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Info:
Clémence a 13 ou 14 ans, ce RP se passe donc antérieurement à tout ce que peut vivre actuellement le personnage ("vieux" rp sorti de sous les fagots)

En quète de repos [Acte II] : Retour de Clémence

SanAntonio d'Appérault
Jeudi, IXème jour des Calendes de Septembre, l'an de grâce MCDLVI - Vers None (milieu d'après midi)


Il regardait par la fenêtre. Blanche devait repasser avant vêpres. Et Cristol aussi. Pour le souper. Après le déjeuner chacun d'eux avait vaqué à ses occupations, car il avait besoin d'un peu de temps en solitaire, pour régler des affaires urgentes. Mais à présent elles étaient achevées et il goûtait un peu de tranquilité. Une petite fenêtre donnait sur la campagne environnante, il regardait les champs, les bois, le Marne aussi, un peu. Et Gautier était venu le prévenir que Clémence était de retour. Elle venait donc, comme elle l'avait dit par courrier, et sans doute pour quelques temps. Il avait déjà vut Cristol lui rendre visite, à présent Clémence, voilà qui commençait à faire du monde.

[ Arrivée de Clémence ]

[i]Il avait dit à Gautier de la faire entrer et de faire préparer certaines choses, alors il revint au milieu de la pièce, toujours vêtu de cet habit couleur de deuil finement brodé. Clémence passa la porte. Il s'était inquiété de sa lettre, mais à première vue elle allait bien. La main sur sa croix de Grand Maître de l'Ordre de Mathusalem, qu'il portait le plus généralement, comme un hommage au premier Grand Maître de l'Ordre dont la petite fille se trouvait devant lui, comme un symbole, il s'inclina un peu vers l'avant et l'accueillit simplement :


- Damoiselle Clémence, c'est une joie de vous revoir ici. J'espère que votre voyage fut bon depuis l'Epine.

Il se releva. Elle semblait fatigué. Contente, mais fatiguée. Par le voyage sans doute. Dans quelques heures, elle mangerait et ensuite elle pourrait dormir, elle se reposerait bien. Ne voulant pas la laisser ainsi, il continua :

- Mais entrez-donc, et venez vous asseoir, nous serons mieux à notre aise pour parler. Votre visage est radieux, vous semblez heureuse, et cela me réjouit, je l'avoue... Et vous verrez, les choses ont bien changé depuis votre dernière visite, si rapide fut-elle. Elle me fut salutaire.

Il avait parlé naturellement. Il en oublierait presque les malheurs encore trop récents qui avaient touché sa maison, mais la vie reprenait bien son cours à Meaux. Blanche, puis Cristol, et maintenant Clémence. De la bonne compagnie pour retrouver le sourire et se sentir utile. Il avait laissé de côté la fatigue qu'il lisait sur ses traits, elle aurait bien le temps d'en parler si elle le souhaitait.
Clémence de l'Epine
Et en effet, elle était entrée souriante, laissant de côté l'épuisement qui l'accompagnait depuis plusieurs jours. Elle allait mieux de jour en jour, ce n'était pas une simple fatigue qui allait venir perturber son rétablissement spirituel. Qu'avait-elle à craindre, ici ? Elle pourrait oublier ce qu'elle voulait oublier, s'occuper et se reposer, apprendre, se divertir aussi, peut être... Et elle s'en trouvait soulagée, de pouvoir laisser un moment ses soucis loin derrière pour ne se concentrer que sur ce qu'elle allait vivre ici et qui lui permettrait d'échapper un peu à de monotones habitudes et à cette sempiternelle solitude.

Voilà pourquoi elle lui offrait un visage épanoui, qui contrastait étrangement avec la pâleur de ses traits.


Et c'est pour moi une joie que de me retrouver ici. Ceci expliquant sans doute pourquoi vous me trouvez aussi radieuse, pour reprendre vos mots.

Obéissant à son invitation, elle s'installa confortablement dans un fauteuil et se détendit.

J'ai bien l'impression, oui, que certaines choses ont changé. N'y avait-il pas... vos bannières, il me semble, étaient en berne lorsque je suis arrivée la première fois. Et j'ai cru voir, aujourd'hui, que les oriflammes aux couleurs de Meaux flottaient désormais librement.

Elle en sourit et continua à traduire oralement ses constatations :

Et vous semblez vous même plus...serein.
Elle se pencha plus avant, toujours un sourire au coin des lèvres, comme pour observer plus scrupuleusement le visage de son interlocuteur. Ils ne se connaissaient pas encore tant que ça, mais leur première entrevue s'était bien déroulée. Aussi, Clémence pensait pouvoir s'autoriser ce genre de petites familiarités. Et puis même, il n'y avait pas que ça : ce qu'elle avait vécu lui avait fait prendre conscience qu'elle n'était pas encore tout à fait une femme, malgré ce qu'elle s'imaginait avant, et elle avait repris dès lors quelques manies enfantines qu'elle avait préféré laisser de côté plus tôt. La taquinerie en faisait partie, même si elle prenait toujours soin de ne pas sombrer dans la moquerie irrespectueuse. Vous savez, on dirait même que vous vous êtes allégé de plusieurs années.

Manière subtile de dire qu'il paraissait moins vieux, peut-être, qu'il ne le paraissait auparavant.

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SanAntonio d'Appérault
Elle le salua à son tour et alla prendre place. Il en fit donc de même. Il vit Gautier tirer la porte : lui ou une soubrette reviendrait sans doute bientôt chargée de sa commande. Ayant prit place, il s'enfonça bien dans son fauteuil, et observa la demoiselle. Il restait de toutes façon bien visible d'elle. Ainsi elle avait remarqué les oriflammes. Enfin, ce n'était guère difficile, pour peux qu'elle ait une bonne mémoire et qu'elle soit attentive à ce qu'il l'entourait. Et puis, comme il l'avait fait un peu pour elle, elle le jugea. Serein, dit-elle. Et rajeuni, aussi. Après tout, elle était plus apte à le dire que lui, du moins pour l'apparence. Mais en effet, au fond de lui, il se sentait mieux. La présence de quelques personnes supplémentaires était une bonne chose. Et il se félicitait d'avoir fait venir Blanche : elle ne repartirait pas, comme Cristol ou Clémence, et maintiendrait, sans doute, un peu de gaieté.

