Edern
HRP : RP ouvert mais me contacter avant, petites erreurs d'organisation possibles ; action postérieure à "Sur la trace des mots passants".
Au bout d'un monde...
Là où coulait la sève.
Là où l'infini s'achève.
Là où mourront les rêves.
Quelle est cette ombre d'absolu qui gravit, seule, le sentier d'une falaise perdue ?
Quel est cet être irréel que le vent sifflant repousse vers le ciel ?
Qui saurait nommer la créature qui émerge de la lande obscure ?
Le Fou.
Ce qu'il en reste.
Fin des mots, mots de la fin.
Son corps est fouetté par la pluie qui ne cesse de tomber dru. L'eau désormais ruisselle, sapant sa citadelle. Il mourra avant que la boue ne s'y mélange et vienne souiller le blanc et le noir d'un habit qu'il ne méritera guère plus longtemps. Aux questions lapidaires ont succédé les longs soupirs. Moins qu'un spectre. Qui l'a remarqué ? Car il a traversé sans le remarquer les remparts de villes époustouflantes de réalité, et ces silhouettes buvant dans des tavernes trop heureuses pour être joyeuses. Recraché les miettes de pain qu'on lui proposait pour lendemain. Abandonné les feuilles blanches impossibles à gorger d'encre, elle aussi répandue sur le chemin, tache illusoire. Des rencontres ? Ni anges, ni démons. Des marionnettes, une poignée d'animaux, des bêtes qui ont peut-être reconnu en lui celui qui cherche son cimetière. Qui ont pris peur devant ce squelette habillé de chair. Les jambes fatiguées ne sont qu'à peine soutenues par un bâton qui s'effrite, témoin d'une ère révolue. Pourtant, l'esprit ne connaît cette souffrance que de loin. Il est occupé à la sienne, incomparable. Le sombre de ses iris ne cache presque plus la guerre qui se perd entre des murs invisibles. A chaque pas, les mots défilent, se défilent. Tous. Les récits s'effacent, l'amour et la haine se dérobent, les chants sont faussés, les légendes, oubliées. Détenteurs du pouvoir le plus ancien, les noms sont les derniers à partir. Ils les a aimés. Tous. Rien ne vient prendre leur place, sinon un martèlement sourd, celui d'un coeur qui bat dans le vide. Les battements lui sont comptés. Pas de sursis pour qui dépend d'un univers en pleine dissolution. Il faut avancer, même si c'est pour mieux reculer jusqu'à la source. Toute proche. Un pas, encore. Il relève la tête pour l'ultime épreuve, libère ses sens. Il y est arrivé. Au bord...
L'océan ! Furieusement multicolore... sa musique absurde l'étreint avec violence. Un million de vagues l'invitent à les rattraper. L'horizon se livre avec la douceur d'un raz-de-marée. L'iode l'envahit enfin. Des jours et des années elle chasse le parfum, fût-il écarlate.
Tue-moi sans me rendre ! Tue-moi sans attendre !
Une dernière vision s'offre à lui.
~~~~~
Un petit garçon écoutait.
Il écoutait les notes et les mots de l'homme au chapeau.
Chapeau dont il rêvait de se parer depuis le début de la soirée.
Soirée à laquelle il n'aurait pas dû assister puisque sur un bateau il devait se trouver.
Il se trouvait qu'aucune prière n'avait pu gonfler les voiles du navire familial dont toutes les rafales persistaient à rire.
Rire que nul n'avait jamais entendu chez l'enfant qui était moqué par ses pairs pour ne pas jouer et par ses pères pour son poids plume.
Plume arrachée sans raison un jour de tempête à un oiseau dont il taisait le nom et qu'il gardait précieusement dans une de ses poches en toute occasion sans pour autant en faire état à ses maîtres.
Maîtres qui ne supportaient ni son apparente apathie ni le regard impénétrable qu'ils obtenaient pour toute réponse lorsqu'ils tentaient de lui inculquer un peu de leur discipline ni sa soif de parchemins quand du travail sonnait la fin.
