Remontant sur la tribune, à l'aide d'un Baton, il se tint devant la foule en la fixant des yeux. Il les regarda, puis commença.
Helvètes, de tous temps, Tu as été menacé par des ennemis aux multiples visages, cherchant soit à t'assimiler, ou pire, à t'écraser. Déjà en son temps, Jules César - le boucher - t'as combattu pour t'empêcher de prospérer, et dans un but de te soumettre à Rome et au gouvernement Impérial. Pourquoi ne t'es-tu pas effacé à ce moment là définitivement? Moi même, je ne connais guère la réponse. Ce qui est sûr, c'est qu'en toi je sens le bon, je sens la bonté et la générosité.
De moi même, on a palabré, on a interjecté, on a déblaterré, à tords ou à raison d'ailleurs. Moi petit milanais d'origine, devenu Il condottiere, j'ai géré Milan très longtemps avant de venir en ces contrées. Aussi, mon acte n'avait nul rapport avec un quelconque enrichissement personnel. Ceux qui me connaissent pourront le confirmer : hormis les quelques écus de subsistance, je ne possède rien. Si j'avais voulu piller un duché pour mon enrichissement personnel ; si j'avais voulu piller un duché pour le seul plaisir de trahir, je l'aurais fait en Provence lorsque j'étais Commissaire au Commerce. Dotées de près de 280 000 écus, j'aurais eu richesse et gloire éternelle. Mais non, ce ne fut pas le cas, mon acte fut un acte iminement politique. La confédération Helvétique, Schweizerische Eidgenossenschaft, Confederaziun svizra, naquit petit à petit, et c'est le siècle qui nous précéda qui lui donna ses formes actuelles. Et de tous temps, à ce que je sais, Elle du faire face aux multiples assauts de l'empereur.
Nation assiégée par Aachen et Rome. Rome qui n'hésita pas, sous l'impulsion du très modéré Lorgol, à lancer ses troupes, ses chiens de guerres, ses balistes et autres résidus, lie de la pire espèce, contre les cantons libres d'Helvétie. Rome, la nouvelle Oanylone, qui à cause de sa déviance et des péchés qui constituent aujourd'hui son socle commun, finira détruite par la main de Dieu. Je prie chaque soir ce moment tant attendu, car mon combat pour la Liberté n'est pas nouveau. Rehael, MaisseArsouye, Aaron mais surtout Anguillerusée ont essayé, et échoué, de s'opposer à Nous. Usant de tous les procédés, du procès comtal, au tribunal inquisiteur, et mettant ma tête à prix, ils tentèrent de me stopper, d'éteindre la lueur en moi qui brillait et qui disait au Peuple : " Non, tu n'es pas soumis : soit fier et relève toi!". De rehael, je sais que son procès perdu contre Nostre personne, en province de Languedoc, lui a donné une haine inextinguible. De MaisseArsouyye, je sais qu'il me barra le chemin des Compagnons d'Aristote car je fus membre de Tastevin autrefois : ce fus l'élément déterminant dans ma vie, cette injustice profonde me convainquit de me Réformer. Aaron, c'est le cardinal qui m'a excommunié car je fus nommé Archevêque de Narbonne par le Pape en personne. Mais c'est nostre brave évêque de Lausanne, Grand Inquisiteur de Rome, qui tenta d'amorce Nostre chute. De Tastevin à Lausanne, en passant par le Lyonnais Dauphiné, j'eus le plaisir incommensurable de le rencontrer à de moults reprises. Et à chaque fois, ce ne fut qu'humiliation pour cette pauvre hère, que je comparais volontiers à Cratyle, le philosophe muet. Les Aristotéliciens croyants comprendront : ce pauvre fou de Cratyle cru faire acte de sagesse en se fermant au monde en mouvement, au monde en évolution. Mais Aristote démonta allègrement ce vieillard sénile, grâce lui en soit rendue.
Mais quoiqu'il en soit, un danger courrait sur la Confédération Helvétique, et nous durent agir bien que la manoeuvre fut unique. Comment un pillage peut-il protéger un peuple? En fait, pas directement. Tout autant que vous, je suis Sa création et j'entend Sa parole. Il ne se passe pas un instant sans que je m'inquiète de la propagation de la Créature Sans Nom parmi nos verts patûrages. Dans l'Ancien temps, les hommes se méfiaient les uns des autres, ils se firent la guerre et la Créature Sans Nom cru un instant avoir triomphé. Tel un monarque, un prince, un Duc, elle se fit forger une couronne et se la posa sur sa tête. Car le péché avait prit le contrôle de la vie des Hommes, et c'est la raison pour laquelle cette triste créature dansa allègrement sur la tombe d'Oane. Orgueilleuse, haineuse envers les hommes, la Créature Sans Nom attend patiemment que Dieu faille dans Sa mission.
