans le but de préserver l'unité de la Champagne et d'assurer que le futur roi ne soit pas descendant d'une de ses familles sans vertus. Elle avait finit par oublier ses racines : la couronne devait faire changer les gens. L'autre, il ne l'avait connue que tard, bien après sa naissance, et elle était déjà grande, libre, indépendante. Et déjà elle avait vécu des drames qui lui avaient fait perdre sa candeur d'enfance. Il n'avait pas put profiter un peu de leur présence à un âge où l'esprit est déjà vif, mais le cœur encore emplit de rêves. Il l'avait put avec Marguerite, même si le mariage l'avait changée, à tout jamais sans doute. Et il le pouvait à nouveau avec Clémence. Et dans ce corps un peu usé, ayant vécut beaucoup de choses, des tristes et des moins tristes, au fond de lui, il se sentait un peu en vie, et en joie...

Il termina d'enfouir dans sa gorge le reste d'un des gâteaux qu'il s'était servit, et le mâcha machinalement.
Clémence de l'Epine
Il la compara à Marguerite, et elle en sourit. Ce n'était pas la première fois qu'on les rapprochait toutes deux. Elle se souvenait de cette cérémonie, en Languedoc, où le jeune Cristòl de Siarr l'avait elle-même appelée « Fleur d'Oïl » en comparaison de la Fleur d'Oc. Cela l'avait surprise, alors, au vu de ce que dégageait la Vicomtesse de Cauvisson, se sentant pour sa part à des lieues de lui ressembler en quoique ce soit, hormis en ce qui concernait son noble lignage. Il avait suffit d'un regard, la première fois où Clémence l'avait vue, pour qu'elle comprenne que celle-là aurait sa propre case. Les sentiments à son égard étaient contrastés, comme beaucoup de choses chez Clémence : avant tout, Marguerite l'impressionnait. Elle n'aurait trop su dire pourquoi mais il y avait quelque chose dans son allure qui lui rabattait toute son assurance, qui l'inquiétait, aussi. Si la bienséance l'avait permis, la damoiselle aurait passé son temps à scruter de tout son saoul les réactions de la Fleur d'Oc, son visage, ses gestes, à essayer de deviner ce qu'elle était vraiment, ce qu'elle pensait et pourquoi elle le pensait. C'était un personnage déroutant, que Clémence n'arrivait à comprendre tout à fait. En cela elle la détestait. Car elle avait horreur de ne pas comprendre et voyait la difficulté comme un défi à relever. Mais elle ne pouvait non plus s'empêcher de l'admirer, pour tout ce qu'elle était.

Alors oui, la comparaison la fit sourire, parce que si on avait pu un tant soit peu percer ses propres pensées, on aurait pu s'apercevoir à quel point Marguerite restait une énigme pour elle, un personnage curieux et atypique : pourquoi s'intéresserait-elle tant à elle si au fond elles avaient tant de points communs ? A moins que justement, cet intérêt provenait du fait qu'il y avait entre Marguerite et elle plus de similitudes qu'elle n'avait pu le penser de prime abord, provoquant une espèce d'identification chez elle vis à vis de son aînée.

Clémence, dans ses pensées, secoua négativement la tête. Non. Marguerite n'était pas Clémence, et elle n'était pas Marguerite. Elles étaient par trop différentes, bien qu'il existât en effet cette noblesse qui les caractérisait toutes deux.


J'espère, moi, j'espère que vous avez raison, et que je ferai une bonne épouse. Puis, plus bas. Et j'espère aussi qu'il fera un bon époux.

Marguerite avait été malheureuse, à son mariage, et pourtant elle épousait Louis, jeune, aimable et sensible. Clémence n'avait pas compris, et elle s'était fait une sorte d'idée en ce qui concernait le mariage : on y allait forcément à reculons. Forcément, oui, car pourquoi se trouver désespérée de se marier à un homme bon ? Cela l'avait bouleversée, elle qui se savait aussi destinée à l'hymen. Puis, elle avait mûri, réfléchi, et la réalité s'était faite moins sévère. Elle s'était rendue compte de l'attachement de Marguerite à sa terre d'Oc en s'y rendant elle-même, en la côtoyant dans son environnement, elle avait remarqué combien elle y était plus épanouie qu'en Champagne et cela l'avait rassurée un peu. Si ce n'était que ça...

