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[RP] Le sourire sans chat

Tetard
Quan vei la lauzeta mover
De joi sas alas contra-l rai
Que s'oblid'e-s laissa chazer


Elle en était encore à se demander si la bougeotte qui tempêtait sans cesse dans ses tripes devait être tenue pour responsable du fait qu'elle ai, du jour au lendemain, planté ses affaires et ses cultures pour aller rallier une ville inconnue, ou si ce devait être mis sur le compte de sa jeunesse... Sans doute n'avait-elle pas encore eu sa dose de claques dans la gueule qui font qu'on peut passer, en une dizaine d'années, de jeunesse fringante et pleine d'illusions à l'état de vieux rufian tordu.
Le moine qui lui avait vendu la mule ne c'était pas payé sa tronche. Cette vieille bique avançait bon train, et sans rechigner, mais le prix s'en était fait sentir. Nul doute que le sieur ne manquerait pas de hurler à la mort quand elle lui présenterait sa note de frais de déplacements, s'il était encore en état de le faire, héhé...


Per la doussor qu'al cor li vai
Ai! Tan grans enveia m'en ve
De cui qu'eu veia jauzion


Et puis on abandonne pas un homme dans le besoin quand celui-ci fait appel à vous, d'autant plus lorsqu'il s'agit du terrible tribun, sait-on jamais. Elle avait retourné les mots de sa lettre dans sa tête à pouvoir la réciter par cœur, et la curiosité la tiraillait encore presque autant que l'inquiétude. Était-il réellement désespéré au point de faire appel à une quasi inconnue, assez clairvoyant pour avoir deviné qu'elle viendrait, où tout autre motif qu'aurait pu concocter son cerveau fantaisiste ?
La tête levée aux quatre vents, elle s'était appliquée des heures durant à se composer un masque de sérénité pour cacher la grimace qui lui montait aux lèvres à chaque heurt de la selle sur son postérieur rétamé par des jours de chevauchée ininterrompue. Le regard fixé sur la route, ses paupières lourdes papillonnaient d'elles-mêmes devant ses yeux sombres, et elle n'en chantait alors que de plus belle pour se forcer à rester éveillée.
Il avait dit quoi le loqueteux déjà ? Première à gauche puis suivre le chemin qui passe sur le petit pont, après la grosse pierre en forme de main bifurquer sur une lieu, puis suivre le sentier de chasseur à travers la forêt, après le moulin sur la droite jusqu'à l'arbre foudroyé, le champ de Gérard, puis euh... Ou alors c'était le champ puis l'arbre ?


Meravilhas ai car desse
Lo cor de dezirier no-m fon
Eeeettt...
C'est là qu'on s'arrête messire.


Atterrissant sur ses deux pieds avec la finesse et l'élégance d'une truie sur une plaque de verglas, elle se traina jusqu'à la monture du médicastre qu'elle escortait dévotement, lui tenant l'étrier, la main gauche tendue pour l'aider à descendre.
Il avait plutôt intérêt à être aux portes des enfers l'hérétique.


J'espère que vous êtes au moins à moitié aussi bon en médecine qu'en baratin, m'est d'avis qu'il va y'en avoir besoin.

Oyez oyez braves gens ! Voici venir la troupe fantastique de dame Matalena Ladivèze, paysanne de Montauban, et son médicastre Florentin devant l'Éternel !
Les yeux cernés, ses cheveux noirs agglomérés en mèches crasseuses, la damoiselle dégageait un fort assent composé à parts égales de grand air, de sueur, et de mule fourbue... Son compagnon, impeccable et frais dans sa tenue de drap bleu cian, fleurait bon la rose et ces eaux de grande dame qu'elle ne porterait sans doute jamais. Nul doute qu'il avait du paisiblement dormir, bercé par les flancs de sa jument, tandis que la donzelle la menait à la longe.

C'est en cet équipage qu'ils se présentèrent à la grange où devait reposer la carcasse rompue de, entre autre, sire Sancte Iohannes.
Sancte
Ainsi parlait Assad, pélerin du Lion a écrit:
I.

Si je n'ai jamais mis en colliers les perles de la prière,
Je ne t'ai jamais caché cette poussière de péchés qui souille mon visage ;
C'est pourquoi je ne désespère pas de ta miséricorde,
Car je n'ai jamais dit que le Un était Deux.


II.

Ne vaut-il pas mieux te dire mes pensées secrètes dans une taverne
Que de me prosterner en logorrhée sans Toi devant l'Autel ?
Ô Toi le Premier et le Dernier de tous les êtres,
Donne-moi l'Enfer ! Donne-moi le Ciel ! Fais de moi ce que tu veux.


III.

Ô toi qui te crois sage encapuchonné, ne blâme pas ceux qui s'enivrent ;
Laisse de côté l'orgueil et l'imposture de la tons...


Le bruit caractéristique d'une visite de courtoisie lui fit interrompre le fil de ses lectures destinées à apaiser les blessés et les souffrants, alors même qu'il noircissait le papier sur une vieille tablette de bois.

Espérer un peu de calme pour son lectorat dans la grange de Gaspard revenait à caresser l'envie saugrenue d'hériter un jour d'un château en Espagne. Mais à l'évidence, le positif de la visite, était qu'elle fut représentée par une dame qui semblait vouloir montrer à son égard -une fois n'est pas coutume- de bienveillantes dispositions. Du moins avant qu'elle ne lui présente sa note de frais. Les entendant approcher, il marmonna on ne sait quelles imprécations dans sa barbe naissante, et conclut rapidement le courrier qu'il écrivait à sa fille, véritable notice de son outil de travail, qui allait de l'entretien précautionneux des hachoirs à la délicate fumaison de la viande. Derrière la visière léonine de son casque qui ne le quittait plus depuis l'embuscade récente dont il fut -entre autres- la détestable victime, la fixité de son regard contrastait à jamais avec la successivité impétueuse des évènements qu'il avait, à tort, laissé de côté.

