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[RP] I love you John Doe

Natsuki.
1. De la gamberge à la manigance

L’Anjou, dans toute sa splendeur angevine, dorénavant, dans sa tête, était synonyme de perte. Pour Calyce ce fut une oreille, Trella son pucelage, et Natsuki une bonne partie de ses illusions. Elle avait aidé ce duché et Aurélien par la même occasion, à reconquérir Craon, elle l’avait fait non pas pour une pseudo-solidarité qui n’existait pas, mais pour des principes et des valeurs ancrés en elle. Ses actes étaient également justifiés par le fait qu’elle aimait bien la duchesse en place à l’époque, et ses amies étant de pures angevines, elle n‘avait hésité nul instant et mis sa dague, sa fougue, son enthousiasme et son incompétence martiale au service du traditionnel ennemi à son duché natal. Celui-ci s’en accommoda fort bien et la mis l’espace d’un instant au rang des non-combattantes. Elle avait vaguement espéré, il faut bien le dire, que l’acte à priori diplomatique allait permettre aux relations entre la Touraine et son duché frontalier de s’apaiser. Las, ses idioties explosèrent en plein vol suite à la sentence pragmatique de celui qui récupéra peu après le trône de ces terres désormais maudites. Aurélien de Penthièvre la méprisait pour le sang qui coulait dans ses veines, et lui aurait bien tranché la carotide ou la jugulaire si elle n’était alors sous la protection de Fitzounette. Il le lui avait fait savoir, et à présent elle se trouvait persona non grata sur le sol angevin.

Mais la perte de ses illusions ne s’arrêtait pas là. Il y avait eu aussi, en quelque sorte, trahison, bien que le pacte en question ne fut pas explicitement formulé, et cette infidélité fut pour Natsuki diablement plus douloureuse qu’une quelconque menace de mort proférée par un ennemi héréditaire. Elle s’était imaginée, la tourangelle, que son amitié avec Estrella -son Estrella, cette mercenaire amoureuse de l‘amour- était plus forte que tout. Et voilà qu’un vulgaire Léandre, sous prétexte qu’il est son jules déguisé en roméo, tourtereau que Natsuki a aidé à le faire devenir qui plus est, se permettait de la supplanter dans les priorités de son amie. Il y avait eu ragusade et affront, la chose était -pour la tourangelle- inacceptable. Entre délaissements et sorties pour le moins rapide de taverne sitôt la fille arrivée, les derniers jours angevins furent pénibles. D’où son envie de partir promptement de Saumur, sa crise le jour de son départ, et pour finir, le fait qu’elle cogitait près d’un arbre.

Fort de cette introduction, nous pouvons démarrer l’histoire.

A présent elle n’était plus à pied d’égalité avec la zokoiste : Trella jouissait de Léandre tandis que Natsuki n’avait personne. Le bellâtre qui devait lui servir de cinq heures selon ses propres termes était à présent son futur mari. La nièce de Maleus avait évolué, tandis que sa sœur de cœur non, et cela la tarabustait. Il lui fallait un homme, maintenant, histoire d’avoir de quoi parler avec son amie, de lui écrire, de se confier. Mais la proie désirée se faisait trop attendre, et là était le problème. Pourtant tout paraissait idyllique : le printemps était là, les images dessinées sur les livres où y‘a tout plein de méchants qui à la fin meurent et le héros il épouse la princesse à la dernière page étaient présentes, mais l’amour ne venait pas. Fichus contes qui lui avaient fait miroiter un bonheur facile mais qui ne venait jamais. Andersen médiéval de pacotille, stupides trouvères et vos racontars absurdes, les images peuvent être nocives parfois.

