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[RP] Atours de deuil pour une fleur printanière

Eilinn_melani
[HRP : Ce RP se déroule quelques jours après les funérailles d'Ylalang, mère d'Eilinn / RP ouvert, envoyez juste un MP pour les ptits détails importants ]

C'était une plongée dans l'atmosphère étourdissante du quartier des Halles, bruyant, chamarré, propre à déboussoler le profane qu'accomplissait Eilinn Melani en ces jours du printanier mois de mai.

C'était sous bonne escorte que la jeune demoiselle se déplacait ce jour dans les rues parisiennes : une gouvernante veillant au grain, et un garde missionné par son beau-père pour vérifier que la jeune fille ne prenait pas la poudre d'escampette, ses dernières exactions n'ayant pas été du gout du maréchal d'Armes. Vêtue d'un surcot violet en ces jours aux températures clémentes, les cheveux détachés comme il seyait à une demoiselle, Eilinn foulait le pavé parisien.

Le mot d'ordre pour cette journée d'achat était : "de beaux tissus, et du zinzolin" puisque c'était la couleur de deuil décrétée par Rhân. Un quelconque domestique aurait pu se charger de cela, mais Eilinn avait requis la faveur d'y aller, afin d'y apprendre tout d'abord ce qui avait trait aux tissus, mais aussi pour s'échapper un peu de la monotonie des jours de deuil.

Pour l'enfant, si peu habituée à cette activité prisée des dames et damoiselles fortunée, c'était une orgie de nouvelles sensations. Les odeurs tinctoriales lui faisaient froncer le nez, les tissus prenaient une dimension autre à les toucher et les manipuler, et ce bruit, interminable, cette ambiance effrénée, tout cela étourdissait Eilinn.
Les mirettes azurées se laissaient parfois distraire par un achalandage de camocas*, mais hélas, ce serait pour une prochaine fois, ce n'était point dans le ton de ce qu'elle était venue chercher.

Au cours des heures suivantes, il fut choisi une étoffe de taffetas violette, qui conviendrait à merveille pour couper une belle robe, et Eilinn manqua faire un caprice pour l'acquisition d'un velours zinzolin damasquiné d'or, qui pourrait être porté à une occasion plus mondaine, ce qui ne manquait pas dans la vie de la jeune fille, damoiselle de compagnie de la vicomtesse Jehanne-Elissa de Volpilhat. Nul doute que son beau-père froncerait les sourcils en voyant la note, mais quand on disait "beau tissu", Eilinn prenait "beau tissu". Ni plus ni moins.

Ce qui s'annonçait comme un jour terne comme tant d'autres prit au fur et à mesure des heures une teinte plus joyeuse, à l'image des couleurs qui défilaient devant les yeux d'Eilinn.

La gouvernante fit remarquer qu'il faudrait penser aussi au trousseau nuptial, même si son beau-père ne lui avait pas encore présenté de fiancé, mais les jours se rapprochaient de sa majorité, ou elle deviendrait "bonne à marier", ce qui n'était pas forcément pour la réjouir.
La journée était donc bien avancée, et il fut décidé de voir un dernier magasin, pour de la futaine propre à être coupée pour quelque lingerie plus intime.

Eilinn ne fit donc pas attention à la boutique dans laquelle elle entrait, de toute façon, on y vendait du tissu...


*Le camocas était un riche tissu de soie souvent agrémenté de rayures d'or ou d'argent fabriqué en Terre Sainte. Il était courant surtout aux XIVe et XVe siècle.

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Aleanore
Et quelle boutique !! Celle de la renommée et reconnue Coco Flanelle, la dame des Flandres et surtout, ancienne maquerelle à la retraite – plus ou moins, et moins que plus – amatrice de petits scandales vestimentaires et marchandises tombées de la charrette et pas très nettes. Boutique vers laquelle se dirige avec une allégresse non feinte l’Etincelle, et pourquoi malgré la réputation de ladite boutique ? N’est-elle pas la sotte bâtarde qui a sali son nom en se fourvoyant avec des angevins au prix même de l’honneur de celle qui est Pair de France ? N’est-elle pas l’ignoble petite péronnelle aux vices divers et variés, tous plus effrayants les uns que les autres, de la torture à la boisson, de la pipe à la verve piquante et brûlante ? Sa présence en ce lieu est donc toute justifiée aux yeux de qui la connaît assez bien pour savoir tout cela.