Soit. Ils étaient là. Enfin.
Fringants évidemment. Alors qu'eux pataugeaient depuis des jours dans leur sueur croupie, leurs croûtes de sang coagulé, et les infâmes bourdonnements d'insectes qui accablent tant les grands blessés sous les chaleurs estivales. Il n'aurait pas été de bon ton pour la réputation du Sicaire de les accueillir en un endroit si misérable. C'eut été un aveu de déchéance. Aussi prit-il les devants en décidant de sortir de la grange par l'échelle, et de longer subséquemment l'allée d'arbustes qui le séparait de la cour. Il ne tarda pas, donc, à se présenter physiquement face à Matalena et son haut-collet de médicastre dont la promesse de gages généreux avaient suffi à faire éclore l'expression de ses bons sentiments et de ce fait, sa fidélité temporaire.


Alors c'est lui ? Il a un nom j'suppose ...

Il aurait, d'une façon toute personnelle, préférablement opté pour quelqu'un de moins ... de plus ... A l'inutilité moins affirmée, en fait. Il faut comprendre que remettre sa vie entre les mains d'un type maniéré en collants peinant à ouvrir la portière de son carrosse, comportait pour le Sicaire un je-ne-sais-quoi de déstabilisant. A force de déconvenues de ce genre, il finirait peut-être par croire que sur terre, il n'y avait que les Aristotéliciens orthodoxes qui pouvaient goûter au paradis.

Il finit néanmoins par saluer l'homme d'un geste insignifiant, se fendant du minimum pour ne pas paraître ouvertement hostile.


Hé bien, soyez le bienvenu.

Pour aller droit au but, monsieur heu ... ? Enfin. Pour aller droit au but, donc.

Un mauvais coup de bâton m'a emporté trois dents et en a brisé une. J'ai besoin de les faire remplacer et pour cela, monsieur, je fais appel à vos loyaux services. Or vous savez comme moi qu'une bouche sans dents est comme un moulin sans meule, un océan sans vagues, une tavernière sans tablier, une demoiselle sans cotillon, un palefroi sans selle, une chèvre sans chou, Romulus sans Rémus, Gaspard sans Pollux, Nicolas sans Pimprenelle, et que chaque homme se doit de protéger sa dentition plus férocement qu'un joyau. Mais voilà à quoi s'exposent les braves, qui, comme moi, ont choisi de suivre les dures exigences de la Chevalerie au sein de la -nécessaire- Réforme Aristotélicienne.

Exigences qui, si j'en crois votre présence en ces lieux, peuvent perdre de leur caractère irrémédiable au savant contact de votre art.


Ou de vos arrhes ...
L'équipement du médecin n'était pas sans produire sur lui un effet dérangeant, qui s'il s'y était plié, l'aurait directement renvoyé au grenier d'où il venait de sortir. Mais dans un cas comme dans l'autre, ne se profilait aucune forme de divertissement à l'horizon. Il fallait se l'avouer, si son mental tenait encore la route, il était totalement vanné dans sa chair et n'avait pas d'autre choix dans ce trou perdu que de s'en remettre au talent présumé d'un étranger. C'était sûrement ça, en fait, le plus cruel. Son défaut d'appartenance à la glorieuse communauté Montalbanaise.

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"Aux hommes la droiture et le devoir, et à Dieu seul la Gloire !"
Sancte Iohannes - Humble mais néanmoins Mirifique Gouverneur de Montauban-la-Réformée.
--Sir_apollodoro
Il avait donc quitté sa Terre natale pour venir se perdre en territoire Barbare. Un pays ou les gens ne connaissaient pas le théâtre, pas la poésie et pensent encore que la Carbonara est une sorcière Toscane qui mange les enfants et plonge les veufs dans le désespoir. Naïf, sans doutes, avait-il été de penser qu’il serait bon d’étendre sa légende au delà des frontières du Duché de Florence. Même s’il était plus que probable qu’ici on soigne les caries à la masse d’arme et les aphtes à la chaux. Peu civilisé, c’est ce qu’il s’était dit lors d’une ballade qui, loin d’être bucolique, s’était transformée en purgatoire monté sur pattes et tracté par une gueuse. L’homme descendit donc de son cheval en évitant avec un air de dégoût la main que lui tendait la jeune femme faisant office d’escorte. La résultante en fut qu’il manqua de se casser la gueule, se rattrapant de justesse et sans dignité… au sol… Celui ci ne lui en teint pas rigueur et se contenta de ricaner doucement.

Faisant fi de la honte qui empourprait ses joues et tentait de les assortir à son costume, il se précipita vers le sieur qui au delà des frontières, de la mort et de la barrière culturelle qui les séparait avait fait appel à lui pour le soigner. Oui, il avait décidé de communiquer avec un barbare. Et c’était pas gagné. Quant à la gueuse ? Oh il lui lança une petite pièce pour le déplacement… Pas de monnaie dans sa bourse remplie à ras bord ? Alors il lui offrit un bon d’achat pour une grimace valant sourire. Non échangeable, non remboursable. Façon aussi de la congédier et de demander à rester entre bonshommes civilisés… tout du moins entre homme civilisé et l’autre..


-Yé mé doute qué vous né connaissez pas gland chose à l’art Sinior, ma vous l’avez dit, yé sous oune artiste dé la dentitionne. Votre machoire sela ma toile et yé ferait la plou belle toile qué yé né yamais peinte, soyez en soure. Si, si Yé lé Youre sur la tête di Papolou. Dans votlé bouche yé ferait oune chapelle Sixtine pour les dents. Si, vos mollaires aulont l’impression d’aller en pélérinage.

Rassurer le gueux avec de belles paroles… c’est ça qu’il devait faire ! Après tout il était le meilleur dans sa discipline et il le savait. Oh il était probablement incapable d’utiliser une épée ou tirer à l’arc, mais pour poser des plombages et vous refaire le râtelier, c’était le meilleur. De Florence à Trez-Rouz, de Sardaigne à Saint Paul de Léon, il n’y avait pas plus compétent que lui.