Dans sa logique la situation devenait urgente : si elle ne rattrapait promptement le retard pris, la chose pourrait prendre dans la tête de la fille des proportions considérables : Trella aux bras du bonhomme en train de se bécoter, Trella reprochant à Natsu de ne pas encore avoir trouvé chaussure à son pied, les discussions portant toujours sur le même homme, ne variant jamais, disant à quel point IL était magnifique, et ô combien l’amour c’est beau -car oui messieurs dames, l’amour c’est magnifique avec ses baisers baveux et ces mon chéri vendus autant qu’ils sont dit- ce qui à la longue finirait par assommer la Natsuki. Alors qui diable ? Gaspard était pris et elle ne l’aimait pas, Karyl était trop jeune, la majorité des gens trop vieux et inintéressants, Cassian trop loin et lui aussi un peu trop jeune peut être…C’est alors que dans son esprit la solution apparue, claire comme l’eau de roche. Si il n’existait pas, il fallait l’inventer pour éviter les scénarios créés par son esprit, et là d’autres problèmes arrivaient.

Quel nom lui donner ? Le premier lui venant à l’esprit était Théophile-Hubertin, mais rapidement elle écarta cette solution comme l‘on chasse une mouche : avec mépris et lassitude, nom par trop ridicule selon les gens pour qu’il soit porté; elle avait eu la désastreuse expérience de l’avoir proposé à Marie Alice. Emmerich ? Ulrich ? Trop teuton, trop Karolinger, trop chien. Gaspard ? Déjà pris…Erwan ne sonnait pas assez joli, Ludovic trop conventionnel, Thomas trop religieux, Aristote trop prétentieux, Aymeric trop breton, Théobald trop…Théobald ça sonnait bien. L’idée d’avoir un Théobald amoureux l‘émoustillait, c’était donc adopté. La question à présent était : à quoi ressemblerait il ? Importante la morphologie si l’on veut être vraisemblable, elle se voyait mal être amoureuse et incapable de le décrire. Il serait beau, pour sûr : elle n’allait pas raconter à Trella et éventuellement ses proches qu’il était disgracieux tout de même. Brun blond ou roux ? Dur choix que celui de la capillarité : il détermine autant le caractère du personnage que ne pourrait le faire l’araignée grimpant sur sa chemise. Donnez une couleur de cheveux et une d’iris et vous connaîtrez le quidam aussi bien que sa mère, du moins à l’époque, cette ère où les tuteurs ne connaissaient guère leur progéniture autrement qu’au travers des champs. Le troisième -roux, rappelons le- à écarter pour cause de…d’elle savait pas quoi, mais à écarter quand même. L’idée de se mettre -même imaginativement- avec un roux la rebutait dans toute son âme, même si elle ignorait le pourquoi du comment. Loin de penser que Loches avait laissé quelques séquelles sur elle. Entre brun et blond elle opta pour le second : Leandre étant brun, le sien serait blond en toute logique. Blondin donc, avec un petit regard coquin -parfait pour les potins et commérages en toute sorte- serait mystérieux et effacé. Ainsi si il ne se présentait jamais devant les gens, ça serait par pure timidité.

Ces deux points étant réglés, il lui fallait s’imaginer l’instant, la rencontre, le lieu, la chose, le moment.

Ca se serait passé ici même, pour éviter d’avoir à utiliser trop d’imagination à utiliser à visualiser un lieu, écrire ici et maintenant tant que le décor se trouve sous ses yeux, faire une brève description de la chose, l’apprendre et le retenir pour le réciter de manière intuitive le moment venu. La chose se préparait, il le fallait bien, être crédible, surtout. Quelques mots griffonnés par ci par là, description sommaire mais suffisante. Le sourire qui illumine son faciès : l’histoire était bien là, prête, ils se seraient aperçus tous deux baguenaudant près du rivage d‘un quelconque ruisseau. Un arbre -serait-ce un saule pleureur ?- recueillant leur premiers baisers. A quoi cela ressemblait il d’ailleurs ? Quelle pouvait être l’exacte sensation de se partage buccal ? Et si Trella désirait lui en parler au cours de ses lettres ? Comparer ? Elle n’aura qu’à reprendre les termes usités par l’amie, voilà tout. L’amener à lui faire parler d’elle, cela passera alors tout seul, nul soucis à se faire. Les effluves printaniers, le glougloutement de la rivière, la berceuse du vent, son cœur qui serait parti. Oui, nul doute, la lettre serait somptueuse, d’ailleurs il la lui fallait commencer :