L’Etincelle fend la foule, la tête dressée – oui, comprenez la, quand on est petite, on va pas en plus, se tasser – arborant avec plaisir et depuis le retour du printemps, un fronteau de soie azur brodée de fils d’or, unique ornement de la chevelure brune et croulante. Gueules, azur et or, l’Anjou s’invite ce jour à Paris en la personne d’Aléanore, portant ostensiblement un surcot de velours azur brodé lui aussi de motifs floraux faits de fils d’or et laissant apercevoir la cotte de lin écarlate. Profitant d’une escale faite à Paris dans l’attente d’une réponse à la lettre envoyée à la Malemort, la jeune fille a décidé d’aller récupérer sa dernière acquisition chez la vieille flamande. Une création inimitable, une surprise surtout, une merveilleuse surprise, c’est cela, une étincelante surprise faite pour sa mère, pour la surprendre, pour lui faire comprendre que même si trop souvent leurs avis divergent, il leur reste toujours ce point commun, point commun qui s’affirme au fil des rencontres de la jeune fille, les chevaux. Toutes les choses ont un prix, le pardon aussi.. Et Aléanore est prête à y mettre le prix pour la simple et bonne raison que dépenser sans compter ne la dérange pas, que joindre l’utile à l’agréable aussi et que la tenue qu’elle s’apprête à acheter vaut bien les écus déboursés.

Alors qu’elle rentrait de Nogent-le-Rotrou, l’idée lui était venue. Une robe pour monter à cheval mais plus riche, et aussi plus pratique, alors la Flanelle lui avait proposée de coudre des braies sous deux pans très larges de tissus rattachés au bustier de sorte à ce que les braies soient cachées quand elle marche et permettant ainsi une liberté de mouvement quand elle monte à cheval, et c’est pour cette acquisition qu’elle se trouve aux abords de la boutique de la vieille maquerelle et qu’elle y voit .. une petite violette qui n’a rien à y faire. Sourire léger aux lèvres de l’Etincelle qui pénètre avec emphase dans la boutique dépassant de quelques enjambées la jeunette, et la voix modulée et chantante de l’ancienne novice de résonner dans l’étroite boutique.


-« Ma chère Coco ! Comme vous m’avez manquée ! »

Admirez un peu l’hypocrisie latente de la jeune fille qui exècre la vieille femme aux courbes défraichies mais au visage portant les traces d’une beauté qui aura duré son temps, une bâtarde ne peut aimer une catin, trop de bâtards naissent des cuisses d’une de ces filles de peu de vertus engrossées par un noble. Elle vient des cuisses d’une vicomtesse et de l’ardeur .. l’entrain .. Joie de vivre d’un Comte, jamais Aléanore n’a rougi de sa parentèle, mais l’idée qu’il y ait des gens qui souffrent de leur bâtardise à cause de femmes qui s’offrent pour rien ou si peu, la répugnent. Et la vieille maquerelle n’est pas en reste, comment aimer une jeune fille habituée au luxe alors qu’on a soit même du gagner sa croute depuis des années, mais elle ne peut refuser les écus sonnants et trébuchants de l’Etincelle, et celle-ci ne peut se passer des créations de la vieille femme.

-« Ma commande est-elle prête ? » Et le profil fin se tourne vers la jeunette, mine perplexe puis sourire enjoué avant de reculer d’un pas pour être plus proche de la jeune fille. Elan protecteur, contre quoi ? Les vices cachés derrière les épais rideaux de l’arrière boutique de la Flamande. Contre qui ? La Flamande elle-même. « Gagez belle enfant que vos parents n’apprécieraient pas de vous savoir aussi. »

Instant de réflexion, lèvre inférieure mordillée avant de marmonner.

