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[RP]Dans le port de Marseille, y a des gamines qui traînent…

Aure
Ouverture de n’œil, papillonage de paupières, étirement de bras et bâillement en règle après une sale nuit, bien trop courte comparé à toutes celles qu’elle avait vécu avant la veille. Appuyée sur sa main droite, Aure relève un peu son museau, faisant glisser la capuche de la grande cape maternelle au bas de son cou. Les opales tournent et virent, observent chaque recoin. Le visage n’est pas encore barbouillé de saleté après une nuit passée dehors.
Une nuit…
La première, mais serait-ce la dernière ?
La gamine s’assoit en tailleur, cape toujours sur les épaules. Le vêtement lui a servi de drap, de couverture et de cachette pour la nuit. Pis surtout, y’avait l’odeur de la mère, la daronne qui avait rendu l’âme la veille. Moue angoissée qui se pose sur son visage, mais les larmes ne viennent pas. La mère lui avait toujours interdit de chialer comme les autres gamins de son âge. Mais n’empêche, elle en verserait bien une ou deux de larmes là, la Aure, parce que quand même, celle qui l’avait élevée venait de crever.

Le regard accroche le bateau amarré non loin, qui tangue sous les clapotis de la Méditerranée. Cette mer qu’elle a toujours connue, depuis qu’elle a poussé son premier cri dans la maison de passe, située dans cette ruelle non loin du port. Toujours, elle a eu dans les narines cette odeur de poiscaille. Toujours, elle a eu dans les oreilles les cris des marins. Marins qui fréquentaient quotidiennement le bordel où la mère travaillait. Elle avait poussé là dedans, la Aure, au milieu des catins, gentilles au demeurant, du moins pour certaines, et de la gaillarde matrone qui menait sa maison d’une main de maître. Au milieu des hommes, bruns, blonds, roux, petits, gros, sales, bourgeois, parfois, au regard torve ou bienveillant. Et toujours, ils ramenaient dans le bouge cette odeur de sel, de mer, de sable, d’ailleurs.
Aure s’était toujours demandé ce que ça faisait de voyager sur un de ces rafiots, de fendre la mer, de grimper sur ces mâts immenses, de déplier les voiles… et de vomir ses tripes par dessus bord aussi. Ouais, elle avait entendu qu’on pouvait avoir le « mal de mer » et que ça vous faisait vider l’estomac. Gamine, elle avait eu du mal à comprendre ce que cette expression voulait dire. Comment qu’on pouvait avoir mal à la mer ? Bizarre.
Maintenant que la daronne avait poussé son dernier soupir, emportée par une pneumonie fulgurante, ptêt bien que la gamine allait se lancer dans l’aventure.

Oh, elle aurait très bien pu rester au bordel, tenu par sa tante, la sœur aînée de sa mère. C’était d’ailleurs pour ça que la mioche avait grandi là-dedans, que la mère avait pu accoucher dans l’enceinte même de la maison. Parce que c’était une histoire de famille. Aurèle, la tante, aurait jamais laissé sa sœur pondre son gosse n’importe où, même si ça la dérangeait pas de la faire travailler comme putain. Et même à son âge, dix ans, presque onze dans un mois, la Aure sait très bien en quoi consiste le travail.
Elle l’avait pas su tout de suite, se contentant d’observer les allées et venues des hommes dans la maison à travers la fenêtre du dernier étage, là où on la collait dès que la nuit tombait. Fallait pas qu’elle sorte de la chambrée d’ailleurs, sinon elle se serait fait souffler dans les bronches. Pis toute façon à cinq ans, les bras de Morphée l’emportaient assez rapidement, à peine réveillée pendant la nuit par les cris des hommes qui sortaient du bordel et qui reprenaient la direction du port, ou alors de tavernes ou d’auberges du quartier.

Sauf qu’elle avait grandi, et que sa curiosité avait grandi avec elle. Trois ou quatre ans plus tard, elle s’était efforcée de rester éveillée. Chemise de nuit sur le petit corps frêle, la brune gamine avait veillé jusqu’à tard dans la nuit. Et pis elle avait fini par s’endormir comme une gourde. Un cri l’avait cependant réveillée alors que l’aurore n’avait pas encore pointé son nez. Ses quenottes avait été dévoilées par un long bâillement, son corps ankylosé d’avoir passé une partie de la nuit sur une vieille chaise à moitié empaillée. Après un secouage de trogne, elle s’était enfin rappelé le pourquoi du comment qu’elle était assise là. Elle voulait savoir ce qui se tramait toutes les nuits dans la maison. Elle avait une petite idée. Ils devaient sûrement jouer aux cartes, aux dès, en buvant de l’alcool. Parce que ouais, m’sieurs dames, elle avait déjà vu des gens bourrés comme des coins, et la daronne lui avait expliqué pourquoi, lui montrant une bouteille. Même qu’elle lui avait fait boire une gorgée du contenu pour bien la dégoûter. Faut dire que sa mère avait une drôle de façon de lui apprendre certaines choses…

Ses petits petons avaient alors traversé en silence la pièce sombre. La Aure avait ouvert la porte, faisant bien attention à pas la faire grincer. Certaines avaient l’ouïe fine dans ce bouge, fallait pas se faire attraper. Doucement, elle avait descendu les marches qui menaient au premier étage. Cœur battant, la mioche avait bien vérifié que personne ne traînait dans le couloir. Il était vide, mais elle entendait des rires monter du rez-de-chaussée, des chuchotements derrières les portes, et des sortes de bruits bizarres, comme des gémissements. Étrange…
Curiosité, quand tu nous tiens…
En premier lieu, elle avait essayé de voir ce qui se passait dans une des pièces en collant son œil droit à la serrure. Mais elle n’avait pas vu grand chose. Les bougies n’éclairaient pas beaucoup la chambrée. D’ailleurs, elle s’était même dit que ça devait pas être très pratique de jouer aux cartes avec si peu de lumière. Alors, cœur tambourinant encore plus dans sa poitrine, pas par peur de ce qu’elle allait découvrir, non, mais plutôt de se faire choper, elle avait entrouvert la porte. Son petit visage s’était glissé dans l’entrebâillement, son regard accrochant un lit. Et sur ce lit, sa mère. Et sur sa mère, un homme.