Citation:
Chère Trella

Je t’écris du mans et du Maine comme promis. La première semaine s’est passée convenablement, même si beaucoup occupée à essayer de trouver un maître d’arme, je n’ai d’ailleurs toujours pas réussi. Père m’a confié à Alethea, estimant vôtre compagnie trop mauvaise pour moi : il fit libertad mais m’empêche de connaître les Zokos, je le reconnais bien ici. Alethea est très gentille, comme Cerridween. J’ai aussi fait la connaissance d’un étrange sire -dénommé Asta- bizarre, il veut être vagabond et voyager uniquement dans le sens du vent. Il a peur de tout et ne veut prendre aucun risque mais paradoxalement veut faire des choses intéressantes. Un cas. Je vous présenterai peut être si l’occasion se présente.

Mais surtout Trella, si je t’écris, c’est parce que j’ai rencontré quelqu’un d’autres encore. Il se nomme Théobald, est blond et….très très beaux. Tu te figures Appolon ? Le même en mieux. Ses yeux sont verts. Il est intelligent même si il n’est que fils de roturier. Ses muscles sont seyants et… Dis moi Trella, suis-je amoureuse ? Tu crois ? En tout cas on se connait à peine, mais il y a déjà comme, comme, un peu comme entre toi et Léandre je pense, comme au début, pas comme au milieu, même si...

Réponds moi vite
Natsuki


Le pigeon partit et elle sourit : tout pouvait commencer. Il lui fallait désormais -au cas où on le lui demande- rédiger une lettre d’amour de la part dudit Théobald. Mais ceci, elle le ferait demain : pourquoi faire au jour même ce qu‘il y a possibilité de reporter ?
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Natsuki.
2. Premières péripéties et remords tardifs

Si d’aventure un sourd-muet avait pénétré dans la pièce où logeait Natsuki en ce jour de Mai 1458, il n’aurait pu raconter qu’il ne put entendre quelques vagissements poussés par la fille en bleu. Le lecteur un peu intelligent se doutera que ceci est dû, non pas au fait que ces cris ne furent poussés, mais car l’homme était sourd-muet, d’où l’intérêt de choisir avec soin les hypothèses de départ. De même si un aveugle avait pu grimper les escaliers sans rambardes, marcher jusqu’à la troisième porte à gauche, ouvrir cette porte vers l’intérieur, il n’aurait pu voir le chaos dans lequel la pièce était envahie. Si ce double évènement avait pu se produire, c’est que Natsuki ne logeait alors pas dans une auberge, mais sous une hospice.

Des feuillets à même le sol tels des feuilles mortes tapissaient le parquet de la porte jusqu’aux pieds de la tourangelle, les tiroirs étaient ouverts exposant ainsi leurs divers objets aux yeux de tous, la couverture était défaite, l’encrier vide et renversé, l’épée qui reposait contre le lit était tombée sans que sa propriétaire ne prenne la peine de la remettre, la dague sur le rebord de la fenêtre et pour finir Natsuki près du bureau grommelant tous les jurons qu’elle connaissait donc. Contre qui ? Ambert. Pourquoi donc ? Car le papier était de qualité ! Ah… Revenons quelque temps en arrière : faisons une brève transition, cela vaudra mieux pour la compréhension des choses.
Le pigeon envoyé, Natsuki resta planté sur ses cannes contemplant quelques minutes durant le ciel sans nuage qui se présentait à elle. A coup sûr le printemps était revenu, témoin ce fichu soleil qui persistait dans sa folie de cramer la peau de la brunette. Bien sûr il y avait une apothicaire qui lui avait proposé moyennant prix subséquent une pommade concoctée à base de bave de têtard veuf et de coccinelle morte née. Ledit produit était sensé raffermir la peau, éviter de provoquer Phébus et sa luxure des jeunes chairs, et pour terminer réduire la taille des boutons d’acné. Un effet trois en un que n’auraient renié d’autres charlatans de notre ère. Elle acheta la bougresse le baume de contrefaçon, s’en badigeonna et ne put que constater son idiotie : le lendemain elle fut prise de démangeaisons. Loin de douter de l’efficacité de l’onguent, elle supposa que son corps faisait une allergie -ou quelque chose du genre, et elle pesta contre elle-même, non pour sa sottise mais pour sa constitution mal fichue.