-« Et à bien y réfléchir, je n’apprécie pas plus que cela non plus. »

Sourire rassurant avant de jeter un coup d’œil à Clarisse qui passe le pas de la porte, et les noisettes de se poser dans les azurs de la vierge melani.

-« Aimez-vous les sucreries ? On dit qu’une boutique de petites douceurs a ouvert, la propriétaire s’appelle Ella Durée m’a-t-on dit. Intéressée, damoiselle.. damoiselle ? »
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Eilinn_melani
Eilinn s'apprêtait donc à pousser la porte de cette enseigne, ignorant du haut de toute son innocence enfantine dans quoi elle s'engageait, quand une jeune femme lui passa devant, et se mit soigneusement en travers de son chemin.
Même, elle fit plus en réclamant sa commande alors que la gamine, c'était évident, était arrivée en premier.
Eilinn allait raler un peu quant à ce manque évident de savoir-vivre, non pas qu'elle s'estimait supérieure à la jeune femme resquilleuse, loin de là, quand ses yeux s'adaptèrent enfin à la luminosité ténue de la boutique. Interloquée, elle constata que celle-ci différait bien des précédentes, qui étalaient devant les yeux des clients leurs tissus, alors que celle de Coco Flanelle ne montrait rien, dissimulant tout derrière des rideaux et autres paravents. La bouche comme celle d'un poisson hors de l'eau, elle fut alors apostrophée par Aléanore qui la mettait en garde.

Venait-elle d'entrer dans un lieu de débauche sous la présidence d'Azazel, prince de la luxure ?

Et soudain les joues opalines se retrouvèrent amarante, Eilinn comprenant son erreur. Elle fixa ses yeux sur Aléanore pour ne point voir ce qui pouvait se trouver dans cette boutique, et tenter surtout de retrouver une contenance, ayant imaginé avec effroi les rumeurs si on la trouvait dans ce temple de la débauche vestimentaire. Elle balbutia une réponse.


Je... je crois que je me suis trompée de boutique.

Ce qui était l'absolue vérité, Eilinn ne sachant pas vraiment mentir, et ne le faisant pas de par sa grande piété. De toute façon, une enfant de douze ans pouvait difficilement trouver une raison valable de se trouver dans ce lieu. Aléanore lui proposa alors d'aller manger quelques gâteaux, de façon fort courtoise.
Confuse, elle lui répondit, de surcroit, l'idée de manger quelques gourmandises ne lui déplaisait pas, alors qu'elle avait marché toute la journée.


Je vous attend dehors Madame, le temps que vous finissiez votre achat.

Il n'y avait pas l'ombre d'un jugement dans le ton de la voix d'Eilinn, juste la constatation d'un fait. Et de répondre à la dernière question.

Eilinn. Eilinn Melani est mon nom, Madame.

La jeune fille n'espérait de toute façon pas que son nom soit connu d'Aléanore, et battit en retraite hors de la boutique, le temps que la jeune femme fasse son acquisition.
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Aleanore
[I want Candy]

Non, Melani ne lui dit rien, et quand bien même, cela aurait été le cas, elle ne l’aurait pas laissé paraître, sachant ce que cela fait d’être juste un nom. Alors le sourire se fait rassurant à la limite de l’amical quand la jeune fille bat en retraite. Les noisettes se reposent sur la rombière avec une lueur pétillante tandis que la voix de la jeune fille s’élève, assurée et faussement contrite.

-« Aurais-je fait fuir une future cliente ? Quel dommage, n’est-ce pas ? »

Le sourire de s’étirer sur les lèvres purpurines de l’Etincelle quand la mine de l’ancienne maquerelle se froisse, boudeuse, victoire de courte durée puisque l’assistant de la marchande revient avec la commande et la note, et la moue boudeuse de changer de visage tandis que les écus se déversent sur le comptoir et que sa camériste récupère le paquet, sans cesser de fusiller la vieille femme du regard. Signe de tête poli de l’Etincelle avant de quitter la place.