- En effet, vous avez l'oeil vif. Après votre départ, j'avais prit cette décision. Et j'ai fait lever le deuil qui pesait sur la ville et qui, me semble, était trop plombant pour que la ville ne vive et ne prospère. Mais je continue à porter le deuil à titre personnel. Il y a eut d'autres changements aussi. Mon écuyer est revenu du Languedoc pour un temps, je pourrai ainsi reprendre son éducation chevaleresque. Et puis, une affaire un peu compliquée à occuper mon attention ce mois ci. Et depuis, une nouvelle personne a rejoint la maison. Une demoiselle, comme vous, même si ses parents étaient nettement moins titrés que les votres. Elle me tient compagnie et me sert. En échange, je complète l'éducation qu'elle a reçut. Enfin, voilà qui met un peu le château plein de vie et je ne peux que m'en réjouir. Vous arrivez au bon moment, ce me semble.

J'avais recut votre lettre -enfin vous devez le savoir vu que mon serviteur vous a porté la réponse. Aussi, j'imagine que ce retour n'est pas qu'une visite de courtoisie, mais que vous venez pour quelques temps. J'espére que vous avez emmenez tout ce dont vous avez besoin. Enfin, si ce n'est pas le cas, nous y pourvoierons aisément. J'ai demandé à Gautier de vous préparer un hébergement personnel, cela devrait vous convenir, du moins je l'espère. Et puis, je vous présenterai cette demoiselle dont je vous parlais peut avant. Blanche, s'appelle-t-elle. Et vous devez déjà connaître le baron Cristol, mon écuyer, si je me rappelle notre dernière entrevue. Enfin si cela vous convient. Vous pouvez tout aussi bien vous faire apporter votre repas dans les appartements qui vont sont destinés, vous êtes ici mon invitée et à ce titre vous gardez votre liberté pleine. Peut être le voyage vous a-t-il mit en appétit ? En attendant vêpres, j'ai demandé à Gautier de nous faire porter de quoi patienter : cela devrait vous plaire. Peut être aimeriez-vous aussi vous rafraîchir un peu avant le souper ? Si oui, l'on s'occupera de vous. Mais dîtes moi aussi comment se portent vos parents ? Votre mère, notamment.

Il finit par se taire. Il avait parlé, abordé de nombreux points, sans forcément de liens entre eux. Il avait posé plusieurs questions sans attendre les réponses. Il fallait tout de même qu'il laisse son invitée souffler un peu, et répondre. Ayant fait silence, machinalement, il ramena la main sur la croix de l'Ordre. Comme si, parlant avec une descendante de son mentor, portant la croix de son ordre autour du cou, il pouvait s'en rapprocher un peu...
Clémence de l'Epine
Le flot de parole l'étourdit un peu et il lui fallut un moment pour trouver quoi répondre et surtout, à quoi, ayant oublié quelques questions et autres remarques lorsque la voix grave eut finit par s'éteindre. Alors autant commencer par ce que lui avait conclut -et en finir une bonne fois pour toute sur le sujet de ses parents. Enfin, elle l'espérait.

Elle se porte mieux, je crois, même si ses apparitions restent trop rares. Il en va de même pour mon père, tout compte fait, même s'il possède une santé plus solide que celle de ma mère.
Elle s'agita un peu au fond de son siège : ça, c'était dit, et il ne lui avait pas demandé s'ils n'avaient émis aucun commentaire sur son départ à Meaux. Tant mieux.

Cristòl, maintenant. La mention de son nom l'avait surprise et son cœur s'était brusquement emballé : pourquoi était-il là ? Ramenait-il de sombres nouvelles du Languedoc ? Louis ? Marguerite ? Le petit Jacques ? Et puis elle s'était trouvée sotte : si ça avait été le cas, elle aurait trouvé Meaux en branle bas de combat et son Seigneur dans de moins bonnes dispositions. Et puis, alors que son hôte lui parlait déjà de ses appartements, elle avait seulement entendu et compris le mot qu'il avait ajouté après « Cristòl » : écuyer. Elle trouvait un peu plus de logique au fait qu'il soit présent en ces murs.


En effet, vous avez bonne mémoire, j'ai brièvement rencontré le jeune baron de Saint-Félix lors de mon séjour en Languedoc. Il lui avait d'ailleurs laissé une impression mitigée et légèrement dubitative. Mais elle ne savait plus vraiment pourquoi. Juste que sur l'instant, ses mots et ses manières l'avaient rendue perplexe. Ne croyez pas que je sois venue ici pour m'emmurer dans mes appartements. J'ai trop goûté à la solitude pour pouvoir m'y complaire encore. Cela me ferait plaisir de souper en votre compagnie, et également de faire connaissance avec cette jeune Blanche -c'était le prénom de ma grand-mère, vous savez ? La mère de ma mère. Mais comme mon grand-père, je ne l'ai jamais connue.

Et c'est sur ces mots qu'elle remarqua l'acte machinal du Vicomte, portant ses doigts sur cette croix qui ornait son cou. Elle connaissait l'ordre qu'elle symbolisait, puisqu'il était directement rattaché au souvenir du Bâtisseur de Champagne, mais l'insigne semblait prendre là un sens tout autre.

Vous avez l'air d'y attacher beaucoup d'importance. Souffla-t-elle en désignant la croix du menton. Je la connais mais... qu'est ce qu'elle représente réellement ? En général, ou pour lui-même ? La question ne l'évoquait pas...

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SanAntonio d'Appérault
- J'en suis ravi pour eux, vos nouvelles me font plaisir.

Quelques nouvelles. Elle ne devait guère en avoir plus. Avait-elle leur accord ? Sans doute pas. Mais sans doute savaient-ils au moins où elle se trouvait. Et puis, il veillerait sur elle, et tâcherait de remplacer un peu le père qu'elle avait. Elle parla aussi de Blanche. Bianca, de Sicille. Celle à qui le Lion avait donné une fille naturelle. Elle parla aussi du Lion, qu'elle n'avait pas eut l'occasion de connaître. Et presque comme une suite logique, elle changea de sujet. Sa croix, il ne pouvait s'agir que de ça. Que représentait-elle ? Tellement à la fois. Et finalement, cela avait-il encore une importance ? Il ferma les yeux, humidifia ses lèvres puis, serrant plus fort cette croix de Grand Maître, il narra :