Vous avez fini votre repas ?
Reprit-elle d'une voix un peu ragaillardie, l'observant porter à sa bouche les derniers morceaux de gâteaux qu'il s'était servis, amusée de le voir capable de manger autant. Je crois que je ne devrais pas tarder. J'ai déjà passé ici bien plus de temps que je ne l'aurais pensé en partant de la Motte. Du temps agréable. S'empressa-t-elle d'ajouter, parce que c'était vrai, et qu'elle ne voulait pas que le Vicomte prenne ses propos à l'envers.
SanAntonio d'Appérault
Il avait terminé. La journée avait été bien remplie : une visite impromptue, une petite promenade, un petit repas improvisé. Promenade qui l'avait mit en appétit, appétit qu'il venait de satisfaire. Temporairement du moins. Avait-il terminé, demandait-elle. Assurément, jusqu'à l'heure de son repas du soir, il n'aurait plus à manger, à part sans doute un passage rapide le temps de grignotter un petit quelque chose.

Elle annonça alors qu'il était temps de partir. Il n'avait pas vu la journée passer, et à dire vrai il n'avait rien de précis à faire ce jour. Ce qui n'était pas le cas de son illustre visiteuse, qui devait encore retourner dans le chalonnais et traverser une bonne partie de la Champagne. Oui, sans doute valait-il mieux qu'elle ne parte, à présent, au risque d'inquièter ses parents.


- Repartir chez vos parents ? C'est en effet sage décision, les routes ne sont jamais sûres de nuit, mieux vaut partir avant, surtout que votre route est longue. N'hésitez pas à revenir me voir, pour une journée, ou pour un séjour un peu plus long et quelques petites séances de lectures, ce sera avec joie. Votre compagnie m'est plaisante et vous serez toujours la bienvenue. Et puis, cela me change un peu les habitudes. Je vous remercie encore pour cette visite, pour les nouvelles apportées, en espérant vous revoir prochainement. Et s'il vous plait, transmettez mes amitiés à votre mère, et à votre père.

Je puis aussi faire mettre à votre disposition quelques cavaliers pour renforcer votre escorte et vous faire raccompagner en toute sécurité à l'Epine.

Il ne savait guère comment clôturer la conversation, n'étant plus habitué à parler avec une personne de sa condition, mais plutôt avec ses gens, ses sujets. Alors il la laissa ainsi, laissant faire son invitée.
Clémence de l'Epine
Clémence se leva. Si elle ne le faisait pas, elle resterait encore là un moment à discuter de choses et d'autres avec son hôte, et il fallait vraiment qu'elle parte, désormais. Elle n'avait pas envie de rentrer avec la nuit, le Vicomte avait judicieusement fait remarquer que ce n'était pas prudent. Ce n'était pas qu'elle avait peur, mais il serait fâcheux qu'il lui arrive quelque chose alors qu'elle se préparait à vivre de prochains jours agréables. Ou du moins, lorsqu'elle reviendrait à Meaux. Encore fallait-il que ce projet aboutisse...

Elle accueillit la proposition du Vicomte d'un sourire mais hocha négativement du chef.


Je vous remercie pour cette attention mais ce ne sera pas nécessaire. Je ne suis pas venue seule, et les hommes qui m'accompagnaient de l'Epine jusqu'à Meaux m'escorteront également pour le trajet du retour. Ils ne comprendraient pas que je m'encombre de cavaliers supplémentaires.
déclina-t-elle poliment.

Ne me remerciez donc pas, si cette journée vous fut agréable, elle le fut pour moi aussi. Je me félicite d'avoir pris l'initiative de venir jusqu'ici, mais c'est vous que je dois avant tout remercier pour la générosité et l'amabilité dont vous avez fait preuve à mon égard.

Alors elle fit quelques pas en direction de la porte et, se retournant afin de vérifier que le Seigneur l'imitait, reprit :

Vous remercierez également le capitaine de votre garde qui a su se montrer fort agréable...pour un capitaine. lâcha-t-elle, amusée. Vous savez trouver des gens de qualité.
SanAntonio d'Appérault
Elle se leva, il en fit donc de même., et la suivit, pour la raccompagner jusque dans la cour et la laisser ensuite repartir. Sa canne resta sur la table, là où il l'avait posé en rentrant : il n'avait pas songé à la reprendre et avança machinalement. Elle daigna l'invitation de renforcer son escorte. Cela se comprenait mais ainsi ne saurait-il pas avec certitude par le retour de ses hommes qu'elle était bel et bien rentrée. Enfin, elle donnerait sans doute prochainement de ses nouvelles.

Les années l'avaient endurci, et de façon naturelle les émotions avaient disparu de son visage, sauf lorsqu'il y mettait toute son ardeur. Il n'eut pas à se montrer gêné par les compliments qu'elle lui adressait : cela faisait longtemps qu'il s'en passait. Mais, au fond de lui, il en ressentit une certaine joie, de voir que certaines personnes pouvaient encore le remercier si sincèrement. Sans doute fallait-il être suffisamment bien éduqué pour le voir.