S'arrêta un instant, puis reprit.
Ce groupe que nous avions identifié, et qui est aujourd'hui bien connu comme étant la Noblesse Noire. Ce groupe a pour principaux buts d'abattre la Confédération en la transformant en un Duché centraliste. Ce groupe souhaite détruire l'esprit même du Peuple confédéré en le soumettant à Rome d'une part, à cause des concordats. Puis en le soumettant à Aachen, en rétablissant la Noblesse. N'est-il pas là une vérité que ceux qui se prétendent nobles ne sont qu'usurpateurs? N'est-il pas vrai que la vrai Noblesse vient du coeur et non d'un mandat électif baclé? N'est-il pas vrai que rien ne permet à un homme d'en asservir un autre? Mon être, mon action, ma parole ont beau déranger, je me défend de toute lâcheté caractérisant si bien les tristes individus qui se sont, au fil du temps, dévoyés de Sa volonté et du chemin de Dieu. Aussi, connaissant ces créatures enclines à la Colère, nous leur avons donné la raison de l'éclater en public, de se dévoiler, d'afficher publiquement leurs intentions. C'était meilleure raison pour nous de les infiltrer, car il est bien connu que les créatures du Malin se croient invincibles et invulnérables. Nous savions que ses suppôts rechercheraient probablement l'alliance d'étrangers, et nous avons enquêté pour déterminer si Savoie ou Franche Comté ne préparaient rien contre le pays. Et, Nous avons tendu une perche à la Savoie, qui ne l'a pas saisi. Ce qui est manifeste : en aucune façon ce duché n'était impliqué directement dans le complot. Il faut savoir reconnaitre les choses comme elles sont, et ne pas se dérober. Nous comptions utiliser les faiblesses des intriguants pour recueillir renseignements et les abattre dans l'oeuf. Nous comptions nous discréditer devant tout un peuple, mais s'il fallait Le sauver de lui de ce danger grandissant, j'étais personnellement prêt à sacrifier ma vie s'il le fallait. La croyance en une conviction permet d'accomplir de grandes choses, peu importe les défis qui se montrent à vous. Avoir une idée c'est bien ; s'en forger une conviction, c'est une mission. Lorsqu'Aristote démontra à Platon, son maître, que l'essence des choses réside en eux-même, et que l'action de leur corps déteint inmanquablement sur leur âme, vous comprendrez que des gens qui osent présenter au Peuple non averti, des textes félons visant à la sécession de notre belle Confédération, à ces gens là je réponds "Ton geste est noir, ton âme est noire. Tu est noble? Alors tu fais parti de la Noblesse Noire".
Et je peux affirmer. que moi aussi, je ne suis faillible. Oui, car si notre mission était d'espionner ces individus de l'extérieur, nous devions rendre en totalité l'argent emprunté. Et celà, c'est désormais impossible. J'ai eu vent de la mort de Mittys, et notre accord de départ stipulait qu'en tant que bailli, il conserverait près de 30 000 écus sur lui. Je ne peux rendre ce que je n'ai déjà, celà sera ma croix à porter. On a tous nostre Croix, celà nous forge.
Aussi, mon retour en Confédération a provoqué remoults, intrigues, délations, fausses rumeurs et mensonges. Mais je n'ai que faire des on dit d'âmes aigries par les actions qu'ils n'entreprennent pas chaque jour, je transcende littéralement cette réalité. La vérité est que j'ai exposé preuves et explications à nos responsables Helvètes, qui ont donc pu jauger du danger. La vérité est que j'ai rendu le mandat que j'avais, bien qu'incomplet. La vérité est que la Savoie m'a jugé de 50 écus d'amende et 3 jours de prisons et que, si c'est dérisoire, ne détone pas moins un sacré pied de nez à la Confédération.
La vérité est qu'en ce jour, béni par Dieu, je prend mon bâton et jure devant Nostre Seigneur de défendre nostre Bel Etat, le défendre de la Noblesse d'intérieure, du Clergé prévaricateur et autres suppôts de la Créature Sans Nom. Car la Foi ne se satisfait pas de tiédeur : elle nécessite un engagement total...