- Ce qu'elle représente ? La noblesse...la chevalerie...les valeurs morales...l'investissement plein et entier pour une cause qui dépasse l'intérêt personnel d'une personne. Elle représente un idéal, celui que je cherche à défendre. Un idéal chevaleresque, un idéal de justice, un idéal de loyauté, un idéal de devoir. C'est l'oeuvre d'une personne qui a bâti cet Ordre, il y a mit toute sa grandeur, toute sa foi, pour un seul but : réunir sous une même bannière des personnes de toute la Champagne, dévouées à leur maître, des personnes de qualités, vertueuses, pour montrer l'exemple, et former l'élite de la province. Ce devait être le fleuron d'un idéal que l'on pouvait étendre à tout le royaume. Tout ceci, j'en suis aujourd'hui le dépositaire, l'héritier. C'est une rôle immense. Je cherche à garder l'esprit clair et de ne rien céder aux pressions. Car on voudrait tuer l'Ordre, y faire entrer des personnes de peu de vertus. Je lutte contre ceci, mais je ne trouve personne qui puisse reprendre le flambeau après moi. Et alors j'aurai échoué, échoué à protéger ce qu'avait bâti mon Duc. Mais tant que je vivrai, jamais je ne céderai, toujours ja défendrai les valeurs qu'il m'a inculquée. Nombreux ont trahit ces valeurs. Votre oncle. Mon frère. Et tant d'autres. Pour qui ? Pour quoi ? Pour quelques titres, pour quelques charges honorifiques. Ah, elle est belle la grandeur des nobles champenois. Cette croix que je porte symbolise aussi la foi et l'amour que j'avais et que je porte encore à votre grand père, le Lion, le Bâtisseur de Champagne. Peu de vivants l'ont connut, mais il était un Grand. Aujourd'hui, c'est encore à Lui que je m'en remet lorsque je dois prendre une grande décision. J'ai tâché de lui rester fidèle en tout, cette croix me rappelle d'où je viens, et de qui je la tiens.

Ses yeux étaient humides, bien que fermés. En y regardant de très près, on aurait put le remarquer. Elle n'avait put le connaître, lui l'avait trop connut. Mais pas assez aussi, pourtant. Il se leva, rouvrant les yeux. Au dessus de la cheminée, il y avait un petit coffret qu'il ouvrit. Il en sortit la croix d'or des chevaliers de Mathusalem et son ruban. Celle là même qu'il avait reçut à son entrée dans l'ordre. Il tournait le dos à Clémence, qui ne pouvait donc le voir. Il referma les yeux un instant et embrassa cette croix de chevalier, qu'il avait dut ranger depuis. Il se retourna alors, la croix de chevalier dans le creux de sa main droite. En face de lui le sang de Caedes vivait. Les yeux presque fermés, masquant de son corps la lueur de la cheminée, de nouvelles ombres apparaissaient. Il y avait bien du Lion dans cette jeune fille, si frêle et à la fois si déterminée, déjà. Il se rapprocha d'elle, et dit quelques mots.

- Vous me parlez d'un homme que vous n'avez pas connut. Il est votre aieul. Mais, qu'il le soit ou non, vous auriez gagné à le voir, l'écouter. Il était la Champagne, il eut un rêve, celui d'un royaume uni, défendant la vertu dhevaleresque. Pour que ce rêve se réalise, il est devenu félon et en est mort. J'ai voulut, par un autre moyen, prolonger son oeuvre, car sa mort n'était qu'une étape dans ce qu'il espérait. Il était un pion, sacrifié tôt dans la partie. J'en étais un autre, j'ai agit à mon tour, avant d'être...mis de côté. Le prochain pion sera j'espère Marc-Philippe, la Dauphin, qui déjà semble avoir de belles qualités. J'ai bien connut votre grand père, Il est celui pour qui j'aurais tout donné. J'ai souvent regretté de ne pas être mort à ces côtés. J'ai compris ensuite que je devais vivre, vivre pour perpétrer son souvenir. Peut être pourrai-je vous raconter qui était Caedes. Un jour, peut être, quand le moment sera venu. En attendant d'en savoir plus sur cet homme...

Etant à présent en face de la demoiselle, il se mit à genoux devant elle. Il hésita un moment, puis tendit la main, celle qui renfermait sa croix de chevalier. Un des derniers souvenirs qu'il gardait du Lion, avec l'épée qui pendait au dessus du lit. Souvenir matériel du moins. Une nouvelle hésitation et il ouvrit la main devant Clémence, dévoilant ainsi la croix d'or et son petit ruban. Et il reprit de façon très naturelle :

- Clémence, voici la croix qu'il me donna, il y a de cela tant d'années, faisant de moi un chevalier de Mathusalem. Je ne la porte plus depuis longtemps, devenu commandeur de l'Ordre, puis Grand Maître à la suite de mon aîné. Mais toujours je l'ai conservé près de moi, comme souvenir de celui qui guida mes actes en Champagne. Prenez-la, et conservez-la précieusement. Il avait mit tout de Lui dans cet Ordre. Dans cette croix. Puisse-t-elle vous montrer la voie...
Clémence de l'Epine
Elle avait vu juste : cette croix était davantage pour cet homme que le simple symbole d'un ordre parmi tant d'autres. Pétrifiée, elle l'écouta d'abord retracer l'œuvre de celui qui avait été un modèle, pour la Champagne d'abord, de son vivant, puis pour les quelques rescapés de cette ère Caedes qui, des années après, étaient pétris de regrets. De remords, aussi, sans doute.

La voix vibrait d'un mélange de détermination et de douleur. Et seulement, alors, Clémence comprit toute la souffrance qu'un homme tel que le Vicomte de Meaux pouvait ressentir face à son impuissance. Que restait-il de ce que son grand-père avait forgé pour la Champagne ? Et surtout, qui restaient-ils de ses anciens partisans ? Et tandis que, hypnotisée par cet homme que les années avaient marqué et qui aujourd'hui semblait à la fois rajeunir grâce à la véhémence qu'il mettait dans ses propos lorsqu'il évoquait son mentor, mais qui semblait tout autant se flétrir à cause de toute l'amertume que l'on pouvait noter dans ses mots et le maintien de son corps ; et alors qu'elle ne pouvait plus détacher ses yeux de ce visage où chaque émotion prenait alternativement vie, Clémence se rendit compte qu'elle pouvait bien maudire sa solitude et se maudire elle-même mais que sa souffrance n'était rien comparée à celle que lui devait endurer. Et toute cette solitude, qui transpirait de ce cri d'alarme et de détresse, lui bouleversa le cœur. Où étaient-ils tous ? Morts, disparus, absents, rendus sourds ou aveugles ? Elle ne connaissait pas tous les noms de ceux qui s'étaient battus aux côtés de son grand-père et qui avaient soutenu son idéal, mais elle se demanda s'ils existaient encore et qui ils étaient désormais. Il y avait son père, peut-être, mais il y avait bien longtemps qu'il s'était retiré loin de toutes ces histoires. Pouvait-on l'en blâmer ? Elle préféra ne pas répondre à cette question : elle n'avait pas à juger ceux-là.