Et puis elle parla de Gabriel. Il resongea qu'il lui avait donné quelques fleurs, pendant qu'il les rejoignait au jardin. Le remercier ? Il tâcherait d'y songer. La suivant toujours, il répondit :


- Je n'y manquerai pas, damoiselle. Et merci pour vos propos à mon égard, ils... ils me sont fort appréciables. Cela me change. Je vous souhaite un bon retour chez vous. Je vous raccompagne jusqu'à votre coche.
Clémence de l'Epine
Ils arrivèrent dans la cour tout en devisant naturellement, comme ils le faisaient depuis plusieurs heures déjà. L'attelage était prêt, la garde finissait de se mettre en place, les chevaux commençaient même à piaffer d'impatience, on n'attendait plus qu'elle, désormais.

La demoiselle monta d'un pas leste à l'intérieur de la voiture et prononça quelques dernières paroles.


Vous rencontrer fut un plaisir. J'espère renouveler l'expérience très prochainement, comme nous l'avons convenu.
Elle eut un léger sourire, et à nouveau une douce mélancolie teinta ses traits : elle reprenait le chemin de l'Epine et elle allait peut être redevenir la jeune fille lointaine qu'elle était en quittant le château plus tôt dans la journée. Cependant, elle s'en retournait vivifiée et avec le sentiment que certaines choses n'étaient pas totalement immuables.

En attendant, portez vous bien.
Reprit-elle. Mais il semblerait que vous ayez déjà choisi de concrétiser l'expression. D'un vague geste de la main elle désigna la main libre du Vicomte. Comme quoi, la fatalité n'existe peut-être pas tout à fait, contrairement à ce qu'on pourrait le croire, ou du moins contrairement à ce que je tends à croire. Ce matin, vous vous déplaciez avec votre canne et vous voilà maintenant orphelin, sans aucun accessoire pour vous soutenir. Son absence ne paraît pas vous faire souffrir et pourtant, l'auriez vous imaginée hier ? Faudrait-il que nous nous méfiions même de notre propre entendement ? Son regard pétilla un bref instant et elle eut un haussement d'épaules désinvolte. D'un mot, elle demanda la mise en marche du coche.

Alors que celui-ci s'ébranlait, elle ajouta finalement :

Mais ce ne sont que des bavardages de fillette, ne prenez pas la peine d'y prêter le moindre intérêt, vous perdriez votre temps.
Un sourire espiègle vint accompagner son salut. A bientôt, Vicomte.
SanAntonio d'Appérault
Il l'avait accompagné jusqu'à son attelage. Il avançait sans peine, machinalement, et écoutait son interlocutrice, se contentant de réponses brèves. Et puis, elle monta dans son attelage. Cette fois donc elle allait repartir vers l'Epine et les terres châlonnaises. La journée s'était écoulée, comme la Marne toute proche, et il n'avait pas vu le temps passer, pour une fois. Il l'écouta dire quelques derniers mots. Fatalité ? Canne ? Orphelin ? Souffrir ? Il réalisa alors ce qui la faisait dire tout ça, et il en fut le premier surprit. Les chevaux commencèrent à avancer et elle le salua, ponctuant la visite par quelques mots, encore. Alors, n'osant se pencher pour saluer sa convive du jour, il leva la main et la salua d'un petit geste, rajoutant quelques mots, peu inspirés :

- A bientôt et que le Très-Haut vous protège.

Le cortège passa sous la grand porte, celle qui permettait de passer l'enclos du château seigneurial, et se trouva dans la ville, qu'il allait devoir traverser. Il resta là, au milieu de la cour, un instant, l'esprit ailleurs. Les discussions avaient été nombreuses, et lui revenaient en tête. Car, le regard porté par une jeune demoiselle innocente ne pouvait être complet, mais il y avait des remarques bonnes à prendre. Il finit par tourner les talons en soupirant : qu'avait-il raté de son côté pour ne pas avoir eut une fille de ce rang là...

Après avoir fait quelques pas, il s'arrêta de nouveau et regarda autour de lui. Les oriflammes étaient en berne, la chapelle était encore entourée de sa litre, et lui même portait encore l'habit de deuil, même si celui ci commençait à ne plus être tellement présentable. L'hôtel était triste, toujours endeuillé, et les signes ne manquaient pas pour le rappeler. Et la bourgade attenante était pareille. Lui pouvait continuer à le porter, mais cela ne pouvait impliquer toute sa Maison. Alors, il repartit, non vers sa demeure, mais vers le donjon, c'est là qu'il avait le plus de chance de croiser son sénéchal, car il y allait avoir des modifications à apporter, dès que possible. La visite du jour avait été salutaire.
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