--Desiree
Elle accepta le contact dans son cou sans broncher. Elle était payée pour. Elle arqua joliment le cou, pour éviter que le noble nait une mèche blonde qui lui tombe dans les yeux.
Car cétait un noble, elle en était certaine à présent. Il ny avait que les nobles pour avoir des idées tordues. Et pour être tordu celui-ci, il sannonçait bien ! Pestant intérieurement, elle sen alla chercher une chaise, pourtant presque à portée de bras de lhomme déjà, et lavança vers lui, jusquà ce quil sasseye. Elle déposa les verres sur le petit guéridon.
Une chanson, dans lentrée ! Pourquoi cest toujours sur elle que ça tombait, les cinglés ? Il ne pouvait pas bouffer, tirer son coup et se mettre à ronfler comme tous les clampins de base celui là ? Hein ? Quelle ait la nuit pour se reposer elle aussi ? Non, il fallait quelle lui chante des berceuses avant.
De toutes façons, Désirée, elle navait jamais eu de chance. A commencer par sa naissance. Son nom. Si bien choisie. Sure quelle devait être désirée, si elle avait été vendue comme servante dans un bordel à lâge de huit ans. Sur quelle était désirée, maintenant quon la vendait à des hommes depuis ses premiers saignements.
Une chanson donc. Et où croyait-il quelle allait trouver une chanson le noble ?! Elle vivait au milieu des putains depuis des années maintenant. Combien ? Sept ans? Huit ? Une chanson ! Et voilà. Comme à chaque fois, comme à chaque client, langoisse lassaillait à la gorge, létouffant un instant. Que voudrait-il, après la chanson ? Lui ferait-il mal ? Serait-elle battue ? Que dirait Dame Soizic ? Que ferait-elle ?
Une chanson, vite, avant que le client ne simpatiente et ne se fâche. Où devait-elle se mettre ? Face à lui ? Derrière lui ? Debout ? Assise ? A ses pieds?
Derrière. Elle emplit à nouveau les coupes dhypocras, et passa derrière lhomme, posant les mains sur ses épaules, machinalement. Masser la détendait en général plus que le client lui-même. Alors que ça lui plaise ou non au nobliau, il allait y avoir droit.
Pétrissant du bout des doigts la nuque de lhomme, elle entonna, la voix encore mal assurée :
Belle qui tiens ma vie
Captive dans tes yeux,
Qui m'as l'ame ravie
D'un souris gracieux,
Viens tot me secourir
Ou me faudra mourir
Elle fit une pause, murmurant légèrement, penchée vers son client :
Dois-je continuer cette pavane messire, ou bien souhaitez vous que je chante une paillarde ? Et, sempourprant légèrement, Je ne connais que ça, mon seigneur.
Bien sur quelle ne connaissait que ça ! Elle ne connaissait que ça, parce quelle nétait rien quune putain !
Regard baissé, décolleté penché au dessus de lhomme, elle attendait. Une réponse, un geste, une gifle. Peu importait du moment quelle oubliait son ignorance et sa honte.
_______________