Mais la pubescente s’arracha de ses contemplations en même temps que je retrouve le fil de mon histoire : ses menteries, maintenant qu’elles étaient amorcées, que le pigeon trouverait sans nul doute sa destination, risquaient d’avoir des conséquences désastreuses si elle ne prenait un minimum de précautions; du moins le pensait elle. Qui dit amoureux dit lettres enflammées, remises au périple de leur vies, car honnêtement écrire pour rédiger les affaires menues courantes, il n’y a rien de plus ubuesque, et ces missives doivent être jalousement gardées. Or de lettres amoureuses, elle n’en conservait point. Il lui fallait donc rédiger tout ça, avec un papier quelconque et pour cause : le galant qui aurait pu prendre la plume pour lui envoyer les mots les plus fous n’existait pas encore. Il la lui faudrait alors la prendre à sa place, se fabriquer des preuves, au cas où son amie souhaite voir la chose. Pour ceci il lui faudrait un papier de moindre qualité que celle qu’elle avait actuellement à disposition : comment diable expliquer qu’il se soit procuré un papier de cette qualité là. Evidemment, elle ne supposa pas l’espace d’une seconde que -comme la majorité des personnes- Théobald pouvait fort bien ne pas savoir écrire. Milieu quand tu nous tiens.

Elle s’empressa donc de rentrer, prenant ses jambes à son cou : si elle s‘était promis de commencer à écrire les lettres de Théobald que plus tard, il lui fallait néanmoins être certaine d‘avoir du papier convenable. Elle logeait, comme l’on a dit précédemment, dans une auberge dans la ville du Mans. Un écu de pension, le prix était fort raisonnable, même si elle devait se fournir elle-même la nourriture. Au moins pour un faciès de Levan, elle récupérait toit draps et couvertures, ainsi que les rats en guise de compagnie nocturne. Logée et divertie en somme. Quelques instants après avoir pénétrée dans sa chambrette, le décor décrit au début fut installé. Ces fichus feuilles qu’elle jurait pourtant avoir conservé dans un coin du tiroir s’obstinaient à faire leur timides et à ne pas paraître devant ses yeux. Si ce papier n’était pas là, nulle preuve, donc on la soupçonnerait de mentir -ce qui était vrai, mais il ne le fallait pas- et alors…Alors qu’elles seraient les réactions ?

Son père pour commencer, avec son air bougon, pour le coup elle aurait droit à un peu plus qu’un petit sermon; Alethea aussi, si Natsuki n’arrivait pas à se mettre dans la peau de l’errante, elle se doutait toutefois que la chose serait fort mal prise. Marie Alice aussi, sans doute, serait elle fort déçue de la tourangelle, et Aléanore, et Maeve, et toutes les autres personnes qu’elle appréciait petit à petit se détachaient d’elle, moue de tristesse et de mépris sur leur visage. Même Calyce, même Alycianne. Même Trella. Encore plus Trella. Lui pardonnerait elle la zokoiste si jamais elle venait à apprendre la supercherie que son « amie » (car pouvait on l’appeler encore amie? dans sa tête elle ne l’était déjà plus, ne le méritant pas) avait concocté ? Dire que c’était pour elle, pour la récupérer telle qu’elle était avant, que tout ce stratagème était conçu, et que désormais il lui paraissait évident qu’il ne pouvait la mener qu’à sa perte ! Que peu de temps se furent écoulés entre l’acte et le repentir! Que diable Thot décida d’abréger sa triste victoire pour mieux lui montrer sa pénible défaite ! L’ibis faisait attention à ses dés et Natsuki n’était pas Nout. Au fur et à mesure que son destin défilait devant ses yeux, le ver rongeur s’immisçait toujours plus profondément, les larmes venaient et le sang allait bientôt affluer sur ses lèvres. Mais il n’était encore l’heure de la résipiscence car la jeunesse est faite de fautes, d’erreurs, de regrets, de remords, mais trop rarement d’actes faits à temps.