-« Toujours un plaisir de vous voir Coco.. » Et enfin, l’air irrespirable de Paris de la prendre à la gorge, pauvre étincelle s’acclimatant difficilement au nord et préférant à toutes les contrées, son limousin chéri, mais pour l’heure, l’air n’est pas sa préoccupation principale. Le regard se porte sur Eilinn, et le sourire se fait bienveillant. « Il semblerait que vous ne soyez pas très au fait de ce que l’on peut trouver en la capitale, Eilinn. Venez donc, là où nous allons, personne ne pourra rien vous dire. »

Marcher dans Paris ? Plus qu’une passion, une vocation, on déniche tellement de merveilles à Paris quand on fait abstraction des perversions, et l’ouverture de cette boutique n’a pas manqué d’attirer l’attention de la gourmande dame de compagnie de la non moins gourmande Duchesse de Château Gonthier, et suivant les informations recueillies, la jeune fille se dirige vers l’édifice, pas spécialement reluisant, pas forcément riche, le nez se fronce tandis que les noisettes se posent sur la façade.

-« Et bien, cela ne paye pas de mine.. Espérons que cela sera assez propre et agréable pour que nous puissions y discuter un peu plus. Je ne me suis pas présentée, je pense.. »

Oui, elle pense, étonnant n’est ce pas ? Même moi, je n’en reviens pas, et elle pense à se présenter, de mieux en mieux.

-« Aléanore Jagellon Alterac. »

Les titres sont omis sciemment, ce n’est qu’une enfant, pourquoi s’intéresserait-elle à cela ? Et sans plus penser aux titres laissés de côté, l’Etincelle entre dans la boutique, aspirant à grandes bouffées, l’air engorgé de sucre, dévorant des yeux les étagères croulant sous les bocaux aux étiquettes toutes plus alléchantes. Fruits confits, fruits secs, dragées et sur un guéridon, un plat de macarons n’attendant qu’elles, oui, c’est une certitude. Alors le profil de la poupée brune de se tourner vers sa nouvelle comparse.

-« Ne se croirait-on pas au Paradis ? »

Et l’ange des lieux d’apparaître en la personne d’Ella Durée qui contrairement à l’image qu’on pourrait se faire d’une femme tenant une boutique remplie de gourmandises, se révèle être un petit bout de femme maigre comme un coucou, raison qui porte Aléanore à la trouver tout à fait sympathique pour le coup.

-« Le bon jour, nous voudrions goûter un peu de chacune de vos douceurs. On nous en a dit tellement de bien. »

Et alors que la petite femme s’empresse de réunir dans une bonbonnière quelques échantillons, Aléanore de se tourner vers Eilinn.

-« J’ai la regrettable manie d’être curieuse à l’excès, me pardonnerez-vous Eilinn, si je vous demandez la raison de votre présence à Paris ? Une jeune fille si jeune, sans réelle escorte, ce n’est guère prudent. »
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Eilinn_melani
Dehors, Eilinn patientait.
Sa gouvernante s'était enquise du programme prévu, et la demoiselle lui avait répondu qu'elle allait manger quelques gateaux en compagnie d'une noble dame, et qu'elle retrouverait son escorte un peu plus tard.
Le regard de l'enfant allait d'un étalage à l'autre. Quand soudain...

Soudain les yeux azurés d'Eilinn se posèrent sur une robe à tassel exposée dans une vitrine non loin de là. Et ils s'écarquillèrent, s'ouvrirent comme des soucoupes en contemplant la couleur... carotte du tissu. Non ce n'était pas du simple rouge un peu jaune, ou du jaune un peu rouge, non ! C'était un orange criard, dégoulinant de kitsch, flashy, et oserais-je le terme de ... pop ?

L'enfant manqua se signer en voyant cette réalisation, contemplant le tassel qui couvrait le décolleté profond laissé par la robe. Et cet orange, que n'aurait pas envié une coupelle de ces fruits venant d'Espagne, rendait fade toute autre teinte à ses côtés. Ne sachant pas en cet instant si cette réalisation tenait de l'hérésie ou de l'art, elle resta pantoise un moment, se demandant quel teint pouvait supporter une telle couleur.