Le médicastre lança un nouveau regard mauvais à la gueuse qui semblait vouloir installer ses quartiers dans la défection jouxtant sa vie, avant de revenir avec empressement au bonhomme qui lui faisait face.


-Ma yé souis impoli Senior, yé né connaît pas les coutumes dé votre paysse, mais yé m’appelle Sir Apollodoro D. De Nespresso, vous pouvez simplement m’appelllare… Sir Apollodoro D. De Nespresso. Et y’attend qué l’on me montre mes quartiers… Yé doit mé réposer après oune voyage épuisant.

Il réflechit quelques secondes avant de se dire qu’il aurait probablement du demander sa botte de foin à défaut de chambre.

-Ma sé né pas glave, montlez moi vos dents sénior… celles qui restent… bien soure…

Il sourit largement, montrant que son râtelier était probablement passé au polish avant de venir dans ce bled de défection… oh tiens, un débris du repas de l’avant veille…


-Connaissez vous la plocédure ? Ma yé vais faire oune moulage dé votle machoire, ensouite, y’ai ferait fondre les dents qué yé poserait soure oune espéce dé dentier fait à la formulla dé votle machoire. Si ? Mainténante, appri la bocca signore… Appri la bocca…


… en clair : Ouvre la bouche que je m’y mette…
Heu…

et il parlait toujours au seigneur hein…
Pas à la paysanne.
Tetard
Lorsque celui-ci manqua s'étaler au sol pour avoir refusé son aide, la paysanne se contenta de fixer le médicastre d'un air dédaigneux, histoire de lui signifier qu'il n'était pas si évident de savoir qui des deux méprisait le plus l'autre... Tout autant blessée dans son orgueil de femme qu'elle avait du l'être tout le trajet.
Enfin peut importait, le plus important restait qu'ils étaient arrivés dans des délais record (Quoiqu'en dirait surement l'employeur) et à bon port (Quoiqu'en dirait surement le médicastre) comme elle l'avait prévu. En parlant d'employeur, celui-ci se pointa à leur rencontre, et c'est avec un sourcil on ne peut plus circonspect qu'elle observa sa face habilement dissimulée par son casque.
"Les heurts et les violences subis lors de ce traquenard font que je me vois contraint de dicter cette lettre plutôt de l'écrire moi-même." qu'y disait. Mon œil ouais... Ces hommes je vous jure, tous les mêmes : plutôt crever loin de sa ville à attendre une improbable gourde croisée par hasard dans une clairière et la première fiotte dentiste qu'elle aurait pu trouver plutôt que de montrer sa belle gueule d'amour édentée aux dames de Montauban. C'est en dissimulant tant bien que mal son sourire narquois que la donzelle salua le sir Sancte d'un signe de tête.


Allons messire, je suis bien persuadée qu'un homme possédant votre finesse d'analyse ne se laissera pas berner par l'apparence peu orthodoxe de Sir Apollodoro. C'est un maître en son domaine, ainsi que vous l'avez commandé, et je ne doute pas que votre faciès demeurera éternellement illuminé de ses œuvres...

Et si l'on considère que son rôle s'arrêtait là, sans doute pouvait-elle s'apprêter à les laisser en tête-à-tête débattre de ce que le tribun avait de mieux à faire de sa bouche.

Puis-je me retirer à présent ? Ou est-il une autre tâche d'importance capitale qu'il me faudrait résoudre autre que celle de m'assurer de votre esthétique dentaire ?
Sancte
Bien, bien. Encore un type avec qui il ne perdrait pas trop de temps à discuter le bout de gras, donc. Se gardant bien de divulguer ses impressions sur la pépite médicalo-artistique qu'on lui avait déniché, il adressa cahin-caha un hochement de tête forcé au type, et un souris déférent à la jeune femme, pour laquelle il s'inclina avec majesté, malgré les stigmates de son navrement récent, encore visibles à l'arrière de son buste.

Appollodoro de Nespresso ? Un sacré nom de connard ça encore.

Le sicaire contempla en silence le costume de son bienfaiteur, et se demanda secrètement combien de rouleaux de tissu avaient du être engloutis dans sa réalisation fantaisiste. Il ne s'avança pas plus loin sur la question. Selon toute apparence, il était dans la totale impossibilité de se défaire de son vis-à-vis, et par conséquent dans l'obligation de laisser le pire baratineur au monde omettre le prix qu'il exigeait pour des qualités qu'il croyait manifestes. Son regard se détacha de monsieur Nespresso pour se porter sur la demoiselle.

Il ne s'agit en rien d'une esthétique dentaire, ma chère Matalena, puisque je viens de te dire qu'une bouche sans dents est aussi utile qu'une pioche sans manche. Cela étant dit, tu as rempli à bien ta mission et je t'en suis reconnaissant. En conséquence de quoi, malgré que je sois au fait qu'un moineau dans la main vaut toujours mieux que la grue qui vole, tu percevras l'intégralité de tes gages lorsque nous serons rentrés à Montauban.

Aussi, si tu as autre chose à faire, je t'en prie, fais ! Sans t'embarrasser davantage de ma mauvaise fortune qui semble te donner aussi bon coeur.


Puis, sur un ton plus confidentiel:

Dites, vous savez qui c'est vous, Papoulou ?
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Tetard
La damoiselle s'apprêtait manifestement à lui renvoyer une veste, arguant qu'il ne l'amusait en rien de courir le dentiste champêtre pour venir le trainer à Tartempion les Bains à vitesse grand V afin de s'assurer que Messire Sancte puisse continuer à mâcher des pommes en toute quiétude en échange d'un salaire misérable comparé à celui qu'elle aurait obtenu en demeurant chez elle... Et en plus de ça se faire remonter les bretelles une fois sur place parce que la tenue du-dit médicastre n'était point au goût de son patient.
Mais ça faisait vraiment trop long à dire, et elle était vraiment trop fatiguée. Elle se contenta d'y songer très fort en espérant qu'il lise dans ses pensées et de bougonner en bonne femme éconduite pour son pull en laine tricoté avec amour sans considération aucune du travail accompli.
Elle lui répondit néanmoins sur le même ton :


Et bien... Je crois qu'il parle du pape. Ou d'un pote à lui. Z'allez voir on s'y fait à force, c'est un coup à prendre.