Interrompant sa tirade, il se leva. Les yeux toujours braqués sur lui, parce qu'elle n'aurait pu les détourner, fascinée qu'elle était par tout ce qu'elle entendait, brûlante d'en savoir davantage et de connaître la suite comme si jamais elle n'avait perdu son âme d'enfant, elle observa ses bras se tendre pour attraper un coffret posé en hauteur. Elle ne vit pas ce qu'il en tira. Et plus que jamais, elle souhaita retourner quelques années en arrière, lorsque son jeune âge excusait tout son comportement, elle n'hésitait pas à poser des questions indiscrètes et à céder à sa curiosité. Si elle avait eu cinq ans, elle se serait précipitée vers le vieil homme pour découvrir ce qu'il cachait dans cette boîte. Mais là... elle resta sagement assise, son pied et ses doigts tapant le fauteuil en cadence en signe de nervosité.

Il revint, reprenant la parole, et elle retint surtout qu'il lui parlerait davantage de son grand-père, un jour. Sa famille lui était tout ce qu'elle avait de plus cher. Et qu'on lui parle des morts lui donnait l'illusion de s'en rapprocher.

Et alors... il se mit à genoux devant elle. Clémence eut brutalement l'impression de revenir sur terre. Immédiatement, elle sauta de son fauteuil, effarée, comme si de cette façon elle pourrait l'inciter à se relever. Les prunelles dilatées par l'incohérence de la situation, par la gêne aussi, par la honte, également, de voir un homme de cinq fois son âge se tenir ainsi devant elle et de ne pouvoir rien faire pour changer cela, elle gardait les yeux rivés sur la croix qu'il lui tendait pour ne pas croiser son regard. Cependant, elle écouta attentivement ce qui suivit, mais tout son être criait « à l'aide ». Qui était-elle, au juste, pour mériter une telle marque de respect et d'espoir ?


Vous ne comprenez pas.
Murmura-t-elle. Et elle laissa un instant le silence s'installer pour que le Vicomte mesure pleinement l'importance de ces mots. Vous ne comprenez pas. Comment pourrais-je accepter ce que vous m'offrez avec tant d'humilité ? Qu'ai-je fait, moi, qui puisse vous persuader que je sois digne de recevoir cette croix ? Ce n'est pas une simple croix, je l'ai bien compris. Cette croix contient tout l'amour et l'admiration que vous avez voués à... Caedes... et que vous continuez de lui vouer. Cette croix... c'est le souvenir de ce que fut la Champagne et de ce que vous voudriez qu'elle soit encore. Cette croix, je devine quelle importance elle a, à vos yeux. Alors expliquez-moi : comment pourrais-je recevoir un tel cadeau sans me trouver indigne de sa valeur ? Je ne suis rien, rien que la descendance de cet homme qui fut grand et qui l'est toujours dans nos cœurs. Son sang, oui, coule dans mes veines et je ne peux le nier. Mais quels droits cela me donne-t-il ? Je ne peux me prétendre son héritière, je ne suis même pas son unique descendante. Auriez-vous oublié Alessandro ? Auriez-vous oublié ma mère ? Ne serait-elle pas plus digne de recevoir cet hommage de votre main plutôt que moi, qui n'ait même pas connu ce grand-père ? Si vous saviez comme il est difficile de venir après un homme comme lui, d'entendre les discours des uns et des autres à son sujet, de se dire qu'on en a le sang sans en avoir tout à fait la force...

De sa main tremblante Clémence cueillit l'étoile.

Accepter ça, ce serait accepter que je me montre à la hauteur de son souvenir. Et je ne pense pas que ce soit le cas. Les yeux brillants, elle ajouta. Pourtant, vous ne pouvez pas savoir à quel point votre attention m'honore, vous ne pouvez pas même vous imaginer à quel point j'en suis touchée...

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SanAntonio d'Appérault
Il avait libéré ce qu'il ressentait au plus profond de lui, et qu'il gardait bien protégé. Souvent, il en parlait, un peu, mais jamais de façon aussi libérée. Et il avait eut ce geste, poussé par un besoin, comme si Caedes en personne le lui avait demandé, depuis le Soleil. Il était trop troublé par le cheminenement de ses pensées qu'il ne remarqua pas les réactions de la demoiselle, ses hésitations, comme si elle voulait fuir. Il y avait de quoi, cela dit, sans doute. Et puis, elle prit la parole, enfin. Il ne comprenait pas, disait-elle. Et tant d'autre chose. Et elle n'avait pas tord, et il partageait son avis. Non, elle ne serait pas Caedes réincarné. Oui, d'autres personnes paraissaient légitimes pour ce présent. Oui, son sang ne faisait pas d'elle une personne de valeur, car encore fallait-il les montrer soit et ne pas se baser que sur son ascendance. Avait-il eut tord ? Elle semblait le penser, même si elle appréciait le geste. Bientôt il sentit la croix quitter sa main, à peine avait-il sentit qu'elle s'en saisissait, avec moult délicatesse. Il n'avait même pas senti la main qui la saisissait. Elle semblait émue, il y avait de quoi. Avait-il été trop loin ? Non pas, il pensait. Non : il savait. Il savait que ce choix était juste. Pourquoi ? Il n'aurait sut le dire, par intuition. Quelque chose au fond de lui le lui disait, le lui criait avec force, il ne pouvait ignorer cela. Mais elle refusait l'offre, elle refusait ce que cela signifiait. Il ne savait que faire, à part la convaincre d'accepter. Après tout, il ne pourrait la forcer à agir contre ses pensées à elle, mais il pouvait lui expliquer ses raisons.

- Je ne vous demande pas de le remplacer. Il est unique, et Il le restera. Par sa mort il est devenu éternel. Je prétend défendre ses idéaux, défendre sa mémoire, défendre son oeuvre, au contraire de beaucoup. J'ose penser, même si cela peut paraître orgueil, que je suis l'héritier de son oeuvre et qu'il m'appartient de veiller sur elle, dussé-je y verser mon sang. Mais jamais je ne prétendrai être Lui. Votre oncle n'a pas hésité, lui, à se prétendre le nouveau Lion, à se prétendre Son égal. Jamais je n'aurai cet orgueuil, et je ne vous demande pas de faire cela. Il était Caedes, vous êtes Clémence. Vous portez son sang, mais chaque être humain doit rester ce qu'il est. Cette croix que vous tenez à présent, elle représente une idée. L'objet en lui même n'a que peu de valeur comparé au symbole qu'il porte. Je l'ai en moi, il me nourrit de l'intérieur. Il guide mes actes. Oh je ne prétend pas être parfait, non. Et je me trompe, comme tout homme. Regardez les anciens proches du Lion, quoi que vous ne les connaissez pas. Regardez la place qu'ils ont put se faire après la Fronde. Tous ont reçut titres, privilèges, distinction et honneurs. En échange de quoi ? Rien. Ils ont été corrompus par ce que Caedes combattait.