Aléanore sortit enfin de la boutique, et Eilinn se détacha du spectacle de cette robe, pour se concentrer sur les paroles de la jeune femme, et la suivre.

Alterac. Difficile d'ignorer le nom de la pair de France, dont probablement elle devait être une affiliée. Une ascendance noble donc, voilà qui la réconfortait alors sur la qualité de sa compagne d'une après-midi. Non pas que la petite Eilinn rechignait à fréquenter la roture, loin de là, mais son beau-père apprécierait surement de savoir qu'elle fréquentait des gens nobles et bons, car si on est noble on est forcément bon, c'est là une bénédiction accordée par le Très Haut pour l'enfant.


Enchantée Madame, je vous remercie encore de m'avoir tiré de ce mauvais pas, mon beau-père n'aurait sans doute pas apprécié apprendre que je pouvais fréquenter ce genre de lieux.

Aléanore et Eilinn entrèrent alors chez Ella Durée. Des petites étoiles naquirent dans les yeux de l'enfant en voyant les bocaux de friandises. Les gâteaux étaient sa grande passion, quelque soit leur parfum, leur texture, leur couleur, pourvu qu'ils soient bons et sucrés, fondant sous la langue ou bien croquants.


Madame, c'est un lieu béni par Sylphaël lui-même, Archange du Plaisir.

Car oui, autant le lieu précédent était sujet chez l'enfant à quelque influence démoniaque, autant cette boutique était forcément un accomplissement du Très Haut. Avec cette moue chipie qu'elle avait rarement, elle se tourna vers Aléanore, vraisemblablement ravie d'être là.

Et ce serait alors blasphème que de ne point faire honneur à toutes ces gourmandises.

Certes elle était en deuil cette enfant, mais à douze ans, devant une corbeille de gâteaux délicieux, comment voulez-vous résister ? Elles s'installèrent à une petite table, et Eilinn s'empressa de répondre avec candeur à la jeune Alterac.


Je suis venue ici pour acheter des coupons de tissus... Ma mère est morte il y a quelques jours, et mon beau-père, Rhan de Crocy, a décrété que la couleur à porter serait le violet... Le zinzolin plus exactement, et j'ai demandé à être là pour les achats faits par ma gourvernante...
Et c'est également une occasion pour sortir un peu, et je l'avoue un peu honteusement, me changer les idées suite au décès de maman.


Eilinn se tortilla un peu sur son siège, il n'était pas certain que voir une enfant de douze ans s'égayer dans Paris alors qu'elle devait porter le deuil et avoir mine contrite soit bien perçue.
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Aleanore
« Les papillons ne comprennent pas pourquoi les fleurs ne volent pas. » E. Berti.


Les jupes sont tenues à une main tandis que l’Etincelle se pose sur une chaise pour ne pas froisser la tenue, tandis qu’un sourire glisse sur le visage de la jeune fille à entendre les propos de la petite. Oui, un blasphème, cela va sans dire, et fervente aristotélicienne qu’elle est, la voilà qui pioche allégrement dans le petit plat déposé par la propriétaire de la boutique tandis qu’Eilinn répond à sa question. La mine s’assombrit un instant, les noisettes se posent sur le macaron entre ses doigts, se changer les idées pour calmer la douleur.. Et quelle douleur que celle qu’occasionne la perte d’un proche, le doux biscuit est reposé, la main essuyée sur la nappe avant de venir effleurer la joue de la pucelle.

-« Je n’ai pas connu votre mère, mais je doute qu’elle aurait apprécié que son enfant s’enferme dans les larmes et le désespoir hurlant. On porte bien assez de souffrances tout au long d’une vie .. Mes condoléances. »

Oui.. Des condoléances, banales.. Mais que rajouter à cela ? « Je partage votre peine. » « Dieu qu’il est injuste de nous ravir les gens que l’on aime si tôt. » Rien .. Rien que des banales condoléances déjà offertes par tant. Le corps de l’Etincelle s’affaisse légèrement dans le fauteuil, plongée un instant dans ses pensées intimes, la renvoyant encore une fois aux deuils passés, aux douleurs ajournées. Se changer les idées ? Comme elle l’a fait en Anjou..