Puis plus haut :

Si vot'mauvaise fortune m'amusait je ne serait pas là. Et si la mienne vous intéressait vous seriez bien aimable de m'indiquer où je puis dormir sans déranger personne, vu que depuis deux nuits je n'ai pas fermé l'œil.
Sancte
A beau mentir qui vient de loin ! Un Florentin maniéré soigneur d'huguenots dans les environs avait plus l'air d'un charlatan provençal -Ô Niçois qui mal y pense !- que d'un Médicis. Tout à ses pensées, il se désolidarisait totalement de celles de son employée. Elle avait discuté elle-même son salaire, et ne pouvait donc s'en prendre qu'à elle seule pour tout ce qui concernait ses largesses dans les négociations et les élans de sa trop grande probité provenant sans doute de son attachement à la foi réformée comme le noir de ses vêtements l'indiquait.

Vous savez Matalena, si l'argent n'a pas d'odeur, il a au moins de la gueule. Aussi il en est ici comme de partout ailleurs: avec de l'or, vous trouverez en ville tout le confort et le faste auquel vous aspirez.

Sans cela, vous avez deux solutions:

- La taverne d'antan, tenue par des braves gens sans doute suffisamment niais pour ne pas se faire payer autrement que par des sourires ou un baratin de bon aloi, ce qui, pour nous autres Montalbanais constitue une formalité. Si ce n'est que la compagnie que ces gens là vous inflige en retour peut être qualifiée par les esprits supérieurs que nous sommes d'exaspérante. Mais ma foi, le bénéfice de la charité est toujours associée à la reconnaissance implicite qu'espère en retour le donateur. Aussi, c'est parfois cher payé.

- La grange de Gaspard, dans laquelle nous autres réformés, religionnaires de la nouvelle opinion, papistes et autres sceptiques en religion, que sais-je encore, bref, tous les navrés des ignobles armées Poitevines, se sont réfugiés. Le confort y est certes relatif ; la chaleur le jour, absolument insupportable ; il ne faut ni craindre les rats ou la promiscuité des agonisants, mais au moins avons-nous le sentiment de souffrir atrocement entre gens respectables, quoique fort peu respectés, j'en conviens. Vous pourriez m'opposer l'argument comme quoi là aussi, on s'expose à l'esprit de mièvre reconnaissance que pourrait rechercher notre hôte à nos côtés, mais il n'en est rien. C'est, dirons nous, l'avantage des réalistes qui connaissent encore les affres de la peur et dont le seul but est encore de pouvoir cultiver des lopins de terre sans s'attirer trop d'emmerdes. On comprendra donc vite qu'en ce sens, la crainte prenant le pas sur l'imbécile conception que certains se font de l'altruisme, il vaut mieux éviter de côtoyer des hétérodoxes, des hérétiques, des schismatiques, des faces de fond de cachots, des ... raclures de chiottes, ou comme bon il vous conviendra de les nommer.

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--Sir_apollodoro
Mais bien sûr, des insultes, des railleries ! Il ne s’attendait pas à moins de la part de bouseux qui s’endorment dans leur caca à l’heure où lui se gratte les parties génitales parce que la soie de Turin est légèrement inconfortable pour son épiderme délicat. De fait il ne contraria pas l’énergumène partiellement édenté, ne prenant pas le risque de glisser ses doigts dans sa bouche sans son consentement préalable. Il resta coi, comme deux ou trois rond de flanc en attendant que la gueuse décide enfin d’arrêter de pomper son espace vital. Déjà que l’air d’ici le rendait malade alors si en plus on continuait à lui imposer la vue d’une… d’une… Rien que d’y penser il en avait des frissons. Mais en tant que grand professionnel il parvint à conserver son calme au prix de grands efforts, lui adressant même quelques mots sans toutefois la regarder :

-Sgualdrina, ma si vous pouviez allé faile à mangare au lieu dé nous faire perdré notle temps, céla serait parfait, si !


Il revint ensuite au barbare flanqué d’une mâchoire à la nudité partielle. Le sommant de nouveau d’ouvrir la bouche. Parce que faut pas déconner, il avait des patients à Florence qui payaient. Avec de l’or sonnant et trébuchant. Du vrai ! Pas de la monnaie de faquin contre-plaquée tout juste bonne à s’offrir les services d’une courtisane des faubourgs.


-Ma Senior ! Faités moi voil votre bouche, si! Yé né soupoltélait pas plou longtemps dé vous voir ainsi défigouré ! De si belles paloles dans votle bouche, hachées par une dentitionne si horriblé ! ma c’est oune crime ! Si !
Tetard
Son premier réflexe aurait été de répliquer au Florentin d'aller se faire foutre, mettre, ou toute autre action impliquant l'insertion d'un objet quelconque dans son rectum, mais finit par juger que l'insulte n'aurait certainement pas l'impacte souhaitée.
Aussi se contenta-t-elle de lui adresser un regard flamboyant de haine, reconnaissant sans doute en ses paroles quelque chose d'un paternalisme freudien bien enfoui dans son subconscient névrosé.


Il a raison messire, à trop parler comme ça, vous allez vous faire mal. Allez, faites donc c'qu'il vous demande, vous n'en serez soigné que plus vite.