Un petit garçon écoutait.
(...)
Ici s'achève l'histoire des origines
De ce fol enchanteur nommé Taliesin !
Il ne se leva pas avec les autres quand ils battirent l'air de leurs grosses mains pour exprimer leur pleine et entière satisfaction du spectacle qu'ils avaient d'ailleurs peu cher payé. Il attendit que le miel des félicitations fut épuisé et que les abeilles aient regagné le confort de leur maisonnée vainement bourdonnante. Il n'y eut personne pour l'appeler à travers la salle qui se refroidissait peu à peu.
Deux paires d'yeux se croisèrent naturellement et ne se quittèrent pas.
L'homme invita l'enfant sur la scène déserte, où deux sièges furent montés.
Ils s'assirent tous deux sans bruit.
Alors tout commença.
Pourquoi vous êtes ici ?
Pourquoi serais-je ailleurs ?
Vous êtes vieux ?
Tu es jeune ?
Moi je ne trouve pas.
Un sourire vint illuminer le visage de l'homme.
Je sais ce que tu cherches.
Vous aimez pas mes questions ?
Ce soir, elles sont tout ce que j'aime. Qu'aimes-tu ?
Il ne sut que répondre. Une main s'en alla instinctivement à la rencontre de la plume et s'y piqua. Il ferma les paupières. Écouta un murmure...
Il y a une route où l'on ne peut mourir.
Une Éternité.
Il y a une route où le silence n'a pas d'étendard.
Un Ennemi.
Il y a une route où les mots sont d'or.
Un Éclat.
A ce jeu, on ne perd que la raison. Cela t'effraie-t-il ?
Non de la tête.
Alors jouons. Qui es-tu ?
Les yeux bruns s'étaient lentement ouverts. Sur une chaise vide.
Je suis le Fou.
~~~~~
Un dernier pas d'homme dans la nuit, vers le précipice démesuré.
Deux larmes scintillantes vont rejoindre l'océan. Salées.
Une plume noire s'envole en toute innocence.
Le Fou se noie en silence.
Au bout d'un monde...
Là où coulait la sève.
Là où l'infini s'achève.
Là où mourront les rêves.
Quelle est cette ombre d'absolu qui gravit, seule, le sentier d'une falaise perdue ?
Quel est cet être irréel que le vent sifflant repousse vers le ciel ?
Qui saurait nommer la créature qui émerge de la lande obscure ?
Le Fou.
Ce qu'il en reste.
Fin des mots, mots de la fin.
Son corps est fouetté par la pluie qui ne cesse de tomber dru. L'eau désormais ruisselle, sapant sa citadelle. Il mourra avant que la boue ne s'y mélange et vienne souiller le blanc et le noir d'un habit qu'il ne méritera guère plus longtemps. Aux questions lapidaires ont succédé les longs soupirs. Moins qu'un spectre. Qui l'a remarqué ? Car il a traversé sans le remarquer les remparts de villes époustouflantes de réalité, et ces silhouettes buvant dans des tavernes trop heureuses pour être joyeuses. Recraché les miettes de pain qu'on lui proposait pour lendemain. Abandonné les feuilles blanches impossibles à gorger d'encre, elle aussi répandue sur le chemin, tache illusoire. Des rencontres ? Ni anges, ni démons. Des marionnettes, une poignée d'animaux, des bêtes qui ont peut-être reconnu en lui celui qui cherche son cimetière. Qui ont pris peur devant ce squelette habillé de chair. Les jambes fatiguées ne sont qu'à peine soutenues par un bâton qui s'effrite, témoin d'une ère révolue. Pourtant, l'esprit ne connaît cette souffrance que de loin. Il est occupé à la sienne, incomparable. Le sombre de ses iris ne cache presque plus la guerre qui se perd entre des murs invisibles. A chaque pas, les mots défilent, se défilent. Tous. Les récits s'effacent, l'amour et la haine se dérobent, les chants sont faussés, les légendes, oubliées. Détenteurs du pouvoir le plus ancien, les noms sont les derniers à partir. Ils les a aimés. Tous. Rien ne vient prendre leur place, sinon un martèlement sourd, celui d'un coeur qui bat dans le vide. Les battements lui sont comptés. Pas de sursis pour qui dépend d'un univers en pleine dissolution. Il faut avancer, même si c'est pour mieux reculer jusqu'à la source. Toute proche. Un pas, encore. Il relève la tête pour l'ultime épreuve, libère ses sens. Il y est arrivé. Au bord...