Qui la blâmerait d’avoir apprécié de pouvoir se vautrer dans le luxe ? Qui pourrait lui en vouloir d’avoir passé des jours entiers à dormir, et à ne se réveiller que pour tendre la main vers un plateau de friandises. La paresse, sauveuse inespérée qu’elle s’est découverte, le luxe de la noblesse, ne rien faire et le faire bien. Bailler à s’en décrocher la mâchoire, parce qu’on est fatigué de n’avoir rien fait, de ne s’être préoccupé de rien si ce n’est des douceurs qui seront mis à dispositions quand lassée d’être alanguie sur une couche, on daignera se redresser contre des coussins tous plus moelleux que les autres.

Oui, elle s’était vautrée pendant des jours, des semaines et des mois, aidée en cela par la compagnie de la Duchesse, gravide alors, être fainéante à deux, c’est tellement plus facile, on ne culpabilise pas d’être foncièrement inutile, on s’en repait, on y goûte, on s’en drape avec plaisir et démesure. Qu’avait-elle fait alors ? Si ce n’est se faire servir, râler mais pas trop pour ne pas s’épuiser contre les mauvais domestiques, et s’allonger, s’allonger et laisser le temps passer, se contenter de le voir courir derrière les fenêtres, être vidée de son énergie par le simple fait de voir les autres dépenser la leur. Et elle avait aimé cela, et si c’était à refaire, elle le referait. Pour se changer les idées, il faut un exutoire, et la paresse avait été celui d’Aléanore. Alors quand les noisettes se posent sur la petite Melani, c’est un sourire encourageant qui trône sur le visage de l’Alterac.


-« Au moins, votre beau-père a-t-il bon goût, le zinzolin est une couleur délicieuse et ils sont si nombreux les gens qui ne la connaissent même pas. Quant à ce qui est de se changer les idées .. Goûtez moi donc ce macaron, il vous ferait oublier jusqu’au lieu où vous vivez tellement il est délicieux. »

A quoi bon ressasser la mort de la mère de la petite, si ce n’est pour la blesser ? Elle pourra bien pleurer tout son saoul que cela ne changera rien, alors que ces macarons, hormis combler les papilles d’une enfant en mal de petites joies, ne lui feront pas de mal. Et tandis que le macaron est tendue d’une main, et que l’autre attrape une prune confite, Aléanore de se demander pourquoi tout semble si dur à cet âge-là alors que le pire reste à venir, un soupir est expiré néanmoins.. Inutile de le dire aux gosses.

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Eilinn_melani
Eilinn accepta sobrement les condoléances faites par Aléanore.

Merci.

Quoi rajouter ? Eilinn ne pensait de toute façon pas fondre en larmes, elle avait bien assez pleuré les semaines précédentes. Mais elle était sincèrement touchée par la compassion qu'Aléanore témoignait. Elle se saisit du macaron offert.

Merci, vous êtes bien bonne envers moi Madame.

Cela était dit avec la plus touchante sincérité. Eilinn était heureuse de rencontrer ainsi des gens, au hasard de la vie, qui se révélaient aimable envers elle. La discussion se poursuivit autour des gâteaux un long moment, la jeune Eilinn se présentant un peu plus... Novice au sein de l'ordre cistercien, dame de compagnie de la Vicomtesse de Cauvisson, sa vie se partageait entre la religion et les mondanités. Elle ne pouvait prendre le voile, de par son lignage, et devrait surement un jour contracter un mariage de raison. La conversation dériva alors sur un évènement mondain.