Même si au fond d’elle-même elle désirait en quelque sorte vite écrire à son amie, rattraper ce qui était encore possible, se fondre en excuses et en explications à n’en plus finir, elle se disait aussi qu’à présent que l’acte était fait autant le laisser se consumer quitte à rattraper la chose après. Mais il lui fallait ce fichu papier de piètre qualité qu’elle trimballait avant, ce papier pour écrivaillons et autres trouvères de basse facture, ce papier qui se prenait pour le farceur à la mode ! Angoisse et jurons n’ayant rien fait, il lui fallait un moyen plus radical pour mettre la main sur l’objet si ardemment cherché : la prière.


Saint Antoine de Padoue, priez pour nous, Saint Antoine de Padoue, priez pour nous, Saint Antoine de Padoue, priez pour nous !

Et comme à chaque fois le miracle se produisit (*). D’un endroit qu’elle aurait juré corps et âmes avoir fouillé dans ses moindres recoins s’extirpa un empilement de papier, celui là même qu’elle cherchait. Après avoir remercié ce bon Antonio et lui avoir promis au moins un cierge, elle se retourna, constata le désordre mis, rouspéta envers la personne qui avait fait tout cela (le chat du sans nul doute). Il fallait se prendre pour une fée du logis à présent : siffler en travaillant, même si sept nains sont absents, ça serait pour sa pomme. Quelques temps après tout était revenu à la normale, le lendemain la lettre de Trella arrivait, mais ceci est une autre histoire…

(*) Essayez, ça marche réellement

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Natsuki.
3. Au passage du Rubicon

Du monde des rêves, cette nuit, une fois n’est pas coutume, elle n’entreverrait que son Tartare. Les tourments d’avoir fait une mauvaise action rongeaient tellement sa conscience que c’était déjà une sorte de miracle qu’elle réussisse à s’endormir. Hypnos passa tard dans ses draps, et le pavot fut de mauvaise qualité. La lune fit son ballet quotidien dans le ciel sans se soucier de la tourmente dans laquelle Natsuki était immergée, la prétention de cet astre rondelet étant sans borne, comme chacun le sait, seul le diurne la dépassant sur ce point là; ballet avec au milieu de ce spectacle, la vedette entourée d‘un halo nuageux. Le lecteur étant, je le devine aisément, chagriné à l’idée que Natsuki puisse rater une telle féérie, une telle chose ne se produira pas : il ne faut point faire fuir son lectorat sous peine de ruine chagrin et tragédies. Donc : la fleur de pavot fut de si piètre qualité que la fille se réveilla. La fenêtre ouverte lui permis de voir le faciès sardonique et acnéique de Séléné sur son trône éthéré, ce qui ne manqua pas de la contrarier : que sa propre personne se morigène, passe encore, mais si les êtres inanimés se gaussaient de sa personne, c‘était foutredieu le monde à l‘envers.

Elle resta couchée quelque temps encore avant de finalement se décider à agir : si son obsession était à ce point développée qu’elle ne pouvait trouver repos, mieux valait s’affairer même si cela devenait un ahan. A tâtons -et au prix de laborieux efforts- elle mit la main sur cette fichue bougie qu’elle avait juré pourtant poser à côté d’elle, et l’alluma. Sitôt fait le brasillement se mit en place, permettant ainsi à la tourangelle de mieux y voir que ce que ne lui permettait Artémis. Et les questions reprirent aussitôt qu’elle posa le papier et prit la plume : si elle était Théobald, comment écrirait-elle ? Si elle était un garçon, que ferait elle ? Les hommes sont -parait il- guère enclins aux choses de la romance, elle avait Cassian pour s’en convaincre. Oui mais…sont-ils à ce point incapables de faire des efforts ? Une lettre, une seule, est-ce tant dur pour eux ? Elle se disait que l’optimisme devait être de rigueur : si il en était incapable son amoureux, Trella le déclarerait inapte à coup sûr, et tous les efforts de Natsuki deviendraient vains. Il lui faudrait écrire donc. Elle hésita, elle se reprit, émit plusieurs jugements, froissa quelque papiers, et au final garda cette lettre qui lui parut convenable.