Force lui fut de constater cependant que sa seule présence suffisait à vider le médicastre de toutes ces capacités, si indubitablement infinies soient-elles au demeurant... Et qu'il refuserait sans doute d'exercer son art en présence du sexe honnit et sa représentante actuelle.
Avec un soupir las, elle s'inclina devant le Lion de Juda, le buste un peu raide, et s'éloigna en direction de la grange.
Sancte
Alors là, il tombait sur un bec. Ouvrir ou ne pas ouvrir sa gueule en travaux face à un étranger assez peu porté sur la pudeur expressive ? Fort heureusement, il ne devait rester dans sa bouche qu'une quantité infinitésimale de débris d'émail, l'amatrice qui lui avait cogné sur la trogne avec ses petits bras de tapette avait échoué dans sa tentative présumée de lui dégommer ses incisives. Constatant que la patience du Florentin se consumait, il décida de mettre temporairement fin à son chahut afin de ne pas trop alourdir la rançon qu'il devrait lui verser au terme de la consultation. Il ouvrit la bouche donc, avec une facilité insignifiante pour les autres, mais qui eut le don de le surprendre, et reçut avec réticence dans sa gueule les doigts de ce blanc-bec qui pour être perdu en Angoumois, ne pouvait qu'être un nouveau-venu dans sa profession. Un certain nombre de secondes s'écoulèrent tandis qu'il priait pour ne pas avoir à supporter un mot d'esprit. Pendant toute l'opération, il dédaigna bien entendu la présence de la jeune demoiselle que le médecin venait d'envoyer aux fourneaux. Lorsqu'il eut enfin la permission de refermer sa mâchoire, il se frotta les lèvres et s'adressa laconiquement à la cuisinière unanimement élue.

C'est une très bonne idée. Allez donc nous faire à manger Matalena, avec le sourire charmant qui vous va si bien. Trouvez-nous du pain et un porcelet, cela fera amplement l'affaire. Suite à cela, je vous fais la promesse qu'en compagnie de nos valides, nous partirons à la chasse au gros gibier qui est en soi une image de la guerre, à laquelle je vous formerais.

En chasse comme en bataille, on y emploie mille ruses et stratagèmes pour vaincre un ennemi rétif sans risques ; on y endure un froid rigoureux et des chaleurs intolérables, on y apprend le mépris de la paresse et du sommeil dans la fortification de son corps, la fulgurance de son esprit d'initiative, et l'acuité de son agilité. En un mot, c'est un exercice auquel on peut se vouer sans nuire à personne et qui donne du plaisir à bien des gens.


La pauvrette après cela mériterait sans doute une médaille. Il se rangea l'idée dans un coin de la tête. Cela pourrait sans doute lui servir, pour plus tard. L'impertinent en toc, formidable d'incorrection italienne, aurait quant à lui toutes les difficultés à ne pas se retrouver borgne au terme de leur entretien. C'est que le Chevalier avait le coup de Sica facile, dans ses mauvais jours et son médicastre avait sans doute sur lui plus à prendre qu'à recevoir. Mais en présence d'une dame, Sancte Iohannes lui épargna une quelconque avanie. D'autant plus que le centre ville n'était pas loin. On aurait connu assassinat plus discret.

Donc ! Quel est votre verdict, docteur ?
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Sancte Iohannes - Humble mais néanmoins Mirifique Gouverneur de Montauban-la-Réformée.
--Sir_apollodoro
Grand dieu oui, qu’elle aille faire à manger ! Qu’elle aille au marché acheter du gibier et de la picole, n’importe quoi, mais qu’enfin elle parte d’ici. On avait pas idée de se mêler des affaires d’hommes. Non, mais c’est ça les femmes ! tout à fait n’importe quoi ! Et que ça veut monter à cheval, et que ça veut faire des affaires… et y’en a même qui disent qu’ils l’ont vu boire de la bière. Et puis quoi encore hein ? L’abolition du rite de cuissage et le droit de vote pour les femmes ? Ah, ah quelle blague ! Rien que d’imaginer qu’une femme puisse prendre part aux affaires politiques avait le don de le faire marrer. Il ricana d’ailleurs avant de fondre avec une vivacité un brin obscène en direction de la bouche du seigneur à la dentition aléatoire. Ses doigts non gantés –faut pas déconner, l’hygiènes, c’est pour les tantouzes- s’affairèrent à ouvrir un peu plus sa bouche tandis que ses yeux scrutateurs jugeaient de l’ampleur de la tâche. Tout en tripotant allégrement ses gencives il ne put s’empêcher de lâcher un sifflement admirateur.

-Ma senior, vous avez des yencives MA-NI-FI-QUES ! Yé n’avais pas vu dé yencives aussi belles dépouis qué… ma… yé crois bien que y’en ai yamais vu d’aussi belles. C’est oune plaisir dé travaillé dans oune bouche aussi bella, si, si !

Il finit tout de même par retirer ses mains de la bouche du seigneur, parce que tout de même, faut pas déconner. Le Seigneur italien, roi de la dent cariée, fléau des aphtes et pacificateur des gencives irritées hésita un instant avant de consentir à essuyer ses nobles mains souillées sur l’étoffe de ses fringues toutes aussi nobles.
Puis, il annonça enfin le verdict :


-Ma cé né pas oune ploblème poul moi ! Yé vé vous posarer des dents à Pivoute.

Pivoute ? Bernard Pivoute ?

-Vous avez dé l’argento ou di métalo porqué yé lé fassé fondle ? Si vous n’en avez pas célé séla plou cher !

Il se frotta les mains d’avance en espérant ne pas être payé en poulets ou en hectares de terres pourries.


-Mainténant yé vé faile ouné moulage dé votlé machoile poule voir la taille dé dents qué yé vé dévoile vous poser.

Il tira de son sac ce qui semblait être un bloc de plâtre sous vide –emballage bio-dégradable- avant de le tendre au sieur à la mâchoire magnifique.