Votre mère, avec toute l'affection que je lui porte, est comme moi : elle fait partie du passé. Votre oncle, le Lionceau, Alessandro, je l'ai croisé quelques rares fois dans les couloirs de Reims. Je ne sais pourquoi mais je l'ai trouvé arrogant, comme si son nom suffisait à lui autoriser de dénigrer tout le monde. Je l'ai plusieurs fois convié, pour diverses festivités, ici ou à Melun, jamais il n'a daigné répondre. Je ne sais ce qu'il est, mais il semble bien loin des valeurs de son père. Je ne veux pas le juger trop vite non plus, mais parfois le lien de sang ne fait pas tout. Vous n'êtes pas digne de recevoir l'héritage du Lion ? Je ne chercherai pas à vous contredire. Puis-je vous donner cet héritage ? Non pas. Les choses matérielles sont tenues du Roi de France à présent, et de serviles laquais s'amusent à détruire les idéaux à leur seul profit. Si vous passez à Reims, vous les verrez, tous, pareil à des araignées dans un bocal n'ayant qu'un but à suivre celui de manger les autres. Tout cela, vous ne pouvez y prétendre. Restent ses idéaux, ses valeurs. J'imagine que votre mère vous a parlé de Caedes, mais nous ne l'avons pas connut de la même manière, elle et moi. Elle l'aimait trop, en tant que dame, en tant que fille, elle lui était trop proche pour, je pense, pouvoir voir l'étendue de son oeuvre. L'amour rend aveugle, dit-on. Par ce geste, je ne souhaitais qu'une chose, vous donner un lien avec Lui, avec le passé, comme un rappel que cela avait été possible. Comme un rêve que cela puisse l'être encore.

De sa main, il referma celle de Clémence, celle là même qui tenait le croix, délicatement, ne souhaitant pas la blesser. Et il la maintint fermée, autour de la croix d'or, sa main englobant la main de la demoiselle, qui a son tour englobait la croix - heureusement qu'il avait de grandes mains.

- Je n'ai pas la volonté de vous forcer à faire quelque chose que vous jugeriez inadapté. Je vous témoigne un peu de l'amour, si je puis utiliser ce mot, que j'avais pour le Duc, en vous laissant ceci. Je ne vous force pas à la prendre, jamais je n'oserai. Faites ce que vous estimez le plus juste, agissez avec raison, Il serait fier de cela.

Alors, il libéra la main de Clémence et, avec quelques petites difficultés -ses muscles n'étaient plus habitués- il se releva, et fit un pas en arrière. Il faillit se rasseoir, et s'éloigna. Il se rendit jusque vers la cour. Là, il voyait les derniers chevaux de l'escorte menés dans l'écurie. Il voyait quelques gens, discutant, chahutant.

Alors il oublia Clémence, Meaux, la Champagne, le Royaume. Ses yeux fixés vers la cour, il ne voyait plus rien. Il n'était plus rien. Seule l'image de Caedes se reflétait devant lui, tandis que résonnait la devise du Lion. Memento Finis. Penses à ta fin. Le Lion avait pensé à la sienne, il avait prévu son sacrifice, pour tenter de changer les choses. Lui avait agit différement, pour complèter l'action du Lion. Mais jamais encore il n'avait songé à la sienne, de fin. Parfois, à force de voir les gens partir, et lui rester, il songeait que le Très Haut lui envoyait une épreuve, le punissait - oui mais de quoi ? - mais il ne savait qu'en faire. L'équilibre de ce bas monde était brisé, le Très Haut devait vouloir que cela change, il lui revenait donc la charge de s'en occuper ? C'est ce qu'il pensait, mais il n'avait pas encore réussi. Il voulait défendre et réhabiliter l'oeuvre du Lion. Etait-ce l'équilibre brisé, qu'il fallait reformer ? Ou bien devait-il au contraire achever ce qui restait de la pensée du Lion, pour remettre les choses à leur place ? Il était convaincu de la première solution, mais en venait à songer à la seconde, là résidait une épreuve bien plus grande. Memento Finis. Un jour il serait libéré...
Clémence de l'Epine
Elle acquiesça. Pour montrer qu'elle était d'accord. Tout ce qu'il disait était juste et elle partageait sa vision des choses, pour ce qu'elle connaissait. Pour ce qui lui était inconnu, elle acquiesça tout de même. Pour montrer qu'elle l'entendait et qu'elle comprenait son ressenti. Et lorsque leurs mains réunies se refermèrent sur ce symbole du passé, Clémence frémit de ce qu'elle voyait. La génération passée qui remettait un flambeau éteint à la génération présente, future. C'était étrange. Par ce contact, il lui semblait presque sentir une force irradiant de l'étoile -ou peut-être n'était-ce que la puissance des mains du Vicomte. Il n'y avait là aucune diablerie, ce n'était qu'un objet, lourd de symbole certes, mais rien qu'un objet inanimé. Et pourtant...

Clémence souhaita cependant que le Vicomte ait raison : de tout son cœur, elle espérait que son grand-père était fier d'elle, par ce qu'elle faisait tout pour ne pas déshonorer son sang. « Je n'ai pas le pouvoir de raviver la flamme éteinte mais au moins puis-je tout faire pour ne pas salir son nom ni son souvenir. » Et c'était exactement cela. La tâche était tout aussi rude et parfois, dans l'effort de trop bien faire, elle se perdait et empruntait le mauvais chemin. Mais elle n'était pas animée de mauvaises intentions, et tout ce qu'elle voulait, c'était se montrer la plus digne possible de ce qu'avait été son ancêtre. Ça, elle pouvait. Se montrer à la hauteur était sans doute impossible mais c'eût été souiller son souvenir que de se complaire dans la médiocrité et de ne rien faire pour l'arranger. Clémence ne pensait pas qu'elle était meilleure qu'une autre, plus pure ou plus méritante, mais au moins essayait-elle, au moins refusait-elle de ne pas faire d'efforts.

Le froid enveloppa ses mains. Il la laissait réfléchir et préférait s'isoler. Elle comprenait : il venait de se dévoiler, d'abattre devant elle un pan entier du mur de sa vie. Après une telle mise à nue, on ne pouvait que vouloir rechercher le calme. Parce qu'il y a un temps pour parler et il y a un temps pour se taire.