L'océan ! Furieusement multicolore... sa musique absurde l'étreint avec violence. Un million de vagues l'invitent à les rattraper. L'horizon se livre avec la douceur d'un raz-de-marée. L'iode l'envahit enfin. Des jours et des années elle chasse le parfum, fût-il écarlate.
Tue-moi sans me rendre ! Tue-moi sans attendre !
Une dernière vision s'offre à lui.
~~~~~
Un petit garçon écoutait.
Il écoutait les notes et les mots de l'homme au chapeau.
Chapeau dont il rêvait de se parer depuis le début de la soirée.
Soirée à laquelle il n'aurait pas dû assister puisque sur un bateau il devait se trouver.
Il se trouvait qu'aucune prière n'avait pu gonfler les voiles du navire familial dont toutes les rafales persistaient à rire.
Rire que nul n'avait jamais entendu chez l'enfant qui était moqué par ses pairs pour ne pas jouer et par ses pères pour son poids plume.
Plume arrachée sans raison un jour de tempête à un oiseau dont il taisait le nom et qu'il gardait précieusement dans une de ses poches en toute occasion sans pour autant en faire état à ses maîtres.
Maîtres qui ne supportaient ni son apparente apathie ni le regard impénétrable qu'ils obtenaient pour toute réponse lorsqu'ils tentaient de lui inculquer un peu de leur discipline ni sa soif de parchemins quand du travail sonnait la fin.
Un petit garçon écoutait.
(...)
Ici s'achève l'histoire des origines
De ce fol enchanteur nommé Taliesin !
Il ne se leva pas avec les autres quand ils battirent l'air de leurs grosses mains pour exprimer leur pleine et entière satisfaction du spectacle qu'ils avaient d'ailleurs peu cher payé. Il attendit que le miel des félicitations fut épuisé et que les abeilles aient regagné le confort de leur maisonnée vainement bourdonnante. Il n'y eut personne pour l'appeler à travers la salle qui se refroidissait peu à peu.
Deux paires d'yeux se croisèrent naturellement et ne se quittèrent pas.
L'homme invita l'enfant sur la scène déserte, où deux sièges furent montés.
Ils s'assirent tous deux sans bruit.
Alors tout commença.
Pourquoi vous êtes ici ?
Pourquoi serais-je ailleurs ?
Vous êtes vieux ?
Tu es jeune ?
Moi je ne trouve pas.
Un sourire vint illuminer le visage de l'homme.
Je sais ce que tu cherches.
Vous aimez pas mes questions ?
Ce soir, elles sont tout ce que j'aime. Qu'aimes-tu ?
Il ne sut que répondre. Une main s'en alla instinctivement à la rencontre de la plume et s'y piqua. Il ferma les paupières. Écouta un murmure...
Il y a une route où l'on ne peut mourir.
Une Éternité.
Il y a une route où le silence n'a pas d'étendard.
Un Ennemi.
Il y a une route où les mots sont d'or.
Un Éclat.
A ce jeu, on ne perd que la raison. Cela t'effraie-t-il ?
Non de la tête.
Alors jouons. Qui es-tu ?
Les yeux bruns s'étaient lentement ouverts. Sur une chaise vide.
Je suis le Fou.
~~~~~
Un dernier pas d'homme dans la nuit, vers le précipice démesuré.
Deux larmes scintillantes vont rejoindre l'océan. Salées.
Une plume noire s'envole en toute innocence.
Le Fou se noie en silence.