-Cloquez là dédans senior ! Allez !
Sancte
Il était bonne poire quand même le Sicaire, pour donner du crédit à de telles élucubrations. Mais il fallait dire que contrairement à beaucoup, il était très sensible à la flatterie. Si, si. Du coup, il ne comprit pas vraiment l'ironie ou l'exagération des compliments qu'on lui faisait, et se mit réellement à croire à l'exceptionnelle beauté de ses gencives. Il le savait qu'il n'était pas un être comme les autres. Il le savait ! Du coup, il se laissa gaillardement triturer les gencives, dans l'impossibilité morale de se rebiffer, encourageant même le médecin à y rejeter un coup d'oeil afin de lui en mettre plein la vue. Ahahah, bientôt, grâce à ses dents or et argent chaussant des gencives divines, il saura prendre ses -nombreux- contempteurs au mot et leur couper le sifflet.

Vous avez sans doute raison, monsieur Pallangrano del Nespresso. Mais relativisez je vous en prie, ce ne sont que des gencives ! lâcha-t-il dans un élan inopiné de fausse modestie. Vous allez m'embarrasser. Langue affutée vaut toujours mieux que gencive saine, au même titre que la bonne renommée est plus estimable que le port d'une ceinture dorée. Le médicastre Italien semblant au moins aussi cupide que lui, il lui adressa un sourire entendu, tant les deux hommes semblaient relever tous deux de la même hypocrisie. Il s'avisa pourtant de lui cacher subséquemment ses autres tares. En exposer une seule était largement suffisant en l'instant. Mais dans un premier lieu, donner sa décision.

Hé bien va pour les dents à Pivoute !

Il n'avait aucune idée de ce que c'était, ne connaissant aucun Bernardo de ce patronyme.

Monsieur Nespresso a écrit:
Vous avez dé l’argento ou di métalo porqué yé lé fassé fondle ? Si vous n’en avez pas célé séla plou cher !


Hé bien ce sera plus ch... Attendez ! L'illumination. Il se tourna vers Tetard. Matalena, cours rapidement dans la grange et va me chercher la St Just. Tu entres, tu dis: "Une bouteille de Bordeaux pour 3 écus, ça intéresse quelqu'un ?", et la première qui te répondra, ce sera elle. Une fois identifiée, tu me la ramènes. Un ton plus bas.Par contre, ne lui dis pas que c'est une blague. Pour le vin je parle. Elle risquerait de mal le prendre. A l'Italien: Je vais vous le fournir, moi, le métal. Et pas de la petite merde de contrefaçon Roergate, vous verrez.

Sur ces bons mots, il glissa une bourse rondelette dans la poche de monsieur Nespresso, dans l'intention légitime de se prêter main-forte. Il y a là de quoi vous acheter deux bouteilles identiques dès que vous en aurez l'occasion. Prenez-en une pour vous, l'autre sera pour moi.

Désormais à l'arrêt, il avait tout le temps d'appréhender la venue de son infâme poulette Comtale, à laquelle il devrait expliquer qu'il lui fallait percevoir quelques uns de ses bijoux en échange d'une terre saine à Montauban. Qu'il réquisitionnerait probablement sur place au premier connard venu à coups de pelles dans la gueule. D'ailleurs, il connaissait un très bon Spinoziste pour s'occuper de ce genre de travail. Iohannes comptait vraiment dans ses relations toutes sortes de gens infréquentables.

Va pour le moulage, donnez-moi votre espèce de pâte abjecte là.

Et il mordit dedans à s'en abîmer les dents. Bordel de merde, même lors du saccage de Pau où il avait perdu une moitié d'oreille il n'avait pas eu l'air si con. Il offrit sans nul doute à son vis-a-vis quelques secondes de pure jouissance, alors qu'il tentait de lâcher quelques bribes de commentaires les dents dans le plâtre. Il se demanda d'ailleurs s'il n'allait pas commander un buste complet au médecin s'il lui en restait suffisamment. Pour décorer son bureau de Tribun. A Montauban. Enfin il finit par déballer le moule de sa dentition imputrescible, jetant quelques vifs coups d'oeil en direction de la grange, où la dame terrible du Béarn devait faire son apparition, les mandibules agressives et le teint probablement fort médiocre.

Voilà vot' machin. dit-il en le lui rendant.
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"Aux hommes la droiture et le devoir, et à Dieu seul la Gloire !"
Sancte Iohannes - Humble mais néanmoins Mirifique Gouverneur de Montauban-la-Réformée.
Gnia
Si on lui avait dit que sa virée "Terroir, Vins et Autres Spécialités du Sud Ouest" se terminerait à mijoter lentement à l'étuvée dans une grange à foin, la respiration sifflante et à cracher du sang telle la soupape affolée d'un autocuiseur sous pression, elle aurait probablement prévu du rab d'un tord-boyau quelconque.
Ne serait-ce que pour oublier.

En lieu et place, on avait le droit à des séances de lectures qui menaient la Saint Just, aussi surement qu'une ou deux carafes d'hypocras, dans les limbes d'un sommeil agité et enfiévré où chimères et fantasmagories s'accouplaient sans vergogne. Comme la myriade de mouches qui ne cessait de bourdonner autour d'eux, complétant de la plus charmante façon sonore qui soit le décor de cette intermède champêtre.
Bref, en matière de retraite bien méritée après deux mandats épuisants à régner en despote éclairée sur une bande d'agités du bulbe, le moins qu'on puisse dire c'est que l'on avait espéré quelque chose de moins... rustique.

C'étaient les voix qui l'avaient tirée d'un rêve délicieux où elle trempait dans un bain aux suaves senteurs, un échanson façon éphèbe bodybuildé posté à ses côtés remplissant le tonneau des Danaïdes qui lui servait de gobelet d'un divin nectar pourpre. Délicieux rêve jusqu'à ce que le vin se transforme en poison - comprendre en eau, que l'eau du bain prenne une teinte cramoisie à l'odeur douceâtre et écoeurante et que l'adonis tente de la noyer dans son sang.
Réveil en sueur.
Une nouvelle quinte de toux lui déchira la poitrine où elle était persuadée qu'il restait encore un bout de ce foutu carreau d'arbalète. Elle essuya la petite bave rosâtre qui lui coulait le long de la commissure de la bouche d'un revers de chemise et entreprit de se lever. Elle étouffait dans cette bâtisse et puis, curiosité oblige, elle voulait savoir ce que son infernal sicaire était encore en train de magouiller.
Et bien lui en prit.