La demoiselle, quant à elle, restait immobile, n'osant défaire ses doigts qui emprisonnaient l'étoile, de peur de la voir s'envoler, sans doute, ou parce-qu'elle restait encore songeuse du moment particulier qu'elle venait de vivre. Puis, doucement, elle la libéra et la regarda. Encore. Un jour, son grand-père l'avait lui même tenue dans sa main et devant ses yeux. Un jour, il l'avait remise à l'homme qui se trouvait à quelques pas d'elle, parce-qu'il le jugeait digne de la porter. Et si aujourd'hui le Vicomte choisissait de la lui remettre, pouvait-on en déduire qu'elle l'était aussi, plus ou moins ? Que par l'intermédiaire du Seigneur de Meaux, c'était Caedes lui-même qui se chargeait lui-même de décider qu'elle était capable ? Non. Caedes n'était plus et il ne guidait pas les gestes de son ancien disciple. Alors cette étoile... Le cheminement de sa pensée passa par ses lèvres.

Je ne veux pas faire honte à mon sang. Mais si un jour, plus tard, quand j'aurais grandi, vieilli, changé, si je m'oublie et que j'oublie qu'il y a eu quelqu'un avant moi et que ce quelqu'un fut grand et noble pour la Champagne. Si un jour il me prend, par quelque malicieux tour que la vie nous joue parfois, de compromettre mon nom et mon sang, mes origines et mes ancêtres. Qui sera encore là pour me remettre dans le droit chemin et me rappeler qui je suis et de qui je viens ?

Brutalement, elle se mit à s'adresser au dos devant la fenêtre.

Vous dites que beaucoup ont été corrompus, que beaucoup ont trahi le souvenir de Caedes. Je ne veux pas me trahir, moi, et je ne veux pas non plus devenir traîtresse à mon sang. Vous n'êtes pas parfait, comme vous l'avez reconnu, mais il semble que vous ayez réussi à ne pas l'oublier. Vous aviez, pour cela, des souvenirs car vous l'avez connu de son vivant. Et cette croix. Je n'ai pas de souvenirs de lui, je n'ai que des bribes d'histoires à son sujet.

Il y eut un silence et elle conclut :

J'accepte l'offrande que vous me faites. Ce sera mon souvenir à moi. Merci...

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SanAntonio d'Appérault
Bientôt une voix le tira de sa rêverie. Alors, sans quitter sa position, il écouta. Et ce qu'il entendit lui fit grand plaisir. Car elle mettait tout son coeur pour tenter de rendre hommage à son aïeul. Elle avait un devoir que d'autres n'avaient pas, elle en descendait. Et l'honneur d'une famille était trop important pour qu'elle le prenne à la légère. Alors il sourit, le regard toujours porté sur la cour. Et elle accepta le présent qu'il lui faisait. Pour beaucoup, ça n'aurait été qu'une croix dorée sans grande valeur. Pour lui, elle était inestimable pas sa valeur symbolique. Mais, il savait qu'elle serait bien dans les mains de la demoiselle. Il semait une petite graine qui un jour peut être permettrait au Royaume de retrouver un peu de spendeur. Le Dauphin était une autre graine. Louis, en un sens, l'était aussi. La noblesse pouvait peut être être sauvée, mais ça n'était pas simple, et ne le serais jamais.

- Bien. murmura-t-il. Il n'avait pas vocation à se faire entendre et il faudrait que Clémence soit sacrément attentive pour l'entendre. Il regardait devant lui, toujours. Il avait redonné un peu de vie à cette Maison. Il cherchait toujours une épouse, pour que cela soit pleinement vivant. Mais, il n'avait encore pas prit pleinement possession des lieux. Il avait voyagé, s'était terré tel un ermite, avait eut des charges à Reims ou Paris. Et il n'avait eut que peu de temps pour Meaux. La chapelle était baptisée. Mais le reste des bâtiments, les tours et remparts, les portes, rien. La ville, prise par les Anglais -le Très Haut les maudissent tous, eux et leurs satanés alliés bourguignons- 36 années plus tôt, avait évolué. Le château jamais réellement utilisé par ses anciens possesseurs légitimes. Oui, il faudrait donner des noms, personnalier l'ouvrage, en faire quelque chose de plus gai, de plus vivant, de plus humain.

Tandis qu'il songeait à cela, il vit Blanche passer en contrebas. Sans doute amènerait-elle ce qu'il avait demander ? Cela serait mieux que les autres camérières. Finalement, la présence de Blanche était une bonne chose -oui, il avait finit par bien retenir son nom. Au moins Clémence aurait une autre demoiselle à qui parler, et inversement. C'est que ça pouvait être important. Il la suivit du regard, avant de la perdre de vue. Elle arriverait bientôt peut être.

Du temps avait passé. Un peu. Il ne saurait le jauger. Alors, même si tourner le dos à une invité pouvait être très impoli, il reprit la parole.


- J'ai fait demander qu'on nous apporte un peu à boire et à manger, en attendant le repas de ce soir. Cela devrait bientôt arriver, maintenant.

Et il se tut de nouveau.
Blanche
Blanche avait profité de sa liberté du matin pour se rendre aux écuries. Elle y avait soignée sa Jument. Elle lui avait promis de bientôt la sortir de là pour un moment précieux pour elles. L'heure était passée à une folle vitesse. Elle retourna dans sa chambre, mis de l'ordre à sa tenue et à la tresse qui tenait ses cheveux. Puis d'un pas empressé elle prit la direction des cuisines.

Alors, le repas du vicomte est il prêt ?

On lui indiqua un plateau, elle regarda le contenu. Elle savait le vicomte gourmand de tout. Elle énuméra : les gâteaux; l'eau , du vin qu'elle gouta. Elle fit une petite moue, il l'aimait fort comparé à elle et celui là serait à son goût. On lui rapporta que le Vicomte était avec Damoiselle Clémence de l'Epine, issue d'une famille illustre. Blanche était restée bien loin de ça, Villemareuil vivait en recluse et ça avait causé sa perte. Elle aviserait une fois arrivée là haut.

Elle prit le plateau et monta vers la Chambre du vicomte. Elle frappa faiblement à la porte, 3 coups, et entra.

Elle fut surprise de la scène, elle pensa arriver à un moment important. La demoiselle serrant un objet dans ses mains presque hypnotisée par celui-ci et le Vicomte à la fenêtre lui tournant le dos. Des choses importantes venaient d'être dite ou allaient l'être. Elle décida d'aller poser le plateau et se tourna vers la Demoiselle, elle lui fit une révérence


Bonjour Demoiselle, je suis Blanche de Villemareuil et vous souhaite la bienvenue parmi nous. Si vous deviez avoir besoins, n'hésitez pas à me faire appeler.

Sans attendre vraiment de réponse, elle se releva et glissa doucement vers le Vicomte. Baissant la tête et chuchotant pour ne pas le déranger dans ses pensées solitaire elle lui dit :
Je viens de vous porter votre collation, selon votre gout. Si Mon Seigneur désire que je vous laisse seul avec La demoiselle, ou tout autre chose, qu'il me fasse signe, je ferais comme il vous plaira.