Pas facile de piger au début, elle avait eu un instant d’incompréhension. Qu’est-ce qu’ils faisaient tous les deux nus là-dessus ? Et surtout, pourquoi qu’ils bougeaient autant dans tous les sens ? Et pis encore, pourquoi qu’ils poussaient des gémissements et des cris comme ça ?
Yeux ronds, bouche dans le même état, la fillette n’avait pu décrocher son regard de ces ébats, qu’elle découvrait pour la première fois, sans vraiment en comprendre le sens. La seule chose qui lui était venu en tête à ce moment là avait été :


Mais c’est dégueuuuuuuuu

Ptêt qu’elle l’avait juste pensé, ptêt qu’elle l’avait dit à haute voix, impossible de se rappeler. Mais toujours est-il qu’en un dernier râle l’homme s’était écroulé sur le corps de sa mère et que le regard de la daronne avait finalement croisé le sien. Elle avait pu voir d’abord de l’étonnement dans ses yeux, et ensuite quelque chose de plus incompréhensible. Rouge pivoine, Aure avait fait demi tour et était remontée quatre à quatre dans son pieu, se couvrant de son drap, la tête encore remplie de ces images folles. Elle s’était attendu à ce que sa mère se pointe rapidement, lui passant un savon mémorable. Mais non.
Aure avait mis du temps à s’endormir cette nuit là , beaucoup de temps. Mais comme tous les enfants de son âge, le sommeil avait fini par l’emporter. Et au matin, le visage de sa mère, étrange regard encore accroché à ses prunelles, s’était dessiné devant elle.


Aure, faut qu’on cause…

Sagement, la mioche s’était assise dans le lit, observant sa mère, attendant les explications qui allaient venir. Sans aucune pincettes, la daronne avait pris la parole.

Ma fille, chuis une catin, j’vends mon corps aux hommes qui en veulent bien.

Alors là, la Aure l’avait regardé avec des grands yeux étonnés. Vendre son corps, ça voulait dire quoi ?

Tu vends comme… comme quand on va au marché et qu’on achète du pain ?

Ptite voix qui s’était fait entendre, la gamine avait essayé de comprendre, se grattouillant ses cheveux bruns au passage. Sa mère avait hoché la tête et avait repris la parole.

Les hommes, Aure, ils achètent du plaisir. Ça s’appelle faire l’amour. Chuis un peu comme le boulanger qui vend son pain, et c’est moi qui fait le pain moi-même, tu comprends ?

Pas sûre qu’elle avait tout pigé la gamine, d’ailleurs ça devait se voir dans son regard un peu perdu.

Mais… le boulanger il vend pas son pain tout nu…

Et là, la mère avait tout déballé. Tout. Sans prendre de gant, parce qu’en fait, elle en prenait jamais. A neuf ans, elle avait tout appris. Comment qu’on faisait les bébés, comment que les adultes se retrouvaient tous nus dans un lit à faire des machins-choses, comment que sa mère gagnait sa vie. Ce matin là, elle avait rien pu avaler et avait filé au marché, l’air encore ébahi sur le visage, et elle avait regardé le boulanger avec un drôle d’air…

C’est pour ça que la veille, alors que la daronne venait de pousser son dernier souffle, elle avait pris la tangente. Sa tante s’était tournée vers elle, regard perçant. Elle avait évalué toutes les courbes de son corps, sa poitrine naissante, ses jambes, et un étrange sourire était apparu sur son visage. Et elle avait compris. Compris ce que sa tante voulait faire d’elle, compris que sa mère avait du l’en empêcher depuis quelques mois, parce que ce regard, elle l’avait déjà senti sur elle. Mais jamais accompagné de ce sourire. Mais Aure n’était pas prête. Pas prête à sentir les mains d’un homme sur son corps, pas prête à faire comme faisait sa mère, non.
Ça serait quand elle en aurait envie, point.
Le regard franc de la gamine s’était fiché dans celui de sa tante. Son caractère s’était affirmé depuis quelque temps, et elle était bien décidée à ne pas se laisser faire. Et voilà comment elle s’était retrouvée dans la rue tard cette nuit là, petit gabarit de onze ans suivant l’ombre des ruelles, se cachant dès qu’elle entendait des pas.

Et finalement, elle avait atterri devant les quais, dans un petit recoin, son corps tout entier planqué sous la cape de la mère, dernier souvenir de la grande blonde qui lui avait donné la vie. Avec également le petit peigne qu’elle avait réussi à lui subtiliser sur son lit de mort, celui sur laquelle elle avait toujours lorgné, fiché maintenant dans ses cheveux.
Les souvenirs fugaces ont traversés son esprit, comme des petites piques douloureuses. Mais il fallait avancer. La daronne lui avait quand même appris pas mal de choses. Jouer de son sourire, de son regard, et du corps qui se transformerait bientôt en celui d’une femme, pour obtenir ce qu’elle voulait. La Aure se lève enfin, finissant de s’étirer, opales tournées vers le soleil et gargouillement dans l’estomac.
L’était temps de se trouver à grailler.

Une nouvelle vie commence.
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