Elle approchait à pas prudents pour ménager son souffle vers la petite troupe réunie dans la cour de la grange quand elle saisit des bribes de conversation. "Saint Just... Bordeaux à 3 écus..."

Rhoo purée ! Byzance ! Fêtes et libations, orgies et ripailles ! On avait dégotté un marchand de vin !

La suite la conforta dans cette idée. Son ténébreux mercenaire mordait probablement une pièce pour montrer au brave négociant que l'on ne tentait pas de l'escroquer. Quelle fantastique abnégation lorsque l'on savait que les dents justement lui faisaient défaut...

Malgré son état pitoyable généralisé Agnès ne se serait départie pour rien au monde de ce petit air dédaigneux qu'elle arborait en presque toutes circonstances et dont elle gratifia les nouveaux arrivants avant de lancer d'un ton mordant


Mon cher Iohann, vous seriez-vous enfin décidé à nous abreuver d'autres choses que de lecture insipide ?
Le Très Hauct soit loué...

J'imagine que vous vouliez me faire mander pour goûter le vin ? Magnifique présence d'esprit...


Son regard furetait autour du marchand et des montures à la recherche de la charrette chargée de tonneaux, mais rien... Son front se plissa. Incompréhension et contrariété naissante faisant le reste, c'est un sourcil interrogatif qui exprima tout son désarroi à son heaume, le tribun casqué de Montauban. Y'avait de quoi créer une légende avec ça...
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Tetard
[Pendant ce temps, à Bouseux Land]

"Quand je serai grande je serai une super guerrière et tout le monde il aura peur de moi !" étaient les quelques mots qui cristallisaient son rêve d'enfance. "Ferme ta gueule et va faire à bouffer pétasse !" étaient les quelques mots de son géniteur qui cristallisaient la différence entre le rêve et la réalité.
Elle se demanda si un jour viendrait dans l'histoire de l'humanité où la femme ne paierait plus son péché de gourmandise par tout un lot de corvées plus inintéressants les unes que les autres. Qui sait, on recommanderait peut-être même de manger des pommes ? Finalement, que ce soit en Guyenne, Languedoc ou Périgueux, elle se retrouvait toujours le bec dans l'eau à se cramer la poire sous un soleil plombant pour faire un truc de merd*, au sens propre ou figuré. Elle qui se voyait déjà voler au secours du redouté tribun de Montauban, secondée par un vaillant médicastre que n'effrayait ni la tripe ni l'hémoglobine, sauvant les blessés à même le champ de bataille... Les sabots de leurs terribles chevaux de guerre soulevaient des mottes de terre larges comme des galettes bretonnes. Fière et droite sur sa jument ébène, son regard d'aigle fixait le champ de débris sans ciller, infaillible, lorsqu'elle repéra sa cible. Par ici médicastre ! Ils tournèrent bride brusquement, et traversèrent les monceaux de cadavre qui annonçaient la cruauté du combat ayant eu lieu céans. Le sire Sancte était là, couché sur le côté, une lame brisée traversant son flan gauche, sa cotte de mailles recouverte d'un sang épais alors qu'il luttait en héros avec la mort qui souhaitait fermer ses yeux quand soudain, AHA ! Ces lâches ennemis refaisaient surface, à cent contre dix, profitant de la faiblesse de leurs adversaires pour les attaquer dans le dos !


Ne craignez rien messire, je m'en vais occire ces malandrins de ma fidèle épée ! YAAAAAAAAAAAAAA !

Son bâton alla se planter dans une touffe d'herbe sur le bord de la route. Le lapin qui s'y nourrissait peinard lui lança un regard narquois avant de lui présenter la touffe blanche de son postérieur et partir dignement lapiner plus loin.
Bon, c'était pas gagné... Personne à gauche, personne à droite, elle récupéra son bien et traça sa route vite fait.
Mais le sieur Sancte avait promis de lui montrer la chasse comme la pratiquait les grands de ce monde, rien à voir sans doute avec ses petits pièges miteux qu'elle posait discrétos en hiver sur les terres de son seigneur pour agrémenter les jours de vache si maigre qu'on ne pouvait plus rien en tirer. C'est donc avec toute la bonne volonté que pouvait lui conférer sa naïveté absolue sur le bon fond du genre humain que la donzelle trainait ses guêtres à travers champs, à la recherche d'une proie apte à satisfaire l'appétit d'un guerrier diminué par l'insurmontable amputation de trois quenottes et d'une grande folle en soieries. Chercher le meilleur médicastre puis la meilleure truie... Fallait-il y voir une analogie de bon aloi ?


Par derrière chez ma tante, il y a-t'un p'tit moulin
Ce sont trois demoiselles qui vont faire moudre leur grain

Ah revenez donc tous , nous sommes des doux
Nous sommes des gars des gars des filles d'amour
Revenez au moulin, car il va l'train-train,
Car il va l'bon train mon moulin
Car il va l'bon train pour moudre

Ce sont trois demoiselles qui vont faire moudre leur grain
Moi j'ai pris la plus jeune, je la jette sur le grain

Ah revenez donc tous , nous sommes des doux
Nous sommes des gars des gars des filles d'amour
Revenez au moulin, car il va l'train-train,
Car il va l'bon train mon moulin
Car il va l'bon train pour moudre

La belle s'est endormie sur l' tic-tac du moulin
Réveillez- vous la belle car votre sac est plein !