Elle attendit prêt de lui, elle le sentait grave, soucieux, encore plus que d'habitude, elle en était presque inquiète. Que pouvait il s'être passé ici ? Peut importait, mais le Vicomte en était très touché.

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Clémence de l'Epine
Clémence acquiesçait à la phrase du Vicomte alors même que quelques coups légers retentissaient à la porte. Elle tourna la tête vers la demoiselle qui passait le seuil et lui trouva immédiatement un air délicat et charmant. Elle eut un sourire : il n’aurait de toute façon jamais choisi une damoiselle grossière et à l’éducation douteuse. Celle-là ne pouvait qu’être d’agréable compagnie.

Poliment, elle lui souhaita la bienvenue. Mais il était aisé de deviner qui était son Seigneur car ce n’est pas tout à fait vers elle que son attention se tourna : aussi vite ses mots pour Clémence furent prononcés, aussi vite se tourna-t-elle vers l’ombre en contrejour près de la fenêtre. Clémence ne s’en offusqua pas : c’était somme toute normal et puis cela montrait la volonté de Blanche de plaire à son Seigneur.

Puisque la jeune femme ne semblait pas attendre de réponse de sa part, et puisque de toute façon Clémence ne voyait rien à ajouter, elle hocha la tête en guise de salut et conserva son sourire. Puis, elle s’enfonça à nouveau dans le fauteuil, serrant toujours dans le creux de sa main la Croix de Mathusalem, et profitant ainsi plus confortablement, sans paraître trop indiscrète cependant, de l’échange qui naissait entre la demoiselle de compagnie et le Vicomte.

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SanAntonio d'Appérault
Il fallut un peu de temps mais bientôt on tapa à la porte, qui s'ouvrit, et Blanche apparut. Il ne la remarqua pas de suite, mais l'entendit se présenter à Clémence. Et puis, il la sentit se rapprocher de lui, et lui parler. Il ne pouvait rester ainsi toute la journée, la discussion avait fait remonté de lourds souvenirs mais il fallait aller au delà. Alors il se tourna vers elle, tâchant de sourire, tâchant de cacher un peu ce qu'il vivait.

- Merci, Blanche. Et reste donc avec nous.

Il se tourna alors totalement vers Clémence, réalisant alors quel mauvais hôte il avait été, en s'isolant ainsi. Il allait falloir changer tout cela. Peut être Clémence comprendrait-elle ses raisons, naturellement.

- Je vais pouvoir te présenter demoiselle Clémence, fille de bons amis à moi, même si je ne les ai plus vu depuis plusieurs mois. Elle va séjourner ici quelques temps, en amie. Chère Clémence, elle s'est déjà présentée à vous, mais voici donc Blanche, dont je vous avait un peu parlé. Vous aurez peut être l'occasion de vous recroiser, durant les jours à venir. Mais je vois que tu as apporté ce que j'avais demandé : c'est très bien, installons-nous.

Aussitôt dit, il se redirigea vers le siège qui était sien, et y prit place. Il se sentait bizarrement. Pas réellement mal, même si son comportement n'avait guère été courtois. Etrange, sans savoir exactement qu'en dire. Il fit signe à Blanche de s'approcher aussi. Il désigna le plateau à son invitée du jour :

- Il me semble me rappeler de votre dernière visite que vous appréciez beaucoup une chose, à savoir le miel. Aussi, pour vous, j'ai fait monter quelques gâteaux au miel, qui devraient vous plaire. Je l'espère du moins. Manière agréable d'attendre l'heure du repas. Et puis, peut être pourriez-vous me donner quelques nouvelles. Vous m'aviez écrit de Sens, vous avez donc dut voyager un peu. S'est-il bien passé ?

Et pour ne pas faire durer l'attente trop longtemps il en prit un et en croqua un morceau. Il avait aussi tenter de lancé la conversation sur un sujet quelque peu différent, afin de détendre un peu l'ambiance qui était devenue pesante, sous l'émotion. Un peu de légèreté serait le bienvenu.
Blanche
Blanche, rassurée de l'état du Vicomte qui lui avait semblé si grave à son entrée, fut brusquement confuse de son inconduite envers l'invitée. Elle suivi l'invitation du Vicomte et le suivi. Elle se plaça derrière le siège du Vicomte, debout. Elle regarda La demoiselle en souriant très largement, comme pour se rattraper. Puis elle dit doucement :

Je serais ravie de vous tenir compagnie pour que votre séjour n'en soit que plus agréable. Je suis ici pour cela, et le ferais avec grand plaisir.

Elle regarda le Vicomte croquer sans attendre dans un morceau de gâteau. Elle sourit malicieusement. Décidément, le vicomte semblait bien gourmand.

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Clémence de l'Epine
Sens ? Un instant, elle retint son souffle. Son regard se fit fuyant et des images qu'elle aurait préféré oublier s'imposèrent à elle. Pourquoi avait-elle eu l'audace d'orner sa lettre du lieu où elle se trouvait lors de sa rédaction ? Bien sûr, elle aurait dû se douter que cela soulèverait des questions ! Et pourquoi s'était-elle emportée au point de dévoiler à moitié les affres auxquels elle avait été confrontée par deux fois dans cette même missive, alors que cette dernière avait pour destinataire un homme en qui elle avait confiance, certes, mais qu'elle ne connaissait tout compte fait que depuis peu de temps ? Encore une fois, elle aurait dû se douter qu'il se poserait des questions sur le ton alerté et angoissé qu'elle avait donné à sa lettre. N'était-elle pas qu'une simple jeune fille et n'était-il pas un vieil homme qui avait des valeurs chevaleresques et qui ne pouvait rester indifférent au cri d'alarme d'une jeune fille, justement ? Mais elle ne pouvait pas raconter toute l'histoire, cela la compromettrait et elle avait déjà trop payé le prix de sa bêtise pour devoir en ressentir encore aujourd'hui les conséquences. Elle n'avait pas besoin d'autres reproches que ceux qu'elle se faisait elle-même, et elle ne voulait pas voir le regard du Vicomte changer à son égard. Alors, elle biaisa, et elle n'évoqua qu'une partie, déjà remarquable, de ce qui lui était arrivé, afin de détourner un peu le châtelain du but de sa visite à Conflans. Lentement, elle reprit confiance, et ses doigts cessèrent de s'agiter sur le bras du fauteuil.