Citation:
Natsuki

Tu me demandes de t’écrire, mais je ne sais quoi t’écrire. Oui je pense à toi, bien sûr, évidemment même, et tu n’as pas à t’inquiéter comme ça petite tourangelle. Tu es jolie, très même, même si tu ne veux pas l’entendre; je t’aime et je veux passer du temps avec toi, toujours tout le temps. Je comprends pour Leard et pour cette….Alethea, mais je peux pas tolérer comme tu le fais un tel obstacle à nous deux, tu comprends ?

Je prie pour que ce pigeon arrive à destination et te donne le lieu du prochain rendez-vous : près de l’arbre où on s’est croisé la première fois, j’espère que tu t’en souviens…

Tu me manques
Théobald


Combien de gouttes de cire se sont-elles laissées choir sur la timbale ? Elle n’en n’avait aucune idée, mais la bougie avait tant et si bien fondue qu’à la fin de son effort, l’éclairage ne lui fut plus trop propice et elle était épuisée. Elle ferma les paupières quelques instants puis Morphée la prit dans ses bras, mais pas pour longtemps : l‘astre solaire reprenant son pouvoir, et avec lui un volatile venu de Saumur. L’instinct de ses volatiles étaient sans conteste possible l’une des choses de la vie qui la surprenait le plus. Le roucoulement émit fut cette fois ci pour elle déconcertant pour une raison autre, si Natsuki s’attendait à ce que son amie lui écrive vite, elle ne s’attendait pas à cette célérité; après tout la dernière fois qu’elle lui avait envoyé une missive, la zokoiste ne lui avait pas répondu. De ceci elle retint une leçon : mieux vaux parler aux gens des choses les intéressants.

Citation:
Chère Trella

Je te réponds du plus vite que je le puis, je ne connais que trop bien tes passions et goûts pour me soustraire à ce devoir. Théobald n’est pas mainois, même si je l’ai rencontré dans le Maine, il naquit si j’en crois ses dires sur la côte bretonne, et si il est actuellement au mans, c’est qu’il est en voyage, par ailleurs il risque fort de repartir sous peu, tu connais comment sont les duchés : ils ne veulent jamais qu’on reste chez eux.. Il va d’abord dans le Sud puis après dans le Nord, et je suis obligée de rester ici : père voulant que je reste avec Alethea ici même, et je me vois mal expliquer à l’errante pourquoi je veuille partir.
Il reste ici encore quelques jours néanmoins, mais je suis triste rien qu’à songer à son départ…En fait, je n’arrive absolument pas à m’y faire, à me dire que bientôt je ne le reverrai plus, que bientôt je ne pourrai plus l’embrasser -et tu sais combien comment est douce cette sensation…
Je ne sais quoi te dire si ce n’est que je te souhaite du bonheur immensément, et des nouvelles de toi sous peu.

Natsuki

Oui pour elle les mots avaient ainsi plus de chance de faire mouche : le fait de faire éloigner Théobald d’elle lui permettrait, peut être, d’avoir la compassion de Trella. Satisfaite d’elle-même, même si avec vergogne toutefois, elle enroula la feuille pour l’attacher à la patte du volatile et l’alourdir ainsi quelque peu. Puis elle lâcha le prisonnier qui recouvrit sa liberté temporaire pour mieux se faire séquestrer ailleurs, répondant ainsi à la dure loi de la fortune. O fortuna, velut luna, statu variabilis (*). Néanmoins l’acte fut fait, les dés en étaient jetés.
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(*) O fortune, comme la lune, ton statut varie.
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