En parlant de plein, c'était-y pas une bonne truie bien grasse que voilà ? Et son non moins gras propriétaire juste à côté ? La damoiselle stoppa des deux pieds devant la petite masure isolée en pleine pinède le temps de détailler l'animal et son propriétaire. Le regard vif, l'œil brillant, la pense charnue et la peau délicatement rosée... L'animal hein, pas le propriétaire. Celui-ci était justement occupé à la nourrir d'un grain épais et riche, et releva vers elle son visage au nez écrasé recouvert de veines éclatées en toile d'araignée. Exactement ce qu'elle cherchait, le sire serait content. C'est en déployant tous les trésors de la langue et de l'accent qui mettent en confiance les vilains quand ils se retrouvent entre eux qu'elle s'adressa à lui.

Bonjorn l'Georges, combien c'est-y qu't'y vend ta grosse et tes mousserons que j'vé sous l'arbre tantôt, hé ? L'seigneur veut faire francherepue et je ferai bien grailler celle-ci au guiguet 'stoire qu'y soit content d'moué, s'r'ait bien capable de m'esmoignoner ou m'cingler à mort si j'm'acquitte point ben d'mes corvées...

Nul doute que peu de gens parmi les dignes beaux-parleurs qu'elle s'apprêtait à rejoindre eurent pu suivre ce monologue... Le gueux en revanche n'en loupa pas une miette, et c'est la mirette partagée entre méfiance et effroi qu'il considéra le freluquet bout de femme, évaluant ses dires. Elle crut bon d'ajouter, sur le ton de la confidence :

Le répète à personne, tu m'as pas l'air d'un coquebert et ton entendement va te sauver la mise : j'suis asservie par un foimenteor de sicaire du Lion... Tu sais d'quoi je jacte hein, à la nuitée y peut très bien me faer avec ses devinances, aussi si tu m'refuses la truie il deviendra ton pire tourmenteur et te viendra douloir... Parait même qu'il aurait des tendances fot-en-cul...


C'est le sourire large comme le Tarn que la belle reparti sur les chemins, une truie en laisse au poignet, un panier de champignons frais cueillis sous le bras, et trois bouteilles de bon rouge dans sa besace.
Encore une victoire de Tétard !
Sancte
[Vent campagnard et Nez retroussé.]


En voyant l'état de délabrement avancé de la St Just, on ne pouvait que rallier l'idée qu'il n'y avait effectivement pas loin du Capitole à la roche Tarpéïenne. Fort heureusement, en dépit de toute déchéance, Sa Grandeur n'avait absolument rien perdu de son mordant, ce qui contribua à un regain de nervosité chez notre héros favori.

Mais par bonheur, les augures se montraient favorables car avant qu'elle n'intervienne, il avait déjà pris ses dispositions dans l'optique de devancer toute contrariété de sa part, sans compter que la priver plus durablement de boisson aurait contribué à maintenir son visage défait même si au fond, il savait pertinemment que des centaines de pintes n'auraient pas suffit à étancher sa soif. En exagérant à peine. Quoiqu'il en soit, pris sur le fait, il avait de nouveau raté une belle occasion de se taire, ce qui ne l'empêcha pas de lui rétorquer avec la fermeté qu'on peut attendre d'un fidèle allié lors de la contre-attaque d'une façade que l'on songe à exterminer.


Je répète à madame la Comtesse -ou peu s'en faut- que si elle se trouve trop sotte pour mériter le bénéfice qu'elle pourrait retirer de mes lectures, je suis pour ma part bien trop sage pour chercher à l'en priver.

Il s'agissait là d'une profonde contradiction. Fallait-il être borgne pour ne pas s'apercevoir que la St Just était faite du meilleur aloyage et qu'elle méritait par conséquent d'avoir l'esprit occupé par bien d'autres choses que des vapeurs d'alcool ? Ainsi, au travers d'une accentuation Occitane il crut bon de lui faire remarquer:

Notez cependant que je ne vous fustige en rien, car ... :

Ainsi parlait Assad, pélerin du Lion - III a écrit:
Ô toi qui te crois sage encapuchonné, ne blâme pas ceux qui s'enivrent ;
Laisse de côté l'orgueil et l'imposture de la tonsure.
Pour goûter ici-bas un peu de la sérénité du Ciel,
Incline-toi vers ceux qu'on humilie, vers les plus vils.


Désormais détendu pour avoir déployé ses ressources humaines et sa trésorerie à bon escient et pour avoir dissipé toute crainte, il tira sur la languette de sa sacoche pour en ôter une belle outre de vin. Espagnol, certes, mais de vin quand même. Armé d'un si fidèle allié, il revint vers l'Artésienne pour recevoir ce qu'il attendait d'elle.

Une de mes innombrables servantes est partie chercher de quoi faire ripailles et ce monsieur ici présent ne va pas tarder à nous ramener une bonne bouteille de Bordeaux. Et croyez bien que je réponds d'eux comme de mes frères !

Une terrible expression de scepticisme se profilant sur son faciès vint brusquement démentir son propos, tandis qu'il biffait des carnets de sa mémoire quelques expériences traumatisantes en la matière. Incapable de mutisme, il opta donc pour un changement de tonalité dans le discours.

En échange, soyez rassurée, je ne vous demanderais rien de ce que la morale pourrait réprouver. Grand Dieu, surtout pas ! Mais si vous pouviez me faire l'aumône de quelques bibelots en or ou en argent desquels vous ne retireriez plus d'utilité immédiate, ma foi, l'échange de bons et loyaux services me paraîtrait d'un coup fort équitable. Ne dit-on pas d'ailleurs qu'il n'y a que les bons comptes qui font les bons amis ?

Elle ne goberait jamais ça ... Mais pour connaître assez bien la dame, il savait qu'elle était capable de feindre parfois la capitulation, malgré les expressions maussades de sa mauvaise trogne.

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Sancte Iohannes - Humble mais néanmoins Mirifique Gouverneur de Montauban-la-Réformée.
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