Je devais retrouver à Conflans une... une amie, pour parler de choses et d'autres. Des choses sans réelle importance. Elle reprit une inspiration. Je me rends compte maintenant que ma lettre a dû vous sembler étrange, qu'elle a sans doute dû vous inquiéter, et je m'en excuse. Finalement, vous me voyez là en bonne santé, quoique un peu fatiguée mais mettons ça sur le compte du voyage que j'ai effectué pour me rendre jusqu'ici. Bref, tout va pour le mieux et c'est le principal. Clémence eut un léger sourire, censé dédramatiser la suite de son récit. Mais il s'est passé une chose qui aurait sans doute pu mal tourner -mais ça n'a pas été le cas, donc rien ne sert de s'inquiéter...-. Mon imprudence seule est à blâmer. Enfin, et peut-être aussi la cupidité de ce brigand. A ces mots, elle releva rapidement le regard pour sonder celui de son interlocuteur. Elle n'avait pas voulu amener la chose comme ceci, mais c'était fait. J'aurais dû m'embarrasser d'une escorte plus importante, j'aurais dû me méfier davantage, j'aurais dû écouter ceux qui disaient que la route entre Conflans et Montargis était dangereuse, mais je ne l'ai pas fait. Je n'ai rien fait de tout cela et j'ai payé le prix de ma bêtise, de mon imprudence. Souvent, je n'en fais qu'à ma tête, et cela me rappelle alors que je ne suis pas encore tout à fait femme. J'ai gardé quelques traces de mon caractère d'enfant, et certainement pas les meilleures... Enfin, tout cela pour vous avouer que je me suis trouvée brusquement face à un brigand à l'allure vraiment...vraiment...peu avenante. Un frisson la parcourut et elle baissa à nouveau les yeux. Je lui ai donné ce qu'il voulait, parce que je ne pouvais pas faire preuve de courage face à quelqu'un de plus fort que moi et puis... j'avais peur, à vrai dire. J'étais tétanisée. Je lui ai donné, donc, j'ai parlé aussi, je crois que j'ai dit quelque chose qui ne lui a pas plu, apparement. J'ai cru alors qu'il allait porter sa lame ou son poing sur moi, c'est en tout cas ce dont il m'a menacée, mais rien n'est venu. Et puis j'ai oublié. On m'a raconté plus tard, une fois que j'eus retrouvé mes esprits, que ma garde était accourue -elle n'était pas loin- et avait fait fuir le brigand.

Ses cils battirent l'air comme pour dissiper un mauvais rêve et, après s'être agitée dans son assise, elle força un peu son sourire pour terminer d'un ton enjoué.

Le principal, c'est qu'il ne me soit rien arrivé. L'humiliation que j'ai subie se ternira avec le temps. Et cette expérience m'aura dorénavant appris à me trouver plus prudente et réfléchie. Ne faut-il pas tirer une bonne expérience de toutes les mauvaises que l'on vit ?
Sa voix se brisa sur ses derniers mots et ses épaules s'affaissèrent. Elle garda cependant sa mine faussement guillerette. Elle eut pour Blanche un petit sourire timide, comme pour s'excuser de ce à quoi à elle avait dû assister contre son gré, et prit pour la peine un gâteau au miel.

Vous avez bonne mémoire.
Finit-elle par dire, en s'adressant au Vicomte. Le miel... est une de mes gourmandises préférées.

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SanAntonio d'Appérault
Il écouta sa visiteuse d'une oreille curieuse. Et l'écouter aurait put lui donner des sueurs froides, mais il conservait son visage habituel, se contentant de réagir intérieurement. Ainsi donc elle avait croisé un brigand ? Elle aurait bien put, si jeune, encore enfant, perdre la vie. Ah, l'insouciance de la jeunesse. Il s'en inquiéter, un peu, oui, mais sans en êtr obnubilé pendant des jours. Après tout, si elle avait écrit, même que des malheurs lui ait été arrivé, c'est qu'elle se portait bien. Il l'écouta donc sans mot dire, elle était en bonne santé et, comme elle le disait, c'était le principal. Enfin, cet épisode lui en rappela un étrangement similaire, qu'il avait lui même subit, sur une route du limousin. Décidément le monde courrait à sa perte et il n'était plus possible de se déplacer sereinement sans quantité de gens de guerre à ses côtés. Elle termina bientôt son récit, alors il reprit la parole, se voulant rassurant.

- Et bien, que d'aventures, morbleu ! Enfin, en ces murs, il y a peu de chances que vous connaissiez pareil mesaventure. Ne soyez pas trop prompte à vous jugez. Vous avez eut peur dîtes-vous ? Qui ne le serait pas en de pareils moment. Le chevalier qui se prépare à charger sait qu'il peut y rester, et il ressent de la peur. C'est cela qui le fait avancer, aussi, défier sa peur et aller au delà de soit même. Vous n'avez pas tenté de résister, mais ça n'est pas un manque de courage. Vous ne pouviez guère faire plus. Il eut au contraire été téméraire de s'engager dans une lutte avec un brigand peu regardant qu'ils sont tous sur les commandements divins. Vous avez fait le bon choix. Ne jamais présumer trop de ses forces, jamais. Comme vous le dîtes si bien, cela vous servira à l'avenir. Vous êtes encore jeune, mais il va vous falloir vous méfier du monde environnant. Vous êtes de bon sang, certes, mais justement cela ne vous apportera pas que du bon. Entre ceux qui voudront vous dépouiller par la force et ceux qui s'y essayeront par la ruse, et ils sont bien plus nombreux croyez-moi, il faut savoir ne pas trop surestimer ses forces.

Il laissa un moment de silence, puis ajouta, souriant :

- Bon, ce n'est pas moi qui serai le meilleur professeur, vu que j'ai perdu confiance en l'Homme, dont l'âme est trop corrompue. Il vous faudra pour cela une personne un peu plus... optimiste.

Une idée lui passa dans le crâne que cet épisode n'était peut être pas un sujet que souhaitait aborder trop longuement la visiteuse. Alors, profitant des derniers mots qu'elle avait prononcé, il rebondit dessus pour passer à la suite.

- Je le savais, oui. Et l'on se plait parfois à dire que je n'ai plus de mémoire. Tristes langues trop pendues. Enfin, laissons cela, voulez-vous ? Bon, dîtes-moi. Pensez-vous tenir longtemps compagnie à l'ermite que je suis ? Car pour tout vous dire, le deuil étant à présent terminé, même si je tiens à le porter encore à titre personnel, et pour des raisons un peu complexes, j'ai décidé de me comporter comme un vrai seigneur. Je critique souvent la nouvelle noblesse, acquise par charge, et qui délaisse ses devoirs et ses principes pour aller acquérir encore quelques privilèges, en restant profondément roturiers dans le comportement. Aussi, il y a quelques jours, j'ai songé qu'il faudrait me remettre un peu à quelques loisirs. La chasse notamment, et quelques entrainements au combat, même si je ne compte plus tellement partir en guerre. Peut-être serez-vous envieuse de partir chasser avec moi.
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