Je vais bientôt me rendre avec la Vicomtesse de Cauvisson à un bal des prétendantes, à Bolchen, dans les terres du Saint Empire Germanique. Je ne m'y présenterai pas moi-même comme candidate, mais la Vicomtesse si...
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Aleanore
Et dans l’esprit de la jeune fille, c’est une myriade d’informations qui se déchaine. La Vicomtesse de Cauvisson, l’héritière Volphilat, autrement dit le Languedoc, n’a-t-elle pas dit pourtant que son beau-père est Rhân de Crocy aussi appelé Orléans. Rien d’étonnant à cela, la famille Alterac est limousine et pourtant, elle-même séjourne à Saumur, en Anjou au grand désespoir de ladite famille. Mais elle est si jeune .. Elle doit avoir l’âge de Cassian tout au plus, et les affres du manque de la saisir, où sont Cassian et Alycianne ? Qu’a-t-elle fait ? Pourquoi les laisser repartir ? Cassian l’avait appelée « maman » mais quelle mère est-elle pour laisser partir des enfants de cet âge à travers le royaume, au travers des risques. Alors c’est avec soulagement qu’elle avale une gorgée de tisane pour faire passer les restants de prune confite et d’angoisse.

Les mots s’alignent, s’agglutinent, mariage de raison, les noisettes se posent sur l’enfante et souffrent pour tout ce qu’il y aurait à dire de ces mariages de raison, de ces supplices sans raison. De ce qu’elle ne fera jamais parce que sa rencontre avec l’Homme s’est soldée par un échec cuisant et une douleur brûlante, et quand elle regarde la petite en face d’elle, elle a l’impression d’être si vieille, si vieille et toujours à marier, sans personne pour s’en inquiéter qu’elle-même qui voit le temps passer, ses amies se marier, procréer. Un enfant .. Que cela doit-être doux de serrer son propre enfant contre son sein.. Et insidieusement les mots s’ajoutent, filent de la bouche de la Melani, ignorant tout de l’impact déraisonné qu’il provoque chez l’Alterac. Bolchen .. La Castelmaure que l’on dit enceinte, elle aussi, mariée, et pourtant une année les sépare. Le sourire mélancolique fait les frais d’un acharnement mental jusqu’à se transformer en un sourire plus naturel.


-« Je comptais y aller aussi, mais craignais de n’y connaître personne d’autre que les jeunes femmes déjà aperçues à certaines mondanités. Nous ne serons donc pas seules perdues en terre germanique. »

Il est si facile d’y mettre un sourire sincère sur ces quelques mots. Pas seules.. Il est si dur de ne pas être seules quand on a un rang à tenir, et son rang est si faible par rapport à certaines jeunes filles, alors oui, malgré ses réticences devant le mariage, elle a prévu d’aller à cette réception pour obtenir ce que la bâtardise lui refuse, un titre autrement plus glorieux que simple dame, une terre plus importante où faire fructifier ses chères framboises. Changer de sujet, revenir sur un terrain plus abordable moins dangereux, qu’a-t-elle dit ? Prendre le voile, oui, c’est bien comme sujet, ça.. Non.. Error .. Retour en arrière. Et si elle avait suivi sa première idée et était rentrée dans les ordres ? Et si elle ne l’avait pas rencontré ? Peut être serait-elle heureuse .. Alors les mains se saisissent de celles de la jeune fille en face d’elle, et les noisettes de se planter dans les azurs.

-« La voie de l’Eglise est une voie ardue, il faut y croire avec ferveur ! Si vous voulez prendre le voile, ne laissez personne vous en dissuader. Personne, Eilinn .. C’est important.. »

Oui, si important. Un soupir s’extirpe des lèvres purpurines de l’Etincelle avant de lâcher les mains, et déjà le sourire de bonne compagnie repointe son nez, et la voix se fait plus enjouée.

-« Dans votre ordre, chantez-vous des cantiques de temps à autre ? Quand j’étais novice au couvent des carmes de Limoges, c’était ce que je préférais plus que la prière elle-même. Chanter la gloire du Très-Haut. »

Mais ce temps remonte à si longtemps, Aléanore .. Deux années, deux longues années.
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